1955 CADILLAC “DIE VALKYRIE” by Brooks Stevens
Ce n’est pas un hasard si la face avant (le nez) , de ce concept-car nommé “Die Valkyrie”, créé par Brooks Stevens, avait non seulement la forme d’un V géant, mais aussi un emblème V-8 plus petit incorporé dans ce V… Selon Brook Stevens, il voulait assurer aux peuples européens libérés du nazisme dix ans auparavant par les Américains, que l’Amérique aiderait à l’avènement du nouveau Quatrième Reich de 1000 ans… (Ca fait peur d’avoir une telle mentalité dirigiste/dominatrice qui impose sa façon d’être, de penser et de vivre aux autres civilisation).
Cette “Die Valkyrie” (dont le nom mal choisi ne pouvait que heurter la sensibilité des pays européens envahis par l’Allemangne nazie), avait été conçue par Brooks Stevens spécifiquement dans cette vision dominatrice plutôt que libératrice, pour les salons automobiles européens, principalement Allemands, toujours humiliés d’avoir perdu leur guerre et leur Troisième Reich de mille ans. Brooks Stevens et sa “Die Valkyrie” annonçaient ainsi sans équivoque que l’avenir de l’Europe devait être Américain (American First que certains transforment en American Fist) !
L’avenir de l’automobile européenne, principalement en Allemagne, devait être également calqué sur l’Amérique avec une seule motorisation : le seul et unique moteur imaginable ; un V-8 Américain ! Bien que la “Die Valkyrie” ait beaucoup impressionné les visiteurs allemands en Allemagne (dans le sens de leur faire miroiter le retour de leur puissance industrielle), ailleurs, surtout en France, ce fut plus froid. Cette “Die Valkyrie” au nom rappelant trop de mauvais souvenir, n’a engendré aucune commande…
Dépité, Brooks va envoyer son Concept-Car dans son domaine privé de Milwaukee et œuvrer sur son projet Excalibur-Sport-Roadster à moteur 6 cylindres Kaiser (tout un programme germanophile) qui aura bientôt sa première chance d’impressionner le marché américain des voitures de sport. Brooks Stevens prétendait avoir la préscience que l’un des points forts du marché américain était le V-8, par opposition à tous les autres moteurs à quatre, six, douze et seize cylindres. Alors il voulait le mettre dans la gueule de tout le monde et dans le compartiment-moteur de toutes les automobiles.
De plus, Brooks Stevens s’était autoproclamé “Designer avant-gardiste” ce qui avait incité quelques mots d’humour de Glenn Adamson, écrivain, qui survivait en étant son biographe attitré. Jusqu’au milieu des années 1950, le travail du “Designer avant-gardiste” basé à Milwaukee, se concentrait presque exclusivement sur les marques américaines de baseball et de tarte aux pommes en plus d’être le Gourou-créatif de la bière Miller, d’Harley-Davidson et de la Jeep Willys d’après-guerre.
Cependant, selon Glenn Adamson dans son livre nommé : “Industrial Strength Design: How Brooks Stevens Shaped Your World” (Design de force industrielle : Comment Brooks Stevens a façonné notre monde), son travail en tant que consultant pour la série 1800 Sprint d’Alfa Romeo plus tôt dans la décennie l’avait amené à penser au-delà des côtes américaines. Plus précisément : “Stevens avait l’intention de devenir un nom reconnu dans le design automobile européen” écrivait Glenn Adamson…
Et à cette époque il a vu sa chance de le faire en Guy Storr, un spécialiste des relations publiques qu’il a embauché et qui se trouvait être Français vivant à Monaco ! Guy Storr a recommandé à Brook Stevens de créer une “Voiture Maîtresse” inspirée de la Bugatti 35 que Brooks Stevens construirait et qui ferait ensuite ses débuts au Salon de l’auto de Paris puis qui serait exposée dans les salons européens. Brooks Stevens semblait apprécier l’occasion de concevoir une voiture néo-classique d’exposition unique.
Tout son travail de conception automobile alors récent concernait des voitures de production d’un futurisme “pompier”, mais dès 1938 grâce à un léger restylage de sa Cord L-29 personnelle de 1929 il avait attiré une clientèle fortunée désireuse de personnaliser les automobiles de Détroit… Il a ainsi (comme le refera plus tard Georges Barris) conçu par intermittence des Customs et des pièces uniques, en grande partie commandés par des amis/d’amis de clients… Pour la “Voiture Maîtresse” recommandée par Guy Storr, aux fins d’envahir l’Europe (gag !), Brook Stevens a tout fait de travers !
Il a opté pour le châssis le plus anti-européen possible : celui d’une Cadillac Series 60 Special de 1955 d’un empattement de 133 pouces avec un V8 double quad 331ci de 270 chevaux et transmission automatique Hydra-Matic. La raison exacte pour laquelle Stevens a choisi un châssis Cadillac et comment il a convaincu GM de lui en fournir un gratuitement, reste incertaine, mais Gelnn Adamson (son biographe attitré) a déclaré qu’une histoire non documentée entourant la voiture suggérait que les responsables de Cadillac à l’époque exploraient la possibilité d’entrer sur le marché européen de l’auto de luxe !
