1956 Corvette V8 283ci 235.000 US$
Ma vérité qui explique ma manière de vivre l’automobile et d’en écrire ma façon de penser, est que j’ai trop rapidement compris ce monde où les rêveurs côtoient les escrocs, les ingénieurs les incapables, les génies les imbéciles, les trop riches les trop pauvres, tous simultanément profiteurs et affectés par le consumérisme devenu un élément basique de notre civilisation… Il n’y a donc rien à comprendre aux automobiles qui ne sont que des moyens de transport…
L’humain, outre qu’il se “compétitionne” depuis la nuit des temps en prouesses vaniteuses et inutiles, s’extasiant devant des millisecondes d’écart sans signification véritable autre que perpétuer l’instinct dominateur et guerrier, nous amène, en ce qui concerne nos si chères automobiles à se se masturber les neurones devant des ferrailleries, porscheries et autres, toutes, batailleuses, féroces et pétaradantes. Elles ont presque toujours agressé mon existence !
Obnubilé, pourtant, par la fluidité sensuelle et les atours féminins des bolides, j’ai succombé un jour, suis entré dans la bataille de l’inutile, m’intégrant aux mécaniques véloces, subissant escroqueries, vols, malversations et fiscalisations diverses , j’ai appris, sans doute, à dompter les bêtes de l’enfer me rendant compte qu’elles n’étaient pas des anges, et me suis retrouvé en enfer !
Dévorant jusqu’à l’azur de l’horizon vibratile toutes les lignes droites cernées de bandes blanches, j’ai toutefois essayé de dépasser le monde entier, laissant derrière moi des panaches de fumées toxiques, souvenirs ricinés de mes exploits de vitesse et des tombereaux d’argent. Cheval cabré sur mon capot écarlate ou cramponné au volant derrière la calandre du dieu Neptune aux fanons assassins qui déchirent la route à la vitesse des tombeaux qui s’ouvrent…
J’ai défié le rythme cardiaque des chronographes jusqu’à la tachycardie fatale, la sortie de jeu, dans le sang et la peur, pour un sommeil qui n’en finit plus… Je me suis réveillé, prisonnier de mes illusions, dans un autre temps, de ma vie antérieure, ne supportant plus d’entendre le vacarme des expiations, ni revoir les déchirures d’acier… J’avais trop fixé mon regard sur les horloges des tableaux de bord parfois plaqués de boiseries précieuses, parfois de vulgaire plastique.
J’ai tenté de scander un autre tempo sur base du ralenti de moteurs qui ne respirent pas comme on rêve, mais hoquètent les prémisses de sa mort programmée… Fi des illusions d’une déesse ailée m’ouvrant la route des félicités, le long des autoroutes sombres quand le ciel gronde de colère, lors de mes lancinantes errances routières, autant de voyages vers des lieux de perdition…
D’avant la chute, je n’ai que des images floues où se mélangent presque toujours des histoires contradictoires, mais je poursuis tout de même mon chemin vers la vérité, en espérant qu’elle existe… Je pars souvent ainsi, à ma propre recherche, et comme disait le poète dans une exégèse de Shakespeare : “Je suis parfois surpris par de fugaces souvenirs qui sont peut être authentiques”… Je reste pourtant seul au volant d’inepties.
Les routes qui mènent toutes vers la néantisation globale, défilent sans bruit sur l’écran d’un ordinateur qui transforme les paysages en abstractions, définitivement illusoires ! Les jours , les semaines, les mois, les années qui passent, n’ont plus pour moi la même importance, je n’en ressens plus l’écoulement. L’hémorragie temporelle se juxtapose à une cécité angoissante, m’entrainant dans un univers où mes souvenirs sont souvent des prédictions.
Mon esprit flotte loin du vôtre, je m’éveille loin du vacarme et je cherche plus loin encore, dans le soir l’instant de calme qu’il faut à mon regard pour cesser d’observer le monde…Mes nuits sont plus longues que mes jours ! Sur la toile, j’ai croisé mille âmes, sans rencontrer personne et quand l’épouvante cybernétique des paradis du web m’étreint, je m’en vais tuer la nuit et attendre un ciel plus clair… Je devine qu’elles disparaitront un jour.
