“Cum bene quaesieris quid agam, magis utile nil est / artibus his, quae nil utilitatis habent”…
S’interroger sur l’utilité de la conception et de la fabrication d’une Bentley très particulière comme moyen en vue d’une fin extrinsèque, amène, plus précisément, à la notion contemporaine d’utilitarisme qui place toute valeur dans la capacité à offrir un retour sur investissement immédiat, un principe qui approuve ou désapprouve toute action en accord avec la tendance à augmenter ou à diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en question. Ecrit comme ça, c’est très joli ! Le problème est qu’il s’agit d’une conception quantitative du bonheur : on ajoute des joies et des plaisirs et on soustrait des peines et des malheurs. Cette conception dérive immédiatement en une arithmétique de petit boutiquier, d’autant que pour faire ses comptes, l’unité de bonheur la plus simple pour les paresseux du bulbe, c’est l’argent. L’utilitarisme se confond alors avec l’esprit de convoitise à courte vue, verse dans une mesquinerie avaricieuse et se limite à l’optimisation des moyens mis en œuvre aux fins d’obtenir le maximum d’argent et d’or. En bref, est utile ce qui rapporte !
Quoiqu’aussi éloignée de l’esprit et de la lettre des fondateurs de l’utilitarisme que de son étymologie latine jouissive ou jouisseuse, c’est aujourd’hui la définition la plus répandue de l’utilité : Utile signifie rentable au plus court terme possible, capable de répondre à l’appétit de richesse ou de puissance en engageant aussi peu d’effort que nécessaire. Mais sans même aller jusque-là, et en se contentant de penser qu’est utile ce qui permet d’atteindre une fin extrinsèque, Ovide nous montre, par le paradoxe de son jeu de mot, que la réduction de certaines activités à un simple moyen, les dénature. Jusqu’en science, l’inutilité donne le sens ! Les découvertes qui se sont révélées très utiles bien après leur fulgurance font figures de tartes à la crème : cas bien connus de la relativité, du boson de Higgs ou des travaux de Maxwell sur l’électromagnétisme, dont les conséquences pratiques dessinent notre modernité. Tous ces exemples, et tant d’autres de recherches exclusivement intellectuelles débouchant de manière imprévue sur des applications ô combien pratiques, montrent que la curiosité se révèle bien plus efficace dans l’histoire des sciences que le désir d’être utile.
Certes, il faut cependant aller plus loin : cette utilité à retardement apparaît presque malgré les scientifiques eux-mêmes. Leurs travaux ne sont en aucun cas validés a posteriori par les applications qu’on leur trouve et qui n’en sont que l’écume, l’anecdote honteuse. Non qu’il y ait rupture radicale entre recherches fondamentales et appliquées : bien entendu le continuum existe. Mais l’hybridation contemporaine entre science, technique, industrie et finance, donnant naissance au technoscientisme, fait oublier la “libido sciendi” au profit de considérations bassement matérielles. C’est la science que l’on prostitue, c’est la recherche que l’on assassine ! Car, de ce point de vue, quoi de plus inutile que la recherche, la science et le savoir ?
Les œuvres auxquelles se frottent les imaginaires définissent le paysage où se meuvent et se constituent le goût et l’esprit. Elles occupent le point focal où convergent la “vita activa” et la “vita contemplativa” arendtiennes (franchement, entre nous, quoi de plus inutile que la philosophie ?). L’expérience artistique touche au plus profond de soi et élève l’intime à la mesure de l’universel. La rencontre, toujours accidentelle, de l’œuvre provoque l’émoi autant que la pensée, et rend à proprement parler humain.
C’est donc dans sa futilité la plus précieuse que réside l’intérêt de la culture : A quoi sert un poème ? A quoi sert une sonate ? A quoi sert une Bentley Continental GT3 “Pikes-Pikes” ? Quoi de plus inutile que l’art et la culture, un vers ou un arpège ? Qui ne s’est déjà surpris à errer en soi, à rêvasser, n’a jamais vécu cet état intermédiaire de la rêverie, ce doux abandon qui nous saisit à notre volonté abolie quand nous laissons dériver notre esprit au gré d’une petite phrase musicale ou les yeux absents d’une page, d’une scène, d’une toile ou d’une automobile de très grand luxe devant soi ? Ces objets déclenchent en nous un voyage de la pensée. L’esprit qui rêvasse saute d’image en concept, s’échappe pour explorer d’autres contrées ; les idées s’enchaînent et souvent se déchaînent ; alors qu’une partie de soi continue de suivre les notes, les voix, les lignes… une autre poursuit son propre chemin intérieur, avant que brusquement les deux ne se rejoignent et que toute l’attention ne se porte de nouveau sur cette œuvre qui aura fonctionné comme la gâchette de la rêverie.
