Brève histoire des Corvette’s C3 aux 24 h du Mans ’68 et ’69…
GM comptait engager les nouvelles Corvette’s C3 “coke-bottle” pour 1968 afin de participer aux 24 heures du Mans.
La Scuderia Filipinetti (son mécanicien en chef était un certain Franco Sbarro) se lança dans cette aventure avec l’appui de Henri Greder, chargé de piloter des C3.
Il y eu également les C3 engagées aux 24 heures du Mans par John Greenwood et Dave Heinz, grâce au NART qui leur libérera une place de choix (en conséquence, la ‘Vette hérita des couleurs de Ferrari USA, y compris le cheval cabré !)…
Chez un grand constructeur comme GM, on a toujours tenté toujours d’avoir une longueur d’avance, ainsi les études pour la remplaçante de la Sting Ray ’63 ont commencé des 1964.
Dans un premier temps, il fut envisagé un coupé à moteur central arrière afin de surfer sur la vague qui était dans l’air du temps.
Au New York Auto Show 1965, GM présenta une maquette réalisée par le trio infernal : Bill Mitchell, Larry Shinoda et Zora Arkus Duntov.
C’était la Mako Shark II, arborant un style “dramatique” mais une configuration mécanique traditionnelle.
Le projet “moteur central” fut enterré car trop couteux.
La remplaçante de la Sting Ray ’63 était prévue pour le modèle ’67,mais des retards (le lancement de la Camaro en septembre ’66 était prioritaire), vont repousser son arrivée pour le modèle ’68.
Et c’est le styling de la Mako Shark II qui sera pratiquement “copié-collé” pour le modèle 1968.
Petite bizarrerie, en ’68, elle ne portait aucun logo Stingray même si certains documents commerciaux en font état.
A noter que les modèles ’63-’67 étaient nommés “Sting Ray” alors que les Corvette’s à partir de ’68 seront nommés “Stingray”…, nuance
Coté option mécanique…, le client avait le choix !
Du V8 327ci de 300 ch au 427ci de 435 ch !
Bref, la Corvette ’68 est aussi bien l’auto de la blonde californienne que de l’aficionados des dragstrips !
En septembre 1968, pendant la “mise en grille” des voitures, on trouve deux Chevrolet Corvette engagées par la Scuderia Filipinetti, une équipe qui avait déjà engagé des Ferrari et des Ford lors d’édition précédentes !
Sur la Grille de départ les 2 Corvette’s sont placées en 26 ième et 30 ième position.
A noter que l’horloge indiquait 15h tapante,car cette année-là, le départ sera avancé d’une heure, au fait du déroulement de l’épreuve fin septembre (mai 1923, juillet 1956 et septembre 1968, furent les trois seules éditions qui se sont déroulées hors mois de juin).
En 1968, il y avait plusieurs demandes d’engagement de Corvette’s pour les 24 Heures du Mans…, dont l’une émanait de Piggins Chevrolet qui était considéré comme un prête-nom de GM.
En effet, Vince Piggins était l’un des responsables du département “haute performance” de Chevrolet.
Il était en outre chargé d’assurer la promotion des produits Chevrolet via la compétition, mais de façon officieuse !
Ayant une grande expérience de la compétition aux USA, via les succès de Hudson en Nascar, il avait intégré Chevrolet et fut mis en charge de développer les produits “haute performance”.
La Corvette 1968 semblait bien née pour la compétition… et Arkus Zora Duntov, va envoyer une demande d’invitation pour les 24 Heures du Mans ’68 au nom de Piggins…
Deux autos étaient prévues…, Chevrolet ne voulait pas paraître en reste vis à vis de Ford, mais ne disposait pas de machines capables de s’imposer au général.
La Corvette semblait être, par contre, une excellent arme dans la catégorie GT.
Etait-ce à cause du report de l’épreuve ?
Les deux engagements ne vont pas être accepté par l’ACO, et vont être retirés…, pour une raison qui était : Filipinetti !
