Street Rod Lincoln Continental Coupé 1947
Avant d’être l’un des noms les plus emblématiques de la gamme Lincoln, la Continental a été l’un des designs les plus célébrés du 20e siècle. En 1951, elle fut l’une des 7 automobiles exposées au Musée d’art moderne de New York. Mais au départ, elle était un exercice de style destiné à un seul homme. La marque Lincoln a été créée en août 1917 par Henry Leland et son fils Wilfred.
Ils venaient de quitter Cadillac (dont ils avaient aussi été les fondateurs), suite à un différend avec le président de General Motors, propriétaire de Cadillac depuis 1909 : William Durant. Si à leurs débuts, les Lincoln étaient réputées pour leurs indéniables qualités techniques, elles ne l’étaient pas pour leur style. En février 1922, la marque est rachetée par Ford.
On peut voir trois raisons à cette acquisition : 1° une diversification vers le haut. 2° un désir de revanche (les Leland avaient fondé Cadillac sur les restes de la Henry Ford Company). 3° une possibilité offerte à Edsel Ford (le fils unique d’Henry Ford), d’exprimer ses talents. Si Henry Ford présentait des valeurs très traditionalistes, Edsel Ford son fils né en 1893, avait été éduqué dans les plus hautes écoles et possédait une grande sensibilité artistique.
La relation entre les deux hommes était à la fois d’être très proches et aussi souvent très toxique. Edsel sera nommé président de la Ford Motor Company en 1919 mais Henry Ford continuera de tirer toutes les ficelles et défèrera régulièrement les décisions prises par son fils, voire l’humiliera en public. C’est Edsel qui poussera la modernisation des produits Ford (Henry pensait que le Model T serait éternel), lancera le Model A en 1927 et la marque Mercury en 1939.
Sous la direction d’Edsel, la marque va construire des automobiles somptueuses et élégantes mais ses ventes ne décolleront jamais vraiment. En 1935, les modèles V12 de la série K ne réalisaient que 1.434 ventes contre 3.636 Cadillac et 6.894 Packard (en excluant les One Twenty, plus proches de Buick). Edsel sentait que dans cette Amérique encore durement touchée par la crise de 1929, l’avenir était dans les véhicules de milieu de gamme.
Et cela tombait bien car le carrossier Briggs, fournisseur de Ford, lui soumet en 1933 des dessins réalisés par le styliste Tom Tjaarda. Deux concepts sont alors construits : un à moteur avant, un à moteur arrière. Ils sont exposés dans l’exposition “Exhibition in progress” à l’automne 1933 et au Salon de Chicago en mai 1934. La réaction du public, qui préfère le modèle à moteur avant, conforte le choix d’Edsel Ford.
La version finale est présentée en 1936. Elle offre des lignes aérodynamiques plus élégantes que les Chrysler Airflow de la même époque, une construction monocoque et un tout nouveau V12 à 75 degrés de 267,3 ci (4,4 litres) développant 110 chevaux. Nommée Zephyr, elle est proposée en 2 ou 4 portes. Lincoln en écoulera 14.994 exemplaires la première année, un incroyable succès à mettre en comparaison avec les 1.515 modèles K, vendus 3 fois plus cher.
La Zephyr connaîtra plusieurs évolutions et sera commercialisée jusqu’en 1942 (début des hostilités pour les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale) tandis que les modèles K seront abandonnés en 1940. Edsel Ford avait vu juste et la Zephyr aura eu le mérite de sauver Lincoln. Mais pas que… Edsel Ford aimait le design et a trouvé en la personne d’Eugene Turenne Gregorie un parfait complice qui partageait ses goûts.
Gregorie était entré chez Ford en 1931 et Edsel Ford en fera le premier directeur du design de la corporation en 1935. Il avait déjà réalisé pour Edsel deux roadsters uniques en 1932 et 1934. Il avait aussi signé avec ce dernier le dessin d’un roadster qui sera produit en petite série en Angleterre entre 1935 et 1941, sous le nom de Jensen Ford. En septembre 1938, Edsel Ford est désireux de la construction d’un modèle spécial pour ses vacances d’hiver en Floride.
Il souhaitait une auto au capot long et bas, avec le pneu apparent installé sur la malle arrière, à la manière de ce qui se fait en Europe. Les deux hommes se comprennent à demi-mot et Gregorie exécute un dessin sur un plan à l’échelle 1/10e de Zephyr en une heure. Il en profite pour reculer les sièges avant et éliminer les marchepieds. Un modèle en argile est rapidement réalisé. Lorsqu’il le voit, Edsel esquisse un sourire et demande à Gregorie de ne rien changer.
