RUXTON…
Hier matin, je rentrais en mon moi profond, dans une voiture plus que remise à neuf, restaurée “concours” à grands frais… [Attention, pas le supermarché d’alimentation Grand-Frais, homonyme, mais dans le fil de l’expression : “Sans regarder à la dépense“]… dans une carrosserie située en Pologne, où œuvrent des artisans restaurateurs-tôliers Ukrainiens expatriés par “l’opération spéciale” des Russes en chasse de néo-nazis. (La frontière Polonaise jouxte le Nord-Ouest de l’Ukraine, je connais un peu ces régions pour avoir fait imprimer mes magazines C&F + Gatsby à Vilnius en Lituanie, qui fait partie de l’Union Economique Européenne, et aussi édité les versions Slaves de Chromes&Flammes)… Bref ! La voiture dont question est une Ruxton Sedan, rareté hors de prix (estimation Sotheby’s et Bonhams à 700.000 euros en état dit “concours”)…
Cette Ruxton Sedan traction avant détonnait en comparaison des automobiles classiquement habituelles actuelles peinant dans le trafic engorgé par l’arrivée des vacanciers/vacancières “Juilletistes”, mais elle détonait également dans les années folles d’avant la Grande Dépression de fin des années’20. Elle est toujours grande et imposante quasi 100 années plus tard en comparaison des automobiles actuelles, toutes semblant soudain mièvres aux yeux des badauds et manants figés à la regarder. Vous n’en verrez que les photos illustrant cet article, mais vous confesserez que cette carrosserie ne pouvait que créer des attroupements et susciter des commentaires hilarants…
– C’est quoi c’te caisse, putain !
– Une Zunkstsky…
– Zunky quoi ? C’t’une marque ça, putain ? C’est pas Français c’te machine ? Et c’est fabriqué-d’où, putain ?
– En Tchécoslovaquie, mais elle est Russe !
– Putainnnnnnnnnnn ! Chié ! C’est la première fois que j’en looke une… Euh ! Koi t’as dit encore ? Russe que j’ai capté ! Putain ! Poutine !
– C’est une Zunkstsky Thécoslovaque, mais elle est Russe !
–Une Zeeneski, c’est ça ? C’est-y pas Ukrainien ? Putain ! Chiadé c’t’affaire de ouf ! Zeeneski c’est le mec connu qu’on voit en télé ? Merde ! Putain ! Les Tchétchènes sont des mecs balaises impitoyables qui rigolent pas ! Y connaissent leur métier… Les Ukrainiens aussi. Mais koi k’c’est de koi Ruskof c’te tire de ouf ? C’tune provoc ? T’AS PAS LA HONTE? PUTAIN ?
– Non !
– T’es pro-Ruskof, Poutiniste et Péténiste, c’est ça ? Salaud de Soviet ! Putain ! Tu viens chelou narguer le people avec c’te tire d’Poutine ! Putain ! Dégage !
Ni les Tchèques, ni les Tchétchènes, ni les Ukrainiens, ni les Russes ne sont pourtant en rien dans la fabrication et la restauration de cette Ruxton que j’ai affublé d’un nom qui m’est venu comme ça en tête : “Zunkstsky”, une marque qui n’a jamais existé, que je venais d’inventer par fatigue du faible niveau de connaissance des gens en matière d’automobiles anciennes. Aussi parce que dans le cas de ce “faux-frère”, me faire apostropher direct comme si j’étais son pote, son demi où quart de frère, voire cousin “de là bas, dit”... Quel souk ! Ce mensonge n’avait d’autre but que de préserver l’anonymat de cette somptueuse et rarissime automobile traction avant : la Ruxton ! Une idée brillante était la cause de sa création, magnifiquement exécutée, mais aussi mal chronométrée dans le temps imparti à sa mise en production et de surcroit, entourée de controverses. La Ruxton est probablement la plus grande voiture américaine en image, qui ne l’a jamais vraiment été. L’écrivain automobile Jeffrey Godshall a intitulé son article de l’automne 1969 dans “Automobile Quarterly” : “Ruxton: Une superbe automobile qui n’a jamais eu de chance”…
La voiture avait été créée par le talentueux ingénieur William J. Muller, qui travaillait dans le département expérimental de la Edward G. Budd Company. Ce n’était pas une société fabricant des automobiles à part entière, mais un atelier fournisseur de pièces pour l’industrie automobile. William J. Muller venait du monde de la course automobile quand il a rejoint la Edward G. Budd Company en 1920. Il a suivi de près les développements du sport automobile et s’est particulièrement intéressé aux systèmes de traction avant utilisés sur plusieurs voitures Indy comme les Miller. La Ruxton de production qu’il a créé était propulsée par un moteur huit cylindres Continental de 100 chevaux. William J. Muller a directement reconnu que les avantages de la traction avant se traduiraient également par des voitures de route et a présenté l’idée à Edward G. Budd en 1926, qui a de suite partagé l’enthousiasme de Muller et croyait qu’un système de traction avant entièrement fonctionnel serait un produit très lucratif pour la Budd Companypour revendre à un grand fabricant. Pour démontrer tous les avantages de la traction avant, Muller a non seulement été chargé de développer une transmission avant, mais a également entrepris de créer un prototype d’automobile entièrement fonctionnel et roulable.
