“La Bluecar est bleue, enfin…”, lance Vincent Bolloré, jeudi 21 février 2013, à l’occasion de la mise en vente de la voiture électrique aux particuliers.
C’est bien l’une des seules différences avec le modèle Autolib, gris, à disposition des Franciliens depuis un an sur le réseau de location à la demi-heure.
Même ordinateur embarqué, même GPS, mêmes modes de conduite (normal et par temps humide)… Certes, la petite cinq places dispose aussi d’un troisième bouton “sport”, avec lequel : “on ne démarre pas sur les roues arrières mais presque”, plaisante le patron breton.
Mais c’est surtout le fait qu’elle soit en vente dès jeudi soir dans 12 villes françaises qui la distingue de sa grande sœur gris métallisé.
Son prix : 12.000 euros, bonus écologique de 7.000 euros déduit !
“C’est un peu en-dessous du marché”, souligne Vincent Bolloré….
“La Renault Zoé est à 13.700 euros. Il faut ensuite ajouter 80 euros par mois pour la location de la batterie, changée gratuitement après 400.000 kilomètres, garantie à vie”, assure-t-il.
12 mois par le constructeur, précise la brochure.
Elle est à 79 euros chez Renault…
Quant au prix de revente d’occasion, le constructeur n’y a pas pensé.
“On va dire quoi ? 3.000 euros ? Aller 3.000, on le rajoutera dans la brochure” …, fait-il mine d’ordonner à son équipe.
Pour faire le plein d’électrons, deux solutions : le réseau de bornes Autolib’, accessible pour 15 euros par mois, ou la prise de courant classique, avec un câble à 700 euros, pour une recharge complète à 3 euros, au tarif EDF.
Pour optimiser sa consommation à domicile, Bolloré propose, pour 995 euros de plus, une Bluebox qui stocke le courant moins cher sur le réseau en période creuse et qui le restitue à tout moment.
“Silencieuse, sans gaz d’échappement ni peinture sur la carrosserie, ma petite citadine revendique une autonomie de 250 kilomètres en ville, contre 100 pour sa concurrente chez Renault”, plaide Vincent Bolloré.
Même s’il admet qu’elle ne permettra pas de faire Paris-Quimper, il invite les journalistes à comparer les deux véhicules sur un même parcours.
Pourquoi insiste-t-il ?
Cette question est au cœur des préoccupations de l’industriel.
Car Vincent Bolloré a fait il y a quelques années un pari fou.
Un pari à 1,8 milliard d’euros…
Avec la mise en vente aux particuliers de la Bluecar, Vincent Bolloré tourne une nouvelle page de son histoire industrielle.
Le groupe familial, spécialisé dans la confection de papier ultrafin depuis plus de 100 ans, s’est orienté vers la fabrication de condensateurs, dont les très fines couches de film enroulées permettent de stocker l’électricité.
Il y a quelques années, alors que tous les constructeurs automobiles recherchent la bonne solution pour l’électrique, Vincent Bolloré a une intuition : il peut profiter de son avance technologique pour mettre au point une batterie plus sûre et surtout, dotée d’une plus grande capacité que ses concurrents.
Il fait alors un pari industriel long, risqué et coûteux…, mais qui selon lui pourrait bien révolutionner la planète.
En toute discrétion
A la surprise générale, le groupe Bolloré se lance lui-même dans l’industrie automobile.
Il fait travailler ses ingénieurs à hui-clos et investit 1,8 milliards d’euros, qu’il rembourse encore avec les profits des autres activités du groupe (logistique, communication, médias).
Quelle mouche l’a piquée ?
“Le Breton est têtu”, glisse Vincent Bolloré…
En réalité, le patron fait un calcul simple : “Bien qu’elle soit essentielle, la batterie ne représente que 10% de la valeur ajoutée d’une voiture électrique. Si on doit rembourser 1,8 milliards d’euros uniquement en vendant des batteries, ce sera plus long”, explique-t-il.
En 2008, le fabricant s’associe donc au designer Pininfarina (ayant travaillé notamment avec Ferrari) avec lequel il crée une filiale commune dont il détient l’intégralité aujourd’hui.
De cette collaboration résulte la Bluecar.
Mais pour faire triompher sa voiture électrique, Bolloré doit encore surmonter un autre défi, et de taille : l’absence de point de recharge.
C’est l’histoire de l’œuf et la poule : les pouvoirs publics n’investissent pas dans un tel réseau tant qu’il n’y a pas de véhicules.
Intervient alors Autolib’…, une aubaine.
Avec la ville de Paris et 400 communes de banlieues, Bolloré met au point un réseau d’autopartage.
Il installe des centaines de bornes dans la capitale et sa banlieue, où ses Bluecars sont en location à la demi-heure.
C’est pour lui le meilleur moyen de tester sa voiture, de familiariser le grand public à l’électrique, et surtout de vérifier son autonomie à grande échelle.
C’est aussi une façon de mailler l’agglomération de bornes de chargement.
Dès lors, il n’y a plus d’obstacle à la vente de Bluecars aux particuliers.
Ou presque.
Reste à faire de l’aventure Bluecar une réussite économique.
“Si c’est un échec, nous serons riches, nous gagneront 400 millions d’euros par an”, aime à plaisanter Vincent Bolloré.
Car l’opération est aujourd’hui déficitaire.
Outre Autolib’, la filiale “Blue solutions” regroupe d’autres activités, liées aux batteries.