Des plans sont alors tracés et envoyés directement pour une production, sans passer par une maquette à l’échelle 1/1. Une Zephyr 1939 cabriolet 4 portes (une nouvelle version lancée en 1938) est alors spécialement retirée de la ligne de production et expédiée à l’atelier de carrosserie, dirigé par Henry Crecelius. Les panneaux de tôles sont alors fabriqués à la main par martelage et finis à la brasure et au plomb avant d’être peints en gris Eagle.
L’intérieur est gris lui aussi. La partie mécanique n’est aucunement modifiée. L’auto, qui s’appelle alors Special Roadster, est expédiée en Floride le 1er mars 1939. Là-bas, Edsel Ford fait tourner de nombreuses têtes. La légende raconte qu’il aurait reçu 200 commandes pour son cabriolet. La vérité est probablement bien en dessous de ce chiffre. L’enthousiasme est réel et Ford téléphone à Gregorie pour demander la fabrication d’un second modèle.
L’auto aura plusieurs problèmes mécaniques et la carrosserie artisanale causera plusieurs fuites sous la pluie. Cette fois, Gregorie modifie les ailes et avance les sièges afin de libérer de la place pour les passagers et change les lignes du coffre pour augmenter l’espace de chargement. Peint en noir, ce prototype sera intensivement testé par le département d’ingénierie durant l’été 1939. Ce véhicule existe encore aujourd’hui alors que le 1er sera envoyé au broyeur en’39.
Ford envisage une production en quantité limitée et contacte des carrossiers, qui refusent le contrat. Il décide alors d’utiliser les capacités de fabrication internes des modèles K, qui sont en perte de vitesse et vont bientôt disparaître. Il fixe la date de présentation à octobre 1939, pour le millésime 1940. Les ingénieurs et designers puisent dans la banque d’organes de Ford, de Mercury et de Lincoln.
Les délais sont respectés et deux modèles de préproduction sont complétés les 3 et 19 octobre 1939. Ces véhicules seront exposés aux Salons de l’auto de New York et de Los Angeles. Le premier modèle de série sera produit le 13 décembre 1939 et sera livré à l’acteur Jackie Cooper. Vingt-cinq autres seront fabriqués avant la fin de l’année. Le nom Continental apparait au cours du développement de l’auto.
À son lancement, elle est intégrée à la gamme Zephyr et ne porte pas de logo Continental (cela ne durera qu’une année, elle deviendra une série à part entière à partir de 1941). L’auto repose sur la plate-forme de monocoque de la Zephyr et reprend son V12, qui vient de passer à 292 pc (4,8 litres) et 120 chevaux. Elle est vendue 2.840 $, contre 1.770 pour une Zephyr cabriolet 2 portes. Rapidement, un modèle coupé est conçu.
Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un cabriolet avec un toit rigide soudé à la place de la capote. Un exemplaire de présérie est fabriqué le 3 avril 1940 et le premier modèle de série est produit le 27 mai 1940. De nombreuses célébrités vont acquérir une Continental et Lincoln construira 350 cabriolets et 54 coupés pour le premier millésime. En 1942, la Continental aura droit à un important restyling avec un avant plus massif.
Ce millésime sera écourté à cause de la guerre. La voiture connaîtra quelques évolutions mécaniques, dont la désastreuse boîte semi-automatique Liquimatic et le non moins désastreux passage du V12 à 305ci (Lincoln sera forcé de réintroduire le 292ci courant 1946). La première nouvelle Lincoln d’après-guerre sera lancée en 1949 mais la Continental ne fait alors plus partie de la gamme parce qu’elle n’a jamais rapporté d’argent à Ford…
De plus, elle a perdu ses deux plus fervents supporters : Edsel Ford est décédé en 1943 et Gregorie a quitté Ford en 1946, n’appréciant pas la nouvelle direction. Patience : tel un chat, la Continental ne vient alors de finir que la première de ses nombreuses vies ! Les modèles d’après-guerre sont la continuité (jusqu’en 1946) de la très exclusive Continental, 1ère du nom, de 1940-1942, dessinée par Eugène Grégoire à l’initiative d’Edsel Ford.
