2021 Bentley Blower 4½ Renaissance !
La Bentley 4½ Litres fut produite à 720 unités entre 1927 et 1931, dont 55 popularisées sous le nom Bentley Blower 4½, disposaient d’un moteur suralimenté. Remplaçante de la Bentley 3 Litres, elle est particulièrement réputée au Royaume-Uni d’Angleterre en tant que modèle emblématique des automobiles de course britanniques d’avant-guerre et a été rendue populaire pour une phrase quasi Shakespearienne prononcée lors de sa conception par le fondateur de Bentley, Walter Owen Bentley en personne : “There’s no replacement for displacement”. Littéralement on la traduit par : “Rien ne vaut la cylindrée”.
Par cette expression idiomatique, W.O. Bentley marquait sa volonté de produire une automobile de course bien plus puissante que toutes les autres via une augmentation importante de sa cylindrée. L’expression idiomatique américaine ayant marqué les américanophiles fêlés, amateurs de Muscle-cars et Hot-Rods équipés de V8 Big Blocks étant : “No Substitute for Cubic Inches”... Nous ne sommes toutefois pas là avec ces “idiocraties” dans le même monde, car la Bentley Blower n’avait que 4 cylindres en ligne, là où les “Bullitmen-Yankee” vivent en V8 et les Tiffosis en V12 !
À l’époque de la 4½ Litres, les grands constructeurs automobiles tels que Bugatti, Mercedes et Lorraine-Dietrich s’affrontaient aux 24 Heures du Mans, qui était “LA” fameuse course d’endurance dont la première édition s’était tenue les 26 et 27 mai 1923, où étaient alignées des automobiles sportives toujours plus performantes et plus rapides d’une course à l’autre, car une victoire en compétition permettait en effet aux constructeurs de rapidement se construire une réputation de “marque” gagnante et donc de vendre les clones à des prix stupéfiants !
Ce sont deux pilotes étrangers à notre France, le Britannique Frank Clement et le Canadien John Duff, qui vont remporter l’édition du Mans 1924 au volant de la voiture personnelle de John Duff, une Bentley 3 Litres, le premier modèle produit par Bentley, constructeur britannique fondé par Walter Owen Bentley en 1919. C’était l’époque où les Gentleman’ drivers venaient concourir avec leurs belles automobiles, accompagnés de leurs belles danseuses-sexuelles pour de folles nuits champagne… Par la route, en faisant du tourisme chic, snob et classe.
C’était une époque sans les sponsors et publicités vulgaires recouvrant casques, casquettes, combinaisons, slips et l’entièreté des carrosseries plastiques d’actuelles très laides autos inutiles pour le devenir de l’humanité, destinées à créer des fortunes en rétro-commissions, sur facturations fiscales et retours de droits de cuissages aux Bermudes et lieux de débauches réservés au plus maléfiques crapules d’affaires louches et de montages complexes… A cette belle-époque, on était riche d’héritages et de magouilleries bancaires, rois, princes ou tycoons d’industries.
Personne de cet univers n’avait le gout du quart monde si ce n’est de s’afficher tel un Maharadjah avec une princesse Indienne voire avec une Chinoiserie opiacée. Quiconque de noble extraction aurait-il voulu paraitre aventurier marqué des pires maladies vénériennes en s’affichant avec une femme de chambre portugaise, une cuisinière italienne voire une esclave du Congo alors propriété privée du Roi des belges ? Un milliardaire américain pouvait éventuellement faire exception, un Rothchild, un Gugenheim, un Rockefeller, à la rigueur !
Fabriquées avec rigueur et avec les meilleurs matériaux et fort de ce récent succès, les luxueuses automobiles Bentley vont attirer l’attention d’un groupe d’hommes britanniques fortunés unis par leur amour de l’insouciance, de la haute couture et de la vitesse, passionnés et décidés à amener Bentley vers le succès. A la fois pilotes et mécaniciens, ces hommes que l’on surnommera plus tard les “Bentley Boys” vont, entre 1927 et 1931, conduire les Bentley de victoires en victoires dans de nombreuses courses, notamment aux 24 Heures du Mans où ils remporteront quatre victoires successives forgeant la réputation de la marque.
