Interview de Luca Cordero di Montezemolo… (Ferrari)
Les voitures de luxe restent sèches sous l’orage de la crise…, la crise financière et économique que le peuple des gnous subit dans le monde entier, touche également les constucteurs de voiture “hors normes”, sauf qu’a l’inverse des petits commerçants plaintifs, les grandes marques affichent des considérations “autres”, afin de ne pas trop éclairer la scène…
McLaren, Ferrari, Lamborghini, Bentley et autres…, sonnent comme des cloches d’une autre tonalité, éditent leurs bilans et perspectives dans d’autres registres… et jouent une partition différente que celles des constructeurs généralistes comme Renault, Peugeot, Opel ou Fiat.
Les marques de voitures de luxe osent dévoiler des modèles vendus entre un et trois millions d’euros, affirmant tout sourire de dentiers sur-mesure, que le luxe, ne connaît pas la crise.
Si les ventes de voitures en Europe ont baissé de 8,2% l’an dernier, affichant leur plus faible niveau depuis 17 ans, les voitures de luxe resteraient, disent les dirigeants de ces firmes, un segment d’activité traditionnellement stable dans le temps et peu affecté par la crise…
Luca Cordero di Montezemolo, dans les derniers jours de son poste de Président Directeur Général de Ferrari, avait évoqué les difficultés de l’industrie automobile, les résultats de son écurie en Formule 1 et ses éventuels débuts en politique.
– Ferrari prétend être l’une des rares marques de voitures à surmonter la grave crise qui frappe ce secteur en Europe. Est ce un mensonge stratégique ? Est-ce parce que vous vous placez sur un marché de niche ? Ou y a-t-il d’autres raisons à ce succès ?
– Luca Cordero di Montezemolo, président de Ferrari : Cela dépend de trois facteurs : un investissement d’ampleur dans l’innovation qui fait que nous avons une gamme de voitures particulièrement novatrices ; nous avons aussi mené un vaste plan pour nous développer davantage à l’international (nous sommes aujourd’hui présents dans 60 pays dans le monde avec Ferrari) et puis, c’est aussi dû à un certain nombre d’actions vis-à-vis de nos clients pour améliorer leur satisfaction et inciter ceux qui possèdent une Ferrari à penser qu’ils font partie d’une sorte de club grâce à la personnalisation et même la possibilité d’acquérir une Ferrari faite sur-mesure…
– Il est probable que vos clients se préoccupent peu du prix du pétrole. Pour autant, les voitures Ferrari continueront-elles à rouler longtemps au pétrole ?
– La réponse est oui parce que personnellement, je ne crois pas trop aux véhicules électriques. Mais nous travaillons dans deux directions. Première piste (et nous en voyons déjà les résultats) : des technologies qui permettent de réduire davantage et de manière significative, la consommation de carburant (on parle d’une baisse de plus de 30% par rapport aux précédents modèles) et de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Autre direction : la voiture hybride : nous lançons à Genève la première hybride Ferrari qui s’appuie aussi sur l’expérience du KERS en Formule 1 : ce système de récupération d‘énergie, d‘électricité propre, produite lors du freinage de la voiture (et des véhicules aussi puissants que les nôtres génèrent beaucoup d‘énergie). Nous travaillons dans cette direction sans perdre de vue deux caractéristiques essentielles : ce frisson de conduire une Ferrari et ces sensations qui ne sont pas tant causées par une vitesse maximale, mais par l’accélération, le sentiment de puissance et la passion du volant.
– Votre voiture, baptisée pompeusement ‘LaFerrari’, selon d’autres de vos dires, confirmés par des documents, si elle est hybride, ne peut pas pour autant utiliser son système électrique pour avancer d’un point A vers un point B ! Or ce système pèse 150kgs au moins, occupe une grande part du volume utile (pour autant qu’il y a un volume utile dans une Ferrari) et coûte fort cher ! Pourquoi venir avec de telles fausses solutions ? Sans le dire, je pense qu’on frise la tromperie commerciale et l’escroquerie intellectuelle !
– Je ne répond pas à ce genre de question…
– Je note votre refus de répondre. Vous avez dirigé Fiat pendant sept ans. Si vous étiez aujourd’hui, à la tête d’un constructeur de véhicules pour le grand public, que feriez-vous face à la crise ?
– C’est une question à un million de dollars, mon salaire de base net…, même si aujourd’hui, un million de dollars, cela ne représente peut être plus beaucoup.
– C’est 85% du prix que vous demandez pour “LaFerrari” !
– Ce que je ferais, serait, comme j’ai toujours essayé de le faire chez Ferrari, de créer de belles voitures. Je pense que quelle que soit l’activité qu’on a, on ne peut la séparer du produit. On peut avoir une bonne image, une bonne situation financière mais l’essentiel, c’est le produit. Je pense que c’est l‘élément numéro un. Autre chose à faire : et c’est ce que font de nombreux constructeurs comme Fiat, c’est de mettre en place des synergies fortes avec des partenaires dans le domaine des pièces et des moteurs pour réduire les coûts. Je pense et j’en ai toujours été le partisan, j‘étais président lorsque nous avons conclu les premiers accords avec Chrysler…, que l’alliance de Chrysler et de Fiat signifie non seulement le salut, mais aussi le développement.
