1981 Gatsby Coachworks De Courville Roadster
Les NéoClassiques des années’70 et ’80 n’ont actuellement de la valeur qu’auprès de ceux qui dans ces années, n’avaient pas les moyens financiers d’en acquérir une, fusse-t-elle d’occasion fort usée… C’est d’ailleurs une valeur fort relative aidée par le fait qu’ayant maintenant toutes plus de trente ans, les obligations faussement “sécuritaires” créées pour en empêcher l’immatriculation et préserver les constructions nationales, sont désuètes dans un environnement où les signes extérieurs de richesses mal-acquises et les consommations d’essence gargangantuesques, sont des incitants à émeutes, meurtres et révolutions. Me retrouvez face à l’une d’elle est pour moi toujours une émotion qui me rajeunit mentalement de plus de quarante ans ! Cette De Courville Roadster de 1981 a été fabriquée par Gatsby Coachworks de Los Angeles, en Californie, sur base d’un châssis, d’un moteur et d’une transmission issus d’une Ford-Lincoln LTD MKIV comme les Clénet qui créèrent ce style pour ravir une part du gâteau détenu par Excalibur.
C’est la voiture #4 de l’édition, finie en teinte “Taupe/Gold” qui a connu de meilleurs jours plus “étincelants”, sur cuir beige défraichi mais toujours “présentable” car ayant vécu en Californie ou il ne pleut que certaines nuits lorsque les automobiles de luxe sont à sec dans leurs garages d’allures milliardaires… Le vieux V8 Ford 30ci couplé à une transmission automatique à trois vitesses fonctionne toujours, tout comme l’armature de capote (ex MG Midget-Sprite), la capote (idem) et un hard-Top (maison), la climatisation d’époque, la direction assistée, des freins à disque avant rouillés/assistés, des jantes à rayons chromées d’époque de 15 pouces, des feux de route (non étanches), des instruments VDO (aux aiguilles sautillantes) et une chaîne stéréo à cassette Audiovox chachotante des souvenirs fantômes. La voiture est une troisième main (en 2003) qui a fait réaliser un travail titanesque : remplacer la pompe à carburant, le réservoir et les conduites !
Cette De Courville est maintenant offerte (sic !) sans prix de réserve sur la consignation d’un garagiste/revendeur au bord de la faillite (évitez de lui envoyer votre argent, vous ne retrouveriez rien) avec un second jeu de pare-soleil en plastique teintés (en rechange) et un “Title” Californien “propre” répertoriant la voiture comme étant un abri de jardin (ou un décor de garage) datant de 1981. La carrosserie est en fibre de verre craquelé, la calandre, les pare-chocs et la quincaillerie/accastillage chromés, accusent la responsabilité civile du temps passé pour justifier la rouille et les plaques en dérive depuis quelques dizaines d’années, de même que les ailes allongées, les deux caches porte-pneus de secours, les klaxons montés à l’extérieur, les marchepieds latéraux en bois écrasé et les faux tuyaux d’échappement sortant des flancs de capot pour entrer dans les ailes, sans suite fonctionnelle. Des plaques montées sur les portes indiquent que cette voiture est #4 de 250.
Les sangles du support de miroir en cuir sont fissurées, les chromes non pelés sont piqués, les lentilles et les ampoules des phares et lampes sont manquantes, et des rayures et éclats de peinture se trouvent un peu partouze… Un malheur n’arrive jamais seul, un bonheur non plus… preuve est, que, quand (sic !) on cherche l’automobile extraordinaire de sa vie, apparaissent toujours plusieurs véhicules à la fois, avec l’inéluctable carambolage des sentiments aux carrefours… Dans la ribambelle d’automobiles que j’ai consommées, parfois comme des Mojitos, à la sauvette sur un coin de table ou de comptoir, je dois en retenir certaines qui ont marqué mon corps de leur empreinte. Les Gatsby’s en font partie… J’en ai possédé trois, une rouge qui était comme mon Sceptre, elle en portait aussi le prénom, ensuite une noire tendance prune, qui me donnait l’impression bizarre d’être une pomme… et une grise, qui, bien que métallisée, n’en recouvrait pas moins une carrosserie totalement plastique…
C’était du temps d’un autre temps. Lorsque j’ai acquis la première, j’ai fêté l’événement en descendant quelques verres avec la serveuse d’un bar dont j’ai oublié le nom… Cela a duré une bonne partie de la nuit, des bulles ont envahi l’atmosphère, comme des météorites, puis nous nous sommes assis dans la Gatsby. La nuit a été effervescente en même temps qu’étrange, j’ai refait le monde dans les bulles. Je connaissais un peu le constructeur de cet engin, un Californien bon teint mais arriviste qui avait voulu faire comme Alain Clénet, une voiture de style année trente, un long capot, de longues ailes, le tout adapté en continuation d’une cellule de MG Midget pour en récupérer pare-brise et portes… L’ensemble était boulonné sur le châssis d’une Lincoln Continental Mk IV ou V dont le moteur et la boîte automatique étaient reculés d’un mètre cinquante… Il possédait aussi une ferme, il labourait son terrain comme il labourait les portes-feuilles, de jour comme de nuit, par temps sec comme par temps mouillé.