Dans les années 1920, la transmission de toutes les voitures de luxe utilisait la même configuration, avec le moteur et la boîte de vitesses montés devant l’habitacle. Les roues arrière étant ensuite entraînées par le pont-différentiel via un arbre de transmission qui passait sous la voiture. Pour dégager la transmission conventionnelle, la carrosserie avait été montée sur un châssis séparé. En supprimant tout renvoi vers les roues arrière et en entraînant les roues avant, l’arbre de transmission était éliminé. Sans arbre de transmission à affronter, le plancher de la carrosserie pouvait en fait se positionner entre et sous les rails du châssis, abaissant considérablement la hauteur totale de la voiture. Joseph Ledwinka était tellement brillant qu’il a été chargé de la création de la carrosserie du prototype.
Joseph Ledwinka (14 décembre 1870 – 26 novembre 19491) était un ingénieur automobile américain né à Vienne qui émigra aux États-Unis en 1896. Son premier emploi à la Chicago Coach and Carriage Company, lui permit de développer sa première conception brevetée : un véhicule électrique à quatre roues motrices avec des freins aux quatre roues, dont plusieurs ont été construits par Westinghouse. Il devint par la suite ingénieur en chef au Chattanooga Railroad of Tennessee, où il a conçu des disques spéciaux pour chariots électriques. À Philadelphie, il a commencé à travailler avec Edward Gowen Budd pour la Hale & Kilburn company où ils ont été les pionniers de la fabrication de pièces de carrosserie en acier embouti dès 1909. En 1912 ils ont établi leur propre usine, la Edward G. Budd Manufacturing Company, par après renommée Ambi Budd, à Philadelphie, où ils formèrent des panneaux pour l’automobile, par emboutissement et martelage en puissance, suivi plus tard par le dessin et l’étirement des panneaux, fournissant des pièces de carrosserie à Esquiver. En 1923, André Citroën a pris la licence Budd pour le modèle tout-acier B12. En 1929, Ledwinka a conçu la voiture traction avant Ruxton. Dans les années 1930 Ledwinka a été impliqué dans la conception de la carrosserie de la Chrysler Airflow et a ensuite travaillé avec Ferdinand Porsche sur les premiers prototypes VolsWagen. Ledwinka est l’auteur de plus de 300 brevets techniques relatifs à la conception d’automobiles innovantes.
Pour la Ruxton, il a commencé avec un ensemble d’estampages de carrosseries de berlines produites par Hupp. Cela a été modifié en canalisant les planchers, ce qui a permis à ses carrosseries d’embrasser le châssis et non plus d’y poser la carrosserie. La hauteur de ces voitures a ainsi été réduite à un point tel que les marchepieds n’étaient plus nécessaires. La carrosserie de la Ruxton était d’environ dix pouces plus basse qu’une berline conventionnelle. Une poignée de Ruxton’s ont été peintes dans un schéma multicolore saisissant créé par l’artiste Joseph Urban, en fait, des bandes de couleurs de l’ensemble du spectre. Pour le prototype, c’est-à-dire la berline Hupp modifiée, celle-ci a été montée sur un châssis “en échelle” conventionnel équipé d’un moteur Studebaker six cylindres auquel une boîte de vitesses Warner à trois vitesses était accouplée. Il s’agissait d’une solution temporaire servant principalement à prouver que le concept de traction avant était jouable. Muller a également travaillé “dur” pour développer une boîte de vitesses sur mesure destinée à la version finale de la transmission. Le prototype “frappant et discret” fut prêt en 1928 et a reçu un succès universel.
