STUTZ BLACKHAWK COUPE 1977
Cette Stutz Blackhawk VI de 1977 est l’une des quelques 600 Blackhawk’s produites entre 1971 et 1987. La voiture se voulait réservée aux “ceusses” ayant le sang bleu qui en tombaient bleu d’émotion (moins actuellement), sa bicolorisation en deux tons de bleu sur un intérieur en cuir Connolly bleu étant un “plus” pour les snob au sang bleu… La puissance glougloutesque fournie par un V8 General Motors 403ci associé (pour la vie jusqu’à ce que la mort les sépare) à une transmission automatique à trois vitesses TH400, était la démonstration d’avoir des finances à hauteur stratosphérique de la consommation… L’équipement standard consistait en des roues fil 16 pouces, des faux tuyaux latéraux simulant l’échappement, un toit ouvrant, des sièges à multi-réglages électriques, des garnitures intérieures plaquées or, la climatisation d’une autre époque et une chaîne stéréo à cassette AM/FM déjà démodée dès sa sortie. Le Must ultime, mais rare, étant en 2022 de disposer d’une version jouant des disques 45T ainsi qu’in antédiluvien lecteur de cassettes 8 pistes…
Les Stutz’s Blackhawk’s originales ont été créées par Virgil Exner en 1969 et avaient un pare-brise à l’ancienne en V qui leur donnaient belle apparence, le Kitchissime Elvis Presley en est tombé bleu-fou au point d’en acheter plusieurs à la queue-le-leu. Chaque version (série) s’est abâtardie au fil des versions plus encore qu’on pensait que c’était possible. La série 1977 nommée Blackhawk VI était la dernière ayant un look certes limite, mais malgré-tout “potable” quoique Kitch… Elle était basée sur des trains roulants Pontiac Grand Prix (déjà vieillots en 1977) avec une carrosserie réalisée artisanalement par la Carrozzeria Saturn située à Turin, en Italie. Le VIN (la plaquette d’identification) se décode comme suit : 2 – Pontiac / K – Grand Prix / 57 – Coupé à toit rigide à deux portes / K – V8 403ci, 4carbus / 7 – Année modèle 1977 / P – Base de Pontiac (Michigan) / 231862 – Matricule
Je n’en ai pas vraiment honte, mais à l’époque fastueuse de mes magazines Chromes&Flammes (années ’70/80/90) j’en ai possédé quelques-unes à la suite, de chaque série, y compris une 4 portes sensée véhiculer des Ambassadeurs, des Roitelets d’opérettes “nègres”, des Princes déchus, des gagnants de loteries, quelques excentriques chantonneurs, des Ambassadeurs de pays d’Amérique du Sud et d’Afrique-noire, un notaire Belge (une fois), un moine thibétain devenu Gourou à Las-Végas, un clown pianiste Ukrainien en ascension et une pute transsexuelle de haut-vol installée à Miami sur Coconut-Groove, spécialisée en Sado-masochisme. Que du beau linge, croyez-moi. Actuellement on en trouve encore dans des garages flamboyants appartenant à des gangsters, qui finissent souvent au fond de propriétés de milliardaires en tant que garnitures de fond de jardin, entourées de nains en plastique.
Fin des sixties, l’ingénierie et le design des automobiles américaines étaient symptomatiques d’un état de sénilité avancé, il s’agissait là d’un handicap rédhibitoire dans une société gérontophobe qui cachait honteusement ses rides et fuites intellectuelles. L’âge pourri succédant à l’âge mûr y était à ce point tabou que même les journaux et magazines ainsi que les programmes télés destinés aux aînés (aux fossiles) affichaient en vedettes de sémillants retraités à gueules d’éphèbes. Au désespoir de racoler la jeunesse non encore impuissante, les constructeurs ne présentaient que des monstres roulables pachydermiques décorés de surcharges de chromes, tout ce cirque étant présenté comme “le bon goût américain” et défini comme étant l’archétype obligé du Politiquement-Correct !