C’est sa femme qui ne s’en remettait pas… et c’est elle qui gérait le “garage” des Gatsby’s Griffin et Sceptre… C’était un job rentable, ça se voyait à ses tenues et ses bijoux. En ces temps lointains des années soixante-dix et quatre-vingt, les Néo-classiques, néo-gothiques, évocations, répliques et autres avaient la côte et s’achetaient vite à des ceusses qui les revendaient à prix d’or. Même si Ronald Reagan avait décrété que la Clénet Séries II était la personnification du rêve américain et la représentativité du “centenial” de l’automobile américaine (gag !), l’affaire était en phase finale de non-retour… Donner un tel titre à une voiture hybride dont la carrosserie était basée sur une cellule de VW Coccinelle avec ses portes, son pare-brise et sa capote, le tout boulonné sur un châssis de Lincoln MK V, c’était une totale pitrerie… Et lorsque Alain Clénet fut pris de frénésie et se mit à construire son rêve mégalomaniaque d’une usine en bord du Pacifique, croyant que le miracle de sa Séries I allait perdurer à l’infini avec les Séries II et III, c’était en réalité le début de la fin, de la faim aussi…
Toujours est-il, que cet exemple, donna immédiatement naissance à des dizaines de “constructeurs/bricoleurs” réalisant des sortes de Clénet’s toutes quasi identiques, la plus abominable étant sans conteste possible la Kanzler qui utilisait la cellule quasi-complète d’une Opel GT… Ces voitures étaient le plus souvent parquées face à des bars, des bastringues et des bordels, quelques-unes dans des villas cossues, elles faisaient les beaux jours des gros-poissons du sud de la France, de Miami, Hollywood et de toutes les zones poissonneuses en morues, en thons et autres mollusques… Toutes ces Néo-classiques étaient les voitures-type des dragueurs impénitents, habillés, habilités, patentés, pour la pêche aux morues et autres, certification maquereaux classe 1… Du premier choix… Je profite de l’occasion pour faire passer un message à toutes les filles que j’ai connues avant, dans ce type de circonstances, si elles ne sont pas débordées par leurs orgasmes actuels, me rappeler dans l’heure, j’assurerai, du mieux que je peux le service après vente…
Comme avant, quoiqu’ayant maintenant 74 ans, je reste sur mon dos pour éviter des soucis… Il n’était pas facile de balayer la monotonie des vacances au volant de ces voitures (“Vacances” dérive du mot “vain”, issu du latin “vanus” signifiant “vide”, “sans consistance” et dont la famille étymologique évoque le creux, le manque, or je suis d’accord avec la nature qui a une sainte horreur du vide)… Bref, je ne fais pas partie de ces gens qui vénèrent cette période de latence qui permet de supporter l’esclavage sexuel permanent, le monde ne se divise pas pour moi entre le travail et les vacances, l’enfer quotidien et une fenêtre de paradis… Tous les passionnés et les hommes libres savent cela. En ces temps de repos forcé, je refais mes lacets, écris six heures par jour, dévore du regard films et livres, me laisse bercer par les ondes pendant que j’étanche mes soifs… Rien moins que le programme habituel du reste de l’année. Pas question d’aller ajouter mon corps à ceux ramollis qui gisent, comme des cachalots, sur les bancs de sable.