C’est dans ce contexte que fut développée en 1927 la Bentley 4½ Litres, une évolution de la 6½ Litres, essentiellement par la diminution de la cylindrée à 4,5 litres par retrait de deux cylindres. Néanmoins, à cette même date cohabitaient déjà la 3 Litres ainsi que la 6½ Litres pour les catégories de plus hautes performances. La 3 Litres, vieillissante et sous-motorisée, devait être remplacée tandis que la 6½ Litres souffrait d’une image écornée par des problèmes de pneumatiques. Sir Henry Tim Birkin, qualifié de “plus grand pilote britannique de son temps” par W.O. Bentley, était un des “Bentley Boys”.
Il refusait de s’en tenir à l’idée aussi simple qu’immuable que se faisait Bentley des automobiles de course, selon laquelle l’augmentation de la cylindrée était préférable à la suralimentation pour accroître la puissance de ses modèles (“There’s no replacement for displacement”). Tim Birkin, aidé par d’anciens mécaniciens de Bentley, vont alors produire une série de cinq modèles “Supercharged”, tous destinés aux 24 Heures du Mans ! Ainsi est née la Bentley Blower, officiellement présentée au British International Motor Show de Londres 1929, dont 55 exemplaires seront finalement produits par Tim Birkin et son équipe (dont faisait partie Clive Gallop, ingénieur du département compétition de Bentley) dans un atelier de Welwyn Garden City afin de satisfaire au règlement des 24 Heures du Mans !
En effet, malgré ses réticences, voire son aversion pour les Blower, W.O. Bentley ne pouvait s’opposer au projet de Birkin, ce dernier ayant obtenu le soutien de Woolf Barnato, le “chef” des “Bentley Boys”, dont la fortune avait permis d’éviter le dépôt de bilan à Bentley en mai 1926 et plus tard en 1930, celui, surtout financier, de Dorothy Paget, une riche amatrice de sport hippique. Cette dernière va constituer d’ailleurs une équipe, dénommée “Hon. Miss Dorothy Paget”, pour permettre aux Bentley Blower de participer aux 24 Heures du Mans 1930.
Si les Bentley 4½ Litres étaient des automobiles lourdes (1625 kg) et de dimensions généreuses avec 4380 mm de longueur et 3302 mm d’empattement), elles étaient bien équilibrées et jouissaient d’une direction rapide et précise. La boîte de vitesses était dotée de quatre rapports non synchronisés. La robustesse du châssis en treillis réalisé en acier et renforcé par des traverses. La 4½ Litres était une automobile de qualité très appréciée à cette époque, et il fallait bien cela pour supporter le lourd moteur à 4 cylindres en ligne réalisé entièrement en fonte !
Associé à deux doubles carburateurs et un double allumage par magnétos Bosch, ce moteur, d’une cylindrée de 4.398 cm3 (alésage/course de 100 mm × 140 mm), était résolument moderne pour l’époque. La course importante lui conférant par ailleurs un couple élevé pour une puissance de 110 chevaux (82 kW) pour la version de tourisme et 130 chevaux (96 kW) pour la version de course, ce qui expliquait que le régime moteur était limité à 4000 tr/min. La distribution étant quant à elle constituée d’un simple arbre à cames en tête actionnant quatre soupapes (inclinées de 30°14) par cylindre, une technique de pointe pour l’époque puisque la plupart des automobiles n’en utilisaient que deux…
Automobile de course avant tout, et dans le but de minimiser le temps d’immobilisation lors des arrêts ravitaillement, la Bentley était dotée d’un bouchon de remplissage du radiateur qui ne se dévissait pas mais se retirait aisément d’un coup de levier ; le même système était également utilisé pour les bouchons des réservoirs d’huile et d’essence. Les 4½ Litres étaient par ailleurs pourvues d’une capote en toile tendue sur une structure en bois, dénommée Weymann, du nom de son concepteur ; cette structure était bien évidemment très légère mais devait tout de même être résistante au vent, le règlement des 24 Heures du Mans entre 1924 et 1928 imposant de parcourir un certain nombre de tours capote fermée.
