BMW M3 : Musique, Maestro !
Par Marcel PIROTTE
Envie d’une berline au sang bleu, plutôt compacte, qui déménage, mais que madame pourrait très bien utiliser pour faire les courses, alors que le W-E Monsieur se verrait très bien sur un circuit pour faire la course…, oui, ça se trouve mais pour cela, allez plutôt voir du côté des spécialistes allemands : Audi, Mercedes et BMW font partie de la shopping-list… et dans ce dernier cas, la berline M3 devrait vous satisfaire.
Attachez vos ceintures, Maestro, envoyez la musique, les grandes orgues et les cuivres, Beethoven va sortir de son tombeau…
Je vous l’ai dit, ce n’est pas le choix qui manque… Audi propose des versions hyper vitaminées de ses modèles S3 et RS5…, Mercedes va débouler avec sa future C63 AMG…, Opel n’est pas non plus en reste avec une certaine Insignia OPC.
Les constructeurs allemands ont de quoi mettre la concurrence à genou…, mais belle réplique de Jaguar avec les versions XFR type, alors qu’en Italie, la Maserati Ghibli devrait entrer en ligne de compte, quoique malgré ses incroyables succès de ventes, elle doit encore faire ses preuves en terme de fiabilité…, de quoi ramener la confiance chez les acheteurs…, mais il y a encore du travail …
Avec cette nouvelle M3 (nom de code F80), BMW inaugure la cinquième génération mais cette fois avec un six cylindres devant s’inscrire dans la longue tradition des moteurs de la division M de BMW Motorsport, avec bien évidemment une cavalerie toujours aussi impressionnante et des prestations spectaculaires.
Les ingénieurs ont brillamment réussi ce tour de force…, les motoristes n’ont pas lésiné sur les moyens tout en procédant à une opération de downsizing, c’est dans l’air du temps…
Fini le V8, place à un tout nouveau six cylindres en ligne de 3 l avec double turbo, injection directe et réglage automatique des soupapes, sans oublier le calage variable en continu des arbres à cames…, un 24 soupapes qui n’a rien à envier aux V8 de la concurrence germanique : Audi RS5 de 450 chevaux et Mercedes C63 AMG de 480 chevaux.
Et pour cause, ce très beau bloc livre 431 chevaux entre 5500 et 7300 tr/min (la coupure étant prévue à 7600 tr/min), mais surtout un couple phénoménal de 550 Nm disponible entre 1800 et 5500 tr/min…, preuve que les blocs essence sont aujourd’hui capables d’offrira une souplesse d’utilisation incroyable et surtout des reprises canon dès les plus basses rotations.
De quoi atteindre 250 km/h en pointe (un pack M Driver peut faire grimper cette vitesse à 280 km/h moyennant un supplément de 2.495 € qui inclut également une séance de training sur circuit)… et après 4,1 secondes, la barre des 100 km/h est déjà atteinte…, du moins avec la boîte robotisé 7 rapports à double embrayage que nous ne pouvons que recommander en lieu et place de la solution classique 6 vitesses, même si cette boîte DKG est une option plutôt couteuse : pas loin de 4.000 €.
Et tant qu’on y est, ne choisissez pas le freinage classique avec disques pas très endurants, mais optez pour la solution carbone céramique (7.425 €), nettement plus efficace et surtout plus résistant que des disques traditionnels.
Oui, je sais, ça va faire grimper la facture de manière exponentielle, on va très vite approcher les 100.000 € (prix de départ à 77.350 €) mais autant se faire plaisir jusqu’au bout…, d’autant que le look se veut résolument “dans le ton” mais pas trop, une M3 ce n’est pas une voiture de “Johnny” mais bien une BMW “pur jus”.
Et de le confirmer avec un bouclier avant encore plus sculptural, trois prises d’air béantes, quatre embouts d’échappement ainsi qu’un dôme coiffant le capot moteur en aluminium tout comme les ailes aux passages de roue musclés, accueillant des pneumatiques Michelin Pilot super sport de 225/40 à l’avant, 275/40 à l’arrière, sur des roues forgées de 18 pouces…, rien n’a été laissé au hasard…
Sur route ouverte… et c’est même assez frustrant mais compréhensible…, impossible d’aller chercher le dernier carat de cette familiale super sportive…, les accélérations, de même que les reprises, sont telles qu’à chaque pression sur l’accélérateur, on frôle la correctionnelle.
En revanche, même sur les rapports supérieurs et grâce au couple tellement généreux, on se laisse glisser dans le trafic sur un simple filet de gaz… mais à la moindre trouée, cette M3 bondit tel un félin, avec, en prime, un bruit rageur qui ne laisse personne indifférent…, on ne s’en lasse jamais.