Pourquoi ? Afin de détrôner Mercedes qui avait miraculeusement survécu au nazisme… Les pontifes de la GM voyaient le projet de Stevens comme un moyen de tester le marché tout en maintenant un déni plausible en cas d’échec grâce à OPEL en Allemagne. Quelle qu’en soit la vraie raison, Stevens gorgé d’orgueil et rempli des dollars de Cadillac n’a pas tenté de dissimuler les fondements de la voiture : les jantes Cadillac sont restées, tout comme le volant et le tableau de bord Cadillac, ainsi que la transmission susmentionnée ainsi que le gros V8 et la boite automatique…
Le reste, cependant, était tout Stevens, et il s’est assuré de souligner ce fait ! L’énorme calandre en forme de V, et toutes les garnitures chromées coupaient les phares en deux, apparemment pour réduire l’éblouissement des conducteurs venant en sens inverse (sic !) avant de baisser le design des ailes et des portes qui comportaient deux fenêtres de ventilation et étaient si larges que lorsqu’elles s’ouvraient on pouvait littéralement marcher directement sur la banquette arrière… Et bien que peu de photos le montrent, tout le dessus était amovible.
Stevens a envoyé le châssis et sa conception finale à la “Carrosseriebau Hermann Spohn” à Ravensburg, en Allemagne, un carrossier tout aussi habile à mettre en œuvre des conceptions opulentes que bizarres. Selon Glenn Adamson, c’est Irwin Metzenbaum, propriétaire d’entreprise et membre du conseil municipal de Cleveland, qui a financé la construction de la voiture ainsi que la création d’Excalibur, si elle exaltait le faste des Mercedes du Troisième Reich (bien que l’on ne sache pas exactement à quelle fin il était résolu d’aller)…
Pendant la Seconde guerre mondiale, une relation, ex-commandant de la Luftwaffe nazie possédait un chalet au bord lac Toplitz (Toplitzsee), au sud-est de Salzbourg, dans les Alpes autrichiennes. C’est là que les nazis ont testé entre autres des nouvelles armes et explosifs. Lorsque l’armée du IIIe Reich a connu la débâcle le 23 février 1945, plusieurs hauts dignitaires responsables du 3ième Reich Nazi, paniqués, ont regroupé leurs avoirs et équipements avec ceux du propriétaire du chalet de Toplitz, soit 8.645 lingots d’or barrés de l’aigle et de la croix gammée !
Il y avait également toutes les listes des comptes bancaires en Suisse du régime nazi, avec les codes d’accès… De Ravensburg, la “Die Valkyrie” a ensuite fait ses débuts à Paris, comme prévu semant l’étonnement et la consternation, et a continué à semer la désolation à travers l’Europe… Compte-tenu de son insuccès total Brooks Stevens a envoyé “Die Valkyrie” aux États-Unis pour un autre circuit des spectacles, semant les mêmes réactions… Mais miracle, commande a été passée et pré-payée par Irwin Metzenbaum. Ces deux Show -Cars existent toujours !
L’un réside dans la collection privée de Irwin Metzenbaum, et l’autre (le premier fabriqué) est revenu à Brook Stevens après sa tournée, un autre cadeau de Irwin Metzenbaum pour que la femme de Brook Stevens, Alice, puisse conduire cette Show-Car, puis IL a été exposé au Brooks Stevens Auto Museum de Milwaukee après qu’il ait parcouru plusieurs milliers de kilomètres. Stevens a ensuite fait deux autres tournées sur le marché européen avec des voitures personnalisées : la Gaylord de 1955 qu’il a fait construire par Spohn… et la Scimitar 1959, à forte intensité d’aluminium, que Reutter a construit.
Ensuite Brooks Stevens a perdu foi en une résurrection d’un nouveau Reich et a repris son travail de concepteur d’automobiles américaines en créant les Excalibur de course équipées de moteurs 6 cylindres Kaiser… Ensuite, Brook Stevens a reçu une commande de Studebacker pour réaliser une sportive, mais c’est un autre Désigner, Raymond Loewy qui va remporter le job avec l’Avanti… Le projet de Brook Stevens était une résurrection de la Mercedes SSKL, qui devait s’appeler Mercebaker… Les gens de Studebaker ont décliné cette proposition.