Le volant, d’environ 45 cm de diamètre, était quant à lui tressé d’une solide corde bien serrée pour une tenue manuelle optimale. En revanche, Bentley n’apportait aucune innovation au freinage assuré par de classiques et imposants freins à tambour à commande mécanique de 17 pouces, striés pour en améliorer le refroidissement, ni à la suspension par ressorts à lames semi-elliptiques des essieux, rigides à l’avant comme à l’arrière. Les différences majeures entre la Bentley 4½ Litre et la Bentley Blower résidaient bien évidemment dans le moteur. Celui de la Blower était en effet suralimenté par un compresseur mécanique conçu par l’ingénieur Charles Amherst Villiers.
W.O. Bentley étant hostile à la suralimentation, considérant que suralimenter un moteur Bentley pervertissait son design et corrompait ses performances (sic !), il refusa donc que le moteur soit modifié pour y intégrer le compresseur, ce dernier était donc placé en bout de vilebrequin, devant le radiateur, ce qui conférait aux Bentley Blower un profil unique et aisément reconnaissable mais accentuait leur comportement sous-vireur. Une grille de protection permettait de protéger les carburateurs, désormais placés à côté du compresseur, et les optiques de phares exposés aux chocs ; une protection similaire était utilisée (sur la 4½ Litres comme sur la Blower) pour le réservoir d’essence, placé à l’arrière, depuis qu’une pierre volante avait percé le réservoir de la 3 Litres de Frank Clement et John Duff, engagée aux 24 Heures du Mans 1923, les privant probablement de la victoire.
Villiers ayant opté pour un compresseur de type Roots (Roots blower en anglais), d’où le nom de la Bentley, des poids d’équilibrage sur le vilebrequin, un autre modèle de pistons ainsi qu’une lubrification à carter sec avaient néanmoins dû être adaptés au moteur. Ainsi suralimentées, les Bentley Blower, développant 175 chevaux (130 kW) à 3500 tr/min pour la version de tourisme et 240 chevaux (177 kW) à 2400 tr/min pour la version de course, étaient finalement plus puissantes que les Bentley 6½ Litres qui disposaient pourtant de deux cylindres supplémentaires
Entre 1927 et 1931, plusieurs Bentley 4½ Litres vont être engagées en compétition, principalement aux 24 Heures du Mans. Le tout premier engagement ayant lieu à l’épreuve des 24 Heures du Mans de 1927 avec la Bentley “Old Mother Gun”, était en fait un prototype destiné à juger du potentiel de l’automobile avant le lancement d’une éventuelle production en série. Désignée favorite, elle ne termina cependant pas la course en raison d’un accident ; elle prouva néanmoins suffisamment sa valeur auprès de Bentley pour le décider de lancer la production et livrer la même année les premiers modèles.
Loin d’être la plus puissante dans les épreuves mancelles, la 4½ Litre de Woolf Barnato et Bernard Rubin s’imposa tout de même en 1928, devant une Stutz DV16 Blackhawk longtemps au coude à coude, établissant un nouveau record de vitesse moyenne à 111,22 km/h ; celle de Tim Birkin et du français Jean Chassagne finissant quant à elle 5e. L’année suivante, trois 4½ Litres vont finir 2e, 3e et 4e derrière une autre Bentley, la Speed Six, forte de deux cylindres de plus. Si les Bentley 4½ Litres à moteur atmosphérique jouissaient d’une bonne fiabilité, ce n’est pas le cas des versions suralimentées ; les deux Blower engagées aux 24 Heures du Mans 1930 par “Hon. Miss Dorothy Paget”, dont l’une était copilotée par Tim Birkin, furent en effet contraintes à l’abandon.
