Balade “sémiophorique” en Cadillac LaSalle Phaéton 1937…
Le moment est venu de vous conter ce que j’ai vécu avec une Cadillac LaSalle Phaéton de 1937, de manière docte, le plus sérieusement possible…
L’affaire remonte à l’année 1990, avant que le monde change 11 ans plus tard en se laissant manipuler par les racontars et boniments de Georges Bush et sa clique d’illuminatis, en ce compris Tony Blair et quantités d’obséquieux aux ordres…, tous désireux de s’en mettre plein les poches en édifiant un “Nouvel Ordre Mondial” au départ d’une abominable “Stratégie de la peur” dont les évènement du 11 septembre 2001 furent la mise en marche…
Ce qui en a découlé est une décennie de réinvention de totalitarismes divers, le vote de lois liberticides “provisoires” jamais abrogées… et une obligation de soumission totale aux Etats-Unis d’Amérique, en ce compris celle d’envahir des pays tels que l’Afghanistan puis l’Irak en déportant ou massacrant leurs populations, soi-disant pour défendre les “valeurs américaines”, donc “les nôtres” par obligation…
En finale de ces carnages, nos économies occidentales en sont sorties mutilées, principalement l’industrie automobile.
– Chrysler-Jeep a été repris par Fiat…,
– Ford a du vendre quasi toutes les marques européennes qu’il avait acquis…,
– General Motors a été déclaré en faillite, repris par le gouvernement Américain qui l’a délesté de presque toutes ses marques, Pontiac, Oldsmobile, Saturn, Hummer, Saab et Opel…
Bref, si le “Nouvel Ordre Mondial” croyait refaire le “coup” de l’après dernière guerre mondiale (la reconstruction), avec l’insouciance du Rock-and-Roll et l’endoctrinement des populations “libérées” aux “Valeurs Américaines” et leur cortège de religiosités…, c’est totalement raté…, si ce ne sont les comptes bancaires cachés de divers politiciens et surtout politiciennes, nourris aux reconnaissances financières de l’industrie…
En 1990, donc, tous les rêves étaient encore permis, garantis sans cauchemars et lendemains désenchanteurs…
– Allo, Patrice, j’ai une affaire pour toi, un de mes amis doit libérer un hangar en dessous du viaduc de Vilvoorde, près de l’aéroport de Bruxelles, je suis chargé de vendre toutes les voitures qui s’y trouvent…
C’est “un vieux de la vieille” qui m’a un jour téléphoné, pour me proposer la Cadillac LaSalle Phaéton de 1937 “héroïne” de cet article…, certains joyeux drilles l’ont connu s’ils étaient “parties prenantes” aux “folies marchandes” des carrousels TVA et autres joyeusetés au Luxembourg, en France et en Belgique…, que je cite ici comme étant Roland Pottier (paix à son âme, il est décédé il y a une dizaine d’année), secondé par toute une clique de vrais et faux marchands en chambre ou en frigos voire en show-rooms “mouvants” et “émouvants” tels Freddy d’Hasselt, Charles Jorion, Eugène Ferraille (au nom prédestiné), Philippe DeBaudt (1948 Bentley MK VI Roadster by Vesters & Neirinck… “Histoire d’une enroule” ! ), Renatto Granelli ( “Vie et mort d’un vendeur d’automobiles d’occasion”… ), ainsi que quantités d’autres dont on retrouve quelques autres “faits d’armes” (en double sens) dans quelques autres articles publiés sur GatsbyOnline.com…
Dans cette conversation téléphonique, suit une liste de voitures de laquelle ressort la Cadillac LaSalle, une Jeep de 1944, diverses Alfa Romeo et autres engins à problèmes…
– Combien tu me donnes pour la Cadillac LaSalle ?
Je demande comment elle est, son état, son style, si elle “tourne”, si elle est à restaurer…
– Patrice, j’en sais rien d’ailleurs je m’en f…, tu me dis ton prix…
J’annonce 20.000 euros.
Il me répond que ça vaut plus…, je lui rétorque que c’est comme ça…, il me répond que c’est bon… et me demande de venir le lendemain avec l’argent cash…
Le reste de cette entrée en matière est sans intérêt (financier)…, je suis allé voir…, la voiture était en parfait état, concours condition…, elle a démarré au quart de tour et je l’ai emmenée dans mon antre…, comme quoi, en matière de voitures ancienne, ce sont les relations et le sens de l’à-propos qui font toute la différence…
Le seul point faible (et il l’est avec acuité) : la capote…
Les Phaéton sont à mon sens extraordinairement beaux, mais tout aussi extraordinairement complexes à capoter…
Pour le reste, ce n’est pas à comparer avec une Smart Roadster…
Destination le miroir des vanités : un village fête en grande pompe son jumelage avec un bled pourri que personne ne sait situer : Il faut y aller… Waouwwww !… et cette première sortie en rallye fut une aventure épique….
Après une heure de route en plein soleil, je m’arrête sur la place centrale, le long de l’artère principale, lieu où tous les véhicules doivent se rassembler avant le départ.
Garées au hasard de leur arrivée, sous les arbres, les machines sont livrées à l’admiration des autochtones, pendant que leurs propriétaires se saluent, discutent…, les passants étonnés ralentissent, regardent et parfois klaxonnent ou font des signes de la main.
Dernières consignes : “Comme d’habitude, on se suit, on s’attend, on fait gaffe à pas en perdre. S’il y a un problème, coup de klaxon et on s’arrête ! OK ? On est parti”…
Le cortège s’ébranle, avec plus ou moins de facilité.
Je me demande par quel tour de force nous pourrons traverser les divers carrefours sans que les feux tricolores et autres “stop” ou “cédez le passage” n’aient raison de cette cohorte d’un autre temps.
A ma grande surprise, les automobilistes s’arrêtent alors que “leur” feu est vert, ne prennent pas la priorité que le code de la route leur reconnaît… et laissent la place à notre cortège.
Sur le trajet, celui-ci ne manque pas d’attirer l’attention : les passants sourient, applaudissent parfois, font des signes de la main.
Je réponds, pressant furieusement la commande de l’avertisseur sonore, agitant la main, jetant un jovial “Salut” de-ci de-là.
Les gens sont contents de voir passer cette caravane d’un autre temps, ils saluent en retour…
A un arrêt impromptu, discutant le bout de gras avec le propriétaire-conducteur d’une Hispano-Suiza, je m’inquiète de la météo et surtout de la difficulté de “monter” la capote sur un Phaéton, ce qui pourrait s’avérer fort dommageable en cas d’orage…
– “Dans les rallyes, quel que soit le temps qu’il fait, quand on a un cabriolet, on roule décapoté. C’est idiot d’avoir un cabriolet pour rouler capote fermée. Maintenant, c’est la mode des cabriolets, tout le monde en a mais à la moindre goutte, hop ! on ferme. Non, les vrais amateurs roulent toujours la capote ouverte. Je me souviens, une année, on avait fait un rallye en octobre dans les Pyrénées, trois jours de flotte. Et j’ai fait tout le rallye avec mon Hispano-Suiza, capote ouverte. Je vous dis pas l’état dans lequel j’étais, le soir”…
Arrivée à la première étape, je gare ma Cadillac LaSalle au milieu des autres véhicules en bataille, dans la rue principale… et là commence une attente interminable.
La cérémonie officielle se déroule…, à laquelle je ne participe que de très loin.
Les membres du club qui m’ont invité discutent autour des voitures, échangent des tuyaux, soulèvent les capots et examinent les moteurs.
Certains, prévenants, qui avaient songé à glisser quelque apéritif dans le coffre, proposent de “commencer”, distribuent verre et gâteaux salés.
Soudain, nouveau branle-bas : on plie bagage en hâte, on remonte en voiture et cette fois, c’est au milieu d’une haie d’honneur que la caravane des ancêtres se rend en un lieu qui fleure le parking d’une supérette locale où un vin d’honneur est servi.
Les spectateurs applaudissent, les conducteurs et leurs passagers saluent.
Les voitures sont garées un peu au hasard sur le parking au milieu des voitures ordinaires, dans un désordre complet.
Les badauds se penchent, touchent, discutent.