Stevens a exposé son Concept et des Stars du cinéma sont tombés sous le charme, c’est ainsi que la Saga Excalibur a commencé… Guy Storr sans scrupule a déposé le nom “Excalibur” pour l’Europe et a créé une réplique de Bugatti 35 avec moteur 6 cylindres d’Opel Commodore, la carrosserie et l’assemblage étant réalisés chez Michelotti à Turin. Guy Storr a ainsi repris du poil de la bête, il va exiger d’être nommé seul importateur des Excalibur américaines pour l’Europe et va également commercialiser moins d’une trentaine de ses Excalibur “35X”;
Mais il va décéder au volant de l’une d’elle dans un crash sur la Moyenne Corniche au-dessus de Nice… Après les Séries I, II, III, IV, V l’affaire Excalibur va sombrer… La “Die Valkyrie” pendant ce temps, résidait toujours dans le musée, jusqu’au décès de Brook Stevens en 1995… Sauf à considérer que tous comptes-faits les “Grands Designers Américains” qu’on nous monte en épingle sont en réalité des opportunistes plus ou moins chanceux qui ne sont que des caricatures d’un système, Brooks Stevens est malgré-tout l’un des Grands Maîtres du design industriel américain.
Cela signifie que c’est une valeur relative bien plus consumériste qu’artistique. Pratiquant le design de la même manière que ses contemporains comme Raymond Loewy et John Vassos, Stevens a conçu des produits, des machines et des logos dans pratiquement toutes les industries, amassant un portefeuille énorme et diversifié qui couvrait l’architecture, le design industriel et le design graphique. Certains de ses projets comprennent le logo “Miller Beer”, le moteur hors-bord “Evinrude Lark” et la célèbre “Oscar Meyer Weinermobile” qui s’apparente avec humour au design de la saucisse industrielle.
Son design emblématique pour la Harley-Davidson Hydra Glide de 1949 est toujours utilisé sur la gamme Heritage d’aujourd’hui. Bien sûr, l’industrie automobile a joué un rôle énorme dans la carrière de Brooks Stevens. Il est toutefois mieux connu pour son travail avec Studebaker, redessinant la Grand Turismo Hawk avec un budget minuscule, de même que la Jeep Wagoneer, un design qui est resté pratiquement inchangé de 1963 jusqu’à l’arrêt du modèle en 1991. Il a également conçu la voiture de sport Excalibur originale en collaboration avec Kaiser.
Mais sa gloire fut d’avoir créé l’Excalibur néo-classique en s’inspirant de la Mercedes SSKL. Mais l’une de ses premières contributions à l’industrie automobile est venue en 1955, avec la Cadillac “Die Valkyrie” qui illustre cet article, cette automobile devait, espérait-il, introduire la puissance américaine via le V8, ainsi que le nom Brooks Stevens, sur le marché européen. Brooks Stevens avait un fort désir d’être reconnu dans le monde du design automobile européen pour se positionner en égal de Raymond Loewy. L’idée de concevoir une voiture de luxe Cadillac pour inonder l’Europe, était un très mauvais calcul.
Se servant de l’image du soutien financier d’un promoteur immobilier basé à Cleveland, Brooks Stevens a obtenu de la General Motors un nouveau châssis Cadillac Séries 60 Spécial de 1955 et a conçu sa vision d’une carrosserie flamboyante à partir de zéro. “Die Valkyrie” a fait ses débuts au Salon de l’auto de Paris, avec son énorme et spectaculaire calandre en forme de V et son traitement de pare-chocs avant qui semblait dégouliner, divisant les phares et descendant les côtés de la carrosserie en une seule ligne.
Un beau balayage vers le haut devant les passages des roues arrières était souligné par du noir et blanc, tandis que le toit du cabriolet était entièrement amovible pour faire un cabriolet à quatre places (avec également un Hard-Top)… Comme déjà écrit plus avant, la réalisation est l’œuvre de la carrosserie Hermann Spohn de Ravensburg en Allemagne. Spohn était l’un des principaux fournisseurs des carrosseries Maybach avant la Seconde Guerre mondiale, et son travail a également honoré Hispano-Suiza, Mercedes-Benz et d’autres châssis, il y avait donc peu de questions sur la qualité obtenue.
“Die Valkyrie” était une très grosse et lourde automobile, partageant le même empattement de 133 pouces que la Cadillac, mais aussi ses trains roulants, freins et le moteur OHV de 331ci de 270cv, de sorte que les performances de 1955 ne manquaient pas. Des rumeurs ont même circulé selon lesquelles Cadillac envisageait de soutenir le projet comme un moyen de pénétrer le marché européen toutefois inconstant et inconsistant… Stevens en Américain fier de l’être, n’a pas cherché ç se sensibiliser aux moeurs et aux cultures Européennes, il n’a donc pas tenté de cacher la source de son véhicule donneur.
Cela a irrité la susceptibilité des Européens. Finalement, le projet n’est jamais allé au-delà de deux voitures, la première qui a été achetée en finale par Stevens lui-même comme cadeau pour sa femme qui a apprécié la voiture pendant des milliers de kilomètres avant qu’elle ne soit envoyée au musée Brooks Stevens où elle est restée jusqu’au milieu des années 1990. Cette “Die Valkyrie”, est celle qui appartenait à Brooks et Alice Stevens. Mis à part une repeinture à réaliser, elle reste dans un état fabuleusement original et montre toujours les vrais kilomètres qu’Alice a réalisé avec la voiture.