En 1930, Birkin termina tout de même 2e au Grand Prix de France sur le circuit de Pau derrière une Bugatti Type 35. C’est à cette occasion qu’Ettore Bugatti, un peu vexé de la performance de la Bentley, déclara que la 4½ Litres était “le camion le plus rapide du monde”, la Bugatti Type 35 étant bien plus légère et consommant beaucoup moins d’essence ! La consommation d’une Blower Bentley pouvait en effet atteindre les quatre litres à la minute à pleine charge… Quarante litres par 10 minutes soit 240 litres à l’heure pour parcourir 110 Km soit 218 litres aux 100 kms !
Mal adaptées aux épreuves d’endurance, Mildred Bruce, une femme pilote britannique, va toutefois remporter en 1929 à Montlhéry le record de distance parcourue en solitaire sur 24 heures avec une vitesse moyenne de 143,88 km/h ! Les Bentley Blower étaient en revanche remarquables en vitesse pure, en 1930, le Daily Herald avait mis en place un trophée pour récompenser le pilote le plus rapide, l’épreuve se déroulait sur le circuit de Brooklands à Surrey. La première année, le trophée fut entre autres disputé par Tim Birkin et Kaye Don et remporté par ce dernier avec 221,41 km/h. En 1932, Tim Birkin va remporter à son tour le trophée au volant de sa Bentley Blower rouge, signant ainsi un nouveau record à 222,03 km/h.
En 1931, après avoir vendu 720 exemplaires de 4½ Litres – 655 à moteur atmosphérique et 55 à moteur suralimenté – en trois différentes versions (Tourer, Drophead Coupé et Sporting Four Seater carrossées par Bentley mais également par Freestone & Webb, Gurney Nutting, Vikers ou encore Vanden Plas), Bentley va mettre fin à ses activités, victime comme beaucoup de constructeurs automobiles de la récession qui frappait l’Europe à la suite du krach de 1929. W.O. Bentley fut ainsi contraint de vendre son entreprise et c’est Rolls-Royce qui va en faire l’acquisition en novembre 1931 pour un montant de 125.175 £.
Représentatives des automobiles Bentley, lourdes, puissantes et élégantes, d’avant-guerre, la Belle Époque de l’automobile pour certains/certaines, les 4½ Litres se négocient de nos jours à partir de 100.000 € et peuvent atteindre plus de 1.500.000 € lorsqu’il s’agit d’une Bentley Blower, la plus emblématique des Bentley d’avant-guerre et la plus appréciée des collectionneurs, même si elle n’a finalement jamais remporté une seule course et qu’elle a toujours été détestée de W.O. Bentley ! Dans son autobiographie, il déplore la quantité de bonne volonté évaporée avec ces voitures suralimentées dénuées de la fiabilité qui, dès le début, avait fait partie du credo de Bentley Motors. Beaucoup considèrent qu’elle est à l’automobile ce que le Spitfire est à l’aéronautique : une partie de cette notoriété lui vient aussi, peut-être, des romans de Ian Fleming dans lesquels James Bond conduit une Bentley Blower de 1930.
Les plans de Bentley pour recréer une série limitée de sa célèbre 4 1/2 litres sont bien en cours, avec le premier prototype dénommé “Car Zero”, maintenant terminé. Je l’ai conduite… J’avais en tête qu’au fil des ans, la plupart des voitures de course qui ont captivé l’imagination du public n’ont pas été ni des machines de Formule1, ni des berlines 4 portes, mais des voitures de sport et plus particulièrement celles qui ont couru au Mans. On connaît leurs noms : Jaguar D-Type, Ferrari Testa Rossa, Ford GT40, Porsche 917… Toutes ont connu un succès phénoménal. Bien sûr qu’elles étaient phénoménales. Alors, comment un échec complet tel que la Bentley Blower pourrait-il devenir vénéré et faire autant partie de la tradition de la course automobile que n’importe quel vainqueur multiple du Mans ?