Nouveau départ, cette fois, on se rend chez l’un des membres du club, qui a préparé un repas en plein air.
Pendant l’apéritif et le repas, les conversations roulent, on discute mécanique, on ranime les souvenirs d’autres expéditions.
Puis nouveau départ, nouvelle pagaille sur le parking de la superette.
Certains badauds demandent s’ils peuvent en faire un tour… et me voilà chargeant mon lot d’admirateurs, partant pour un petit tour, revenant à la case départ pour prendre une nouvelle fournée d’admirateurs.
Une sorte de manège grandeur nature.
Puis retour chez le membre du club qui offre le dîner… qui en profite pour faire un discours…
– “Il faut obtenir une reconnaissance de nos véhicules anciens en tant que patrimoine culturel et mémoire industrielle. Leur protection vis-à-vis des lois sur l’automobile et l’environnement aussi bien qu’en matière fiscale passe par cette reconnaissance. Obtenir une reconnaissance en tant que patrimoine, c’est bien aussi ce à quoi s’emploient les passionnés. Mais il en sont convaincus, leur engins appartiennent au patrimoine. Ils sont des témoignages d’un savoir, d’une époque”.
Ouaissssssss, cause toujours, Prosper…, mais en réalité, il a bien du mal à expliquer en quoi les vieilles automobiles sont des objets du “patrimoine”.
Et bien souvent, faute de mieux, il affirme dans son monologue que : “ce serait dommage de ne pas les conserver, nos chères vieilles”.
Pour comprendre en quoi et comment ces engins deviennent du “patrimoine”, il faut s’attacher à analyser la façon dont ces engins sont utilisés.
En effet, les propriétaires de voitures (très) anciennes, tout en refusant de les laisser au garage, ne les utilisent pas à n’importe quelle occasion… elles sont utilisées avec parcimonie, faut-il ajouter.
Tirées de l’oubli, remises en état de marche, “tournant comme des horloges”, ces automobiles encombrent plus souvent les garages que les routes.
En effet, elles ne sont qu’exceptionnellement vouées à un usage ordinaire, les voitures restaurées ne sont pas destinées à se rendre à l’usine ni au supermarché (quoique…, ici, on nous a obligé à un détour dans le parking d’une supérette)…, pas plus que le tracteur n’a vocation a tirer une charrette de foin… ou le moteur industriel à puiser de l’eau pour arroser la pelouse.
Ils ne renouent jamais avec leur usage antérieur… et ce n’est qu’à titre très exceptionnel que certains semblent les rendre à leur vocation première, momentanément et dans des circonstances particulières qui exhibent toute leur singularité.
Mais, l’écoutant raconter son périple en Delage, on s’aperçoit que cet usage momentané n’a jamais été ordinaire, banal.
Ainsi, la voiture normale de Charles Antoine R. se refusa-t-elle un matin à quitter le garage : “Moteur mort. Je m’en doutais, elle était vieille. Mais il fallait que j’aille au turbin quand même. Je devais discuter avec un important client. Impossible de m’échapper. Alors j’ai pris la Delage. Comment faire autrement ? Mais quand je suis arrivé, grand succès ! Mes clients savent tous que je suis passionné de vieilles bagnoles mais j’étais jamais allé au turbin avec l’une d’elles. Alors, branle-bas de combat. Tout le staff accompagnant mon client, attroupé et tout pour y faire un tour, pour faire une photo ! Et puis, ce client et d’autres ont commencé à s’y faire parce que je suis allé les visiter avec la Delage le temps de racheter une autre Bentley ordinaire. Et j’ai remis la Delage au garage. En effet, même utilisée pour me rendre “au travail”, elle a toujours été placée sous le signe de l’exhibition, de l’exceptionnel. Provoquant l’émoi de mes clients, elle a été admirée, commentée. Puis lorsque cet usage s’est approché de la banalisation, mes clients ont commencé à s’y faire, elle a disparu du parking, remplacée par une “ordinaire” Bentley Mulsanne dont l’arrivée est passée parfaitement inaperçue” !
Philippe X. affirme, quant à lui, aller fréquemment au travail avec sa Cadillac DeVille dorée : “Si, ça m’arrive. Parfois, je me lève, je me dis : Tiens, ce matin, je prends la Cadillac. Et en avant ! Alors, évidemment, j’ai toujours un grand succès”…
Pour elle comme pour toutes ses consœurs d’un autre temps, les règlements ordinaires ne s’appliquent pas et ne doivent pas s’appliquer…
Mais pour plus fréquent qu’il soit, cet usage n’est pas banalisé pour autant !
Et j’ai pu constater que les véhicules de collection les bafouent parfois, avec l’approbation du plus grand nombre.
Certes, dans le discours, on respecte le code de la route…, mais dans la pratique, stop et laissez-le-passage sont négociés avec légèreté.
Comment en serait-il autrement ?
Les véhicules prioritaires, des “ordinaires”, ne renoncent-ils pas à leur droit, laissant la priorité aux Ancêtres qu’elles viennent de droite ou de gauche, attendant au feu vert pour que passent les anciennes… au feu rouge.
Et si les autres conducteurs ne respectent pas ce code de la route inversé, les amateurs forcent leur courtoisie.
J’ai eu la surprise de voir le conducteur d’une Alfa 1750 Zagato griller la priorité à droite, tout naturellement, signe de main et grand sourire à l’adresse de l’autre automobiliste…, qui lui rendit son sourire et le salua d’un intrépide coup de klaxon.
L’Alfa 1750 Zagato aurait eu soixante-quinze ans de plus, c’était l’accident ou du moins son conducteur aurait été gratifié de quelques peu glorieux noms d’oiseaux.
Mais, avec une voiture récente, il ne se serait pas risqué à ce genre de manœuvre !
Elles auraient tort de ne pas en prendre à leur aise, ces vénérables Anciennes, car leurs jours semblent compter et comptés.
C’est du moins l’avis de leurs propriétaires… et pour rouler, elles doivent ou devraient, affirment les collectionneurs, se plier à ces nouveaux règlements, qui bien sûr, supposent des modifications qui ne sont pas du goût de tout le monde.
Il y a plusieurs décennies, ces voitures étaient parfaitement conformes aux codes, aux règlements d’alors. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
C’est le cas pour certaines voitures qui présentent des capuchons de radiateur très stylisés mais trop saillants.
Considérés comme dangereux aujourd’hui pour les passants qui risquent de se blesser, ils sont désormais interdits.
Colère des amateurs : “Le bouchon, il est pas d’origine, c’était un lion qui sautait puisque c’est Peugeot. Mais il paraît que c’est dangereux. On a plus le droit d’en avoir. Alors, j’ai mis ça à la place. Mais ça a bonne mine. C’est pas le bouchon d’origine, ça se voit”…
D’autres refusent de se soumettre à cette obligation, préférant courir le risque une amende : “J’ai laissé le bouchon d’origine. Je suis pas en règle, je le sais mais je m’en fous ! Je vais pas mettre un bouchon des années soixante sur une bagnole des années trente”…
Autre pomme de discorde…, les ceintures de sécurité : “Les ceintures de sécurité, on les met quand elles y étaient. On les garde quoi. Mais quand il y en avait pas, on les met pas. Et les gendarmes peuvent dire ce qu’ils veulent. Vous imaginez, vous, une Traction avec des ceintures ? Et les Ancêtres ? Une De Dion-Bouton ? Ou une Le Zèbre ? Et on les accrocherait où, d’abord, parce qu’il y a pas de montant sur ces voitures, bien sûr”…
Certaines voitures ne sont pas munies de dispositifs clignotants pour signaler un changement de direction mais d’une sorte de baguette, de chaque côté de la voiture, qui se soulève en fonction de la direction choisie.
Très problématiques : ces “flèches”.
C’est le cas de la Citroën Traction Avant de Jean-Claude : “Attention ! j’ai les flèches dessus. Mais il faut être prudent. Parce que les gens sont pas habitués. Quand vous tournez, ils font pas gaffe que la flèche s’est levée, alors des fois, c’est juste. Il faut prendre des précautions, bien prendre le milieu de la route quand vous tournez à gauche. Moi souvent je baisse la vitre et je tend le bras. Ils comprennent pas plus ce ça veut dire mais ils se disent : Mais qu’il lui prend, à celui-là ? Alors, ils font gaffe”...
