1951 Hirohata Mercury by Georges Barris
Ce qui peut apparaître comme une automobile-spectacle boursouflée de maniérisme et d’ego (Georges Barris en avait un de la taille de Los Angeles) peut à l’inverse se comprendre comme un autel roulable dressé à la fascination scopique qu’exerce sur tout un chacun le Customizing érigé en art. Georges Barris en créant la 1951 Hirohata Mercury s’est rendu maître de toute temporalité, ralentissant et accélérant sa création selon son bon vouloir, rajeunissant et vieillissant esthétiquement sa création à son gré, allant jusqu’à inverser les formes pour obtenir divers effets. Usant des artifices de l’art de la tôle des années cinquante, il n’a toutefois pas rechigné à accentuer l’impact visuel et octroyer à don œuvre un authentique pouvoir : “Il n’y a pas de limite à la création” a-t-il commenté devant les premières réactions.
J’ai traversé un océan d’éternité pour la retrouver car le coup au cœur que j’ai eu en la découvrant n’était pas ici seulement celui de mon organe pulsatile qui permet la circulation de mon sang mais aussi celui qui consume mon être comme un Yin et un Yang se réunissant pour s’emboîter. En fait c’était un trop plein de rêveries illusoires ! Les véhicules personnalisés ont été appelés “Kustom-cars” pour le commun des choses par le commun des rêveurs, mais il n’y a rien de commun à propos de la 1951 Hirohata Mercury entre l’homme qui l’a rêvée et l’homme qui l’a construite.
N’avez-vous pas remarqué que, lorsque nous regardons l’œil de quelqu’un qui nous fait face, notre visage se réfléchit dans sa pupille comme dans un miroir, car elle est une image de celui qui regarde ? Donc, lorsqu’un œil observe un autre œil et qu’il porte son regard sur ce qu’il y a de meilleur en lui, c’est-à-dire ce par quoi il voit, il s’y voit lui-même. Mais si, au lieu de cela, il regarde quelque autre partie de l’homme ou quelque autre objet, à l’exception de celui auquel ce qu’il y a de meilleur en l’œil est semblable, alors il ne se verra pas lui-même. Ainsi, si l’œil veut se voir lui-même, il doit regarder un œil et porter son regard sur cet endroit où se trouve l’excellence de l’œil. Et cet endroit de l’œil, n’est-ce pas la pupille ? Eh bien alors, l’âme aussi, si elle veut se connaître elle-même, doit porter son regard sur une âme et avant tout sur cet endroit de l’âme où se trouve l’excellence de l’âme, le savoir, ou sur une autre chose à laquelle cet endroit de l’âme est semblable. Mais l’âme n’est ce une vue de l’esprit ? Point d’âme alors, simplement l’illusion d’une âme ! Or, comment nommer ce quelque chose qui fait l’âme d’une automobile ? Comment définir ce qui a trait à la pensée et à la réflexion dans la création d’une automobile ?
D’aussi loin que je me souvienne, c’est la voiture dont on parle parce qu’elle a fait le nouveau look “Kustom-baleine”, les autres voitures du même transgenre sont devenues ensuite de simples douceurs sucrées à côté de cette radicalité. Comme l’a écrit l’historien de l’automobile et auteur Pat Ganahl : “Elle était le top. Elle était la meilleure. Avec elle, Georges Barris croyait établir la tendance pour les voitures personnalisées du futur !”… C’était un total illusionnement, presque un génial foutage de gueule. Mais l’Amérique aime cela” !
Fraîchement sorti de la Marine en 1952, Masato (Bob) Hirohata a confié son coupé Mercury “usine” de 1951 aux frères George et Sam Barris regroupés sous l’enseigne “Barris Kustoms” afin de lui donner un look hard-top sans pilier central semblable à ce que la boutique des 2 frères avait fait au célèbre coupé Mercury de Nick Matranga de 1940. Au-delà de cela, Hirohata les a encouragé à démontrer leur créativité. . Avec l’aide de Frank Sonzogni, les Barris ont modifié et personnalisé presque chaque centimètre carré de la voiture, en ajoutant des phares à la française (frenching), une calandre personnalisée construite à partir de trois calandres Ford de 1951 et des garnitures latérales Buick de 1952.
Les lignes de la carrosserie ont été modifiées, les coins d’angles des portes et du coffre ont été arrondis, le tableau de bord et la boîte à gants ont été sur-peints par le légendaire Von Dutch… et la voiture a reçu un travail de refonte totale de l’habitacle avec un rembourrage “roulé/plissé/personnalisé” complétant son look “tourneur de têtes” via un travail de peinture exceptionnel pour l’époque, un “Ice-Green-Barris”.
–“En la regardant, on pouvait dire tout de suite que ce n’était pas une automobile de concessionnaire”, explique Greg Sharp, conservateur et historien au Wally Parks NHRA Motorsports Museum…. “C’est simplement l’emblématique Mercury là-dessous, est-ce une avancée ou un recul ?”…
“Les personnalisateurs commençaient avec une voiture assez bon marché parce que ce sont les seules qu’ils pouvaient se permettre” m’explique Pat.Ganahl. “Et puis ils ont mis des pièces plus chères dessus pour la faire ressembler à une voiture plus chère. Quelque-part, ce n’est que du consumérisme, pourquoi vouloir faire croire que ce serait de l’Art ? À cette époque, vous aviez une voiture, point final. Il n’y avait pas une foule d’options, donc si vous vouliez la personnaliser et la faire vôtre, vous deviez faire les transformations vous-même ou le faire faire. Les “customiseurs” ont utilisé de nombreuses techniques pour ce faire. L’abaissement rendait définitivement la voiture plus élégante, mais cette radicalité signifiait-elle qu’une voiture personnalisée était ainsi devenue une œuvre d’art ? L’art présumé n’était que d’avoir retiré une section du toit et la redescendre, abaissé toute la voiture sur le châssis et coupé une bande de métal tout autour pour abaisser le profil. C’est ainsi que la Mercury est devenue la voiture personnalisée emblématique, ses lignes se sont juste prêtées à cette procédure. Georges Barris avait simplement eu un bon coup d’œil”...
Jim McNiel, qui a racheté la Mercury à Masato (Bob) Hirohata et l’a possédé/conservée pendant 59 ans avant de décéder en 2018 ! Sur son lit de mourant, il l’a qualifié “d’être la plus grande forme d’expression de lui-même”, alors qu’il n’avait absolument rien fait d’autre que racheter 59 ans plus tôt la voiture modifiée pour l’égo de Hirohata par les frères Barris, rien de moins ni de plus ! Il a également enregistré une vidéo ou il dit : “C’est la chose la plus saine que je pouvais réaliser pour faire connaître ma personnalité par le biais de cette voiture afin de laisser les gens voir comment je pensais. C’est ce que je suis, juste là”… C’est assez troublant que de s’accaparer ainsi la création des frères Barris sous commande de Masato Hirohata qui de son coté l’avait fait transformer pour pouvoir la vendre beaucoup plus chère !
-“Bof ! On s’en tape les couilles, elle a innové”, m’a répondu Conway, qui a reçu le surnom de “Junior” lorsqu’il a commencé à travailler pour les frères Barris à l’adolescence : “Ils personnalisaient les’51 Mercury encore et encore, comme à la chaine, l’argent coulait à flots denses, rien d’autre ne comptait, mais en finale rien ne va surpasser cette voiture. C’est celle-là qui va rester dans la tête des gens” !
En avril 2017, la voiture est devenue la 17e voiture ajoutée au Registre national américain des véhicules historiques.