De même, la Sunray DX Oil co… avait sollicité deux engagements…, derrière le sponsor-ship de cette compagnie pétrolière, on trouvait le fameux Don Yenko, un important dealer californien très impliqué par la compétition.
C’est lui qui le premier avait fait débuter la Corvette L88 en compétition lors des 24 heures de Daytona en février 1968.
Il y avait 3 Corvettes Sunray : Jerry Grant/Dave Morgan sur un modèle ’67 (n°31), Revson/Yenko avec une 1968 L88 (n°2) qui terminera 25 ième… et DeLorenzo/Thompson sur une ’68 (n°30) qui terminera 27 ième.
La Corvette ’67 de Grant/Morgan a terminé première en GT et 10 iéme au général.
Il y avait également deux autres modèles ’68 engagé par James Garner.
L’une terminera 29 ième avec notamment Dick Gulstrand au volant et l’autre sera contrainte à l’abandon.
A Sebring, pour les 12 heures, en mars,ce furent trois L88 modèle ’68 Sunray qui furent présentées et cette fois Morgan et Sharp terminèrent 6 ième tout en remportant la catégorie GT.
Mais malheureusement l’équipe ne fera pas le déplacement au Mans pour une raison également inconnue !
A noter qu’à la fin de l’année, le pétrolier Sunray sera absorbé… et la nouvelle entité deviendra Sunoco.
L’écurie Luxembourg avait de son coté demandé une invitation pour une Corvette ’68 ; Il s’agissait en fait de la Corvette qu’avait acquis Chris Tuerlinx, le coéquipier de Claude Dubois en 1967, sur une Shelby Mustang…, qu’il comptait partager avec Nicolas Koob.
Cet engagement ne sera pas honoré…
La méconnaissance de la spécificité des 24 heures du Mans, malgré la connaissance qu’en avait Zora Arkus Duntov, ou bien l’indisponibilité de ces équipes suite au report de l’épreuve en septembre, n’ont pas fait que des malheureux….
Car il semble bien que les engagements Piggins se soient transformés en engagement Filipinetti sous l’action conjugué de Bob Lutz, le directeur de la promotion de GM pour l’Europe… et d’Henri Greder, en rupture de contrat avec Ford et qui était passé à la concurrence.
Le 7 litres de la Corvette L88 semblait adapté au circuit du Mans, avec pour preuve les deux victoires Ford de ’66 et ’67…, un moteur coupleux à souhait et qui était bien adapté à la longue ligne droite.
Deux Corvette’s vont arriver directement de Détroit avec toutes les spécifications “compétition”.
Zora Arkus Duntov avait bien évidemment supervisé la préparation de ces deux chassis, dont #194378-S-410300 qui était destiné à Henri Greder et Jean-Claude Killy.
L’autre auto était prévue pour Sylvain Garant (qui délaissait sa Ferrari 275GTB)… et Jean-Michel Giorgi.
Il semble que Filipinetti comptait disposer de trois Corvette’s puisqu’une demande avait été faite pour Herbert Müller et Jean Guichet.
Ce dernier sera finalement au volant d’une Alpine, tandis que Herbert Muller sera au départ sur une 250LM Filipinetti !
En cette année 1968, la concurrence en GT était pauvre : une Iso-Rivolta à moteur Chevrolet, quatre Porsche 911, deux Alpine A110 (qui ne jouaient pas dans la même classe de cylindrée) et une Ferrari 275GTB engagée sous la bannière de l’écurie….Filipinetti !
Les Corvette’s n’étaient pas présentes pour les essais d’avril et elles étaient donc les curiosités du pesage. Par contre, à la dernière minute GM a opposé son véto à la participation de Jean-Claude Killy qui était requis par son employeur pour d’autres opérations d’image… et c’est le vétéran Umberto Maglioli qui épaulera Greder.
Equipée d’un pont long, les Corvette’s avaient une très bonne vitesse de pointe qui tangentait les 300 km/h.
En 3.59 : 8 la #3 se retrouva au 26 ième rang entre une GT40 et une Alpine A220.