L’une des personnes qui en a pris note était un membre du conseil d’administration de Budd du nom d’Archie Andrews. Trader notoire et aisé de Wall Street, il était l’un des principaux actionnaires de la société. Avec l’aide du commandant en second de Budd, qui lui aurait dû une faveur (une affaire de Maîtresse et de privautés sexuelles), Andrews convainquit Muller de déplacer l’atelier prototype de Philadelphie à New York alors qu’Edward Budd était hors de la ville au début de 1929. Muller a été placé dans un hôtel de New York avec des instructions strictes de ne pas contacter Budd. Grâce à ce geste astucieux mais malhonnête, Andrews a réussi à éloigner le prototype et son créateur de l’usine Budd. Il avait des projets beaucoup plus grands que Budd et a cherché des moyens non seulement pour vendre la technologie, plutôt que de commercialiser des voitures à traction avant complètes. Andrews n’avait pas lui-même d’usine où la voiture pouvait être construite, il a donc dû trouver un partenaire approprié. En mars 1929, un accord a été conclu avec la Hupp Automobile Company pour développer et produire la nouvelle voiture à traction avant.
Muller a continué à affiner son système de traction avant. Le principal problème qu’il devait résoudre était la longueur de la transmission. Avec un moteur conventionnel et une boîte de vitesses, celle-ci était montée sous la cloison avant de la carrosserie. Cela signifiait que le moteur lui-même déterminait la taille du compartiment moteur. En tournant le groupe motopropulseur, il fallait plus d’espace dans le compartiment moteur, car il n’y avait aucun moyen de placer le moteur sous la cloison avant. Un nez relativement long était l’effet secondaire indésirable de cela. Pour résoudre ces problèmes d’emballage, Muller a entrepris de redessiner la boîte de vitesses. Il a trouvé une solution particulièrement intéressante : une boîte de vitesses qui prenait en sandwich l’unité d’entraînement finale. La première et la marche arrière étaient placées devant l’essieu et les deuxième et troisième rapports entre l’entraînement final et le moteur. En conséquence, le moteur pouvait être monté plus près de l’essieu avant, ce qui permettait un compartiment moteur plus court et déplaçait également le poids du moteur plus loin vers l’avant, améliorant ainsi la traction (avant) des roues motrices.
Le partenariat avec Hupp ne dura toutefois qu’un mois et, en avril 1929, Andrews dut à nouveau trouver un fabricant avec lequel s’associer. Pour permettre des investissements extérieurs, il a créé une nouvelle société connue sous le nom de New Era Motors. Ce n’était pas le nom de la voiture car Andrews avait conçu un plan pour nommer la voiture d’après un nouvel investisseur potentiel ; un moyen astucieux d’attirer plus de capitaux. Le fait de ne pas avoir encore de nom a également ajouté une certaine intrigue au projet, ce qui a généré plus de publicité. L’investisseur qu’Andrews avait distingué était William V.C.Ruxton, un éminent banquier d’investissement de Wall Street. Andrews est allé voir Ruxton avec Muller dans le prototype. Ruxton était certainement intéressé par la voiture sur laquelle il y avait son nom et un échange de bons procédés financiers entre Andrews et Ruxton a été convenu. Andrews n’a pas perdu de temps et a annoncé que la nouvelle voiture serait nommée Ruxton d’après son nouvel investisseur. Ruxton lui-même n’était pas au courant de cela et peu de temps après, il a retiré son implication. Il a poursuivi Andrews, mais la tentative d’empêcher l’utilisation de son nom s’est avérée infructueuse.