En 1947, 738 cabriolets et 831 coupés furent produits, une production faible à l’échelle américaine. Les prix de départ usine sont les plus élevés du marché américain, à partir de 4.662 $. Le modèle présenté dans cet article est un coupé de 1947. Il a été immatriculé neuf en Allemagne et a été acheté par son second et actuel propriétaire en 1988, qui a procédé à sa restauration/modification/amélioration en une version “Kustom-High-Class”, peinture et mécanique.
Ce modèle est donc unique et possède une ligne extraordinaire. C’est devenu un Coupé Kustom majestueux, équilibré, malgré la longueur de son châssis. L’arrière descend tout en douceur, jusqu’aux pare-chocs, c’est une véritable œuvre d’art en matière de design ! En 2005 une importante réfection mécanique a été opérée notamment du système de freinage afin de rouler régulièrement sans encombres et dans un raffinement exceptionnel.
Cette Lincoln Continental de 1947 est en effet, de surcroit, l’un des 831 coupés produits. En 2012 ont débuté une nouvelle série de travaux impliquant l’installation d’un V8 de 5,4 litres provenant d’un SUV 4X4 Lincoln Navigator incluant de rester 4X4 avec la transmission automatique à quatre vitesses Ford 4R100. La finition de la carrosserie en Dark Blue et l’installation d’un intérieur en cuir beige personnalisé ont porté haut le souci de finition de grande classe.
Les autres caractéristiques comprennent des roues de 20 et 22 pouces, un porte-pneu de secours monté à l’arrière, des freins à disque assistés aux quatre roues, une direction à crémaillère assistée électriquement, une suspension réglable à ressorts hélicoïdaux, des collecteurs d’échappement en aluminium, des portes à commandes électriques, des garnitures extérieures arrasées, une climatisation multiple niveaux Vintage Air, et un régulateur de vitesse.
Il y a aussi des sièges baquets, une console centrale personnalisée, des vitres électriques et une unité centrale Pioneer. La voiture a ainsi été plus que rénovée “à neuf” comme susmentionné, et les garnitures de porte et de coffre ont été également arasées, avec l’actionnement électrique adapté pour les portes tandis que les vitrages ont été montés au ras des panneaux de carrosserie.
L’équipement supplémentaire comprend des feux additionnels, un ornement de capot, des vitres d’aération, deux rétroviseurs extérieurs, un porte-roue de secours monté à l’arrière et des pare-chocs chromés avec des compensateurs arrière. Les roues pleines chromées de 20 pouces à l’avant et de 22 pouces à l’arrière portent des enjoliveurs de marque Lincoln et sont enveloppés de pneus Falken FK452 de 275/35 à l’avant et de 285/35 à l’arrière.
La direction assistée électrique à crémaillère est complétée par une suspension sophistiquée incluant des combinés filetés Ridetech et des freins Bembo à disque ventilés de plus grande taille, assistés par ordinateur, ont été installés. Les sièges baquets avant et arrière sont garnis de cuir beige avec des surpiqûres bleues ainsi que des accents bruns et métalliques. Une console centrale personnalisée assortie comprend un bar réfrigéré à l’arrière.
Parmi les autres “rendez-vous-chics”, citons la moquette bleue, les ceintures abdominales bleues à l’avant et à l’arrière, l’éclairage d’accentuation à DEL bleu, la climatisation multi niveau avec différentiel AV/AR Vintage Air, les vitres électriques, un régulateur de vitesse couplé à un système de conduite automatique et le volant réglable par mémorisation/ordinateur. Une unité centrale “infodivertissement” est positionnée dans une console supérieure.
Les compteurs Classic Instruments sont situées au centre, composés d’un compteur de vitesse de 140 mph et d’affichages analogiques surveillant la tension, la température du liquide de refroidissement, la pression d’huile et le niveau de carburant. Un V8 de 5,4 litres à injection de carburant provenant d’un SUV 4X4 Lincoln Navigator a été installé. Les caractéristiques comprennent des collecteurs d’échappement en aluminium et un capot moteur personnalisé.
Il comprend une illustration de dessin animé derrière le loquet du capot. La puissance est transmise aux 4 roues par l’intermédiaire d’une boîte automatique 4R100 à quatre rapports.. La voiture est immatriculée sous le numéro 7H170319 et est conforme aux conventions de numérotation de Lincoln pour 1947… Le prix de cette “merveille” est d’un million de $…