J’attends également pour m’agglutiner dans les restos pour touristes où l’on sert (en châtiment) de la nourriture en plastique, la même que pour arpenter les musées grouillant d’insectes en shorts rouges comme des piments. Heureusement le visage de mes vacances éternelles a été fouetté par des rencontres que je ne suis pas prêt d’oublier… Non, je ne parle pas de celles culbutées au camping de Biscarosse ou de Palavas-les-Flots, mais de celles des Palaces de Monaco et Cannes, celles-là, leur nom restera dans mes anales et parfois analités ! Zarathoustra m’a assez enseigné l’amour du lointain pour ne pas participer à un remake avant l’heure de l’île de la tentation, émission qui n’existait d’ailleurs pas en ces temps révolus, quelques lignes ont suffi à modifier mon paysage mental, à me plonger dans une “transe cosmico-sexuelle”. C’est un jour, au détour d’une librairie et alors que je m’apprêtais à acquérir un recueil de philosophie (je penchais pour Henri Laborit, le grand médecin), que ma perception des choses, des gens, des femmes et des automobiles a changé, évolué…
J’ai sauté sur la merveilleuse bombe de Jim Harrison “Aventures d’un vagabond gourmand”. Je me suis soudain retrouvé dans les forêts du Nebraska et des Ardennes belges, au creux des canyons du Nouveau Mexique et de la vallée de l’Escaut, près des lacs du Michigan et du lac de Genval, à la table des plus belles adresses parisiennes ou au fin fond d’un motel minable, voire dans un club échangiste ou je n’avais que moi-même a échanger… Quel souffle lyrique et quel appétit sans borne des bonnes choses ! J’ai alors connu l’Amérique profonde peuplée de cons certes, mais aussi de coyotes, de bécasses, d’aigles, de serpents et de plantigrades avec lesquels l’homme s’harmonise. En traduction, toutes ces espèces ou presque ont fini dans la marmite de L’insatiable ogre de la littérature que je suis, s’étalant tout du long des soupes aux carcasses de canards, “sévices” de coquilles Saint-Jacques, huîtres rôties (pour le petit déjeuner), estouffades de bœuf, poulardes “demi-deuil”…
Jim Harrisson y déterrait la hache de guerre pour venger froidement l’âme piétinée des indiens… l’odyssée était bachique, brodée d’un humour qu’un esprit persifleur rendait inégalable. La lecture quotidienne de ces pages m’a donné une délirante envie de poursuivre l’écriture du chemin des damnés de la gastronomie et du sexe débridé parce que Jim le disait lui-même : “Le spirituel n’est que la vision sublimée du spiritueux, les nourritures terrestres la voie d’accès aux nourritures célestes et du sexe libéré”... Le bonheur est un luxe qu’on peut ne pas vouloir se payer tous les jours, il faut défendre bec et ongles le vin, le Mojito, le Battida de Coco, voire le sang des nuits qui sont vraiment obscures, les ours qui ne sont pas forcément en peluche, les femmes qui ont du punch, les automobiles qui meurent en forme de points d’interrogation, le soleil sur des gens qui n’ont jamais acheté la moindre crème solaire, la voix humaine que ne réduit aucun babillage absurde, les animaux qui n’ont jamais été observés, l’homme qui rompt les amarres afin de ne pas se pendre avec.
Un jour sur deux à être heureux suffit au modeste que je suis, l’abstinence renforce le désir, l’obsédé textuel qui se cache en moi le sait, qui pour garder intact son fantasme pratique la chose avec parcimonie. “Aux femmes, je crois préférer les rêves que souvent elles m’inspirent” écrivait Roland Jaccard… Mais quand une bouteille de Navine du domaine des Griottes s’ouvre toute seule dans un casier, c’est un peu comme si une femme vous sautait aux couilles dans un bar : tergiverser en prétendant qu’on est mal garé est la dernière attitude à adopter (j’aurais eu tort de zapper ces bons coups)… Mon sectarisme me pousse à ne vouloir désormais boire que des breuvages de cette trempe, les habitudes sont indéniablement mauvaises, mais une fois prises, on ne peut s’en défaire qu’en gravissant les échelons dans l’ascension céleste. Cette grâce touche tous les amateurs intransigeants que j’ai la chance d’accoster en cette mer tantôt d’huile, tantôt furieuse, je fais le triste pari qu’il se passera un jour dans le monde viticole ce qui se passe aujourd’hui dans le milieu du cyclisme !