Il faut bien en finir avec ce chaos… Ce sera peut être triste, de voir toutes ces carapaces rouillées et immobiles, ces machines devenues absurdes rouiller sur le bord des routes du vide… Cette vision d’après demain est encore fragile dans mes souvenirs d’un futur incertain, mais je sais que ces évènement auront lieu sous l’éclat d’une lumière nouvelle… Ce jour vient : un temps gigantesque où l’on aura dépassé la vitesse et où l’on oubliera le bruit de la bataille.
Parcourant le grand labyrinthe d’asphalte déserté par les cloportes d’acier, une ultime fois, surplombant d’un regard l’ensemble anéanti ! Les temps futurs écraseront le passé, sans aucune pitié, les souvenirs du quotidien d’aujourd’hui ne survivront pas aux guerres et découvertes à venir. Dans ce nouveau monde, il ne restera plus rien de l’automobile, pas même cette Chevrolet Corvette de 1956 peinte en rouge vénitien sur vinyle rouge “gondole” !
Elle est propulsée par un V8 283ci jumelé à une transmission manuelle à quatre vitesses. L’équipement comprend une capote souple, des jantes en acier de 15′ avec enjoliveurs, carburateurs double’quad, harnais de ceinture Simpson et une radio Wonder Bar. Quel gag ! La voiture serait restée avec le même propriétaire pendant 50 ans avant de subir une rénovation/restauration en 2015.
Elle a été acquise par le propriétaire actuel en 2020 qui croyait qu’après avoir payé 200.000 US$ il trouverait le chemin des félicités à son volant… Quel pitre naïf, les travaux ultérieurs lui ont couté encore 15.000 US$ pour le remplacement de l’embrayage, de divers trucs et machins concernant la pression des roulements servant au fonctionnement du bazar… La liste comprend des courroies, des joints, des fluides, un thermostat, une pompe à eau, des tuyaux…
Des freins aussi et un système d’allumage. De quoi vouloir me rejoindre dans l’infini du néant ! Cette Corvette C1 a ensuite été re-offerte au nom du propriétaire actuel avec des dossiers de sévices récents et un titre californien propre (l’ancien était sale). La voiture a été refaite dans le même rouge vénitien. L’équipement comprenant une nouvelle capote souple beige, un nouveau pare-brise enveloppant, des nouveaux pare-chocs avant et arrière !
La cabine a été retapissée non plus en vinyle beige mais en en vinyle rouge et diverses “choses” ont été ajoutées tel un chauffage, des tapis de sol, des ceintures de sécurité de style époque. En avril 2021, American Motoring Memories de Culver City, en Californie, a du réviser les lève-vitres, les gâches de porte, les serrures des 2 portes et du coffre ! Un nouveau volant à trois branches sans craquelures se trouve maintenant devant un nouveau compteur de vitesse gradué à 140 mph et un tachymètre Sun Super Tach monté au centre, en plus d’une nouvelle horloge et des jauges auxiliaires.
Le compteur kilométrique à cinq chiffres indique maintenant 256 miles, mais le kilométrage réel est inconnu. Un nouveau moteur V8 283ci a été monté en remplacement du même qui a rendu l’âme, il est équipé de deux carburateurs à quatre corps qui ont été reconstruits en janvier 2021 par le même garage American Motoring Memories. La puissance (sic !) étant envoyée aux roues arrière par le biais d’une nouvelle transmission manuelle à quatre vitesses.
Les sévices/ services additionnels comprenaient le réglage des soupapes, la reconstruction du démarreur et le remplacement de l’embrayage, des courroies, des joints des couvercles de soupape (les caches-culbuteurs), des fluides, un thermostat, une pompe à eau, des tuyaux de refroidissement et de carburant. Ces travaux supplémentaires sont détaillés sur le dossiers des sévices fournis amenant à un nouveau prix d’ami de 235.000 US$… La folie est infinie !