Bien que maintenant réglé sur le nom de la voiture, la petite question de trouver une usine pour construire la Ruxton devait encore être abordée. Il y a eu un bref accord avec la Gardner Motor Company qui a échoué, tout comme les pourparlers avec Marmon. Quatrième fois chanceux, semble-t-il, un accord avec la Moon Motor Car Company basée à St Louis a été conclu. L’accord n’est resté amical que brièvement car après un différend, Andrews a commencé à manipuler les actions de Moon en achetant des actions, en les revendant, puis, après que le prix ait chuté, en les achetant à nouveau. Le résultat a été une prise de contrôle hostile qui a été réglée en faveur d’Andrews après un bras de fer entre les agents de sécurité de Pinkerton embauchés par Moon et la police de St. Louis.
Pendant ce temps, Andrews avait lancé une campagne médiatique massive pour promouvoir la nouvelle Ruxton. Sa publicité de quatre pages disait: “Complètement différente est la Ruxton, elle est dix pouces plus basse que toute autre voiture” … Opportunément programmée, l’annonce est intervenue un mois avant le lancement de la Cord L-29 à traction avant qui utilisait une transmission brevetée par Miller, elle n’était pas aussi basse et s’avérait légèrement plus lourde que la Ruxton. Bien qu’initialement battu au poing par Ruxton, Cord a réussi à démarrer la production plus tôt, faisant officiellement de la L-29 la première voiture de tourisme à traction avant construite en nombre significatif. Alors que la façon dont il menait les affaires était loin d’être belle et honnête, Andrews avait un bon sens du style. Il a fait un appel à l’aide au célèbre scénographe New-Yorkais Joseph Urban pour fournir des livrées colorées saisissantes aux Ruxton’s. Vraiment uniques, les schémas de couleurs Urban se composaient de deux ou même plusieurs tons de couleurs vives. Augmentant encore l’attrait envers la Ruxton des clients les plus riches et excentriques, et c’est Schumacher de New York qui a été chargé de fournir les tissus pour les intérieurs.
Malheureusement, il y avait encore très peu de voitures pour Urban à peindre et pour Schumacher à garnir. Un deuxième prototype avec une carrosserie Roadster spectaculaire de Baker-Raulang a été achevée en octobre 1929 et présentée dans un spectacle sexy au Grand Central Palace de New York. Peu de temps après, trois autres voitures ont été présentées au Salon de l’auto de Chicago. Le première Ruxton “urbanisée” a été présentée au Salon de l’auto de New York en 1930 et présentait une palette de couleurs vertes bicolores tandis que le badge Griffon figurait en bonne place sur le bouchon de radiateur et les phares Woodlite. Bien que la publicité initiale de quatre pages ait suggéré que jusqu’à 12.000 Ruxton seraient produites avant la fin de l’année, la production en série n’avait pas commencé au début de 1930. La hâte de battre Cord avait toutefois rattrapé New Era Motors car la Ruxton n’était vraiment pas tout à fait prête pour la production en série. Muller développait encore les composants du groupe motopropulseur lorsque les premières pièces ont été commandées, de sorte que beaucoup d’entre elles ne pouvaient pas être utilisées. De longs retards en ont résulté.
Dans sa forme “prête pour la production”, la Ruxton combinait la boîte de vitesses innovante de Muller avec un huit cylindres en ligne fourni par le motoriste spécialisé Continental. Le moteur de 4,4 litres produisait une puissance respectable (pour l’époque) de 100 chevaux à 3.400 tr/min. La Ruxton était proposée avec un choix de carrosseries standard, qui comprenait le roadster produit par Baker-Raulang et une berline provenant De Budd. Edward Budd était clairement plus intéressé par l’entreprise que par des sentiments durs. Le prix du Roadster et de la Berline a été fixé à 3.195 $, ce qui était comparable aux Cord L-29 à carrosseries similaires. Dans le but d’attirer le maximum d’attention des médias sur le fait que la voiture n’avait toujours pas de nom, le prototype original avait littéralement arboré un gros point d’interrogation comme ornement de capot. Une fois le nom Ruxton adopté, le point d’interrogation a été remplacé par un griffon à la fois sur le bouchon du radiateur et sur le badge placé sur le capot du radiateur.