Ceinture de sécurité, flèche, bouchon de radiateur et autres accessoires sont autant de motifs de colère pour les collectionneurs, qui parfois refusent de se soumettre aux règlements par souci d’authenticité, ne croyant pas un instant à leur importance en matière de sécurité.
Toutefois, certains “collectionneurs” n’ont pas le même respect de l’origine à l’égard des questions de sécurité, eux qui changent la calandre ou la couleur de leur engin ‘parce que c’est plus joli’…, ou qui modifient le système électrique pour éviter qu’elle ne prenne feu !
C’est autre chose qui se joue là.
Si la nécessité de se soumettre aux divers règlements communs est très mal perçue, ce n’est pas parce qu’elle porterait atteinte à la conformité de la voiture mais parce ce qu’elle la ravale au rang des voitures ordinaires, la traitant comme des véhicules contemporains.
Ces quelques passe-droits, pour lesquels les amateurs se battent, n’ont d’autres buts que stigmatiser la singularité de leurs engins, mettre en scène la distance qu’il existe entre eux et une “ordinaire”.
Comme dans des “musées roulants”, c’est tout le rapport de ces engins au temps qui est ainsi questionné.
Les soumettre aux règlements contemporains, c’est les inscrire dans le présent, les extraire de “l’hier ” pour les introduire dans “l’aujourd’hui”.
Or la particularité de ces engins, pour leur possesseur, est précisément le refus de cette inscription dans le présent.
La “carte grise collection” n’est-elle pas la preuve manifeste que le pas a été franchi ?
Comment comprendre autrement le refus exprimé par la plupart de demander une “carte grise collection” et son symétrique la fierté d’exhiber une “carte grise d’époque” ?
La vignette et les autocollants du contrôle technique et de l’assurance sont un autre sujet de colère permanent pour les collectionneurs : “Ah, c’est joli, je t’assure, tu as trois merdes collées sur le pare-brise. C’est classe, ça. Tu as l’air malin avec ton Zèbre ou ta De Dion-Bouton des années dix et tes autocollants. Tu peux leur dire tout ce que tu veux, ils s’en foutent. On a essayé de leur expliquer qu’on veut bien prendre une assurance, aller chercher la vignette et faire le contrôle technique mais que ce serait mieux de ne pas nous obliger à les coller. Quitte à payer un petit quelque chose ! On pourrait faire une exception, nous demander simplement de les avoir sur nous. On serait en règle quand même. Non, il faut les coller ! C’est de la connerie, leur histoire de vignette. T’imagine bien que le mec qui a une De Dion-Bouton, il roule pas avec”…
D’ailleurs la nécessité de “passer les engins au contrôle technique” est très mal perçue : “C’est une ânerie, ça aussi. Franchement ! Faire passer une Trèfle ou une Traction ou une Bugatti au contrôle, tu te rends bien compte qu’il y a quelque qui va pas. T’as tous les appareils qui s’affolent ! Rien que la question des gaz d’échappement, t’es foutu. Mais oui qu’elles polluaient ces bagnoles mais c’était comme ça à l’époque ! Mais il y a toujours moyen de se débrouiller avec un gars pas trop regardant, qui nous comprend, qui comprend les vieilles voitures”.
La presse spécialisée donne souvent les coordonnées de ces centres techniques où les mécaniciens sont toujours “les bienvenus”.
En fait, le contrôle technique agit de façon métonymique.
Ils semblent même le revendiquer hautement : “De l’huile, on en fait un coup tous les huit, dix kilomètres. On inverse le robinet. En inversant le robinet, vous avez une dose. C’est un robinet doseur qui vous donne un petit peu d’huile, qui vient graisser le palier arrière puis le palier avant. Le reste de l’huile va dans le bas moteur. En tournant, les masses montent au cylindre, graissent le cylindre. Et le reste va par terre. On appelle ça l’huile perdue. Les gens me disent : ‘Mais vous perdez l’huile. C’est dégueulasse. Vous polluez ! Mais la voiture, elle perdait l’huile. C’était un quart d’huile aux cent kilomètres. C’était ça la Bugatti”…
Le vrai problème est que ces mécaniciens ont le sentiment que ces règlements menacent leur voiture de disparition : “On veut envoyer nos voitures à la casse. Soi disant qu’elles polluent, qu’elles perdent de l’huile. Soi disant que pendant nos rallyes, on foutrait plein d’huile sur la route et qu’on rejetterait des gaz toxiques, qu’on a pas de pots catalytiques ! Aucun ne songe à nier le fait que son véhicule est loin d’être propre”.
Le spectre de la destruction, agité sans cesse, donne une autre dimension : il ne s’agit plus de restaurer la voiture du grand-père mais de sauver, de “conserver” un inestimable “patrimoine industriel”.
Car on le comprend : à construire un tel récit autobiographique autour de la voiture, celle-ci risque de n’avoir d’autre aura que celle de cette famille précisément.
La difficulté est diamétralement opposée à celle des châtelains : ces derniers, héritiers de châteaux, de monuments historiques, tentent de mettre en scène l’intimité, la vie familiale, tente en somme de faire passer le monument du côté du privé et du familial.
Les “collectionneurs de voitures anciennes” doivent eux parcourir le chemin inverse, “pousser” leur engin de famille vers l’appropriation collective, le construire en même temps comme un bien collectif, qui engage tout le monde.
La seule façon est de parler de destruction…, mais il ne suffit pas, pour faire du patrimoine, d’évoquer la destruction prétendument arrêtée de ces véhicules.
C’est doucement de façon minutieuse qu’il se compose.
Comment penser cette journée ?
J’ai passé la journée à attendre, allant de place en place, de la rue principale du village à la supérette pour un apéritif, de la supérette au domicile de mon hôte pour le déjeuner, puis à nouveau à la supérette puis à nouveau au domicile de mon hôte pour le dîner, domicile que j’ai quitté fort tard.
Quel intérêt présentait-elle pour un ethnologue-es-automobiles extraordinaires tel que moi ?
Qu’étais-je allé faire dans une telle galère ?
Je pensais présenter mon automobile ancienne mais, finalement, peu de monde semble s’y être intéressé.
Officiels et habitants du village, très accaparés par le vin à volonté, n’y ont jeté qu’un regard distrait.
Quant aux collectionneurs eux-mêmes, s’ils ont gardé un excellent souvenir du repas, ils ont gardé aussi de l’exhibition le souvenir de quelques heures d’ennui : “C’est souvent comme ça”, m’ont-ils affirmé avec le sourire.
J’ai donc soupçonné les organisateurs de ne pas avoir préparé le moins du monde cette journée, qui me semblait avoir été placée sous le signe de la pagaille… et des agapes.
J’espérais donc beaucoup des rallyes et exhibitions suivants.
Imaginez-vous préalablement que j’y suis allé, venant de Bruxelles…, un sacré périple à travers la France profonde au volant de cette Cadillac LaSalle 1937… et ce, décapoté, non pas par laxisme et fainéantise de la relacer chaque fois que le temps semblait virer gris, mais par pur bonheur…
Autre manifestation, autre miroir des vanités : les Vitinéraires de Bordeaux, une journée de découvertes des crus bordelais.
Un fois sur place, au solde d’une aventure inoubliable que je vous conterai dans une autre vie (par manque de place et de temps), le vitinéraire Bordelais, consiste à aller de cave en cave, attendu à chaque fois pour une visite-dégustation.
Scénario invariable : j’arrive, les propriétaires et les employés m’attendent sur le seuil de la cave ou du chai, me regardent manœuvrer, parfois, péniblement, de façon à me ranger devant la porte.
Je rentre, m’attarde un peu sur les œuvres exposées dans le hall, visite le chai, écoute les commentaires du maître des chais sur la vinification, je bois, je fais honneur au buffet… et je remonte en voiture pour une nouvelle cave.
13 heures, déjeuner dans une bastide célèbre.
Je gare la Cadillac LaSalle, sagement sur la place centrale.