Le style fabuleux et exagéré de Die Valkyrie est bien sûr la première chose qui attire l’attention. En regardant de plus près, on constate qu’il s’agit d’une automobile de luxe entièrement fonctionnelle, pas seulement d’un exercice de style. Le savoir-faire de Spohn est exceptionnel car la voiture est magnifiquement construite et détaillée, toujours présentée dans sa palette de couleurs originale en blanc et noir avec pratiquement tous les détails d’origine encore en place. Compte tenu de son état en grande partie non restauré et d’origine, il y a quelques défauts mineurs qui apparaissent dans la peinture.
Ils n’enlèvent rien à l’aspect mélodramatique et au glamour du design de Brooks Stevens. Les vastes garnitures chromées d’origine sont intactes et en très bon état, montrant peu d’usure et aucun dommage, soutenant davantage le kilométrage d’origine incroyablement bas. La voiture roule sur ses jantes (et pneus US Royal Master) d’origine qui sont ornées d’enjoliveurs Cadillac originaux très inhabituels qui imitent le style turbine. La voiture est incroyablement dramatique ; Longue, basse et large avec la calandre “Cow-Catcher” à l’avant, comme une signature.
L’intérieur est garni de cuir noir qui a été magnifiquement conservé dans un état complètement original et non restauré. On pense que les sièges moelleux proviennent d’une Mercedes 300, ce qui est tout à fait faisable compte tenu de sa construction à Spohn en Allemagne. Les tapis sont en bon état et les panneaux de porte sont magnifiquement décorés avec du cuir à motif “Sunburst”, accentués d’un flash blanc. Le tableau de bord est essentiellement Cadillac en ce compris les commandes et des appareillages de commutation de haute qualité.
En apparté :
A partir de 1940, pour nourrir l’effort de guerre, le IIIe Reich pille les banques des pays occupés et les victimes de l’Holocauste. Un butin colossal, mais dont une bonne partie n’a jamais été retrouvée.
1) Le pillage des banques.
En janvier 1939, Adolf Hitler prépare activement la guerre. Il est furieux, car il vient de prendre connaissance d’une note confidentielle, datée du 7 janvier, préparée à son intention par le président du directoire de la Reichsbank, Hjalmar Schacht. Le ton du message est en effet alarmant. Le IIIe Reich, explique Schacht, est au bord de la banqueroute: «Il n’y a plus de réserves ni de devises à la Reichsbank” Les réserves constituées par l’annexion de l’Autriche et par l’appel aux valeurs étrangères et aux pièces d’or autochtones sont épuisées. Les finances de l’Etat sont au bord de l’effondrement», écrit-il. L’Allemagne qui, quelques mois plus tard, va lancer ses troupes à l’assaut de la Pologne, de la Tchécoslovaquie, de la Belgique et de la France a les caisses vides. Hitler sait que l’or est le nerf de la guerre moderne. Il permet d’acheter les matériaux stratégiques nécessaires aux forces armées du Reich. Dès le début de la guerre, c’est donc de manière systématique que les nazis organisent le pillage. Les victoires éclairs de la Wehrmacht (l’armée allemande) en juin 1940 marquent le début d’une chasse au trésor sans précédent. Dans tous les territoires occupés, les services de la Reichsbank, les SS, les Affaires étrangères et les services économiques de divers autres ministères participent au pillage des lingots, des pièces, des bijoux et des devises. Le bras opérationnel de ce gangstérisme d’Etat, ce sont les commandos mobiles, les Devisenschutzkommandos, «les commandos de protection des devises». Leur pouvoir est illimité: ils fouillent les caisses d’épargne, les banques privées et leurs filiales, collectent l’or des bijoutiers, des joailliers, écument le marché noir, saisissent des biens privés et forcent les coffres de certains clients des banques. Les résultats sont à la hauteur des espérances des nazis. Pour la seule Belgique, entre novembre et décembre 1940, la curée des commandos de «protection des devises» rapporte l’équivalent de 4.320 millions de francs actuels et de 250 millions de devises. Revers de cette efficacité: rapidement, le territoire belge n’est plus une source attractive. Le salut pour les nazis vient alors des Pays-Bas. Ils mettent la main sur 100 tonnes d’or de la banque nationale complétés par le butin des commandos de devises, en tout l’équivalent de 5.400 millions de francs réactualisés. L’essentiel de ce magot de guerre paie les livraisons d’acier, de tungstène, de pétrole, du wolfram en provenance des pays neutres” Mais le gisement néerlandais s’épuise aussi. L’or de la Banque nationale belge (BNB), mis à l’abri en Afrique, devient alors un enjeu central pour les nazis. Le 26 juin 1940, quatre semaines après la capitulation de l’armée belge, le roi Léopold III, prisonnier de la Wehrmacht, demande au Führer de bien vouloir rapatrier l’or belge, qui serait caché à proximité de Bordeaux. Les Allemands interrogent les autorités de Vichy. Avec diligence, la réponse française énumère les réserves d’or déposées à la Banque de France: 4.944 caisses qui contiennent effectivement 221.730 tonnes d’or de la Banque nationale belge, 1. 