Parmi les options figuraient des lumières Woodlite “yeux de chat”. Disponibles pour d’autres fabricants également, les phares Woodlites montés sur les Ruxton’s étaient fabriqués sur mesure et comportaient de subtiles ailes de griffon. Bien qu’ils aient l’air spectaculaires, les clients de Ruxton qui avaient l’intention de conduire leur voiture la nuit étaient beaucoup mieux lotis avec des phares ronds, quitte a ce que ce soit moins “Fun” !… Même avec la spécification finalisée, un autre problème de complication était que la Moon Motor Company n’était vraiment pas capable de produire la Ruxton en nombre suffisant. Cela n’a eu que peu d’importance car le krach de Wall Street d’octobre 1929 a également réduit la demande de véhicules de luxe. Andrews n’a pas abandonné et a profité de la situation financière difficile des entreprises rivales dans une quête renouvelée d’une usine pour produire en masse la Ruxton.
Peu de temps après s’être associé à Kissel, Andrews a été à la hauteur de ses vieilles astuces et a essayé de prendre le contrôle de l’entreprise. Les deux frères Kissel, George et Will, ont résisté à ses pratiques et ont contrecarré les efforts visant à placer l’entreprise sous séquestre volontaire. Cela s’est avéré être la dernière clé-d’arnaque dans les usines Ruxton et en novembre 1930, la Moon Motor Company a déposé son bilan. New Era Motors a suivi cinq jours plus tard. Cela a mis fin prématurément à l’histoire du Ruxton. Bien que la conduite d’Andrews ne méritait que peu de sympathie, la voiture et sa transmission révolutionnaire méritaient un meilleur champion et un meilleur sort. Illustrant la façon dont la Ruxton a été évaluée, il faut noter que George et Will Kissel ont conservé leurs phaétons personnels Ruxton jusqu’à la fin de la décennie. Même si la voiture avait contribué à la disparition de leur entreprise, ils étaient toujours pleins d’éloges pour les automobiles Ruxton à traction avant.
Les publications d’époque suggéraient que jusqu’à cinq cents Ruxton avaient été construites, mais des recherches plus récentes menées par le spécialiste des marques Jim Fasnacht ont révélé que pas plus de quatre-vingt-seize exemplaires avaient été produits. Certains d’entre eux ont été achevés après la faillite de Moon et New Era Motors. On estime que seulement trente à quarante exemplaires ont été effectivement vendus. Bien que le rôle d’Andrews dans l’histoire de Ruxton se soit déroulé sur une période de seulement deux ans, certains des procès qui en ont résulté, en particulier ceux concernant la Moon Motor Company, vont prendre trente-cinq ans pour être réglés. Heureusement, le dernier chapitre de cette histoire fascinante sont les dix-neuf Ruxton’s qui sont connues pour avoir survécu. Parmi celles-ci, pas moins de sept appartiennent à Fasnacht qui a également écrit le livre définitif sur le sujet ; “The Ruxton Automobile”. Au Concours d’élégance de Pebble Beach 2014, Ruxton était l’une des marques en vedette et la classe spéciale y dédiée présentait pas moins de seize des dix-neuf exemplaires encore existants.
Précisions d’affaires et finances…
Archie Andrews disposait d’une fortune énorme pour l’époque. Ancien directeur de Hupmobile, il avait débuté à Wall Street à 19 ans et, à l’âge de 40 ans, il jouissait d’une retraite précoce à la tête de 40 millions de dollars d’alors. Il partageait sa vie entre sa propriété du Connecticut et celle de Californie et il avait acheté l’ancien yacht de Henry Ford, le quatrième au monde (à l’époque) en tonnage. Convaincu par Muller, il a persuadé un groupe d’hommes d’affaires et de banquiers à financer le projet qui ne s’appelait alors pas encore Ruxton en 1928 et il va former une société pour construire cette voiture “d’une ère nouvelle”, la New Era Motors. Un des banquiers du groupe s’appellait Ruxton ; Andrews pensait que c’était un nom qui sonnait bien pour la nouvelle voiture, en sus de servir à le flatter pour qu’il investisse un maximum. La Ruxton eétait née, il ne restait plus qu’à la construire…
L’histoire de l’automobile ne compte, en effet, que de complexes tractations et combinaisons. Devant l’investissement à réaliser pour construire sa propre usine, il était à cette époque préfèrable d’utiliser des installations déjà existantes et de contacter différents constructeurs en difficulté pour racheter leurs usines. En 1929, Andrews va ainsi racheter deux firmes en faillite qui venaient de fusionner : Moon et Kissel. Il fut conclu ensuite un accord avec Marmon, mais, après le “mardi noir” de Wall Street, tout va aller de travers. Les industriels contactés par Andrews vont refuser l’association et/où fermer leurs portes. En définitive, seules les usines de Moon et de Kissel vont rester disponibles pour fabriquer la Ruxton, ou plutôt pour l’assembler.