Elle ne manque pas d’admirateurs : mes coups de klaxons, mes saluts et mes “bonjour” lancés à la cantonade n’ont pas manqué d’arrêter les passants et attiré les habitants sur le seuil de leurs portes.
Au menu, anguille, spécialité des lieux… et j’apprends que je suis tout près de Sauveterre de Guyenne, village dans lequel vécut un certain Mr Guitet qui y réalisa un jardin singulier, l’occasion est trop belle, je me déroute pour que je puisse faire quelques clichés.
Nouveau périple, de cave en cave, au milieu des vignes, que j’ai tout loisir d’admirer car je ne roule Hipssssssss, pas très vite.
Heureusement d’ailleurs car je prends quelques libertés avec le code la route…, hipssssssss !
Après un solide petit-déjeuner, offert par le propriétaire du dernier lieu (oui mais lequel ? Hipssssss !), je reste dans les environs du château pour observer…
Hélas, rien !
Des gens se promènent dans le parc, d’autres jouent à la belote ou discutent.
J’erre comme une âme en peine, me demandant ce que je suis venu faire là.
Je passe le reste de la journée allongé à l’ombre des arbres, digérant le porcelet et le vin de bordeaux.
Trois amateurs de motocyclettes anciennes, remontent l’allée qui mène au château, chevauchant leurs pétaradant engins.
Les pilotes me saluent de coups de klaxons, je leur réponds d’un geste de la main chaleureux, parfois armé d’un verre.
Je me demande ce qu’eux aussi viennent faire ici puisque, à peine arrivés et descendus de leur engin, les voilà qui repartent !
Finalement, en fin de journée, une visite du château m’est offerte.
C’est du pipeau pour moi.
Je n’ai pas très bien compris ce que j’étais allé faire au volant de ma Cadillac LaSalle, dans le parc de ce château !
Ça n’a pas d’intérêt.
Qu’est-ce que j’y fais ?
Je m’arrête, je repars, je vais ici, je vais là.
Non, je n’y vais plus.
Quel intérêt y avait-il pour moi à faire le vitinéraire de Bordeaux ?
Aucun, si ce n’est me prendre des cuites mémorables…
Et je pourrais renouveler semblable constatation pour tous les rallyes auxquels j’ai participé.
Il ne faut pas compter sur la presse pour leur donner sens.
Il n’est pas un numéro de La Vie de l’Auto, par exemple, qui ne présente plusieurs de ces comptes-rendus, tous également semblables : on décrit les voitures présentes et l’itinéraire suivi, avec ses haltes et ses sites remarquables, on y ajoute une photographie des engins sur fond de château ou murailles fortifiées.
On s’arrête, on redémarre, on va ici, on va là, c’est précisément ainsi que les collectionneurs d’automobiles anciennes font de “l’inutile” du “patrimoine”.
Les collectionneurs sont le plus souvent membres d’un voire plusieurs clubs.
Les raisons avancées sont d’ordre pratique : cela permet d’échanger des tuyaux pour la restauration, de trouver des adresses d’artisans intéressants, de localiser des épaves “introuvables”.
Ces arguments ne sont que prétextes qui dissimulent des motivations plus essentielles et plus vagues à la fois…, ils constituent, en effet, bien souvent des lieux de sociabilité où la collection peut sembler ne constituer qu’un point de départ affinitaire.
Les clubs ont quelquefois un mode de fonctionnement tel qu’on peut se demander si leurs fonctions ne dépassent pas très largement celles qu’ils affichent.
Appartenir à un club permet essentiellement de “faire des rallyes”, de “rouler”.
En effet, les propriétaires de véhicules anciens n’apprécient pas, voire refusent, de rouler seuls, comme j’aime personnellement à le faire.
C’est devenu une sorte d’habitude, les Vitinéraires sont l’occasion d’une joyeuse pagaille afin d’alimenter châteaux et vignobles, c’est du commerce !
Une automobile ancienne roule rarement seule ; c’est en cortège qu’elle prend sens.
On se trouve là face à un étrange jeu du singulier et du collectif, la voiture étant fortement individualisée, mais ne pouvant être exposée qu’en tant qu’élément d’un ensemble.
Si les collectionneurs de voitures anciennes sont si friands de ces sorties, c’est qu’elles les confrontent au regard de leurs pairs, regard indispensable au “m’as tu vu ?”.
Mais c’est aussi et surtout pour ce que “le rallye fait à leur engin d’affection”.
Adhérer à un club et participer à un rallye modifie le sens de l’engin d’affection : la moto ou la voiture du grand-père sort ainsi du monde privé, du monde de l’entre-soi familial pour accéder à une appropriation collective.
On ne respecte pas vraiment le code de la route, on ralentit à peine au stop, on refuse avec le sourire la priorité, on passe au rouge, on gêne la circulation…, plus ou moins volontairement et de toute façon sans s’en émouvoir, comme lors du premier rallye auquel j’ai participé.
C’est le groupe qui permet cette métamorphose de l’objet.
Arrivés dans le village, au lieu de chercher la place afin d’y recevoir les indications sur le déroulement de la journée, nous nous sommes tout simplement arrêtés au “Stop” pendant une dizaine de minutes, moteur éteint, passagers et conducteurs descendus des véhicules.
Évidemment, notre long cortège a quelque peu entravé la circulation d’autant que des badauds, venus admirer les voitures, s’arrêtaient eux aussi sur la chaussée.
La traversée des villes et des villages est toujours l’occasion d’une certaine agitation : le conducteur klaxonne à tout rompre, les passagers saluent de la main les piétons sur le trottoir, les interpellent, font de grands signes avec leur chapeau quand ils en ont un, crient, rient.
Évidemment, les passants ne peuvent faire autrement que de se retourner, rendant les saluts, criant des encouragements ou applaudissant.
Les voitures anciennes sont très prisées, très appréciées, entre passagers et passants, un échange aussi bref que “joyeux” s’organise immanquablement.
Dans les voitures comme sur les trottoirs, personne n’ose manquer à cette “politesse” des plus élémentaires, car cette “joie” relève plus de la règle que de la spontanéité comme je l’ai découvert au cours mon premier rallye.
Ainsi, tel club distribue-t-il des canotiers, dont le port est obligatoire en rallye !
Le cortège est parfois plus étonnant encore, les passagers se déguisant.
On imagine aisément l’effet produit sur les passants qui voient arriver dans un capharnaüm de klaxons et de voix, des vieilles voitures dont les occupants portent ces couvre-chefs de paille !
Il existe aussi des rallyes thématiques.
Ainsi le Rallye des Poilus qui, comme son nom l’indique, rassemble des véhicules des années 10.
Mais il est recommandé, pour y participer, d’être en “tenue d’époque” ou ce que l’on considère comme tel : grosse pelisse, habits militaires, casque de cuir, énormes lunettes pour les hommes, robe longue, à la taille fortement marquée, avec volants et dentelles, gants, chapeau et ombrelle pour les dames.
La presse spécialisée incite largement à pratiquer ces mises en scène consacrant de courts articles à quelque costumière dont les réalisations s’adressent au théâtre, cinéma, aux actrices et aux passagères en anciennes, car rien de pire que de voir débarquer un équipage en jogging et baskets, casquette US sur la tête, lors d’un défilé d’élégance.
Surtout lorsque l’auto est un beau torpédo des années 30… voire plus ancien.
Le vrai chic est d’assortir sa tenue avec l’époque de l’auto.
Enfin, s’il est une infraction qu’on ne risque pas de commettre ce jour-là, c’est bien un dépassement de vitesse.
Les cortèges vont leur train de sénateur.
Jamais les véhicules ne sont utilisés à leur juste vitesse.
Les raisons pour expliquer cette lenteur ne manquent pas : il faut s’adapter au rythme des plus anciennes ; on est en promenade ; on a tout le temps.
C’est toute le singularité de ces engins, leur valeur, leur caractère exceptionnel qui sont exhibés dans ces cortèges qui ne sont en rien réductibles à de simples déplacements.
Ces rallyes répondent donc à une mise en scène stricte : tout est fait pour attirer le regard des badauds, des passants, de ceux que le cortège croise par “hasard”.