208 caisses, soit 57 tonnes d’or polonais, 10 tonnes d’or luxembourgeois, letton, lituanien, norvégien et tchèque. Tout cet or avait été confié à la Banque centrale française pour le mettre en lieu sûr. Mais Vichy précise que cet or n’est plus à Bordeaux, il est sur le continent africain. En effet, le 18 juin 1940, le même jour où de Gaulle avait lancé son appel à la France libre depuis Londres, vingt-quatre heures après que le maréchal Pétain eut demandé un armistice au IIIe Reich, une escadre d’or, comme au temps des galions espagnols, avait levé l’ancre. Elle était chargée de 288.730 tonnes d’or. Les Etats-Unis étaient la destination prévue, mais les bateaux britanniques ne viendront pas au rendez-vous. Cap est donc mis sur le Sénégal, loin de Hitler et des champs de batailles européens. En France, les autorités pétainistes veulent croire qu’elles tireront profit d’une politique de sacrifice volontaire et de collaboration avec le IIIe Reich. De leur propre initiative, elles proposent à Berlin de servir d’intermédiaire pour récupérer l’or. Après tout, le Sénégal est une colonie française. La réponse allemande claque comme une gifle. Le 12 septembre 1940, Johannes Hemmen, le chef de la délégation allemande chargé de récupérer l’or belge, lance au gouverneur de la Banque de France, Bréat de Boisanger: «En Belgique, c’est nous qui sommes les maîtres. Nous avons donc tous les droits sur la Banque de Belgique, et c’est à titre de client que je vous demande de mettre notre or en sécurité. Je vous prie de le faire transporter en Belgique, ou tout au moins à Paris.» Cette exigence est contraire au droit international. Mais on n’en est plus là. Les Allemands ont déjà fait main basse sur l’or autrichien après l’Anschluss, puis sur celui de la ville libre de Dantzig. Pour l’or belge, les nazis mettent cependant les formes: ils convoquent une conférence le 10 octobre 1940 à Wiesbaden. Le gouverneur de la Banque nationale belge, Janssen est écarté; officiellement, «il est subitement tombé malade». C’est von Becker, un commissaire allemand, qui le remplace. Les nazis se font le porteur d’un (faux) message de Janssen, qui demande le rapatriement de l’or belge. Le droit mis au pas, reste à récupérer l’or pour Hitler. Vichy vient une seconde fois au secours des Allemands. C’est novembre 1940. Pétain décide d’accomplir «un geste symbolique de réconciliation» avec le IIIe Reich. Il envoie deux avions chercher quelques tonnes d’or au Sénégal pour les livrer aux nazis. Puis, Vichy ordonne, sans en avertir les gouverneurs des banques centrales, de livrer la totalité de l’or belge aux Allemands. L’opération est en soi risquée: seule la voie de terre qui passe par la savane sénégalaise vers le désert saharien offre une sécurité suffisante face aux sous-marins et aux avions alliés. Qu’importe! Les caisses d’or partent pour une invraisemblable odyssée. C’est d’abord Thiès, puis la ville de Kayès à l’intérieur des terres, Bamako sur la rive gauche du Niger, Kukikuru, tête de ligne du chemin de fer et ancienne capitale du Soudan français. Là, les caisses sont transbordées dans des camions légers ou sur des bateaux sur le Niger, mais les inondations bloquent le convoi. Après des mois d’attente, les caisses parviennent à l’oasis de Tombouctou, puis atteignent Gao, la ville sainte des musulmans d’Afrique occidentale. Nouveau transbordement et cette fois, c’est à dos de chameaux ou sur des camions, que les caisses chargées d’or parcourent les 1 700 km de piste jusqu’à Colomb-Béchar, dans le sud algérien, puis par train (1 600 km) parviennent jusqu’à Alger. Là, des avions-cargo français, puis des appareils allemands les conduisent à Berlin. En tout, un voyage de dix-huit mois. Le dernier transport atteint la capitale allemande le 26 mai 1942. Impuissants, les Belges protestent. Falsifiés, les lingots sont acheminés en Suisse afin de servir l’effort de guerre nazi.
2) L’or des victimes.
Dès l’été 1942, les camps de concentration et d’extermination livrent leur effroyable butin: dents en or arrachées, montures de lunettes en or, alliances, bracelets, chaînes de montres” Selon les déclarations de l’arracheur de dents de Treblinka, «deux valises de 8 à 10 kilos sortaient chaque semaine du camp», soit l’équivalent de 2 millions de francs suisses de l’époque, rien que pour ce camp relativement peu rentable. Le Reichsführer Heinrich Himmler suit de très près ces opérations. Ainsi, fin juin 1944, il demande à la direction du camp de concentration de Birkenwald, quelle est la quantité d’or disponible sur-le-champ. Un télex dresse la liste macabre: quelques plaquettes d’or, un pendentif de montre et six chaînes, ainsi que des bracelets et des «pièces détachées», en tout 4.399 kilos, d’une valeur, au cours officiel, de 10 marks et 85 pfennigs. Himmler ordonne que 3 kilos soient transférés à la Reichsbank immédiatement et que le reste serve à titre exceptionnel à des fins de «corruption et de renseignements».