Les condensateurs (60 millions d’euros de chiffre d’affaires), les surcapacités, de grosses batteries pouvant par exemple alimenter un tramway (10 millions d’euros)… et la filiale IER, qui réalise notamment les bornes d’Autolib’ (60 millions d’euros).
Autolib’ ne fait que 12 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Bref : pour l’instant “Blue solutions” perd en tout plus de 200 millions d’euros nets par an.
L’espoir du groupe repose sur le succès du réseau d’autopartage francilien.
Aujourd’hui, 1.750 Bluecars circulent entre 4.450 stations.
Depuis son lancement en décembre 2011, le réseau a cumulé 1,3 millions d’abonnements.
Mais l’industriel surveille surtout le nombre de clients premium, abonnés à l’année pour 144 euros.
A raison de deux trajets par semaine à 7 euros, il lui faut compter 60.000 abonnements de ce type pour atteindre l’équilibre, à 50 millions d’euros.
Avec 25.000 abonnements, Autolib’ est à mi-parcours.
“Nous devrions atteindre le point mort au printemps prochain”, dit Vincent Bolloré prudemment, assurant toutefois avoir trois ans d’avance.
Et ensuite, affaire pliée ?
“Non. Il restera à rembourser plus de 1,8 milliards d’euros”, rappelle-t-il…
“Bien que coté, nous sommes un groupe familial. Je n’ai pas des financiers qui me demandent des comptes”, explique Vincent Bolloré.
Jusqu’ici, les autres activités du groupe provisionnent sur leurs profits pour financer “Blue solutions”.
Mais ce montage ne fonctionnera pas ad vitam aeternam.
Autrement dit, il va falloir considérablement développer “Blue solutions” pour rembourser sa dette.
La filiale, aujourd’hui non cotée, doit d’ailleurs entrer en bourse en octobre prochain.
“Pour se confronter à la réalité du marché. Mais aussi pour obtenir d’autres sources de financements”, explique Vincent Bolloré.
Pour convaincre, il met en avant la réussite d’Autolib’, qui fait des petits.
Vincent Bolloré a annoncé qu’il comptait lancer la Bluecar en autopartage à Lyon avant la fin de l’année 2013.
La Bluecar est une petite auto à quatre places qui dispose d’une autonomie de 250 km en ville et de 150 km au-delà.
Sa vitesse est limitée à 130 km/h (la seule grande différence avec l’Autolib qui est limitée a 110km/h), avec une accélération de 0 à 60 km/h en 6,3 secondes.
S’il a réaffirmé son soutien à la voiture électrique pour une utilisation urbaine, Vincent Bolloré à néanmoins émis des doutes sur son succès hors des centres-villes par rapport à l’évolution de la technologie car selon lui : “L’autonomie de la voiture électrique n’ira jamais au-delà de 200 à 250 kilomètres”.
Quoi qu’il en soit, la Bluecar de Bolloré devrait de nouveau être la voiture électrique la plus vendue en France en 2013, elle représentait quasiment un tiers des 5.600 ventes Françaises en 2012.
Comme toutes les voitures électriques, la BlueCar surprend par sa franche accélération au démarrage. Idéal pour se glisser en toute sécurité dans la circulation parisienne.
De plus, le moteur produit un léger bruit de turbine…, de quoi vraiment se croire dans un engin du futur.
En milieu urbain, la position de conduite surélevée parait idéale…
Dans les faits, les plus de 1m80 (je mesure 1m90), ont l’impression de voyager avec la tête dans le pavillon. De plus, l’angle mort avant droit est préoccupant…, à plusieurs reprises, il m’a fallu me pencher pour pouvoir m’engager dans un carrefour en toute sécurité.
Une lacune très étonnante, d’autant qu’un simple réglage en hauteur du siège conducteur permettrait d’y remédier.
Subsiste alors un problème que les conducteurs de voitures hybrides connaissent bien : les piétons, qui ne vous entendent pas arriver et ne prennent pas la peine de regarder avant de traverser.
Le nombre croissant d’autos silencieuses arborant les rues de nos cités devraient toutefois contribuer à leur éducation.
Coté sensations de conduite, la BlueCar ramène quelques années en arrière…, la suspension se montre assez ferme, la direction manque de précision…
Depuis le dernier trimestre 2012, la voiture était disponible en location, entre 3 et 20 mois, pour 500 € par mois.
250 véhicules ont ainsi été loués à des entreprises et/ou des particuliers.
A partir de ce 22 février 2013, elle est disponible à la vente dans une vingtaine de boutiques en France. Point positif : la batterie lithium-métal-polymère (LMP) fabriqué par le groupe est garantie à vie et échangée automatiquement au bout de 400.000 km parcourus.
Comme sur la Bluecar d’Autolib’, un bouton d’assistance situé sur le tableau de bord permet, en outre, de joindre le centre de maintenance 24/24h.
En revanche, l’accès aux services Autolib’, notamment les bornes de recharge, n’est pas compris dans le prix d’achat de la voiture et il faudra compter 15 € supplémentaires chaque mois pour en bénéficier.
Enfin l’installation de la solution de recharge à domicile, la Bluebox, est facturée 995 € !
Le groupe a décidé de profiter de la popularité du service d’autopartage, pour mettre précocement en bourse 10% de son activité voiture électrique d’ici l’automne 2013, en même temps que son activité de batteries.
Le groupe a déboursé près de 2 Mds € pour soutenir le lancement de ces deux activités.
“Autolib’ nous coute 50 M€ par an”…, a rappelé Vincent Bolloré