Ah ! Quoi de plus inutile que la rêverie ? Celle-ci fonctionne par raccourcis et collisions, par symboles et métaphores. La métaphore, cette relation au monde qui le fait sien en l’incorporant à l’expérience individuelle par le biais d’une analogie court-circuitée. Pur jeu de l’esprit (après tout, quoi de plus inutile que le jeu ?), elle apprivoise le monde en même temps qu’elle en dégage la familière étrangeté. Rien d’utile là-dedans puisqu’il ne s’agit que de ce qu’il y a de plus profondément humain. Humain, trop humain même, comme disait Friedrich Nietzsche, les rêves et les symboles, ça le connaissait. Mais je m’égare… je m’égare comme le fait la pensée qui nous égare volontairement, nous laisse perdre afin de mieux trouver une voie qui n’ait été avant nous défrichée (ou défraîchie parfois) ; quoi de plus inutile, en effet, que l’égarement ?
In girum imus nocte et consumimur igni… De l’audace, que diable ! Du panache, de l’honneur ! Quoi de plus inutile que le panache et l’honneur puisque c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! Sur leurs décombres se déroule la triste farce des passions tristes et des appétits médiocres. Certains ont la folie des grandeurs, d’autres ont la folie de la petitesse. Même la vertu civique est tournée en dérision par les derniers hommes qui clignent de l’œil et choisissent sciemment leur confort privé à l’exigence de la liberté. Pour les consommateurs d’autrui, obnubilés par leurs statistiques de matchs et leurs écrans glacés, où donc se loge le sentiment, le désir, le frisson de l’effleurement d’une peau aimée ? Après tout, quoi de plus inutile que l’amour ? Face à l’assourdissant silence d’un monde absurde, l’existence sans but extrinsèque se donne à elle-même un sens au-delà de toute instrumentalisation possible en simple moyen. Lucide quant à la vanité et à l’arbitraire d’un tel geste démiurgique, la volonté condamnée se divertit de sa propre finitude et choisit l’ivresse, quelle qu’en soit la forme : Il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous ! Quoi de plus inutile, enfin, que l’ivresse ?
La farce tragique se joue de tout public et ordonne le chaos en faisant jaillir du néant le sens. L’utile est superflu, seul l’inutile est nécessaire. Comme l’humour et la philosophie, la recherche et l’égarement, la science et la rêverie, le savoir et le jeu, l’école et l’instruction, l’art et la culture, un vers ou un arpège, le panache et l’honneur, la vertu et l’amour, une langue morte ou l’ivresse ! Quoi de plus inutile que le divertissement dont chacun d’eux relève ?
Rien ! Donc rien de plus nécessaire non plus. Ni de moins trivial. Car c’est là l’activité la plus noble et la plus humaine. Et, au fond, quoi de plus inutile que l’humain ? Bentley a lancé en avril 2021 une nouvelle initiative (sera-t-elle majeure de durabilité ?) avec l’annonce d’un programme de recherche et développement sur les carburants renouvelables dirigé par la Bentley Continental GT3 “Pikes-Peak”, conçue et construite pour rivaliser pour le “record time attack 1” au Pikes-Peak International Hill Climb de cette année. Ce sera la première Bentley de compétition à fonctionner avec du carburant renouvelable, en avance sur l’objectif d’offrir des biocarburants durables aux clients de Bentley dans le monde entier.
Divers mélanges de combustibles sont actuellement à l’essai et évalués, avec des réductions “possibles” des gaz à effet de serre (GES) jusqu’à 85 % par rapport aux combustibles fossiles standard. Cette première étape marque le début d’un programme plus long qui étudiera à la fois les biocarburants et les carburants électroniques (sic !) pour leur potentiel à alimenter durablement les Bentley d’avant, d’aujourd’hui et peut-être de demain… L’ambitieux et transformationnel programme “Beyond100” de Bentley devrait permettre à Bentley de devenir le leader mondial de la mobilité de luxe durable, avec l’ensemble de sa gamme proposés avec des variantes hybrides d’ici à 2023/2030. L’adoption de carburants renouvelables pour ce projet marque le début d’une ambition à long terme pour Bentley, en lançant un programme de recherche et développement qui vise à offrir des carburants renouvelables aux clients Bentley en parallèle du programme d’électrification de Bentley.