C’est là dans ces cortèges bruyants et apparemment joyeux, qui font inévitablement penser aux cortèges de mariage, que se construit le patrimoine, par ce processus de “monstration”.
A la voiture, il faut certes un restaurateur mais aussi et surtout des spectateurs.
Des spectateurs avertis comme ceux qui participent aux bourses d’échanges ou aux grandes expositions…, mais aussi des spectateurs “ordinaires” que la mécanique ancienne n’attire pas spécialement.
C’est que le spectateur est aussi un acteur ô combien efficace.
Autour d’un capot levé, plusieurs personnes, qui ne se connaissent pas, les bras derrière le dos parfois, font cercle autour d’un capot levé, regardent, immobiles et silencieux, les entrailles de l’engin.
Parfois, l’un d’entre eux prononce une phrase elliptique : “Sacré moulin” ; “Putain, les pistons…” ; “Le carbu…y’a pas à dire , savaient faire les bagnoles” ; “Ça sur la route aujourd’hui…”.
Quelques mots à peine formulés font écho à ces paroles énigmatiques, forme d’acquiescement.
Aucun commentaire suivi, aucune réflexion construite.
Et pourtant tout le monde a l’air d’être d’accord.
Ces silences forment sans doute l’essentiel de cet autre moment d’admiration.
Ils se passent de commentaires.
Ne rien dire, faire cercle, relever quelques détails sans les commenter, tel est sans doute la façon la plus efficace de mettre en scène l’admiration, de légitimer la présence de ces engins.
Une sorte de consensus tacite.
C’est le silence qui vaut pour une long discours.
Toutes les manifestations jouent sur cette juste et variable distance.
Ainsi donc le lieu où l’on gare le véhicule, la façon de le garer ne doit rien au hasard mais exhibe un sens, met en scène une situation de “monstration”.
Garés en “épi” ou en désordre, les véhicules organisent le temps et son sens, ordonnent peut-être les deux valeurs de l’engin.
Une valeur pour soi, propriétaire ou spectateur… et une valeur collective.
Certaines fêtes n’ont d’autre sens que de “jouer” avec cette position singulière du spectateur.
Le rallye se donne pour but explicite la visite de “sites”, de “monuments”, de “chefs d’oeuvre” ou de villages typiques : “Ca nous prend un temps considérable, cette histoire. Parce qu’il te faut imaginer un circuit qui intéresse les gens, il faut que les invités découvrent des beaux coins. Il faut que ce soit intéressant. Il faut sortir des sentiers battus. Ca sert à rien si tu les emmènes voir un endroit qu’ils connaissent déjà ou qu’ils peuvent aller comme ça, avec une carte Michelin à la main. Alors du coup, ça fait du boulot, d’une année sur l’autre”, m’affirme le président d’un club.
Or, les sentiers battus, leurs itinéraires semblent s’y complaire, qui ne brillent pas par leur originalité.
Les rallyes ont un autre sens que les découvertes prétendues.
Leurs circuits, à ce jour, sont un résumé de tout ce qu’il y a de plus attendu en matière de visites de sites.
Et si un monument est bien l’objet de l’expédition, ce n’est pas sur les amateurs qu’il agit mais sur les engins.
En effet, la proximité entre monument et voiture fait sens, par une sorte de “contagion patrimoniale”.
Les collectionneurs l’affirment haut et fort : “C’est notre patrimoine. C’est notre histoire. C’est des témoins. Il faut conserver tout ça. C’est rare maintenant, ces voitures. Nos petits-enfants, sinon…” !
Pourtant, ils souffrent en même temps de l’absence de reconnaissance de leur “patrimoine”.
“Tout le monde s’en fout. L’état s’en soucie pas du tout. On envoie ça à la casse. On veut nous interdire de rouler sous prétexte qu’on perd de l’huile et que ça pollue. On veut détruire tout ça, ça pollue. Il y a qu’à démolir Versailles, sous prétexte qu’il n’y a pas le chauffage central et que les visiteurs vont choper la crève. Dans trente ans peut-être, on dira : Ah, si on avait su ! Mais ça sera trop tard”.
Le terme surgit immédiatement.
Mais la conversation autour du patrimoine tourne court, le plus souvent : “Le patrimoine, c’est le patrimoine” !
Or, c’est au cours de ces rallyes où l’on s’ennuie, où apparemment rien ne se passe que tout, au contraire, se passe.
De château en bastide, de vignoble prestigieux en abbatiale, les engins se “chargent patrimonialement”, pourrait-on dire, en empruntant une métaphore au monde de l’électricité…, ne sont-elles pas précisément la preuve manifeste de cette contagion ?
Faut-il alors s’étonner de ces photographies d’anciennes garées devant les monuments visités dont la presse spécialisée encombre ses pages ?
L’image agit moins comme la preuve mais comme le moyen de cette métamorphose.
Est-ce simplement un effet du hasard si les voitures bénéficiant d’une sorte de “supplément patrimonial” ne sont jamais présentes au cours de ces manifestations ?
Certes, la technique compte bien au nombre des vecteurs de toute conversion esthétique.
Belle, les voitures anciennes le sont parce qu’elles présentent quelques contre-performances notoires : on admire leur lenteur ou leur consommation, leur système de freinage défaillant ou encore la présence d’un très moderne démarreur sur une guimbarde des années trente qui prouve combien le constructeur a toujours été un grand innovateur dans les nouveautés.
Mais si leurs techniques désuètes sont remarquables, ce n’est pas essentiellement pour elles-mêmes mais parce que des carrossiers-restaurateurs peuvent ainsi intervenir sur elles, parce qu’ils peuvent refaire, en “parfaite” conformité avec l’origine ou gratifiée de quelques “bidouilles”.
Très vite une évidence s’est imposée à moi : il ne faut pas trop ou pas seulement chercher sous le capot ce que ces machines ont d’esthétique.
Ce qui est beau en elles, c’est la possibilité d’investir en elles une histoire personnelle.
Les travaux sur mes voitures dites “de collection” m’ont poussé à reconnaître que c’était plutôt une façon de renouer avec un temps de bonheur insouciant…
Ceux qui s’y adonnent semblent éprouver une plus grande nostalgie du temps résolu et mettre à la recherche de celui-ci une détermination plus méthodique.
Il faut aussi interroger la place des photographies qui accompagnent sans cesse les voitures, depuis les ronces jusqu’aux murailles des châteaux devant lesquelles on les immortalise.
Cette “nostalgie”, ce “temps du bonheur insouciant” entraînent au cœur même de la question de la transmission des biens.
Elles ne fonctionnent pas seulement comme des images mais aussi comme des objets, qui plus est, des objets-gigognes : la voiture, la photo de la voiture, mais aussi le journal où se trouve la photo de la voiture.
La question de l’argent, dans ce monde de collectionneurs, n’est pas purement anecdotique.
Acheter des pièces, vendre ou pas la voiture… et à quel prix surtout, comment évaluer le “prix” du travail de restauration, autant de questions que je n’ai pu qu’effleurer.
Mais manifestement elles sont absolument centrales dans la construction de la valeur, économique et symbolique car les deux sont indissociablement liées, de ces engins.
Or les travaux anthropologiques prenant pour objet l’argent, l’échange financier ne sont pas légion.
On a beaucoup plus analysé les verbes “donner” ou “échanger” que le verbe “vendre”.
Or, cette recherche ne peut en faire l’économie.
La conversion esthétique de ces objets tient évidemment à ce qu’ils sont des “sémiophores” autour desquels se cristallise un intense discours sur soi, sur son savoir, sur sa sociabilité, sur la constitution d’un patrimoine pour le moins singulier à la fois éminemment personnel mais aussi collectif.
Le terme de “sémiophores” qualifie ces engins…, des objets sans utilité, qui représentent l’invisible, dotés d’une signification particulière.
Avec mes voitures anciennes et aussi grâce à GatsbyOnline.com, j’ai été amené à parcourir de nombreux champs de l’ethnologie.