Afin de pouvoir essayer cette douce furie dans un endroit sécurisé, BMW a donc très intelligemment proposé aux journalistes invités…, à se défouler sur le circuit très exigeant de Portimao dans le sud du Portugal.
Un petit mélange de Spa et de Nürburgring, ça ne se refuse pas…, de quoi évaluer l’immense potentiel de cette berline capable d’en remontrer aux meilleurs coupés sport du moment, mais aussi découvrir que le châssis rigidifié, allégé de quelque 80 kg, comporte trois modes d’amortissement adaptatifs, Confort, Sport et Sport+…, la direction électromécanique utilisant elle aussi ces trois lois d’assistance !
Mais le “fin du fin”, c’est évidemment cette boîte DKG presque parfaite, qui sublime le pilotage…, avec une fonction de “launch control”, une commande automatique ou manuelle via des palettes au volant…, les 7 rapports passent à volée sans la moindre rupture de charge…, ajoutez un freinage carbone impossible à mettre à genou…, autant dire que j’ai limé avec beaucoup de plaisir cette piste tellement technique…, j’ai même profité de la présence de pilotes d’essais de la division M Motorsport pour qu’ils me démontrent tout ce que l’on peut faire avec une telle voiture…
De la folie, je vous dis…, mais que de sensations en conduite coulée ou bien en dérapages savamment contrôlés en désactivant partiellement ou totalement le contrôle de stabilité et les autres garde fous…, mieux vaut alors posséder d’excellentes notions de pilotage à très grande vitesse…, un grand moment de conduite hyper sportive…, à plus de 70 piges, j’ai vraiment apprécié et dégusté…
Avec un rapport poids/puissance de 3,52 kg/ch, un moteur qui pousse tout le temps et qui ne se lasse jamais de grimper dans les tours, une sonorité aussi rauque que mélodieuse, un comportement ultra précis et pointu, doublé d’un châssis terriblement efficace en toutes circonstances, cette M3 est bel et bien une voiture de course en tenue de ville.
Menée à la cravache, cette familiale, bien difficile à prendre en défaut, engloutit facilement 15,5 l/100 km…, une paille comparée aux sensations qu’elle peut procurer… et pour ceux qui la préfèrent en coupé, elle existe sous l’appellation M4, une version cabriolet étant aussi prévue dans le courant du mois de septembre.
Dans l’enceinte du circuit, BMW avait eu la bonne idée de rassembler un panel d’anciennes M3 et de remonter ainsi le fil de l’histoire… et de me souvenir qu’au milieu des années quatre-vingt, j’avais pu essayer sur le circuit d’Hockenheim la toute première M3…, E30 dans le jargon de la maison…, mais avant d’arriver-là, petit retour en arrière afin de savoir comment BMW a créé son fameux département M Motorsport.
Au milieu des années soixante, Paul Frère et Hubert de Harlez ressuscitent les 24 Heures de Francorchamps, une épreuve réservée à des voitures de tourisme…, les constructeurs allemands sont bien évidemment de la partie, une Mercedes 300 SE s’impose en 1964 mais une BMW 1800 Ti occupe la seconde place…, les ingénieurs de Munich se prennent au jeu…, ils vont revenir en force l’année suivante avec cette fois quatre voitures, des 1800 Ti de 165 chevaux…
Un équipage 100 % belge renoue avec la victoire, Pascal Ickx (le frère de Jacky) et Pascal Langlois…, en 1966, le podium reste dans la famille Ickx avec cette fois Jacky qui s’impose en compagnie d’Hubert Hahne sur une 2000 Ti.
Forte de tous ces succès, l’usine BMW décide de lancer dans l’arène d’autres voitures de tourisme…, les coupés 2800 CS sont de la partie tout comme la série 2, mieux connue à travers une certaine 2002 turbo de 170 chevaux…, bien difficile à maitriser, cette berline ultra performante est lancée à une bien mauvaise période, en pleine crise du pétrole…, en plus comme elle se veut beaucoup trop chère, son sucés commercial est plutôt mitigé, 1679 exemplaires, pas un de plus…, mais sans le savoir, la première rivale de la BMW M3 était née avant l’heure.
Début des années ’70, Eberhard von Kuenheim, le nouveau boss de BMW, rajeunit le directoire de la firme où l’on retrouve notamment un certain Bob Lutz, une grande pointure… et de créer dans la foulée, un tout nouveau département, Motorsport, fort de 35 spécialistes, chapeautés par Jochen Neerspach, ancien pilote Porsche et directeur sportif de Ford Cologne.
