Australian made…
Léon Trumachet est un journaliste franchouillard qui se plait à vivre au jour le jour, sans ambition, sans attache, changeant régulièrement de job.
Un jour, chez un bouquiniste, il déniche un guide de l’Australie et tombe en arrêt devant la carte du pays, fasciné par la perspective de “rouler une journée entière sans rencontrer la moindre trace de civilisation sous un ciel bleu cobalt, loin des soucis et des contraintes de la vie moderne”, dixit l’ouvrage touristique. Deux heures et six bières plus tard, aussi impulsif qu’indépendant, il décide de vendre ses maigres biens, de vider son compte en banque et de partir illico pour le pays des kangourous.
Attiré de prime abord par l’Australie profonde, le bush à perte de vue, Léon Trumachet finit vite par se lasser de ses pécores et ses bleds paumés écrasés de chaleur, distants de centaines de kilomètres les uns des autres.
Mais quand il envisage d’écourter son séjour, il est déjà trop tard, le destin vient de le désigner victime de l’année.
Dans une station-service, il rencontre une auto-stoppeuse nommée Angie, vingt ans, un mètre quatre-vingts de muscles, des mains comme des battoirs, pas mal dans le genre nature ou surfeuse, si ce n’est ses dents noires et gâtées.
Ils font un bout de chemin ensemble… et chacun étant plus ou moins à la recherche de la même chose, ce qui devait arriver arrive : ils couchent ensemble, une fois, deux fois, toute la semaine, dans une ambiance de partie de catch, étant donné l’énergie et l’appétit de la donzelle du désert, qui ne cesse de vanter les mérites de la vie au trou perdu où elle vit.
Estimant qu’il a passé assez de bon temps, et que cette fille commence à être trop collante, Léon Trumachet décide de la quitter après une dernière étreinte.
Celle de trop.
Au lieu d’être à nouveau libre comme l’air, il se réveille la bague au doigt, au pays d’Angie : quatre familles, cinquante trois habitants brut de décoffrage vivant en circuit fermé.
Bienvenue à Dreamland.
C’est là que la virée touristique du journaliste vire au cauchemar total, puisqu’il est le compagnon choisi par Angie et que la communauté vivant cachée aux yeux du monde ne peut se permettre de le relâcher.
Soit il accepte ses règles et son mode de vie, soit il se fait enfermer dans une cabine répugnante et se prend des coups, sinon pire.
Évidemment, Léon Trumachet ne songe qu’à s’enfuir, mais Dreamland est une ville fantôme rayée de la carte il y a des années, à 700 kilomètres du plus proche village, soit seize heures de route sur des pistes cabossées.
Surveillé par le clan qui n’hésiterait pas à l’abattre, ce dont Léon Trumachet est conscient, sa marge de manœuvre est extrêmement réduite, proche de zéro.
Entre espoir et déprime, intégration et révolte, ironie et dégoût, il va alors passer par tous les stades de la souffrance, de l’angoisse et de l’abjection.
C’est glauque, car cette communauté n’est pas tempérée par beaucoup d’humour, mais, loin d’être aussi dégénérés que les affreux de Massacre à la tronçonneuse ou La colline a des yeux, ils sont avant tout des brutes alcooliques à l’horizon et à l’esprit pour le moins limités.
Ils n’ont pas la télévision, ce qui n’est pas un mal en soi, mais ils ne possèdent qu’un livre sur lequel ils ne se précipitent pas, vu que la lecture est tenue pour une activité qui empiète trop sur les heures de boisson…, en moyenne, douze boites de bière par jour, par habitant…, de quoi grignoter quelques neurones au fil des mois et des années.
Ajoutez à cela une hygiène plus que douteuse, des vêtements hors d’âge, une nourriture basée sur deux sortes de légumes et de la viande de ‘rou (traduisez par kangourou) tous les jours… et vous aurez une idée du portrait des autochtones.
Quant au paysage, il se limite à un village cerné de falaises, traversé d’une rue défoncée où traînent des têtes coupées de kangourous, rongées par les chiens errants qu’il faut régulièrement abattre.
Une usine d’équarrissage jouxte ce qui tient lieu d’école et un immense tas d’ordures que l’on brûle tous les trois mois est tout proche des bicoques tenant lieu de maison.
Pas vraiment un endroit où l’on aimerait s’attarder, mais Léon Trumachet est coincé dans ce cœur mort de l’Australie.
Au bout de mon texte qui s’achève ici parce qu’il est midi et que j’ai faim et parce que je n’ai pas envie d’en écrire plus (ni moins), vous ne saurez donc jamais s’il s’en sort… ou pas.