La #4 était au 30 ième rang.
Elles étaient les GT les plus rapides….
Mais le talon d’achille de ces “monstres” étaient les freins…, pas facile de freiner les quasi 1T5 de ces autos.
Ainsi Henri Greder était-il obligé de commencer à freiner 500 mètres avant le virage de Mulsanne !
Aux 24 heures du Mans 1969, la Scuderia Filipinetti engagea deux Corvette’s qui, ayant les cylindrées les plus importantes du plateau, se virent attribuer les numéros 1 & 2.
Finalement en juin, une seule Corvette se présenta au pesage.
La Scuderia avait modifié son engagement en inscrivant une Lola T70 pour Jo Bonnier et Masten Gregory.
La Corvette, équipée du moteur 7 litres, était celle vue en 1968 avec le #3, avec le châssis #194378-S-410300 qui avait subi quelques améliorations ; meilleure accessibilité au moteur et montage d’un système de mise à l’air libre de l’orifice de remplissage du carburant.
Pour l’équipage, c’était cette fois Reine Wissell qui allait épauler Henri Greder, tandis que le jeune Ronnie Peterson était le pilote suppléant.
Les concurrentes de cette unique Corvette étaient des Porsche’s 911 S et T (il y en avait 7) et la Ferrari 275GTB engagée par la Scuderia Filipinetti pour Claude Haldi et Jacques Rey.
Aux essais, il y eut des ennuis de freins…, donc, en conséquence, comme en 1968, les pilotes allaient devoir beaucoup se servir de la boite pour ralentir la lourde auto.
Elle se montra plus lente qu’en 1968, mais restait leader dans la catégorie GT.
Greder réalisa un 4.05:03 qui placait l’auto en 27 ième position sur l’épi de ce qui sera le dernier départ “type le Mans”.
1ère GT, elle laissa la Ferrari à 20″ et la meilleure des Porsche à 22″…
C’est Henri Greder qui était chargé de courir vers l’auto…
Au début de la course, Greder va laisser les Porsche’s les plus rapides passer devant, il fallait
durer !
Il laissera le volant à Wissell après un relais de 4 heures, en 22 ième position et en tête de la catégorie.
Elle roulera de concert jusqu’à 20 heures avec la petite Chevron B8 BMW 2 litres #43.
Wissell va commencer à se plaindre de la commande de boite…
Et Greder lors de son 2ème relais va confirmer l’impression.
La Porsche d’Egretaud va alors prendre l’avantage.
A la 8 ième heure, la Corvette n’était plus que 27 ième avec seulement 5 autos derrière elle !
Les premiers rapports de la boite étaient hors d’usage et Greder ne pouvait plus trop se ralentir
sur la boite, les freins devenant de plus en plus mous…
Greder y croyait encore en bataillant avec les Porsche’s de pointe, mais peu avant 6 heures du matin, lors de son 196 ième tour, la boite rendit l’âme définitivement.
Elle était 18 ième…
Après les 24 Heures du Mans, Greder va racheter la Corvette et va la préparer dans son atelier d’Issy Les Moulineaux en utilisant des pièces perfo qui lui étaient envoyées par Zora Arkus Duntov.
Il venait de créer le Greder Racing.
En Juillet 1969, à Magny-Cours, il va participer à une épreuve, puis il va préparer la Corvette pour le Tour Auto.
Au niveau cosmétique, la Corvette était parée des couleurs du Greder Racing : blanche, capot noir mat et bandes latérales tricolores.
Avec son coéquipier André Vigneron, il se classeront à une brillante 2 ième place et vont gagner la catégorie GT.
Zora Arkus Duntov lui ayant promis une nouvelle Corvette, il va vendre celle-ci à Jean-Claude Aubriet de
l’Écurie Léopard.
On la reverra au Mans en 1970…
En ce qui concerne la Corvette N°4 au Mans en ’68, celle qui sera réputée avoir été détruite dans l’accident de la Dunlop avec Garant au volant…., son numéro de série (VIN) serait #194378-S-410301 (soit à 1 digit près de celui de la #3).
