Bullit…, sortie de route pour Peter Yates à 81 ans !
Deux bolides.
Une Ford Mustang Fastback 67.
Une Dodge Charger 68.
La première, pilotée par Steve McQueen, alias Bullitt, suit la seconde.
Pas un mot.
Juste des bruits de bitume.
Des pneus qui crissent.
Des tôles qui se froissent.
Et les rues de San Francisco, en escalier, pour décor naturel.
Ce sont près de dix minutes.
Dix minutes de course poursuite.
Dix minutes qu’on croirait bateau, tant les duels de bagnole sont aujourd’hui devenus légion.
Dix minutes pourtant d’anthologie.
Frémissantes.
A couper le souffle.
Pourquoi ?
Parce que derrière la caméra, il y a un jeune Britannique, coureur automobile dans sa jeunesse, qui a manifestement tout compris du cinéma.
Avec Bullitt (1968), son premier film aux Etats-Unis, Peter Yates démontra d’emblée un formidable sens de l’espace, du son, du cadrage et de la modernité.
Les effets spéciaux d’aujourd’hui sont paradoxalement incapables de restituer toute la tension de cette course-poursuite, animée par un Steve McQueen au jeu d’autant plus puissant qu’il était minimaliste, charismatique, physique et pourtant tout en intériorité.
Peter Yates né le 24 juillet 1929 à Aldershot dans le Hampshire vient de passer l’arme à gauche, le dimanche 9 janvier 2011 à Londres.
Il avait 81 ans.
Ce n’était pas un auteur majeur du cinéma angIo-saxon, l’histoire ne retiendra pas longtemps son nom.
C’était néanmoins un très habile metteur en scène, qui savait comment manipuler, au sens fort, les émotions d’un large public.
Avant de s’attaquer à ses premiers longs métrages, au milieu des années soixante, Peter Yates, fils d’un officier de l’armée britannique, fut assistant réalisateur sur Les Canons de Navarone, de J. Lee Thompson et Alexander Mackendrick… et bénéficia peu après du parrainage de Tony Richardson, l’un des maîtres de la Nouvelle Vague anglaise.
Au début des années soixante, il signa la réalisation de plusieurs épisodes du mythique feuilleton Le Saint, avec Roger Moore.
En une trentaine d’années, Yates a touché à de nombreux genres populaires, de la comédie musicale (Vacances d’été, avec Cliff Richards et The Shadows) au film de braquage (Trois milliards d’un coup) en passant par le film de guerre (La guerre de Murphy, avec Peter O’Toole et Philippe Noiret), le polar (Les copains, d’Eddie Coyle, avec Robert Mitchum), le thriller (Les Grands Fonds, avec Nick Nolte et Jacqueline Bisset…, Suspect…, L’œil du témoin) ou l’heroic fantasy (Krull).
Tout jeune, Yates se destinait au théâtre, il s’inscrivit d’ailleurs à la Royal Academy of Dramatic Arts.
Son passage sur les planches lui inspira, bien plus tard, un film humble, L’Habilleur (1983), aussi drôle que terriblement émouvant, qui révélait derrière les relations unissant un acteur shakespearien mégalomane (Albert Finney, grandiose en roi Lear ingérable) et son habilleur efféminé (Tom Courtenay), les coulisses tantôt pathétiques, tantôt magnifiques, du théâtre.
A l’heure où l’on sera le plus souvent tenté de célébrer, de par le monde, l’incontestable talent de chorégraphe et d’homme d’action que possédait Peter Yates, il est bon de se souvenir que cet artiste éclectique pouvait aussi, le cas échéant, se révéler un épatant faiseur de “petits” films.