Bentley Continental GTC : un V8, sinon rien…
Par Marcel PIROTTE
Un coupé, c’est bien, un “convertible”, c’est encore mieux…, surtout s’il porte le nom prestigieux de Bentley, une marque qui, pendant près de 70 ans, a vécu dans l’ombre de Rolls Royce, mais qui, aujourd’hui, prend une incroyable revanche.
Marque de prestige du Groupe VW depuis 1998 alors qu’à cette période, RR se tourne vers BMW, le fabricant de Crewe ne s’est jamais aussi bien porté : l’an dernier, plus de dix mille voitures ont été livrées de par le monde, (8.510 en 2012), la moins chère revenant à plus de 170.000 €, sans la moindre option …
Et parmi ces petits bijoux qui ont pour nom Continental , Flying Spur ou Mulsanne, j’ai toujours eu “un faible” pour cette remarquable décapotable GTC apparue en 2006, essayée à l’époque avec le moteur W12 de 6L et près de 600 chevaux…, mais c’était vraiment “too much”… et de me dire qu’un V8 moderne ferait tout aussi bien l’affaire…
Chez Bentley, on a aussi tenu le même raisonnement et comme le “down sizing” (la réduction de la cylindrée) est à la mode, les ingénieurs ont ajouté il y a deux ans un V8 d’origine Audi…, pourquoi en effet dépenser autant d’énergie et d’argent alors qu’au sein du Groupe VW, il suffit de puiser dans la banque d’organes ?
Cette Continental GTC, dessinée par un Belge : Dirk Van Braekel (avant cela, il avait renouvelé l’ensemble de la gamme Skoda, Fabia, Octavia et Superb)…, dérivée du coupé GT, repose en fait sur la plate-forme de la grande berline VW : la Phaeton, chère au professeur Piëch.
Elle fait confiance à quatre roues motrices tout en se voulant à ses débuts entraînée par un W12, toujours d’actualité…, mais sans cesse amélioré…, un moteur que l’on retrouve toujours sur les berlines Audi A8 et Bentley Flying Spur…, mais qui devrait aussi équiper le nouveau SUV de haut de gamme Bentley prévu pour 2016 (pas celui vu à Genève en 2012 : le prototype EXP9F, un véritable laideron), le chief designer de Bentley, Luc Donckerwolke (un autre belge), étant en charge d’un nouveau projet qui, lui…, devrait s’inscrire dans l’ADN de Bentley.
Mais revenons à “notre” Continental GTC…, qui est probablement l’un des plus beaux cabriolets fabriqués en grande série…., depuis 2006 et malgré un très léger restyling, cette GTC n’a pas pris une seule ride…, avec une ligne intemporelle, superbement proportionnée, elle incarne une certaine aristocratie bien britannique, même si ses dessous sont d’origine germanique.
Sa ligne somptueuse, soulignée par des ailes arrière au galbe un rien plus prononcé (qui sur notre modèle d’essai abrite des jantes impressionnantes de 21 pouces), lui donne manifestement le titre de “Miss Bentley” dans sa version topless, qui en impose par sa stature impériale et royale à la fois…
Et de se dire que l’acheteur de cette GTC (au compte en banque bien fourni), s’avère en fait un fin connaisseur…, le genre qui ne se retourne même pas sur les Ferrari, Maserati et autres Lamborghini (sans aucun doute de belles réalisations mais difficilement utilisables au quotidien et dont la fiabilité n’est sans doute pas la qualité première)…
Car pour lui, une Bentley c’est du sérieux, un mix de technologie allemande et de tradition anglaise…, un fameux duo qui fait recette : avec en prime une simple visite par an à l’atelier ou tous les 10.000 miles (16.000 km)…, incorrigibles ces brittons !