Et voila ce qu’en dit Franco Sbarro sur le site “C3 Registry” : “Au cours de l’hiver 1967-68, je suis allé à Detroit auprès de Zora Arkus-Duntow, le père des Corvette’s, pour en acquérir deux qui vont rejoindre la Scuderia. Rentré en février ’68, nous travaillons fébrilement pour les essais de mai ’68. Vu les événements à Paris et le grand chambardement qui s’en suit, la course des 24 heures n’a pas lieu en juin et est repoussée en septembre. Cela nous laisse du temps mais la météo du début de l’automne n’est pas la même qu’en juin et c’est sous le déluge que la course a lieu. Cette foutue pluie met hors jeu assez rapidement la Ferrari 250 LM de Herbert Muller et Jonathan Williams, avec un moyeu grippé, une panne récurrente à l’époque. Je passais les 24h sur le mur, à suivre les performances de nos 4 voitures, une vieille 250 LM, une 275 GTB et nos deux Corvette’s, avec l’aide de Claude Sage et Ugolini.
Il se produit alors un accident incroyable… Nous n’avions pas de radio à bord des voitures, seulement un téléphone de campagne fonctionnant à manivelle à Mulsanne pour indiquer au stand le passage de telle ou telle auto, actionné par un mécano. Sylvain Garant sur la Corvette No 4 venait de prendre le relais, lorsque j’entends un grand vacarme, des chocs et un silence de plomb. Je dis à un mes acolytes de me suivre, car la voiture, notre voiture, ne doit pas être loin. Dans le virage Dunlop, Garant avait tapé le mur et la Corvette rebondit de l’autre côté de la piste mancelle. Le moteur est encore allumé. J’ouvre la porte et oh stupeur, personne à l’intérieur ! Incompréhension totale, la ceinture est bouclée, mais l’habitacle est vide… «Putain, il a fait un accident et il n’y a personne dans l’auto». Incrédule, je cherche alentours avec ma lampe de poche. 40 m en arrière dans les buissons, j’entends des gémissements, j’ai retrouvé Sylvain vivant ! Lors du choc très violent, il a été éjecté entre le siège et l’arceau, passant au travers de la ceinture, laissant un bout de son nez dans l’aventure. Le réservoir souple l’a copieusement arrosé d’essence dont il est fortement imbibé. Par chance, personne n’a allumé de briquet dans la nuit…
La deuxième Corvette No3, de Maglioli et Greder, a abandonné tôt le matin, un piston crevé suite à un givrage d’un gicleur. La Ferrari 275 GTB, châssis 9079, de Rey et Haldi abandonne elle aussi, suite à l’accident de Rey après 8 heures de course. Le dimanche matin à 9 h 00, nous regagnons la Suisse…
Arrive le tournage épique du film «Le Mans»
Il fallait aussi une Corvette cabriolet pour Marie-Claude Beaumont, la fiancée de Titi Greder, que j’ai fourni à la paire Siffert/Blancpain en transformant l’épave de celle de Sylvain Garant. Je l’avais réparée avec les moyens du bord, redressé le S du châssis au mieux, en leur demandant de ne jamais la vendre suite aux séquelles de l’accident du Mans 1968. Après le tournage, Seppi avait éternellement besoin de sous, il l’a vendue un bon prix à Jo Cresci, qui gagna le championnat de Suisse en GT par la suite. Je sais où se trouve aujourd’hui la voiture et les plis de la réparation de fortune sont toujours visibles…”
A la fin des années 70, il y aura une véritable course à l’armement au Mans ; les privés sans gros sponsors en seront chassés.
De plus, Chevrolet n’ayant pas d’importateur en Europe, il n’avait plus aucun intérêt à venir au Mans.
C’est ainsi que se termina l’aventure des Corvette’s ’68/’69 aux 24 heures du Mans…
www.GatsbyOnline.com
www.ChromesFlammes.com