Cette stratégie à deux volets vise à maximiser le rythme des progrès de Bentley vers la neutralité carbone pure et simple, dans le cadre de son “Beyond100”. Les Bentley à moteur à combustion seront toujours produits au cours des neuf prochaines années, le nouveau projet de Bentley vise à rendre ces voitures aussi durables que possible grâce à l’utilisation de technologies de carburant innovantes. Avec plus de 80% de toutes les Bentley jamais construites encore sur la route, une offre de carburant renouvelable véritablement durable et orientée vers le client permettrait également aux clients de profiter de leurs Bentley anciennes et actuelles de manière “responsable” (politiquement-correcte), pour les années à venir.
Matthias Rabe, membre du conseil d’administration de Bentley pour l’ingénierie, commente :
– Nous sommes ravis de retourner à Pikes Peak pour la troisième fois, maintenant alimenté par du carburant renouvelable, comme projet de lancement d’un autre nouvel élément de notre programme Beyond100. Nos ingénieurs sont déjà à la recherche de biocarburants et de carburants électroniques pour être utilisés par nos clients parallèlement à notre programme d’électrification, avec des étapes intermédiaires d’adoption de carburants renouvelables à l’usine de Crewe. D’ici là, la Continental GT3 Pikes-Peak montrera que les carburants renouvelables peuvent permettre au sport automobile de continuer de manière responsable et j’espère qu’elle remportera le troisième et dernier record de notre triple couronne.
– Le projet Pinnacle Pikes-Peak de Bentley est-il exécuté en collaboration avec FASTR, l’équipe britannique qui a fait campagne avec succès lors de compétitions ?
– Les équipes techniques de Bentley et FASTR travaillent avec des spécialistes de M-Sport en Cumbria pour obtenir le maximum de performances possibles de la Bentley Continental GT3, ce sera géré aux USA, au Colorado, par la même équipe et avec l’aide de K-PAX Racing. Pour battre le record, la voiture devra compléter la montée de près de 5000 pieds, qui comprend 156 virages, à une vitesse moyenne de plus de 78 mph pour franchir la ligne d’arrivée en moins de neuf minutes et 36 secondes.
– Pour aider à atteindre cet objectif ambitieux, Bentley s’est-il de nouveau tourné vers le triple champion “Pikes-Peak” et ancien roi de la montagne : Rhys Millen (Nouvelle Zélande) qui détient des records de classe individuels ?
– C’est avec Millen que Bentley a remporté ses deux records existants de Pikes-Peak, le record de production SUV atteint en 2018 avec un Bentayga W12, et le record absolu de voiture de production enregistré en 2019 avec une Continental GT, la Bentley la plus extrême basée sur une GT dans l’histoire ! Avec la ligne de départ à 9.300 pieds, le parcours monte à 14.100 pieds où l’air est 1/3 moins dense qu’au niveau de la mer. Cet environnement signifie que la Continental GT3 Pikes-Peak propose des modifications à la fois à son ensemble aérodynamique et à son moteur, le transformant en l’itération la plus extrême d’une Continental GT ou même de n’importe quelle voiture Bentley.
– L’énorme aileron de coffre est-il réellement utile alors que la vitesse maxi possible est de 80 MpH ?
– C’est la plus grande aile jamais équipée sur une Bentley qui domine l’arrière de la voiture, placée au-dessus d’un diffuseur très efficace qui entoure la boîte de vitesses transaxle. Cet ensemble aérodynamique est équilibré par un spoiler à deux plans flanqué de “Flaps” de plongée séparés.
– Le moteur est-il le V8 turbo de 4,0 litres monté sur la Continental GT V8 ?
– Pour la Continental GT3 Pikes-Peak, les modifications apportées au moteur ainsi que l’utilisation de biocarburants soigneusement sélectionnés permettront de développer une puissance importante malgré les conditions raréfiées dans lesquelles il fonctionnera.
– Les échappements latéraux, tout comme l’aileron gigantesque font très “Kustom-Car”… Vous visez les Kustomeux devenus multimillionnaires ou les dingos qui friment au “Cannonball-Run” ?
– D’autres modifications incluent des entrées d’air de refroidissement à la place des vitres latérales arrière.
– C’est pour évacuer la chaleur corporelle de votre champion Rhys Millen ?
– La Continental GT3 Pikes-Peak entre maintenant dans une phase majeure d’essai et de développement, basée initialement au Royaume-Uni avant d’être expédiée aux États-Unis pour des essais en altitude. Une mise à jour sur l’état d’avancement de la voiture sera publiée en mai, avant la 99e course de la Pikes-Peak International Hill Climb le 27 Juin 2021.