– Vous savez probablement qu’une controverse fait rage en France au sujet de ces entrepreneurs qui veulent émigrer pour payer moins d’impôts. Pensez-vous réellement que la pression fiscale peut être une bonne raison pour quitter son pays ? Vous-même vous…
– Je vous coupe, car je dois dire que oui, mais cela dépend de la taille des sociétés. Agir en tant qu’entrepreneur et en tant que citoyen, mais d’abord en tant qu’entrepreneur, dans un pays où la pression fiscale est aussi élevée, à un moment donné il y a un risque que vous soyez moins compétitifs que vos concurrents dans d’autres pays.
– Ca ne veut rien dire ! J’aimerais assez que vous ne noyez pas le poisson !
– J’ai dit récemment en Italie qu’il était juste que les plus riches payent plus. C’est absolument juste parce que c’est normal. Et c’est même une belle idée, mais à deux conditions : à l’heure où l’Etat demande aux citoyens de faire des sacrifices, il doit être le premier à en faire. Et la deuxième condition, c’est que l’Etat dise clairement à quoi vont servir mes impôts parce que et je répète que si on est riche, il est juste de payer plus… si mes impôts vont financer les dépenses du gouvernement ou alimenter la corruption ou les dépenses publiques, dans ce cas-là je ne suis plus d’accord.
– Je suis déçu d’une telle réponse populiste !
– Ferrari a traversé des périodes de crise profonde sur les circuits, mais a aussi été à l’origine de retours fracassants et de renaissance.
– Les grandes marques de voitures luxueuses et sportives ont toujours flatté le pouvoir et apprécié les retours d’ascenseurs, Mercedes/VW en Allemagne nazie, AlfaRomeo/Lancia en Italie mussolinienne !
– C’est ainsi, pas de commentaires !
– De quoi a besoin votre équipe pour faire face à la plus difficile des époques ?
– De vos lecteurs… Vous savez qu’il n’est pas toujours facile de gagner et qu’il est encore plus difficile d’enchaîner les victoires. Partant de là, ce qu’il faut, c’est un travail d‘équipe, de la détermination, toujours regarder vers l’avenir, innover, faire confiance aux jeunes, faire évoluer des personnes qui sont aujourd’hui numéro deux ou numéro trois, mais qui ont le potentiel de monter sur la plus haute marche. Il faut aussi faire appel de temps en temps à des personnes qui viennent d’un autre milieu pour apporter un peu d’air frais, une nouvelle culture et une nouvelle mentalité.
– Si je n’avais pas vécu le mépris et l’arrogance de Jacques Swaters en tant que concessionnaire Ferrari en Belgique, alors que je lui demandais de réaliser l’entretien de ma Dino 246 GT, je me serais amusé d’être publiciste pour Ferrari… Mais que soit ! Que faites-vous dans ce panier de crabes qu’est la F1 ?
– Nous sommes en tête aujourd’hui. Je pense, et je le dis avec conviction, que la victoire ou la défaite dépend de nous. J’espère que nous allons gagner logiquement, je crois que les conditions pourraient être les bonnes mais, comme je le dis souvent, nous ne sommes pas seuls en lice, nous avons des adversaires coriaces. J’espère aussi que lors des dernières courses, notre second pilote, Massa tentera aussi de prendre des points à nos concurrents parce que lors des six courses restantes, c’est non seulement important que nous fassions pour le mieux, mais que nos adversaires n’aient pas de trop bons résultats.
– C’est pitoyable… Avouez que la F1 n’est en réalité qu’un extraordinaire moyen de blanchiment…
– Faites attention ou vous mettez les pieds, à qui vous vous adressez… et de la manière !
– Vous êtes le président d’un think-tank politique et économique : la fondation Italia Futura qui affiche sa volonté d‘être très active lors des élections législatives de 2013 en Italie. Vous avez dit que vous alliez soutenir le Premier ministre Mario Monti, mais que vous ne chercheriez pas à jouer un rôle politique particulier. Mario Monti a été rejeté, qu’allez-vous faire ?
– Italia Futura veut participer au renouveau de la classe politique en faisant apparaître de nouvelles personnalités : des gens compétents, crédibles et désireux de se mettre au service du public et non pas de recevoir. C’est un aspect qui est déjà très important pour le monde politique italien qui aujourd’hui, est bloqué et qui rechigne à assumer ses responsabilités pour ce qui s’est passé.
– Je sens comme une rage en vous…
– Mon objectif est de stimuler la société civile italienne pour lui insuffler des idées nouvelles et pour aboutir à un changement : elle devrait regarder plus loin que le bout de son nez pour s’investir davantage pour le bien commun du pays.
– C’est très Mussolinnien comme phrase !
– J’ai en tête le grand renouveau qu’a permis la Vème République en France. J’espère que l’Italie avec sa IIIème République pourra faire la même chose que la Vème République française. Mais je ne réclame rien pour moi-même, je ne serai pas un autre candidat pour plus tard, je veux simplement faire quelque chose pour notre pays qui m’a tant donné. J’essaierai de continuer à travailler de la meilleure des façons et de contribuer à ce projet dans lequel je crois vraiment, principalement parce que j’ai des enfants, que j’aime l’Italie et que j’ai conscience de l’excellence extraordinaire de notre pays qui ne mérite pas d‘être dans cette situation.
– Je verse une larme…