Pour les amateurs de chiffres, sachez que la capote à triple épaisseur se déplie et se replie en un petite dizaine de secondes, on peut même l’actionner à distance…, à la grande joie des badauds toujours émerveillés par le spectacle d’une cinématique pourtant classique…, mais à bord d’une Bentley, c’est forcément différent, surtout si l’on sait que cette automobile aristocratique se négocie au bas mot à partir de 193.000 € sans la moindre option…
Ne boudant pas mon plaisir…, pendant un très long W-E, je me suis glissé dans la peau d’un lord…, mais au fait comment reconnaître une Bentley V8 d’une W12 ? Par quelques détails : comme cet emblème au “B” ailé en émail rouge sur la calandre, le couvercle du coffre et les cache-moyeux…, une calandre noir mat…, les doubles sorties d’échappement chromés étant en forme de huit…
Trois couleurs de capote sont aussi proposées au client et afin que son possesseur n’ait pas la même que celle de son voisin…, quatre coloris de peausserie sont inscrites au programme à moins bien évidemment que le client-roi ne préfére une exécution sur mesure…, les gens de Bentley sont ouverts à toutes les sollicitations, pour autant qu’elles cadrent avec leur image de marque… et si certains acheteurs farfelus ont des idées encore plus farfelues, prière d’aller voir ailleurs…, ce ne sont pas les préparateurs de mauvais goût qui font défaut…
Particulièrement imposante alors qu’elle ne mesure que 4,80 m de long mais plus de 2 m de large avec les rétros, cette GTC est un véritable salon roulant bien dans la tradition “british”…, un ravissement pour les yeux mais également au toucher, pas de fausse note, ici, on frôle une certaine perfection : cuir bi-tons, peausseries soyeuses, surpiqures exécutées au cordeau, graphisme revu, du vrai bois qui épouse à merveille les aérateurs taillés dans l’aluminium (toujours commandés par des tirettes), sièges avant ultraconfortables (matelassés), soutenant admirablement le corps (ils peuvent aussi masser et réchauffer la nuque)…, rien que du bonheur…
A l’arrière malgré ses dimensions, cette GTC n’est pas très accueillante, deux places de secours, c’est une 2+2…, n’en parlons plus…, d’ailleurs, une GTC, ça se déguste à deux en égoïste, avec comme accompagnateur un “shih tzu” qui lui va trouver cette banquette très confortable…, j’en ai la preuve…
Á moins que ce soit un sac de golf, car le coffre encombré par le réceptacle de la capote, le pare-vent arrière amovible qui prend beaucoup de place dans sa trousse, ainsi que l’installation HiFi, n’est pas des plus vastes : 260 litres de contenance, pas terrible…, mais avec des bagages souples signés Vuitton, on peut sans le moindre problème partir en W-E et même en vacances, à deux avec le chien…
Et, sous le capot, un V8, mais pas n’importe lequel…, un V8 bavarois concocté par la division RS de chez Audi…, un double turbo de près de 4L que l’on retrouve notamment à bord de pas mal de modèles affutés d’Ingolstadt : S6/RS6, S7, A8… et qui dans son exécution “anglaise”…, livre 507 chevaux à 6.000 tr/min ainsi que 660 Nm à partir de 1.700 tr/min (il existe également une version “S” de ce moteur qui développe alors 528 chevaux et 680 Nm, mais payer 16.000 € de supplément pour gagner quelques 1/10e de seconde, ça n’en vaut vraiment pas la peine)…
En revanche, ce V8 de base, qui n’a plus rien à voir avec le fameux “six trois quart” de 6L75 de Rolls Royce et Bentley (une autre époque), doit cependant entraîner cette automobile d’hyper-luxe-convertible…, qui pèse tout de même près de 2.500 kg…, la transmission étant confiée à une boîte ZF automatique 8 rapports à convertisseur, le couple ainsi que la puissance étant distribués aux quatre roues à raison de 60/40, de quoi encore mieux accentuer le caractère à propulsion de cette 4WD.
Côté technique, les motoristes Bentley ont quelque peu revu ce “beau bloc” avec l’implantation des deux turbos à l’intérieur du V, les conduits d’admission et d’échappement étant aussi inversés et “fin du fin”, un système électronique permet à basse et moyenne vitesse de désactiver la moitié des cylindres…, ce V8 tournant alors comme un V4 sur quatre pattes.., de quoi sérieusement diminuer la consommation, mais également les rejets polluants pour atteindre des valeurs politiquement correctes, moins de 11 l/100 km et 254 g/km de CO2…, mais ça, c’est pour la théorie, on verra un peu plus loin ce qu’il en est dans la pratique.
Qu’on ne s’y trompe pas, une GTC V8, c’est une main de fer dans un gant de velours, elle adore la conduite sous un train de sénateur (sic !) mais lorsqu’il faut aligner des chronos, on peut compter sur elle.