A Auschwitz, les dents étaient extraites tout de suite après que les victimes eurent été asphyxiées dans les chambres à gaz et avant que les corps ne soient brûlés dans les fours crématoires. Ce travail était fait par des dentistes de la Sonderkommando (section spéciale composée par les prisonniers eux-mêmes), appelés dans le jargon du camp Goldarbeiter. Refondu en lingots, l’or était ensuite envoyé sous escorte à Oranienburg près de Berlin, où se trouvait un bureau de la SS chargé de la gestion des biens, qui le remettait ensuite, ou du moins en grande partie, à la Reichsbank. Shlama Dragon, juif polonais, ancien membre de la Sonderkommando, qui a travaillé dans les chambres à gaz au camp d’Auschwitz et qui a réussi miraculeusement à survivre, raconte: «Quand le médecin du camp, Joseph Mengele, constatait que les hommes étaient morts, il disait : “Es ist schon fertig”(c’est déjà fini), un SS ouvrait les portes des chambres à gaz, et nous, munis de masques, on enlevait les corps. Dans un couloir, les coiffeurs coupaient les cheveux, dans un autre compartiment, les dentistes enlevaient les dents.»
La Banque centrale du Reich réceptionne donc l’or et les devises des juifs, mais aussi celui des adversaires du régime en fuite ou assassinés. Les bijoux à faible teneur en or ainsi que les pierres précieuses sont écoulés sur le marché parallèle des pays neutres surtout en Suisse par des «collaborateurs». Ceux-ci encaissent des francs suisses et des dollars utiles pour le commerce extérieur allemand. L’or de meilleure qualité est refondu pour être transformé en lingots, exporté et masqué ainsi de sa véritable origine. Le rapport Eizenstat (du nom du sous-secrétaire d’Etat américain au Commerce) demandé par Bill Clinton et publié en 1996 note: «Une partie au moins de l’or vendu à l’étranger avait été arraché aux victimes des camps de concentration ainsi qu’à d’autres civils.» Quand les soldats de la 9e division d’infanterie américaine entrent en Allemagne au printemps 1945, ils mettent la main sur 100 tonnes de lingots d’or cachés par les nazis dans les mines de sel de Merkers, et trouvent en même temps des valises entières de couronnes, de montres, et de bijoux en or volés aux juifs. La Reichsbank avait ouvert un compte intitulé «Melmer», du nom d’un responsable SS, sur lequel était déposé l’or volé. Un câble de l’ambassade des Etats-Unis à Paris informe début 1946 le département d’Etat que 8.307 des lingots récupérés à Merkers «ont peut-être été fondus à partir de couronnes dentaires récupérées sur des cadavres». Des voix s’élèvent alors pour proposer de procéder à l’analyse de l’or récupéré, celui de Merkers comme celui que la Suisse va restituer conformément à l’accord de Washington, afin de déterminer ce qui provient des banques centrales européennes, et ce qui provient des victimes de l’Holocauste. Mais la proposition est écartée. «Nous ne savions pas qu’on pouvait déterminer si cet or provenait de dents, de bracelets ou d’autres sources», a expliqué dans une interview au Los Angeles Times Seymour Rubin, un diplomate américain à la retraite (d’origine juive), qui avait négocié avec les Suisses en 1945/46. Aujourd’hui, le rapport Eizenstat constate: «Il existe des preuves indiscutables que l’or volé par les nazis à des civils et à des victimes des camps était systématiquement reçu, classé, vendu, nanti, déposé ou converti et fondu par la Reichsbank en lingots d’or, puis placé dans les réserves d’or monétaires de cette dernière au côté de l’or volé ailleurs en Europe.» Fondu, l’or SS était impossible à distinguer des lingots d’or volé dans les différentes banques centrales des pays d’Europe occupés par les nazis. Ainsi, l’analyse d’une opération de fonte de florins néerlandais volés, effectuée en 1943, par l’hôtel des Monnaies prussien, indique que 37 kilos d’or fin provenant de pillages SS avaient été ajoutés pendant l’opération. En l’espèce, cet or fut vendu presque en totalité à la Suisse. En Allemagne, en tout cas, les archives de la Reichsbank sur l’or nazi en provenance des camps ont mystérieusement disparu. Hersch Fischler, un historien, a découvert début 1997, aux archives fédérales allemandes de Coblence, qu’en 1948, les Américains ont remis à la Bank Deutscher Länder (prédécesseur de l’actuelle Bundesbank) les archives de la Reichsbank concernant l’or nazi. Il a mis la main sur un document indiquant que des archives, comprenant 25 chemises relatives aux livraisons d’or venant des camps, ont été données à la Bank Deutscher Länder. Or, aujourd’hui, la Bundesbank, héritière de la Bank Deutscher Länder (et installée dans le même bâtiment) affirme ne pas avoir lesdits documents.