Vaste monde que celui de celui des automobiles de collection…que je me propose de continuer à interroger car le sujet dépasse largement le cadre de son intitulé qui pourrait paraître anecdotique…
Pour en savoir plus :
Cadillac LaSalle 1927/’40 1955/’70
« Marque compagnon » de Cadillac, LaSalle est un constructeur automobile américain créé en 1927 par la General Motors pour combler le vide existant entre les gammes Buick et Cadillac.
Dessinée par Harley J. Earl et fabriquée par Cadillac, la LaSalle connaît un succès croissant jusqu’en 1930 mais sa production reste inférieure à sa rivale de chez Packard.
Pour réduire ses coûts de fabrication, elle utilise un moteur Oldsmobile entre 1934 et 1936, mais elle se heurte à une concurrence renforcée par l’arrivée de la Lincoln Zephyr.
De façon à lui redonner du prestige, la LaSalle retrouve un moteur Cadillac V8 en 1937.
Malgré des ventes en progression, elle ne parvient toutefois pas à surpasser ses rivales.
La marque LaSalle est dès-lors abandonnée en 1940 ; les mêmes modèles sontt poursuivis dans la gamme Cadillac.
En avril 1921, un comité spécial présidé par Alfred P. Sloan le vice-président de la General Motors étudie la possibilité de combler les marchés existants entre les différentes divisions du groupe.
Il existe ainsi un marché potentiel entre Chevrolet et Oakland et un autre entre Buick et Cadillac.
La solution retenue pour attirer les clients est que deux de ses divisions fabriquent une gamme dérivée de leurs produits vendus moins chers.
En 1926, Oakland engendre sa « marque sœur » : Pontiac… et en 1927, Cadillac lance : LaSalle.
Devant les premiers succès des nouvelles divisions, GM poursuit sa politique en 1929, Oldsmobile est secondé par : Viking… et Buick par : Marquette.
Le jeudi noir d’octobre 1929 aura raison de cette diversification : dès 1930, la marque Viking disparaît, suivie en 1931 des marques Marquette et Oakland, cette dernière étant abandonnée au profit de la nouvelle Pontiac, aux résultats bien plus prometteurs que sa génitrice !
Seule : LaSalle, la petite Cadillac, poursuit son chemin et survivra jusqu’en 1940.
Présentée le 5 mars 1927, la LaSalle est référencée, durant toute sa carrière, comme une série bis de Cadillac.
Elle est destinée aux personnes qui recherchent une voiture de grande qualité, plus petite, plus maniable et moins chère qu’une Cadillac.
Toutefois, la publicité met fortement l’accent sur la parenté avec Cadillac.
Le catalogue proclame fièrement que la nouvelle LaSalle est un pur produit Cadillac dont elle est le « frère de sang » au niveau mécanique.
Le choix de son nom n’a pas posé de problème.
Celui de Cadillac ayant été choisi en hommage au français Antoine de Lamothe-Cadillac, le fondateur de Détroit en 1701, il semble logique que la nouvelle division adopte le nom d’un autre explorateur français : celui de René Robert Cavelier de La Salle (1643-1687), qui prit possession de la Louisiane au nom du roi de France en 1682.
Désignée sous la dénomination de Série 303, la LaSalle est une Cadillac plus petite et plus légère.
Son moteur est un nouveau V8 à 90° qui préfigure la nouvelle génération de V8 qui vont équiper les Cadillac l’année suivante.
Il a une cylindrée de 4 965 cm3 (soit 303 pouces cubiques, d’où son appellation) avec un alésage de 79,5 mm et une course de 125 mm, un vilebrequin qui repose sur trois paliers, des culasses démontables et son refroidissement est assuré par un radiateur à volets thermostatiques.
Il développe une puissance de 75 chevaux.
La boite de vitesses est à 3 rapports et le châssis est équipé de freins mécaniques aux quatre roues.
Pour démontrer la solidité et les performances de son modèle, GM procède à un test mémorable en juin 1927 : un roadster est prélevé en bout de chaîne de montage, on lui enlève les ailes, les marchepieds et les phares, son arbre à cames est renforcé et son taux de compression est augmenté…, il est alors amené sur une piste d’essai pour y parcourir 1.530 km en 10 heures aux mains de « Big Bill » Rader, le responsable des essais de la GM ; l’arrêt n’est du qu’à la simple rupture du conduit d’essence.
La performance est d’autant plus remarquable qu’aux 500 miles d’Indianapolis de 1927, la Duesenberg victorieuse n’a roulé qu’à 3 km/h de moyenne plus vite, sur une distance deux fois moindre.
Plus impressionnant : 12 LaSalle de série couvrent près de 500.000 km durant quatre mois d’essais sans le moindre incident majeur.
La LaSalle est proposée en 22 types de carrosseries, la plupart établies sur un châssis de 3,175 mètres d’empattement, soit 18 cm de moins que la plus petite des Cadillac : roadster, coupé, coupé décapotable, phaéton, double phaéton sport, victoria, sedan et sedan de Ville (coupé-chauffeur).
En haut de gamme, quatre carrosseries Fleetwood sont disponibles, un coupé, une sedan, un cabriolet de Ville et un cabriolet de Ville transformable.
Enfin, trois carrosseries spéciales établies sur un empattement de 3,40 mètres sont proposées par Fisher, une sedan 7 places, une sedan Imperial et une sedan Imperial 5 places.
Vendues entre 2.495 et 2.685 $ pour les modèles normaux, la LaSalle se situe à mi chemin entre la plus chère des Buick (1.995$) et la moins chère des Cadillac (2.995$).
Elle affronte directement la Chrysler Imperial 80 et la Packard Six (remplacée par un modèle à 8 cylindres dès 1928) sur un marché tenu par des concurrentes bien établies et qui n’est guère plus large que celui de Cadillac.
Le style de cette première LaSalle est resté célèbre à jamais.
Dessinée par Harley J Earl (ci-dessus au volant), la LaSalle est le premier résultat du contrat signé par le jeune styliste californien, en 1926, en tant que consultant de Cadillac.
Ses lignes rappellent celles de l’Hispano-Suiza, ce qui n’est guère surprenant puisque Earl est inspiré par les tendances de style européennes d’alors.
Contrairement à ses contemporaines, dessinées en angles droits, la LaSalle préfère les courbes ; ses ailes ont une forme élégante de cuillère.
Sur les versions sedan, six larges vitres permettent une vision dégagée.
Sur certains modèles, le capot et le pavillon de toit adoptent une teinte plus foncée que le reste de la carrosserie.
Le résultat donne une voiture assez racée et au succès commercial important : la production totale de la Série 303 atteint 10.767 unités, à la plus grande satisfaction de la direction de Cadillac.
La Série 303 continue sa carrière sans changements notables en 1928.
La seule modification de style est l’augmentation de 12 à 28 du nombre des « louvers » de capot.
Les prix baissent de 155 $ sur les modèles de base dont deux nouvelles versions apparaissent; une sedan familiale à 5 ou 7 places et un coupé 4 places.
La gamme Fleetwood est étendue à une Victoria 4 places, deux coupés d’affaires 2 places, des Imperial 5 et 7 places, une sedan 5 places… et des modèles à toit rigide démontable.
La production atteint 16.038 exemplaires.
Pour 1929, la cylindrée du moteur est augmentée à 5375 cm3 (328 pouces cubiques, d’où la désignation de Série 328)… et la puissance atteint 86 chevaux.
Ce moteur présente un aspect remarquable, avec ses pièces en nickel poli et sa finition en porcelaine noire, un design sous capot caractéristique de toutes les LaSalle.
Le nouveau modèle adopte la boite de vitesse Cadillac entièrement synchronisée : la Synchromesh…, des vitres en securit et un siège avant réglable.
Le chrome remplace le nickel sur tous les enjoliveurs métalliques.
Les feux de positions sont disposés au sommet des ailes.
Les conduites intérieures sont établies sur un empattement de 3,40 mètres, alors que les découvrables conservent celui de 3,175 mètres.
La gamme de base est constituée de quatre décapotables et de sept conduites intérieures.
La gamme Fleetwood se targue de proposer deux modèles de cabriolets.
Les tarifs s’échelonnent de 2.345 $ pour le roadster 2 places à 2.875 $ pour le phaéton sport 4 places, les carrosseries Fleetwood atteignent 4.800 $.
