Au pays de toutes les orgies…
C’était un robuste gaillard doué d’une solide constitution, né des amours illégitimes d’un fabricant de camions et d’une constructrice de berlines populaires.
Le clan maternel, demeuré sous une bonne étoile aux USA, jugea opportun que le constructeur de camion puisse représenter ses affaires dans les galas de culs terreux où se jouaient les plus juteux contrats…
Il put alors apposer sa marque sur le devant du capot et on lui inculqua très tôt les valeurs éternelles du Travail, de la Famille et autres fadaises décrépites.
Si ses pestes “Muscle-cars” de demi-sœurs nées beaucoup plus tard à Detroit, Deaborn et ailleurs, avaient dans leur pedigree de brillantes études de Hautes Technologies ou d’Arts Plastiques, lui ne manifestait guère d’intérêt pour les choses de l’esprit.
Elevé dans un milieu où le prestige n’égalait pas tout à fait celui des grands espaces, il ne rêvait que rouler sans fin dans l’ivresse.
Physique martial et grégarisme furent pour lui l’occasion d’affirmer d’impressionnantes capacités d’usages divers ainsi qu’une remarquable aptitude à la survie en terrain hostile.
Très vite avisée des retombées pécuniaires qu’elle pouvait tirer d’une telle force de la nature, sa famille lui refusa la vie de play-boy.
En tant qu’ambassadeur de choc de la solide-qualité, il dut œuvrer jusque dans les contrées les plus reculées, mais tandis qu’il s’attachait bon gré mal gré à sa tâche bassement fermière, il attendait ardemment de tomber en héros, sinon en compote.
Hélas pour lui, le temps passant (additionné à la soif de nouveauté de ses géniteurs…), entraîna dans sa chute ses plus beaux espoirs de baiseries dans la boue, sous la neige et dans les déserts les plus inhospitaliers…, qu’allait-il donc devenir ?
Divers déjantés après l’avoir fardé, l’envoyèrent disputer aux Corvette’s, Mustang’s et Camaro’s, les faveurs des nouveaux riches.
Une mission d’affable émasculé pour notre frustré fermier, mais le pire était encore à venir, en glissant irrémédiablement du type agricole au Customizing décadent, l’ancien mulet à quatre pattes se mit en huit, dut plier ses dons manuels aux asservissements électroniques et, comble du déshonneur, troquer son allure du Middle-West profond pour les plus salaces des habillements.
Et pour le rendre plus sexy encore à l’heure où les Hummer de l’US Army commençaient à exciter la libido des beaufs enrichis sur toutes les chaînes de télévision, on lui administra les stéroïdes et agents dopants nécessaires à l’exhibition décomplexée de son profil sexy.
Alors qu’il s’apprêtait à reconquérir le Monde plus de cinquante ans après sa première vie, on l’affubla de parures clinquantes de play-boy’s patentés et de chausses taille basse d’ambianceurs en chaleur.
Adieu veste à franges, Stenson et Santiag’s…
Au pays de toutes les orgies, la faune du show-biz, Pamela gonflables et consorts inclus, n’eurent bientôt d’yeux que pour ses formes sexy’s…, une star était née.
Lorsque je l’ai revu, c’était aux abords d’un luxueux bézodrome à satrape, au sortir d’une de ces soirées orgiaques où les VIP excentriques viennent promener leurs chiennes en laisse et vice et versa.
Bien malgré lui, le Pick-Up était devenu l’engin de toutes les passions…, sexuelles comprises !
Alors qu’à l’abri de ses vitrages teintés, je ne sais quels bouffons cathodiques forniquaient dans des cris de guerre peu compatibles avec l’audition respectueuse d’une divine comédie, j’ai eu pitié de lui.
Dans les années cinquante, il vivait une vie besogneuse, on l’aimait pour cela, mais lui rêvait de gloire, espérait devenir l’amant d’une Cadillac Eldorado, pensait être consacré “super-Macho“, comme le sera bien plus tard le Hummer en cause de la guerre du désert et de Schwarzenegger…, pauvre petit Pick-up !
Les seuls bruits de botte qu’il n’ait jamais entendus proviennent des salopes en cuir claquetant leurs talons-aiguille sur le marbre de la jet-set.
Les seules musiques militaires sur lesquelles il n’ait jamais marché se limitent aux vomissures à décibel de quelques hard-rockers camés…, pis, les seules décorations qu’il n’ait jamais reçu sont des coupes et trophées pour ses prestations dans des shows de customisation…, quelle humiliation… et pour faire déborder le vase, il aura eu la baise éclair au lieu de la guerre de position…
C’est alors que du coin de son œil tout rond de grosse brute hébétée, j’ai vu perler comme une larme.
Une belle larme de crocodile qui semblait dire, du fond du cœur : “Mon Dieu, que je suis malheureux ! Regardez ce qu’ils ont fait de moi ! S’il vous plaît, rendez-moi ma vie d’autrefois, j’aimerais tellement entendre le Meuuhhhh des vaches“…
Hélas, je ne le savais que trop, le malheureux allait mourir le cul dans la graisse, juché sur son socle de légende vivante.
Personne d’autre que moi ne l’avait vu pleurer…, j’en étais tout retourné.
Alors, je l’ai acheté, lui ai refait un body-building, acheté de nouvelles pompes, greffé un grand coeur puissant, et rhabillé de neuf…
Crésus, ploutocrates ou simple parvenus, au lieu d’aller étaler vos bonnes grâces télégéniques aux Restos du cœur pour vous excuser de payer vos impôts en Suisse, s’il vous plaît, commettez enfin une vraie bonne action, faites don de votre Hummer à l’armée, à l’ONU ou à Al-Quaïda, même à moi…, peu importe, mais de grâce, rendez-le à la vie de soudard qu’il n’aurait jamais dû quitter… et adoptez comme moi un Pick-Up, qu’il soit GMC ou Chevy, voire Ford ou Studebacker…, vous en aurez plus pour beaucoup moins !
Vendu par Mecum Auction à Kissimmee le vendredi 10 janvier 2020 pour $ 93,500.00