A ce sujet, voici une petite aventure qui m’est arrivée…, j’évoluais sur une route nationale à une allure paisible, entre plusieurs feux de signalisation…, j’avais remarqué dans mon rétro une VW Golf un rien surbaissée qui n’arrêtait pas de changer de file de manière assez musclée…, je ne sais par quel hasard, cette Golf, une GTI, s’est retrouvée à côté de moi alors que le feu était rouge…, marquant l’entrée de l’autoroute.
A bord trois jeunes, sans doute très intrigués par cette Bentley à plaque anglaise alors que le volant était à gauche et que derrière celui-ci, son conducteur aux cheveux gris semblait ignorer cette Golf affutée.
Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que j’avais sélectionné le mode sport tout en restant en automatique.
Au feu vert et comme je le pensais, les roues antérieures de cette GTI ont littéralement ciré le bitume alors que la GTC malgré son poids accélérait comme un missile sol sol…, résultat de la course, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, la GTI était larguée, déposée, devenait toute petite dans le rétro… alors qu’en quelques centaines de mètres à peine, le tachymètre de la belle anglaise affichait déjà plus de 200 km/h…, du coup, notre GTI allemande n’a pas insisté, empruntant la première sortie, les occupants allant certainement se taper une bonne bière afin de noyer leur déconvenue.
Une GTC V8, ça accélère comme un boulet de canon, de 0 à 100 km/h en 5 secondes, des reprises époustouflantes, 300 km/h en pointe (je vous avoue que je n’ai pas mesuré), le tout en mode automatique.., cette boîte pouvant aussi être commandée manuellement via des palettes logées sur la colonne de direction…, mais elles ressemblent à des tisonniers…, pas très esthétique…
Avec un couple aussi important disponible dès 1.700 tr/min, il est facile de comprendre que la commande manuelle des rapports n’apporte pratiquement rien en termes de performances… mais lors des relances, c’est un plaisir sans cesse renouvelé que de réveiller ce V8 au bruit si rauque et enivrant, ses vocalises n’ont rien à envier à celles du W12 dont on se demande ce qu’il peut apporter de plus en termes de performances…, sinon une consommation augmentée de plusieurs litres, car tout au long de mon essai mené à bonne cadence, la moyenne s’est figée à 13,8 l/100 km…, pas mal pour un cabrio aussi lourd et dont les performances étonnent au fil des kilomètres.
GTC, c’est avant tout une Grand tourisme…, son “truc”, c’est d’avaler de longues distances dans un confort souverain…, le moindre kilomètre parcouru étant un véritable régal pour les amateurs de conduite rapide et soutenue…, son terrain de prédilection, ce sont les autoroutes où elle peut alors dévorer la bande gauche comme un tapis volant à des allures que le code de la route réprouve…, sans la moindre pitié…, tout en effaçant d’un grand coup d’accélérateur, les chicanes mobiles.
En revanche, elle n’a pas été conçue pour “aligner des temps” sur un tour à Francorchamps ou dans l’enfer du Nürburgring,… elle laisse ce boulot à des super sportives d’où l’on sort complètement “rétamés”…, Miss Bentley ne fréquente pas les mêmes écoles…, les virages serrés, ce n’est vraiment pas sa tasse de thé…, mais grâce à la suspension adaptative et les différents modes de conduite, il ne faut jamais la sous-estimer, d’autant que sa motricité s’avère exceptionnelle et que l’accord moteur-boîte frôle la perfection.
Du côté du freinage, je recommande les freins carbone-céramique, même si cette option revient à plus de 12.000 €, mais impossible de le mettre à genoux… et le plus incroyable sans doute réside dans cette facilité de conduite dont on ne ressent jamais le poids avec une rigidité de caisse jamais prise en défaut alors qu’en circulant capote fermée, on se croirait à bord d’un coupé avec à l’arrière, un plafonnier intégré dans la capote…, un détail certes, oui…, mais qui en dit long sur la manière dont cette Bentley a été conçue.
Le fondateur de la marque Owen Bentley peut reposer en paix, son héritage est merveilleusement préservé : raffinement, confort soigné, très grand luxe, performances onctueuses, cette GTC V8 ne voyage qu’en “first”…, mais cette perfection a un prix : 243.000 € pour la version essayée…
Marcel Pirotte, pour www.GatsbyOnline.com
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