Cadillac Séville Grandeur Opera 1982
On ne peut qu’imaginer la clientèle de ce type d’américaines lorsqu’elles étaient neuves, des chaînes en or, des dents en or, des lunettes de soleil en or, des bagouzes en or, beaucoup de poils sur la poitrine, un cigare et une veste “Member’s Only”… Une partie du plaisir de posséder une telle “chose” résidait alors dans son pouvoir de provoquer d’énormes quantités de réactions diverses parmi les foules hébétées, muettes de stupéfaction…
En faits (et gestes) leurs propriétaires se délectaient d’un luxe aussi opulent à l’ancienne en susurrant aux badauds : “Mon autre voiture est une Zimmer Quicksilver”… Cette Grandeur Opéra me rend assez ému, je ne vais pas mentir, j’en avais acheté une auprès de la société Grandeur Motor Car Corporation en 1982 avec à la clé un contrat de Pub’s dans TopWheels… Le Boss aurait voulu que Jacky Ickx, le Rédac-chef de mes magazines en fasse un reportage/essai…
Après l’avoir expédiée en Europe, Jacky a refusé de se compromettre et s’est enfui en me disant qu’elle était brillante comme un diamant dans le cul d’un porc. Je l’ai utilisée deux ans puis j’ai offerte à mon Papa Antoine qui est tombé fou d’amour pour elle… Il m’a dit, les larmes aux yeux : “Mon fils, quand c’est exagéré, ce n’est tout simplement pas suffisant”… Mon papa adorait et à son volant, s’imaginait être devenu, une grande célébrité, une star de cinéma.
Pour le public, il fallait en effet être une star multimillionnaire pour posséder cette voiture dans les Eighties… C’était donc un morceau de l’histoire de l’automobile réservé aux riches et célèbres. Les jaloux disaient que la seule chose qui manquait était un lustre de chaque côté du capot comme la Cadillac Fleetwood Sedan du Duc (Isaac Hayes) dans “Escape to New-York” un film de John Carpenter sorti en 1981/82
C’était un super nanar Hollywodien avec Kurt Russel dans le rôle de Snake Plissken, épaulé par Lee Van Cleef et Ernest Borgnine en Co-Stars… L’histoire (débile) se déroulait dans un futur New York d’apocalypse devenu “LA” capitale du crime et haut-lieu de la came et “LE” paradis des péripatétiputes en tout genres. Les buildings claustrophiques y jouaient à cache-cache avec le soleil avant de sombrer dans des nuits plus noires que l’enfer…
Les rues et les avenues tracées à la règle dans une géométrie basique à base de carrés et d’angles droits, représentaient une putain de matrice de l’infini… Et juste à côté, on découvrait des ruelles dégoulinantes, des portes noires donnant sur des coupe-gorges sordides, des cinémas pornos gluants, des bars “chez Satan himself”, sans oublier les “Motherfuckers” qui hantaient les rues de cette pomme vérolée, des armes plein les fouilles et de la coke plein le pif.
Il y avait aussi des Blacks défoncés à la ganja qui affûtaient leurs lames sur la peau du bide, des Chicanos tatoués comme des Yakuzas crachant des “Puta Madre” en balançant des tessons de bouteilles en pleine tronche des Ritals gominés et rasés de frais jouant leur vie au poker, la perdant sur un coup de bluff à la con et finissant leur soirée “penne rigate” en confectionnant de jolies chaussures en béton aux emmerdeurs…
Une ribambelle de fêlés dans un labyrinthe immense suintant la pisse et l’héroïne, c’était ça le New York des eighties : l’enfer à ciel ouvert. Une ville peuplée de putes et de tueurs… Le New York des “Warriors”, celui de “Taxi Driver”, de “Maniac”, de “Soleil vert” ou de “SOS Fantômes”, crasseux et flippant où la lie de l’humanité s’était filé rencart. Ce film a cerné cette déliquescence urbaine et sociale, a poussé la logique de pourrissement à l’extrême.
Des tonnes et des tonnes de racailles y poussaient comme du chiendent sur le béton de la Big Apple, alors pourquoi s’emmerder à les foutre en taule, alors qu’il suffisait de bâtir des murs de trente mètres de haut autour de la ville, et foutre tout autour des miradors et du fil barbelé. Syn-thé-ti-ser ! Regarder la réalité, trouver des solutions, aller au plus simple. Un sacré bordel, crénom !
Et qui c’est qui va y aller foutre son pif dans ce merdier king size ? Snake Plissken, un taulard cynique et violent, un bandeau sur son œil crevé et des punchlines acides plein la gueule. Le plus badass des cowboys et le plus cool de tous ces “Motherfuckers”. On s’foutais de tout à cette époque, frissonnant, à l’idée qu’on pourrait faire et refaire cette traversée de NewYork en apnée dans Paris.
Je rentrais dans cet enfer rempli de tags agressifs et de clodos cannibales, confiant, serein, comme si j’étais sur le dos de ce héros. J’n’avais plus peur. Je portais son flingue et je ne voyais aussi que d’un œil. C’est dans mon imagination reprenant diverses scènes du film que je voyais ces ombres se faufiler à la vitesse de l’éclair autour de moi, sentant le souffle chaud de leur haleine mortifère sur ma nuque…
Je voyais mourir prophétiquement le monde se reconstruisant en un immonde tas de merde en guise de civilisation. D’un seul œil je matais l’horizon. C’était de mon unique œil que je rinçais dans le décolleté opulent d’Adrienne Barbeau, (la starlette du film) c’est aussi lui, cet œil qui m’a permis de voir cette vieille carcasse d’Isaac Hayes sortir de sa Cadillac maquillée comme une salle de bal, une tire avec des lustres style XVIIIème en guise de phares.