Les “Big-Three” n’avaient aucun modèle véritablement sportif, ni vocation à en faire si ce n’étaient la Chevrolet Corvette et la Ford Thunderbird qui brinqueballaient depuis les fifties en prenant du poids, du volume et de plus en plus de chromes chaque année…Il n’existait aucun modèle extraordinairement fabuleux proposant à la fois le chic, le choc, la classe et la sportivité toutes réunies, si ce ne sont quelques prototypes de salon et quelques productions étrangères telle la Facel-Véga, diverses Maserati et Ferrari Grand-turismo. Plus fort que les firmes gérontophiles, un designer s’invita alors dans la danse en créant une auto-simulacre, un moyen consumériste souvent pratiqué aux thés dansants des clubs du troisième âge de l’Amérique bien-pensante, dévoilant un monstre onirique hésitant entre le délire d’un designer frustré et le fantasme d’un ingénieur attardé.
La nouvelle entreprise automobile visant sans nul doute à être la préférée du quatrième âge, laissa entendre la possibilité d’une éventuelle commercialisation en très petite série d’une ubuesque GT qui allait être désignée par rien de moins qu’Elvis Presley comme étant la plus extraordinaire automobile de l’univers connu et inconnu. Il ne s’agissait pas là d’une information, pas même d’un message subliminal, tout juste d’une affirmation authentiquement et véritablement certifiée par “The King” en personne qui allait en acquérir plusieurs ! Il n’en fallut pas moins pour que l’Amérique s’enflamme, que les pisse-copies carburent et que les commentaires fusent, tous ont sorti pour l’occasion de jolies photos d’Elvis gratuitement fournies par le communiquant (Le faux Colonel Parker) qui buvait du petit lait.
Quid de la capacité d’un nouveau constructeur à créer une grosse GT de luxe façon Facel-Véga aussi étrangère à sa culture industrielle ? Quid de la viabilité d’un tel caprice ? Peu importait, l’essentiel était ailleurs… Stutz voulait simplement meubler l’espace merdiatique pour pas un rond, voilà ce qu’il faut retenir. Mais libre à vous de croire au Père Noël, en Little Bouddha ou en Dieu, ses ouailles et aux saints-d’esprit, cela ne coûte pas plus cher… J’ai été possédé par une demi-douzaine de Stutz durant ma vie automobile, dont un Coupé 1er série et une Berline 4 portes 3ième série… La Berline ne m’ayant pas laissé de souvenirs impérissables je l’ai revendue à un ami notaire Belge (une fois ) qui l’a bradée à un garagiste Hollandais qui cherche à la vendre 75.000 euros depuis 15 ans, ne récoltant pour son courage et son abnégation qu’un succès d’estime et de persévérance frisant la folie.
Je me souviens du temps où elle était mienne et que je la sortais incognito à minuit moins le quart, pour me balader sans être vu de quiconque sur une Nationale ouverte à la raison du plus fou. J’étreignais cette route entre nulle-part et n’importe-où, dans un corps-à-corps à quitte ou double. Avec la force centrifuge, je m’envoyais en l’air à chaque virage. Derrière, même une Lada 1200 Break 5 portes ne lâchait pas prise, même une Cox 1303’S a tenu le rythme. en compagnie d’une Twingo qui s’accrochait au cul de la Stutz comme une vioque en désespérance de mâles. Je sentais son souffle rauque pulser dans mon dos. La lutte pour l’honneur m’envenimait, m’emportait dans une sublime absurdité. Cinq mille tours minute et encore du coffre, la furie débridée de mon V8 réveillait la bête humaine que j’étais encore.
Je lui disais : “Alors, approche, jolie môme, viens que je t’emmène à présent sur mes terres, là où même mes propres démons ne m’effraient plus !”… J’attaquais, mordais méchamment la corde, tendais mes trajectoires sur toute la générosité d’amples courbes. A la reprise en sortie, les élans lyriques du Coupé Stutz me propulsaient dans des états d’euphorie orgasmiques. : “Hurle, vocifère, rends-moi fou ô ensorcelante catin d’acier incandescent et de cuirs érogènes !”… Pied au plancher, le coup de grâce. 180… point de limitation fixé par la faucheuse. A la radio, Elvis Presley ressuscité éructait son embonpoint, priant le Diable de mourir jeune ! La route me paraissait trop étroite quand les bordures des platanes refermaient sur moi leur cercueil de verdure. Je touchais l’absolu du pied droit tandis que mon existence défilait jusqu’à ce que sonne l’hallali, là-bas, au bout de la ligne droite.