Eh bien, il suffit de le regarder la Bentley Blower 4 1/2 litres ! Elle n’a pas remporté Le Mans, ni aucune autre course, d’ailleurs. C’était une voiture qu’Owen Bentley lui-même détestait et qui a été blâmée en partie (et à tort) pour avoir contribué à la faillite de la société Bentley originale en 1931. Pourtant, voici la bête. Quand on pense à une Bentley vintage, ce n’est pas la 4 1/2 litres ou la Speed Six 3 litres non suralimenté, qui vient à l’esprit alors qu’elles ont remporté Le Mans pas moins de cinq fois en sept tentatives entre 1924 et 1930 ! Non, c’est cette voiture, la Bentley officieusement mais éternellement connue simplement sous le nom de Blower !
La raison en est celle du plus célèbre des “Bentley Boys”, Sir Henry Birkin. La suralimentation était son raccourci vers plus de puissance et il a obtenu d’aller sur la planche des bateaux-pirates ! Bentley va à cette époque construire 50 voitures de route et quatre voitures “Team”, qui courront alliées à Bentley mais à partir d’une écurie distincte, celle de la riche Dorothy Paget, dont l’argent finançait le projet. Et c’est cette image de Sir Henry Birkin et son écharpe à pois flottant dans le vent de la force d’un ouragan, qui est devenue l’image symbolique de la Bentley Vintage.
De ces quatre Blowers, la favorite de Sir Birkin était la numéro deux, la voiture dans laquelle, lors du Mans 1930, il a dépassé les Mercedes-Benz SSK de l’as allemand Rudolf Caracciola sur la ligne droite de Mulsanne, en partie sur l’herbe, avec un pneu en lambeaux et à plus de 193 km/h ! La voiture survit aujourd’hui, car elle était alors symbole de toutes les manières qui comptent, ce qui en fait la plus originale de toutes les voitures de course Bentley Vintage. Cette Bentley Blower 100% originale a été évaluée à 46 millions de dollars ! Et bien, ce n’est malheureusement pas la voiture que je suis venu voir et goûter, mais une très semblable !
Fin 2019, Bentley a annoncé qu’il fabriquerait 12 blowers supplémentaires à la série programmée, chacune aussi proche que possible de la spécification originale de “Number Two”. Pas des répliques, mais des copies, de véritables reproductions, chacune construite de la même manière, en utilisant les mêmes matériaux et avec le même type d’outils. Près de 2000 pièces plus tard, chacune est fabriquée individuellement à la main à partir des dessins originaux et de données numérisées de la “Team Car” réelle et ce, sans parler des 40.000 heures d’efforts, la première est prête !
La Bentley Blower noire que vous voyez ici est ce qu’ils appellent chez Bentley la “Car Zero”, prototype de test et de développement qui sera conservée à côté de la vraie Team Car pour toujours ! Elle est livrée en noir brillant intérieur cuir rouge, parce que les couleurs intérieures et extérieures sont à peu près la seule chose sur laquelle un client a le libre choix. Elle a également des lumières LED montées à l’avant et à l’arrière, une exigence inélégante mais compréhensible. Sinon, c’est la même que la voiture de Birkin, à tous égards significatifs.
C’est le service des prototypes de Bentley Mulliner et un petit groupe de fournisseurs externes, y compris Israel Newton and Sons, qui sont responsables de la fabrication du châssis en acier aux sections rivetées à chaud et formées à la main. Si vous n’en avez pas entendu parler, ne soyez pas surpris, c’est une entreprise qui a passé les 200 dernières années à fabriquer des chaudières pour les locomotives à vapeur et qui a donc une connaissance inégalée des rivets et de la mise en forme traditionnelle du métal à chaud.
Voir et filmer l’ancienne et la nouvelle-ancienne à côté l’une de l’autre, est une expérience surréaliste. Vous regardez de l’une à l’autre et essayez de repérer les différences. Elles sont subtiles ! Mais les détails sont parfaits, jusqu’au compte/tours sur le tableau de bord. Ce n’est pas une partie de l’autre Bentley mais une réplique de celle appropriée d’une auberge quelque part en France en 1930 alors que l’équipe conduisait les voitures de course au Mans. Il est en fait conçu pour garder le score dans les jeux de course. L’original a été démonté, les secrets de son fonctionnement révélés et remis ensemble, c’est ainsi qu’il y a une copie identique sur la “Car Zero”.