Précisions mécaniques…
Si le moteur du prototype était un Oldsmobile, le moteur de série était un 8 cylindres en ligne fournit par Continental. Avec un alésage de 76,2 mm , soit (3 pouces) et une course de 120,65 mm (4 pouces ¾), il avait une cylindrée de 4.402 cm3 et il développait 100 chevaux. Le vilebrequin était soutenu par cinq paliers. Le carter avait une capacité de 7,6 litres. L’arbre à cames était actionné par une chaîne. L’alimentation était confiée à un carburateur Zenith. Le réservoir contenait 60,5 litres d’essence. Contrairement à la Cord, le moteur était simplement “retourné” pour que l’embrayage et la boîte de vitesse se retrouvent à l’avant. Le différentiel était implanté au milieu de la boîte de vitesse à trois rapports. L’ensemble était recouvert d’un carter de forme “parallépipèdique” dont seuls émergeaient les demi arbres de transmission. Comme sur la Cord, le levier de vitesse aboutissait sous la forme d’une manette au milieu du tableau de bord. Le châssis était du type échelle avec neuf traverses. L’empattement était de 3,30 m, et la garde au sol de 25 cm. La suspension était assurée par des ressorts à lames en acier vanadium chromé, avec des lames de 94 cm à l’avant et de 1,40 m à l’arrière, assistés par des amortisseurs Houdaille. Les freins étaient des tambours de 381 mm.
Précisions esthétiques…
La Ruxton était proposée en deux carrosseries : une sedan à 5 places et une Sport Roadster à 2 places plus siège spider à l’arrière. Les carrosseries des décapotables venaient de chez Baker-Raulang, de Cleveland, Ohio, celles des conduites intérieures de chez Budd, avec des matrices de la firme britannique Wolseley ! Mais quelques modèles “Touring” (décapotable à 4 portes) ont été assemblés par Kissel. Le dessin de la voiture se caractérise par une longueur extrême du capot (bombé), du fait de la présence du moteur à 8 cylindres en ligne et des lignes très étirées, grâce à la traction avant qui permet d’abaisser très fortement la hauteur de la voiture. Les ailes sont fabriquées en une seule pièce de métal chacune, mais aucun marchepied ne vient relier les ailes avant (comportant les roues de secours) et les ailes arrière. Le garnissage intérieur avait été dessiné et réalisé par Joseph Urban, un architecte d’intérieur New-Yorkais alors très en vogue. Ce dernier était également le responsable du traitement de la peinture extérieure des conduites intérieures, avec une sorte d’arc en ciel de couleurs sur les flancs de la voiture.
Précisions commerciales…
Malheureusement pour la Ruxton, si Erret Cord a présenté sa Cord après la Ruxton, il l’a construite avant. Et les difficultés de la Cord L-29 vont se répercuter sur l’image de la Ruxton, car dans l’esprit de la masse des gens, la Cord était une traction avant comme la Ruxton et ses problèmes, pour tous ceux qui en achètaient une, devaient être les mêmes sur la Ruxton. De plus leurs prix étaient similaires : un cabriolet Ruxton coûtait 3.195 $, 100 $ de plus que son équivalent chez Cord. La production de la Ruxton a commencé en juin 1930, quatre ans après sa présentation et deux ans après la création de la New Era Motors. Mais, à la fin de 1931, la firme était déjà en faillite. Notez qu’actuellement (Juillet 2022, la Ruxton vedette de cet article vaut 350.000 €uros…
2 commentaires
Fascinant…
Oui, merci de votre fascination, cela me touche, je le suis aussi !
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