3) La machine à blanchir suisse.
Le pillage massif et systématique de l’or dans les pays occupés et des victimes du nazisme n’était pas une opération laissée au hasard: elle était essentielle au financement de la machine de guerre allemande” Parmi les pays neutres, la Suisse fut le principal banquier et intermédiaire financier des nazis», commente le rapport Eizenstat. La Suisse a-t-elle été le receleur de Hitler et de sa politique de pillage systématique? Et si tel est le cas, la politique de collaboration économique de la Suisse a-t-elle prolongé la guerre et occasionné des victimes supplémentaires? C’est, résumé à grands traits, la perspective américaine dès 1944, qu’a repris le rapport Eizenstat. Le gouvernement suisse rejette toujours ces accusations qu’il estime infondées. Si les interprétations divergent, les faits, eux, ne sont pas contestables. Depuis mai 1940 et la défaite de la France, la Suisse, encerclée par les forces de l’Axe, est dans une position difficile. Elle craint d’être à son tour avalée par la Wehrmacht. Elle mobilise ses soldats, mais son plus grand atout dissuasif, tient à son rôle de plaque tournante et à l’importance du franc suisse demeuré la seule devise convertible durant la guerre. Ce point est capital. La machine de guerre allemande a désespérément besoin des pays neutres: la Suède lui fournit le fer et les roulements à bille. Le Portugal livre plusieurs ressources minérales indispensables, dont le tungstène, un additif utilisé dans la production d’acier et nécessaire à la construction d’armes de qualité (lire page VIII). L’Espagne maintient un commerce actif de biens de matières premières. La Turquie fournit le chrome. Ces pays n’acceptent pas le reichsmark en paiement. Les nazis doivent régler en or ou en devises négociables sur le marché, au mieux en francs suisses. Mais après la défaite allemande de Stalingrad, plusieurs pays neutres s’interrogent s’il est encore souhaitable d’accepter de l’or «allemand» douteux. N’est-ce pas plus sage de refuser cet or, pour s’épargner des difficultés politiques dans l’après-guerre? Bientôt, l’Espagne et le Portugal ne veulent plus d’or «allemand». Le rôle de la Suisse devient alors capital. Walther Funk, président de la Reichsbank constate: «La Suisse est le seul pays où d’importantes quantités d’or peuvent encore être changées en devises.» En juin 1943, il écrit même que l’Allemagne ne peut se passer de l’aide suisse pour l’échange de l’or, «ne fût-ce que deux mois». Dans un rapport confidentiel de trois pages daté d’octobre 1942, Paul Rossy, vice-président de la BNS (Banque nationale suisse), tire les conclusions: «Le Portugal n’accepte plus l’or de la Reichsbank en paiement, en partie pour des raisons politiques, sans doute aussi, pour des raisons juridiques.» Il ajoute: «De telles objections tombent si l’or passe entre nos mains. Nous devrions y réfléchir.» Comme le dit Werner Rings qui a été écrit l’ouvrage le plus documenté sur la question, Rossy a une idée de «prestidigitateur»: transformer de l’or allemand en or suisse. Une parfaite opération de blanchiment qui se concrétise par des opérations triangulaires: Hitler livre contre des francs suisses de l’or volé, puis paie avec ces devises, les matières premières stratégiques en provenance de Turquie, du Portugal, d’Espagne” Ces pays vendent ensuite leurs francs suisses contre de l’or porteur d’un certificat d’origine suisse. Ils se voient ainsi délivrés de toute critique alliée: ils peuvent prétendre n’avoir fait qu’acheter de l’or à la Suisse. Ils sont «blanchis»: le tour de passe-passe a réussi. Lorsque, en 1943, les Alliés mettent en garde les neutres contre le fait d’accepter l’or du Reich, il est trop tard: 756 millions de francs suisses d’or «allemand» (dont 411 millions d’or belge) ont déjà pris le chemin de Berne. Pour toute la durée de la guerre, 1,7 milliard de francs suisses passent par la Suisse. Les deux tiers de l’or vendu ont été illégalement acquis, pillés essentiellement à la Belgique et aux Pays-Bas. De facto, sans bruit, en pleine guerre, la Suisse détient le monopole du marché de l’or. Les chambres fortes de la BNS en sont l’épicentre. Le «génie» du marché triangulaire imaginé par Paul Rossy fait que des opérations de vente de produits stratégiques ne se concrétisent financièrement que par des déplacements de quelques mètres dans les caves de la BNS. Ce marché est indétectable en surface. Il suffit aux employés de la BNS de transvaser de l’or d’un dépôt à un autre, sans même changer de salle. Tout l’or est en effet entreposé dans une pièce de 120 mètres carrés, 39 000 lingots de 12,5 kilos sont soigneusement disposés sur des étagères, 48 tonnes en tout. Le gouvernement suisse a donné sa bénédiction. Une note confidentielle des Affaires étrangères de mai 1944 constate avec une franchise surprenante: «Les paiements allemands à la Suède s’effectuent généralement par de l’or à Berne où les lingots sont poinçonnés à son chiffre” Evidemment, le public n’en sait rien et la Suède n’est pas mentionnée dans les articles de presse comme un acheteur de l’or volé ou pillé. La Suisse lui sert, en somme, de paravent et de sauvegarde.».