Le monde était différent avec un seul œil, avec l’œil du Snake. Quand j’ai ouvert l’autre, j’avais pris trente trois piges dans les dents de 1982, Snake Plissken s’appelait Kurt Russell et New York était devenu l’une des villes les plus sûre du monde. Mon New York s’était évaporé. Monde de merde ! Mais ,j’éditais Chromes&Flammes en Europe et TopWheels aux USA…
Les “ceusses” qui disent que c’était moche ou horrible ne sont tout simplement pas assez vieux comme moi (75ans en mai 2024) pour comprendre ce qu’était cette voiture et aussi les voitures achetées en 1982 par des hommes plus âgés nés au début des années 1900 mais qui n’étaient pas riches dans les années 1920 et 1930 pour s’offrir une Cadillac, une La Salle, une Cord toutes “Great Gatsby Era” dotées de longs capots et de pneus de secours sur les deux ailes.
Mais devenus plus âgés et avec de l’argent disponible, ils en ont acheté une pour revivre ces jours de gloire de leur jeunesse dans une voiture de type “Rétro-Mod”… C’est la même chose pour une personne qui était jeune et pauvre au début des années 1970 et qui rêvait d’une Dodge Challenger mais qui ne pouvait pas se le permettre à l’époque. Ces vieux là sont morts ou presque maintenant…
Cette Cadillac Séville de 1982 a été produite à l’origine comme une berline à quatre portes standard et a subi une conversion Opera Sedan par Grandeur Motor Car Corporation de Pompano Beach, en Floride, avant la livraison initiale et expédition vers l’Europe. Les transfos’comprenaient l’allongement du capot et l’ajout de faux panneaux latéraux supports des roues de secours. Le V8 de 4,1 litres disposait d’une injection de carburant.
Mais il ne produisait que 135 chevaux avec 190 lb-pi de couple, relié à une boîte-pont automatique à quatre vitesses. L’équipement supplémentaire comprenait des jantes à rayons de 15 pouces, une climatisation automatique, un régulateur de vitesse, un ordinateur de voyage et une chaîne stéréo à cassette Symphony Sound. Une pièce de collection actuellement.
L’habitacle comprenait des banquettes avant et arrière recouvertes de cuir gris, tandis que des garnitures en bois simulé accentuent le tableau de bord et les panneaux de porte. J’ai par la suite créé une Bentley S1 allongée de même façon avec des fausses roues de secours dans les ailes AV… et j’ai également transformé une Buick Opéra allongée également de même façon, toutes étant utilisées par mon Papa jusqu’à ce qu’il ne puisse plus conduire… Et meurt…
2 commentaires
Maître, merci pour ce bel article, agréable à lire et qui m’a fait voyager. Lorsque vous parlez de chemise ouverte et de bague en or, je garde en tête les Cadillac utilisées par Robert De Niro dans le film “Casino” : argent assumé et la représentation d’une certain ethos. Je pense également que la perception de ces autos avec un regard de 2024 ne peut être celle de leur époque. Au fil du temps, la perception du luxe automobile a évolué. Les voitures haut de gamme d’aujourd’hui mettent souvent l’accent sur le côté sportif et dynamique pour répondre aux préférences changeantes des consommateurs. Ceci pour ne pas écrire qu’une Bugatti conduite par un joueur de foot en basket n’est pas de meilleur goût qu’une Cadillac conduite par un type avec des dents en or et une chemise ouverte ? Vos autos restent captivantes, encore merci pour ce partage !
Comme vous le constatez en me lisant, assez souvent j’avais acheté les voitures dont je cause, pour diverses raisons dont celle d’en tirer profit et/ou de les utiliser. Dans les années Chromes&Flammes, les contrôles techniques étaient si pas inexistant, à tout le moins une formalité que les préposés ne maitrisaient pas… Les problèmes se sont fait jour avec les Minari qui étaient des autos fiscales roulant avec des docs d’Alfa Roméo 33 et ou d’AlfaSud et s’immatriculaient telles quelles, tandis que les Cobra’s roulaient en docs de Ford Transit voire de Ford AMX ou Torino qui n’étaient documentés nulle-part… On immatriculait n’importe quoi en tant que n’importe quoi… Avec le temps et l’arrivée des ordis et banques de données, tout a changé… Ceux qui poussaient à l’assainissement (généralement les importateurs) n’y ont rien gagné car le public qu’ils imaginaient récupérer n’avait pas les possibilités d’acquérir des monstres sacrés comme des V10’s Dodge VIPER au lieu de répliques de Cobra… C’était aussi en cause des taxes énormes pour des V10 Viper… Alors que les Cobra Réplica roulaient comme des ancêtres de 30 ans… A trop vouloir régenter, tout s’est cassé la gueule… Actuellement Gatsby/Chromes c’est du rêve comme un porno qui apporte du fantasme… Mathématiquement tout disparaitra à mon décès car plus personne ne pourra “en causer” de l’avoir vécu… On peut aussi y joindre les répliques, il fut un temps on transformait une Datsun 240Z en Ferrari 250 GTO et avec pluche d’argent il y avait Favre, là aussi, en interdisant les copies et en poursuivant les faussaires, cela n’a pas amené leurs clients a acheter une authentique 250GTO… Donc ca coince, ça ne fait plus rêver quiconque, c’est un autre monde…
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