Pourtant, malgré un résultat encore en hausse à 22.961 exemplaires, la LaSalle reste loin derrière sa rivale de chez Packard, la Standard Eight dont 43.000 exemplaires sortent des chaînes.
En 1930, la cylindrée est portée à 5572 cm3 (340 pouces cubiques) par augmentation de l’alésage à 84,1 mm.
La puissance atteint 90 chevaux.
La Série 340 ne dispose plus que du seul empattement de 3,40 mètres et toutes les carrosseries sont nouvelles.
Des pneus ballons de 20 pouces sont montés en série et la direction est améliorée par le changement de la géométrie du train avant.
Sept modèles de base sont produits par Fischer entre 2.375 et 2.795 $ et six modèles sont proposés par Fleetwood entre 2.285 et 3.795 $.
Mais la production chute et n’atteint que 14.995 exemplaires.
Conformément à la volonté de la direction de disposer d’une plus grande interchangeabilité de pièces entre toutes les gammes de la GM afin de conserver des prix de revient bas, la LaSalle de 1931 partage son moteur et son châssis de 3,40 m d’empattement avec la plus petite Cadillac.
Elle devient donc Série 345A, du fait de son moteur de 5654 cm3 (345 pouces cubiques), la lettre A indiquant qu’il s’agit de la première année de production.
La Série 345A est proposée en douze types de carrosseries.
Les roues font 18 pouces et les pare-chocs n’ont qu’une seule barre.
Malgré une diminution des tarifs de 180 $, la production de LaSalle continue à baisser.
Il n’y a que 10.103 voitures produites cette année là, mais cela reflète l’état de crise de l’économie d’alors.
De nouvelles carrosseries sont présentées en 1932, avec un style plus arrondi, mais la gamme est réduite à quatre carrosseries sur un empattement de 3,30 mètres et à trois autres sur un empattement de 3,45 mètres.
Baptisée Série 345B, la nouvelle voiture récupère le V8 de 5785 cm3 et 115 chevaux de la Cadillac Série 353 de 1930 !
Les modifications techniques consistent à réduire le poids non suspendu.
La suspension adopte des amortisseurs hydrauliques réglables à double effet.
La nouveauté la plus intéressante est l’embrayage pneumatique à roue libre : le débrayage s’effectue en appuyant sur un bouton situé sous la pédale tout en relâchant l’accélérateur…, ou l’embrayage en relâchant le bouton… ou en remettant les gaz.
Les tarifs vont de 2.394 $ à 2.795 $.
Malheureusement, la production s’effondre à 3.386 exemplaires.
La direction de la GM se résoud à envisager l’abandon de la marque compagnon de Cadillac, comme elle vient de le faire pour Marquette, Viking et Oackland.
La Série 345C est toutefois lancée en 1933, comme pour conjurer le mauvais sort !
Elle reçoit une calandre en étrave et des ailes à jupes.
Les conduites intérieures sont équipées d’une aération « sans courants d’air ».
Les prix sont abaissés de 150 $, mais 1933 marque le creux de la crise économique ; 3.381 LaSalle seulement sont fabriquées.
Les stratèges du groupe décident d’arrêter la production de LaSalle à la fin de l’année.
C’est sans compter sur le pouvoir de persuasion de Harley J. Earl.
Lors d’un comité des directeurs généraux, il vient leur proposer de regarder ce qu’ils s’apprêtent à ne pas commercialiser.
Arrivé à l’Art and Colour Section, il soulève le voile qui recouvre un modèle radicalement différent du précédent, avec une partie avant très élégante, présentant une calandre très fine encadrée par deux ailes fortement inspirées des Mercedes 500 et 540K…
D’autres détails complètent son style, comme les pare-chocs montés sur amortisseurs.
L’arrière est arrondi toujours sous l’inspiration des Mercedes 500 et 540K… et la roue de secours est cachée.
Comme l’affirme plus tard Waren G. Fitzgerald, du centre de style de la GM : « Harley Earl a sans aucun doute sauvé la LaSalle grâce à ce magnifique dessin ».
Signe de reconnaissance, la LaSalle de 1934 est choisie pour être la voiture de sécurité officielle des 500 miles d’Indianapolis.
Mécaniquement, l’heure est à la standardisation avec des éléments communs à toutes les autres marques de la GM.
Le V8 Cadillac est remplacé par un 8 cylindres en ligne Oldsmobile plus commun de 3938 cm3 (76,2 x 104,9 mm) développant 95 chevaux.
Toutefois, les pistons sont en aluminium, le vilebrequin repose sur cinq paliers et le starter est automatique.
Le châssis reçoit quant à lui la suspension avant indépendante « knee action », des amortisseurs hydrauliques double effet et des freins hydrauliques aux quatre roues.
L’empattement est de 3,02 mètres.
Seule l’appellation continue de faire le lien avec Cadillac ; malgré une cylindrée de moteur de 240 pouces cubiques, la nouvelle LaSalle est baptisée Série 350 en référence à la gamme Cadillac qui débute avec la Série 355.
Le nouveau modèle est proposé en quatre types de carrosseries Fleetwood seulement et il est repositionné sur le marché moyen, entre 1.495 $ et 1.695 $, soit 700 $ de moins qu’en 1933.
Le total des ventes atteint 7.128 exemplaires.
Même si ce n’est pas encore assez élevé, c’est mieux que durant les deux années précédentes.
En 1935, la LaSalle adopte la carrosserie tout acier « turret top » de Fischer, sur un empattement allongé d’un pouce, à 3,05 mètres.
Les pare-chocs restent monobarres (ils sont moins chers à produire).
La course du moteur est allongée à 11,3 mm, ce qui porte la cylindrée à 4,064 cm3 et la puissance à 105 chevaux.
La boite de vitesse et la transmission sont entièrement nouvelles.
La voiture est baptisée Série 35-50 : le premier nombre indique le millésime, le second désigne la division LaSalle (les Cadillac étant désignée à partir de la série 60).
Les prix baissent encore, la gamme des quatre modèles s’étage de 1.255 $ à 1.325 $.
Les ventes s’améliorent ; avec 8.563 unités, ce sont les meilleures ventes depuis 1931.
Mais ce résultat ne satisfait pas la direction générale.
En janvier 1935, Packard, dont la situation financière est désespérée, lance la One-Twenty (1.20).
Ce modèle concurrent connaît un franc succès : 25.000 exemplaires sont vendus au cours de l’année.
Pour 1936, la LaSalle reçoit un nouveau capot et une nouvelle calandre.
Le châssis est renforcé et les portières s’ouvrent d’arrière en avant pour plus de sécurité.
Afin de lutter contre Packard, les prix sont une fois de plus abaissés et se situent entre 1.175 $ et 1.255 $, ce qui représente une valeur étonnante pour de tels produits !
Le public répond favorablement, plus de 13.000 voitures sont construites.
Mais de son côté, Packard construit 55.000 One-Twenty et, en plus, Ford lance une nouvelle concurrente avec sa Lincoln Zéphyr.
Packard et Lincoln sont de vraies grandes marques, leur pedigree imprègne leurs modèles de base…, ce qui n’est pas le cas de la LaSalle.
La première conséquence de cette prise de conscience est le retour d’un V8 sous le capot en 1937.
Il s’agit de celui de la Cadillac Série 60, un moteur à soupapes latérales de 5277 cm3 et d’une puissance de 125 chevaux.
Le taux de compression est de 6,25 : 1.
Les supports de moteur sont plus souples tout en étant plus résistants.
Les deux marques utilisent, en avant-première, des carburateurs double corps, qui permettent de prévenir les à-coups à l’alimentation.
Autre innovation, le filtre à air à bain d’huile.
Côté châssis, ou plutôt en dessous, un système d’échappement à silencieux unique remplace les deux silencieux précédents.
La suspension est améliorée par une barre de torsion stabilisatrice à l’avant et une barre Panhard à l’arrière.
La barre de torsion réduit le survirage.
La LaSalle Série 37-50 repose sur un châssis à traverses cruciformes de 3,175 mètres d’empattement abaissé par rapport au modèle précédant, de 6,35 cm à l’arrière et de 3,81 cm au niveau du plancher.