4) Le règlement de l’après-guerre.
Dès 1943, les Alliés commencent à faire pression sur les neutres pour refuser l’or des nazis. En 1944, Américains et Britanniques déclarent que les transactions sont illégales et qu’elles ne seront pas reconnues dans l’après-guerre. Lorsque les Alliés sentent que la victoire a changé de camp, Washington lance le coup d’envoi de l’opération «Safehaven» (ainsi appelée parce qu’il s’agit d’éviter que les avoirs nazis volés trouvent «un refuge sûr») confiée à des agents des services secrets de l’OSS, l’ancêtre de la CIA. L’objectif est triple: il s’agit de bloquer le transfert d’avoirs allemands vers la Suisse et les neutres, de récupérer l’or volé et de prévenir toute renaissance ultérieure du nazisme, en évitant que le IIIe Reich ne déplace ses ressources hors d’Allemagne. En janvier 1945, le président Roosevelt écrit à son homologue suisse, von Steiger: «Ce serait une chose terrible pour la conscience, pour tout Suisse aimant la liberté, de se rendre compte que son pays a freiné les efforts d’autres pays aimant la liberté pour débarrasser le monde d’un infâme tyran” Je m’exprime en ces termes parce que chaque jour où la guerre se prolonge coûte la vie à un certain nombre de mes compatriotes.»
Churchill est tout aussi clair. Mais la BNS et les banques privées suisses continuent de travailler jusqu’à la fin de la guerre avec les nazis. Survient la paix. Les Alliés exigent que la Suisse restitue l’or volé. Les négociateurs alliés estiment qu’entre 200 et 398 millions de dollars-or volés sont en Suisse à la fin de la guerre (environ 9 et 18 milliards de francs d’aujourd’hui). C’est une négociation homérique qui s’engage au début 1946 à Washington. Pendant soixante-huit jours, les Suisses inventent mille prétextes, font preuve d’un juridisme sans limite, épuisent leurs négociateurs. A la veille de la conférence, ils nient même avoir reçu de l’or volé pendant la guerre. Pendant la conférence, ils s’en tiennent à une lecture restrictive du droit international et des lois suisses. Les Américains veulent boucler la négociation rapidement pour donner la priorité à la reconstruction de l’Europe. Les Britanniques ne veulent pas que ces discussions s’éternisent. Selon un mémo du 22 janvier 1946 de la British Embassy à Washington, «les gouvernements neutres sont moralement et économiquement dans une position beaucoup plus forte pour résister à des sanctions qu’ils ne l’étaient durant les hostilités. De plus, les Alliés ne peuvent imposer les mêmes pressions morales et économiques». La guerre froide commence. En réalité, reconnaît le rapport Eizenstat, «l’objectif principal des Alliés» (dans l’immédiat après-guerre, ndlr) était la sécurité en Europe». Il fallait éviter que l’or ne soit récupéré par les nazis en fuite, consolider le front antisoviétique, et remettre sur pied une Allemagne de l’Ouest démocratique. Il n’était pas question de se mettre les «neutres» à dos pour dédommager les juifs. Devant l’inflexibilité suisse, les Alliés réduisent alors leurs prétentions à 130 millions de dollars (soit dix fois plus au cours actuel), puis à 88 millions, montant de l’or volé en Belgique que les Suisses reconnurent posséder. Finalement, ils paient 58 millions de dollars en 1946 pour «solde de tout compte» (environ 3 milliards de francs d’aujourd’hui), concernant toutes les prétentions éventuelles sur les transactions entre la Suisse et la Reichsbank. Avec un culot sans limite, les négociateurs suisses ont fait inclure dans le préambule, que la Confédération ne jugeait pas fondée en droit «la restitution de l’or», mais que le gouvernement suisse était «désireux de contribuer à la pacification et à la reconstruction de l’Europe, y compris le ravitaillement des contrées dévastées» (!). Le 25 mai 1946, l’accord de Washington est signé. Les Américains lèvent le blocage qu’ils avaient imposé sur 5 milliards de francs suisses (de l’époque) qui se trouvaient sur leur territoire et déchirent la liste noire d’entreprises suisses qui commerçaient avec les nazis. La Suisse vient de réussir son entrée dans le système économique de l’après-guerre. En septembre 1946, la commission tripartite est établie pour examiner les demandes des gouvernements et non des personnes privées en vue de la restitution de l’or monétaire volé. Composé de représentants des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, le mandat de cet organisme est de s’assurer que chaque pays demandeur obtienne restitution par l’intermédiaire du Gold Pool mis sur pied par ses soins , en proportion de ce que les Allemands avaient volé. Une dizaine de pays émettent des revendications: l’Albanie, l’Autriche, la Belgique, la Tchécoslovaquie, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.