Sous sa houlette, la 2002 de course de 240 chevaux voit le jour de même que le coupé 3.0 CSL de 340 chevaux qui pour la première fois arbore les fameuses bandes de trois couleurs (bleues, violettes et rouges), alignant également le palmarès le plus impressionnant de son époque.
En 1978, la première voiture estampillée du fameux M (Comme Motorsport), la M1, voit le jour, un coupé ou plutôt une voiture de course mais avec deux places de front dont la version routière à moteur six cylindres de 277 chevaux était un véritable épouvantail à ne pas mettre entre toutes les mains…
Je peux en témoigner car après avoir limé la bande de gauche des autoroutes bavaroises, faisant du coup fuir les ventouses et enroulé les virages des montagnes autrichiennes…, c’était nettement plus que du sport mais du pilotage à l’état pur.
Avec la M535i de 218 chevaux, la berline série 5 devient la familiale, reine du bitume…, mais bien vite la M5 ainsi que le coupé M635 CSI héritant du six cylindres de la M1 vont faire encore mieux.
Lors d’une visite du département Motorsport, le boss de BMW adresse une singulière demande au directeur du développement, l’ingénieur Paul Rosche auquel on doit notamment les M5 mais surtout le moteur turbo de la formule un qui a permis à Nelson Piquet d’être sacré champion du monde en 1983 : “Le public réclame une version sportive de la série 3. Au boulot et vite”…
Deux semaines plus tard, un nouveau quatre cylindres tourne déjà au banc…, grâce à sa nouvelle culasse 16 soupapes, ce 2,3 l développe 200 chevaux à 6.750 tr/min ainsi que 240 Nm de couple à 4.750 tr /min…, il prendra place dans la berline deux portes baptisée M3 (présentée à Francfort en septembre 1985), caractérisée par un imposant becquet avant ainsi qu’un spoiler arrière sans oublier des ailes plus galbées chargées d’accueillir des enveloppes de 205/55 VR 15.
La signature aérodynamique, le fameux CX ne dépasse pas 0,33 alors que le poids est figé à 1200 kg…, à bord, ambiance 100 % sport, petit volant, sièges baquets très enveloppants et tableau de bord très lisible…, côté technique, une boîte 5 vitesses ultra courte transmet la puissance aux roues arrière agrémentées d’un différentiel autobloquant…, quatre disques ventilés à l’avant avec ABS se chargent du freinage bien adapté à une conduite sportive.
Chouchouté au niveau électronique, ce 2,3 l se veut avant tout très rageur, sans doute pas un bruit aussi envoûtant que celui d’un six cylindres mais suffisant pour accroitre le taux d’adrénaline: 235 km/h en pointe, de 0 à 100 km/h en un peu plus de 7 secondes…, le km départ arrêté en moins de 28 secondes…, ça décoiffe d’autant que ce moteur pousse tout le temps entre 1700 et 7.000 tr/min…, rien que du bonheur et des performances hors du commun, du moins pour un quatre pattes…
À ne pas mettre entre toutes les mains dès que l’on veut forcer l’allure…, mais quel tempérament pour cette machine qui se contente en moyenne de 14 l/100 km et qui coûtait l’équivalent de 35.000 euros, pas donné à l’époque mais c’était le prix à payer pour mettre à genoux les Ford Sierra RS Cosworth et autre Mercedes 190E 2.3 -16.
En 1992, la M3 hérite d’un six cylindres trois litres de 286 chevaux, 295 chevaux en version GT et même 321 chevaux pour la 3,2 l alors qu’en 1997, BMW installe une boîte séquentielle…, la troisième génération lancée en 2000 fait encore mieux avec cette fois 343 chevaux…, trois ans plus tard la M3 CSL allégée, ne pesant que 1385 kg, 110 de moins que la version standard, livre 360 chevaux…, les 1383 exemplaires produits se vendent comme des petits pains.
En 2007, fini le six cylindres, place à un V8 de 4 l et 420 chevaux, livrant 400 Nm dès les plus bases rotations…, mais ce n’était sans doute pas assez pour les amateurs de M3 spéciales qui vont accueillir la M3 GTS de 4,4 l et 450 chevaux…, 163 exemplaires vont être fabriqués tout comme 67 unités de la M3 CRT (Carbon Racing Technology) qui sortiront des ateliers en 2011…, en moins de 30 ans, la puissance des différents modèles M3 de série va carrément être doublée…, en compétition, elle va tout gagner, presque tout…
Marcel Pirotte, pour www.GatsbyOnline.com
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