Assis derrière l’énorme volant, en regardant le désordre originel-aléatoire des cadrans, je me sens plus comme allant piloter un biplan vintage qu’une voiture. Commencer n’est pas difficile, juste compliqué. Il faut d’abord tourner la clé pour activer la voiture, puis appuyer sur les pompes à carburant (vous pouvez toujours pomper l’essence de l’énorme réservoir au moteur à la main si vous le souhaitez). Ensuite, on allume les deux magnétos qui génèrent mécaniquement des étincelles pour le moteur, mécaniquement pas électriquement, donc une fois que la voiture est en marche, elle n’a pas besoin de batterie. Ensuite, on retarde l’allumage sur le levier monté sur le volant et enfin pouce, le gros bouton de démarrage. Si le moteur est chaud, il se déclenche immédiatement, si pas il faut attendre et recommencer.
Il s’agit d’un gros morceau, ce moteur, chacun de ses quatre cylindres déplaçant plus d’un litre de capacité, mais il est tout aussi étonnamment moderne. Vous pensez que l’allumage à double étincelle, les arbres à cames en tête et quatre soupapes par cylindre sont des innovations relativement modernes ? Bentley les avait sur ses voitures non seulement il y a 90 mais 100 ans ! Et si 179kW à 4200rpm semble plutôt modeste par rapport aux normes modernes, sachez qu’il était environ 20 fois plus puissant que le moteur d’une voiture typique de l’époque, comme une Austin Seven. Pensez donc à quelque chose de plus de 1400 kW aujourd’hui !
C’est courageux,très courageux, pour Bentley, de m’avoir laissé rouler avec cette voiture. Ce n’est pas sa valeur de plus de 1,8 million de dollars, ou toute difficulté à l’utiliser, qui sont les problèmes, car j’ai eu la chance au-delà de l’imaginer qu’on m’avait fait confiance ! Le problème est que la voiture était juste au début de son développement et se sentait crue même par les normes Bentley Vintage. J’ai donc relevé : Que le point de morsure de l’embrayage était trop élevé ! Que la tringlerie de l’accélérateur était un peu délicate ! Que les freins étaient train de couler en sabordage…
Ces voitures sont toujours un défi, avec leurs boîtes de vitesses résolument sans synchro et leurs positions d’accélérateur et de frein inversées, mais celle-ci nécessite une concentration encore plus grande que d’habitude. Mais ce sont des problèmes de démarrage typiques, ni plus ni moins, et à prévoir. Plus important encore, le moteur est parfait et je l’ai senti plus fort que celui de la voiture de l’équipe (raisonnablement, Bentley limite la quantité de boost qu’il pompe à travers le moteur de son artefact presque inestimable) et le châssis se sent beaucoup plus loin en phase d’être terminé que je ne l’avais prévu.
Plus important encore, j’ai vécu un sentiment que vous ne trouverez nulle part ailleurs dans le monde. Recroquevillé derrière les écrans, le volant en main, tonitruant autour d’un plein d’essence, entendant le pompiste me dire que c’est Brooklands et que vous êtes Birkin… Eh bien, d’où je viens, ça ne va pas beaucoup mieux que ça ! Probablement à bon escient (mais cela n’a pu être prouvé) ma demande de faire un tour à au moins 160km/h a été poliment refusée me prétextant que “La voiture est encore trop neuve et inconnue pour être poussée comme ça à ce stade de son développement”.
Mais même aux deux tiers de cette vitesse, elle m’a offert un retour dans une autre époque, celle où les pilotes de course étaient vraiment des héros, fraîchement sortis et portant les cicatrices d’une guerre qu’ils ne s’attendaient pas à y survivre. Même en l’état, “Car Zero” offre un aperçu rare et spécial d’un monde au-delà de la mémoire de presque tout le monde vivant aujourd’hui. Quand ce sera fini, ce sera encore autre chose… Si vous avez 2 millions de trop, allez-y, pour le plaisir, achetez-en une, voire deux, même 3 !