Quoi donc ? Simple : on exclura du tour de France des vins, les candidats dopés. Il y eu cette soirée où je ne savais pas où j’allais atterrir… Je tournais un peu en rond au dessus de moi-même, comme mon chien Blacky qui cherche désespérément la meilleure façon de se coucher… Le temps n’était pas à la fête, du vent, des températures en berne et une place centrale décimée par une épidémie de départs en vacances. Une jeune et jolie créature m’avait bien tenue compagnie le temps de deux Mojitos, mais avait fini par rentrer dans ses pénates pour ne pas jeter toutes ses forces dans la bataille… Alors j’ai fait la tournée des popotes, dans l’espoir de tomber sur quelqu’une. La première que j’ai rencontrée furtivement était une bouteille de Quartz 2004 qu’une bande de gredins était en train de torturer au comptoir d’un bar étranglé de monde : très marqué, puissant et interminable, c’était du magnifique Quartz, cristallin. Une bouteille de Loirette de Format raisin (Elise Brignot) plus loin, j’ai décidé que j’allais chalouper, déchiré de la tête aux pieds, ça tournait à l’obession…
Bingo ! Je suis tombé sur une jolie brunette, superbe, au comble de l’élégance, je me suis délecté de sa subtilité, de son parfum de jasmin tendance Boucheron, de ses dessous affriolants, de quoi bercer ma nuit de beaux rêves : “La vie, c’est une partouze”, chantait Arno en virtuose… ça avait une autre gueule que la messe et les vivement lundi de Drucker ! Mais Drucker est mourant et Arno est décédé ! Les rassemblements textuels sont des moments uniques où l’espèce humaine retrouve le chemin de ses racines animales et spirituelles. La sauterie qui s’est ensuivit s’est déroulée dans une cave voûtée, elle m’a immédiatement mis la viande à la bouche comme on donne dans certains pays un collier de fleurs aux arrivants… Un malheur… Quand je pense que des végétariens boudent ce plaisir, je me dis que je n’ai pas tout raté dans la vie. J’ai rapidement ressenti des fourmis dans les doigts, comme des envies de débouchage, de débauchage aussi… Démangeaison des mains dont certaines mettaient le reste de leur énergie dans des parties vengeresses…
A chaque va, du vient en va-et-vient, c’était une extase, il faut dire que j’ai, dans ma jeunesse, fait dans l’éclectisme et le sexe paranormal. Parfois, dans mes grandes envolées, il ne me faudrait pas extrapoler beaucoup pour égaler l’histoire de la cuite au vin de Noé et de ses roubignoles portées à la vue de tout un chacun… Raconter l’histoire de chacune de mes conquêtes féminines et aussi de mes voitures revient, pour moi à parodier un chapitre de la genèse : grandes figures tutélaires, miracles, cataclysmes et guerres et paix, en ce compris “conchiage” des voisin(e)s. Le processus d’illumination est toujours le même : l’euphorie de mes sens frappe d’abord mon imagination, puis vient le temps de la compréhension des autres, mais qui n’est pas une compréhension intellectuelle. L’émotion avant le savoir. Le plaisir avant la culture. L’avantage face à des personnes intelligentes, c’est qu’elles reçoivent le message avant que vous l’ayez posté, le sexe, alors parle tellement qu’il n’y a plus qu’à rajouter la ponctuation.
Pour en revenir à l’objet de cet article, les Gatsby’s, je n’ai rien à ajouter à ma plaidoirie, je suis coupable de trop de conneries passées, elles étaient belles et désirables, aguichantes et aguicheuses, sexuelles, mais textuelles aussi, j’ai craqué, culbutant l’une, puis l’autre, ne sachant pas comment me défaire de la troisième… Elle est finalement partie d’elle-même, un hasard, un bellâtre qui passait, elle n’a pas résisté… Si vous la voyez, faites attention, malgré son âge elle est encore capable d’envoûter… Alors on espère, comme les niais, comme les cons. Les minutes passent, l’étincelle trépasse, elle ne te regarde plus, et voilà que vous vous engueulez à nouveau pour rien. La lassitude. Et tu te rends compte que dans ce couple, il n’y a plus que du vide. Pas de rage, pas de lien. Mêmes les conflits sont vides, sans passion, sans feu. Tu pleures parce qu’il ne reste plus rien. Plus d’amour, plus de haine, plus rien. Quoi c’était ? Ahhhhh Oui ! C’était l’époque Chromes&Flammes, c’est loin, t’avais 20 ans, t’en as 70, il ne te reste que des souvenirs… Même plus ta belle partie avec un voisin…