Contempler la Mort au plus près du gouffre, quelle incommensurable vanité pour un oisif blasé de vivre ! Un brusque à-coup et la roue de secours pourtant fixée sur le coffre se barrait. Je craignais l’embardée. Je sentais un soudain flou dans ma direction, mais que m’arrivait-il ? La Stutz refaisait alors surface. D’ordinaire, monter en régime m’aurait suffi à la descendre pour de bon. Las, plus de réponse sous le pied droit. Le cauchemar. La cavalerie n’arrivait pas à la rescousse. Mes forces s’amenuisaient. Il me semblait tourner sur sept pattes et voilà donc que je perdais un cylindre ! O rage, ô ennemi, ma zone rouge redescendait dans des abîmes de médiocrité ! Je n’entendais plus que le râle déchirant d’un veau qu’on étouffe. Plus rien au-dessus de quatre mille tours. C’était fini, la Stutz Coupé m’envoyait dans les cordes. Impossible de revenir.
Je croyais partir pour de bon dans le décor alors que je me déhanchais comme un landau et que les pneus éreintés me criaient d’achever leur supplice. Ma tenue de cap confinait au flou artistique. L’angoisse du louvoiement s’emparait de moi. Il fallait alors tout arrêter sous peine de mort. Au moindre coup de frein, les pauvres partaient en fumée. Ça sentait le roussi, mon terrain de jeu favori n’était plus qu’un chemin de croix. Minuit passé d’une minute. Par miracle, je parvenais à achever ma course en un seul morceau, non sans avoir labouré le bas-côté. Le passage foudroyant de mes adversaires VW Cox en tête me ballottait comme une coquille de noix. Je descendais alors constater les dégâts. Horreur, ma caisse était nue de tout habillage aérodynamique. En lieu et place de jantes de supercar, je ne trouvais que la platitude désopilante d’enlaidisseurs ceints de misérables galettes tendres.
Consternation et bouche bée, mes montes pneumatiques avaient rétréci de cinq ou six pointures au moins. Retenant un cri, je m’écroulais à même le sol sous le poids de la confusion. Au bord de la crise de nerf, j’osais encore regarder dans les phares ma mutante, laquelle ne me renvoyait qu’une expression idiote de cétacé inoffensif. Et c’est ainsi que je vivais chaque nuit le cauchemar de “LA” révélation ultime… Au cours de son mandat à la tête de Chrysler design, Virgil Exner définissait l’emblématique ère des années 1950 avec son révolutionnaire “Forward Look”, un langage de conception quasi ésotérique réservé à “ceusses” qui savaient ! Avant cela, il avait transformé l’image “stodgy” de Chrysler et présenté aux acheteurs américains un style italien sophistiqué avec des voitures de rêve collaboratives créées aux côtés de Gigi Segre de la Carrozzeria Ghia.
Après un départ acrimonieux de Chrysler en 1962, il a été consultant et a travaillé sur des projets personnels. Au milieu des années 1960, Exner a conçu une série de soi-disant “voitures revival’s” qui ont été ses interprétations de la défunte automobile de l’ère classique, y compris Mercer, Duesenberg, Bugatti, Pierce-Arrow, Packard, et Stutz. Exner a essayé mais n’a pas réussi à relancer Duesenberg ! Mais en 1968, il a tourné ses vues vers la renaissance de la Stutz Motor Car Company. L’aide divine et financière a pris la forme et le visage de M. James O’Donnell, un riche investisseur avec un penchant particulier pour les automobiles Stutz et un talent pour attirer les gogos-investisseurs. Avec O’Donnell en charge des finances, Exner avait libre cours sur la conception, et bientôt une voiture de devenir illustre a pris forme.