Extérieurement, la ligne de caisse élevée, le toit abaissé et les vitres latérales étroites donnent à la voiture une apparence simple et élégante.
Les diverses carrosseries, sedan, coupé, coupé décapotable et sedan décapotable, sont tarifées entre 995 $ et 1.485 $.
Ces prix compétitifs relancent les ventes : 32.005 LaSalle sortent des chaînes en 1937, soit plus que la Lincoln Zéphyr mais bien moins que la Packard 1-20 dont une version 6 cylindres est désormais proposée.
Ce record de ventes satisfait apparemment la direction de la GM.
La Série 38-50 de 1938 ne reçoit que quelques modifications mineures; le levier de vitesse passe sous le volant, la calandre est modifiée et le capot de type « alligator » s’ouvre d’avant en arrière.
Le montage des phares est également modifié.
Malheureusement, l’année 1938 est une année de récession.
La production rechute à 15.501 unités, loin derrière la Zéphyr et la petite Packard.
Pour 1939, la série 39-50 change de carrosserie.
L’empattement est ramené à 3,175 mètres, les seuils de portières sont abaissés de 4,5 cm et les marchepieds deviennent des options.
La surface vitrée est agrandie de 27%, ce qui donne à la voiture un aspect plus allégé en plus d’une meilleure visibilité.
La nouvelle calandre est surprenante; elle n’est pas plus large que la main d’un homme.
Enfin, un toit ouvrant est proposé en option sur les conduites intérieures.
Les sièges spiders des versions décapotables disparaissent et sont remplacés par des « sièges d’opéra », des strapontins qui se replient.
Mécaniquement, les changements concernent la suspension arrière, qui reçoit de nouvelles lames, et les pistons, qui reçoivent de nouveaux segments d’étanchéité.
Sur un marché qui retrouve son dynamisme, 23.028 LaSalle sont produites en 1939, soit plus que de Lincoln Zéphyr, mais toujours moins que de Packard 1-20.
Les dernières LaSalle de 1940, les Série 50 et Série 52, sont celles dont on se souvient le plus.
L’étroite calandre est conservée, mais les phares sont intégrés aux ailes avant et les clignotants sont montés en série.
Le traitement du capot est nouveau, la Série 52 marque l’apogée du style de LaSalle.
L’empattement est allongée à 3,124 mètres.
Le moteur développe maintenant 130 chevaux grâce à une augmentation de 3 mm du diamètre des carburateurs double-corps inversés Carter.
Le châssis est plus lourd, l’embrayage est plus souple.
Une barre stabilisatrice est ajoutée à l’arrière.
Si la Série 50 garde un aspect classique, la Série 52 adopte les lignes « torpédo » de la plus petite des Cadillac, la Série 62.
En cours d’année, un coupé décapotable et une sedan sont ajoutés à la Série 52.
Les prix vont de 1.240 $ à 1.895 $.
La production de 1940 atteint 24.133 unités, contre 22.000 Lincoln Zéphyr mais loin des 90.000 Packard 1-20.
A ce moment, la direction générale estime que Cadillac n’a plus besoin d’une « marque soeur », surtout depuis que LaSalle empiète sur le marché de Buick.
Des prototypes du modèle 1941 sont construits mais la voiture n’entre pas en production.
A la place, Cadillac lance une Série 61 de prix réduit afin de combler, en partie, le vide laissé par LaSalle, l’autre partie étant comblée par Buick.
Il n’est pas difficile de comprendre l’échec de LaSalle.
La crise économique ne lui a laissé aucune chance.
Dès 1931, aucune voiture de luxe ne se vend bien, et plusieurs grandes marques ont disparu pour cette raison.
Mais la piètre prestation de LaSalle entre 1934 et 1940 est plus difficile à expliquer.
À partir de 1935, Lincoln et Packard lancent des modèles concurrents qui, au contraire de la LaSalle, portent le nom de leurs prestigieuses aînées… et cela change tout aux yeux des clients.
En outre, à la fin des années 1930, les Cadillac et LaSalle se ressemblent beaucoup trop.
En 1940, la LaSalle 52 et la Cadillac 62 sont identiques que ce soit à l’extérieur, à l’intérieur ou au niveau des performances.
Pourtant, la LaSalle ne coûte que le prix d’une Buick.
Cette politique n’a aucun sens pour la GM, sa décision est logique.
Début des années cinquante, des rumeurs sont colportées au sujet d’une résurrection de LaSalle.
Le nom et l’emblème réapparaissent en 1955 à l’occasion de deux Motoramas de la GM.
Une première fois pour une berline hard-top à quatre portes, une seconde fois pour une décapotable deux portes.
Ces deux voitures sont baptisées « LaSalle II ».
Dans les années 1960, des prototypes de Chevrolet Corvair et de Buick Riviera adoptent le nom de façon éphémère.
Et au début des années 1970, c’est la nouvelle compacte de Cadillac qui est présentée aux directeurs de la GM sous ce nom…
Mais c’est finalement celui de Séville qui est retenu.
La principale raison qui pousse la GM à ne plus utiliser ce nom est que, pour quelques personnes, il reste associé à ce que l’on peut appeler le seul échec de Cadillac.
Un document interne de la division explique ainsi que baptiser la nouvelle petite Cadillac de 1975 « LaSalle » aurait enchanté les trois-quarts des concessionnaires, mais lui aurait aliéné le quart restant.
Pour les collectionneurs, LaSalle est une marque très respectée ; elle reste la marque qui a produit quelques unes des voitures les plus raffinées en Amérique avant la seconde guerre mondiale.
Mais les collectionneurs ne représentent qu’une quantité infinitésimale du marché actuel.
Il semble donc vraisemblable que LaSalle ne soit jamais plus utilisé à l’avenir, surtout qu’en 2010, la General Motors a fait faillite, a été reprise et refinancée par le gouvernement américain, puis s’est défaite de quelques uns de ses plus beaux fleurons devenus obsolètes, Pontiac, Hummer, Oldsmobile, Volvo…, bientôt Opel…, une Nième page de l’histoire de l’automobile est définitivement tournée….
Filmographie :
– Dans Assurance sur la mort, c’est une LaSalle Série 50 Touring Sedan de 1937 qui conduit Barbara Steinwyck et son complice vers leur tragique destin en forme de chaise électrique.
– Dans James Bond contre Dr No, c’est une LaSalle Série 50 de 1940 carrossée en corbillard de couleur noir qui véhicule les trois tueurs aveugles de la scène d’ouverture puis dans une scène de poursuite automobile, où elle achève sa course au fond d’un ravin.
Chanson :
La chanson « Those Were the Days », thème de la série de télévision “All in the Family” (diffusée sur CBS de 1971 à 1979) est une des plus célèbres références à la LaSalle, avec le refrain « Gee our old LaSalle ran great » (Dieu comme notre vieille LaSalle roulait bien).
Au cours des dernières saisons, ce refrain fut soigneusement supprimé car les téléspectateurs qui n’avaient pas connu la voiture ne pouvaient pas comprendre à quoi il correspondait.
Bande dessinée :
Dans l’album “Le sceptre d’Ottokar”, Tintin est le compagnon de voyage occasionnel de Bianca Castofiore à bord d’une LaSalle Série 350 Touring Sedan bleue de 1934 (pages 35 et 36) : il constate avec soulagement que les vitres de la voiture sont en verre Securit quand la cantatrice interprète le célèbre Air des bijoux.
Une LaSalle (à moins que ce ne soit une Cadillac !), apparait dans l’improbable scène du taxi de l’album « Tintin au Tibet », ou on voit le capitaine Haddock être précipité sur la banquette arrière par une vache sacrée…
Modèles V8 (1927-1933) :
– Series 303 (1927-1928)
– Series 328 (1929)
– Series 340 (1930)
– Series 345A (1931)
– Series 345B (1932)
– Series 345C (1933)
Modèles à moteur 8 cylindres en ligne Oldsmobile (1934-1936) :
– Series 350 (1934)
– Series 50 (1935-1936)
Modèles V8 (1937-1940) :
– Series 50 (1937-1940)
– Series 52 (1940)