La vision de Virgil Exner de la Stutz Blackhawk a été réalisée sous forme d’un grand coupé élégant de parade, en utilisant des composants d’origine américaine dans un costume italien exclusif “coachbuilt”, dans l’esprit de la luxueuse et exclusive Dual-Ghia des années 1950, la Stutz Blackhawk Coupé d’origine n’était en réalité qu’une voiture entièrement recarrossée, prétendument reconstruite totalement “à la main”! Ce n’était qu’un banal Coupé Pontiac Standard d’usine et non une réplique en kit ou en fibre de verre. Le coûteux processus de reproduction consistait à expédier une Pontiac “Grand-Prix” complète (achetée au détail !) à la Carrozzeria Padane à Modène, qui modifiait l’apparence extérieure et la totalité de l’intérieur. Le nouveau carrosse partageait quasi tout avec la voiture donatrice, et le résultat obtenu était soigneusement peint aux spécifications de l’acheteur.
Parmi ceux-ci figuraient Dean Martin, Sammy Davis Jr., Lucille Ball et Elvis Presley qui a acheté la toute première Blackhawk à ses débuts à l’hôtel Waldorf Astoria de New York. Seulement 25 Blackhawk’s série I ont été construites début des seventies, leur prix unitaire à cette époque était de 35.000 $ (l’équivalent de près de 225.000 $ aujourd’hui). La Stutz Cy a perdu environ 10.000 $ par voiture avant qu’O’Donnell ne se rende compte que l’expédition complète aller/retour de chaque Pontiac vers l’Italie n’était pas le meilleur plan d’affaires à continuer. À partir de la Series 2, tous les modèles Stutz vont utiliser beaucoup plus de sous-structure de la Pontiac “Grand-Prix” donatrice, compromettant les proportions uniques de la conception originale d’Exner, mais devenant finalement rentables.
Mais ce sont les premières voitures construites par la Carrozzeria Padane à Modène qui attirent le plus d’attention de la part des collectionneurs. Selon les historiens, seulement 16 des 25 Blackhawk’s d’origine ont survécu, et elles demeurent aussi exclusives qu’elles l’étaient neuves. Le Coupé Stutz Blackhawk présenté en vrac en seconde partie-photos de cet article est l’un des plus beaux exemples de la très exclusive version “split” (à cause de la forme en “V” de son pare-brise). Cette voiture provient d’une collection privée et a fait l’objet d’une restauration de huit ans. C’est la 17e des 25 produites, cette voiture a quitté l’usine en Novembre 1971. Selon Richard Curotto, l’ancien directeur des ventes de Stutz Motorcars en Amérique, il a recueilli cette Stutz châssis #276571A172808# sur les quais du Québec, l’a conduit de l’autre côté de la frontière Canada/USA, à Manhattan, juste à temps pour le Salon de New York.
Ce coupé Stutz a été vendu peu de temps après, mais le propriétaire (qui était Président des USA) n’a pas voulu que son identité (Ronald Reagan) soit dévoilée. L’histoire reprend au début des années 2000 quand le Coupé Stutz était dans les mains du célèbre imitateur d’Elvis : Paul Casey, qui a navigué chaque jour à son volant sur le strip de Las Vegas. En avril 2009, Paul Casey a vendu le Coupé Stutz à Erik Nielsen vivant en Californie. Le propriétaire le plus récent l’a acquis de Nielsen 14 mois plus tard, et a entrepris une restauration minutieuse jusqu’aux écrous et boulons, des heures indicibles à s’approvisionner en pièces rares et uniques perdues par le temps et les propriétaires négligents. La Carrozzeria Padane ayant également construit les Maserati Mistral, Indy et Bora aux côtés des Stutz, de nombreux composants provenaient des mêmes bacs… Mais certaines pièces ont été particulièrement difficiles à obtenir, y compris le lecteur original Lear Jet stéréo 8 pistes et l’ensemble de cinq roues et pneus Firestone LXX de 17 pouces, dont moins de 50 ensembles ont été produits ! Prix de vente : 325.000 $