Caddy Ranch, la prophétie des Gnous…
La route, les tournées, l’aventure au bout du capot…, l’automobile est une source d’inspiration pour beaucoup de chanteurs…, la “vieille” chanson métaphorique de Bruce Springsteen sur la vie et la mort, évoque les Cadillac’s à ailerons et Amarillo, un endroit mythique au Texas où elles sont plantées verticalement dans le sol.
Well there she sits buddy just a-gleaming in the sun
There to greet a working man when his day is done
I’m gonna pack my pa and I’m gonna pack my aunt
I’m gonna take them down to the Cadillac Ranch
Eldorado fins, whitewalls and skirts
Rides just like a little bit of heaven here on earth
Well buddy when I die throw my body in the back
And drive me to the junkyard in my Cadillac
Cadillac, Cadillac
Long and dark shiny and black
Open up your engines let `em roar
Tearing up the highway like a big old dinosaur
James Dean in that Mercury `49
Junior Johnson runnin’ through the woods of Caroline
Even Burt Reynolds in that black Trans Am
All gonna meet down at the Cadillac Ranch
Cadillac, Cadillac…
Hey little girlie in the blue jeans so tight
Drivin’ alone through the Wisconsin night
You’re my last love you’re my last chance
Don’t let `em take me to the Cadillac Ranch
Elle est là mon pote simplement luisant au soleil
Elle est là pour saluer le travailleur une fois sa journée accomplie
Je vais embarquer mon père et je vais embarquer ma tante
Je vais les emmener au Cadillac Ranch
Les ailes d’Eldorado, les pneus à flancs blancs et les jupes
Roule tout bonnement comme un peu de paradis ici sur cette terre
Et mon pote, si je meurs, charge mon corps dans le coffre
Et conduis-moi au cimetière de voitures dans ma Cadillac
Cadillac, Cadillac
Longue et sombre, rutilante et noire
Mets les gaz à ton moteur et laisse-le vrombir
En déchirant l’autoroute comme un vieux dinosaure
James Dean dans cette Mercury 49
Junior Johnson roulant à travers les forêts de Caroline
Même Burt Reynolds dans cette Trans-Am noire
Vont tous se retrouver au Cadillac Ranch
Cadillac, Cadillac
Longue et sombre, rutilante et noire
Mets les gaz à ton moteur et laisse-le vrombir
En déchirant l’autoroute comme un vieux dinosaure
Et fillette dans ton blue-jean si moulant
Roulant seule dans la nuit du Wisconsin
Tu es mon ultime amour, chérie, tu es ma dernière chance
Ne les laisse pas me conduire au Cadillac Ranch
Outre que ce texte de Bruce Springfield est une bêtise grotesque écrite avec des pieds chaussés de Santiag’s…, pour comprendre ou tenter (difficilement) de comprendre cette “soupe”…, il vous faut savoir que les Américains n’ont pas un riche passé intellectuel (Bruce Springfield non plus), si ce n’est, dans leur esprit, l’épopée du Far-West qui s’inscrit dans le génocide des Amérindiens…
Aux Etats-Unis, on appelle ça une “Roadside attraction“…, là où les lignes droites sont interminables, où les temps de trajets se comptent en heures, un peu de distraction n’a jamais fait de mal aux “Roadtrippers” avides de stupidités…, par exemple des statues bizarres (pistache géante, santiags, flèches), des magasins tape-à-l’œil (Wall Drug) et le Cadillac Ranch… dix cadillacs multicolores plantées dans le sol…, c’est là-bas, considéré une sculpture monumentale, un “chef-d’œuvre” de l’art Américain…, alors que ce “bazar” déjà ridicule dès le départ, n’est plus ce qu’il fut…, avec le temps, l’ensemble est devenu une sorte de décharge publique ou les canettes de Coke et de Budweiser, qui jonchent le sol tout alentours, font partie du symbole de la dégradation générale…
Tout comme n’importe quelle décharge sauvage, les gens se sont accaparé de “l’œuvre” et les peinturlurations et les graffitis ont attiré les suivants à faire de même, ce qui a entrainé les boutiques locales à profiter de la connerie humaine pour parfaire leurs recettes en vendant des bombes de peinture…
Située à Amarillo au Texas, le long de l’Interstate 40, cet ensemble a été créé en 1974 par Chip Lord, Hudson Marquez et Doug Michels, membres du groupe d’architectes d’avant-garde “Ant Farm”.
Il consistait, du moins à l’origine, à représenter des évolutions des Cadillac à l’époque où elles arboraient de longs ailerons à l’arrière, les fameux “tailfins” (1949-1963), comme l’Eldorado qu’évoque Bruce dans ses cris et son grattage de guitare…, ces Cadillac ont été à moitié enterrées en position verticale, de façon parallèle, légèrement inclinées selon l’angle exact de la grande pyramide de Kheops, en Égypte…, mais, installée dans un champ à l’ouest d’Amarillo, à 200m de l’ancienne route 66 (la I-40 sur cette portion), l’œuvre a été déplacée en 1997…, elle était auparavant 3 km à l’est, mais vu que la ville ne cessait de s’agrandir il a fallu agir…, l’excentrique et sulfureux millionnaire Stanley Marsh III, natif d’Amarillo (décédé en juin 2014) et mécène du projet, a trouvé la solution avec un autre terrain lui appartenant…, par la force des choses, la liberté est maintenant offerte aux visiteurs de taguer les augustes carrosseries comme bon leur semble…, c’est devenu de l’art participatif…, en quelque sorte…
Dans sa chansonnette de 1981, Bruce Springsteen convie son père… et sa mère laisse la place à sa tante, à la fois pour les besoins d’une rime plus qu’approximativement débilitante, mais également en hommage (sic !) à cette tante Dora (la sœur de sa mère) qu’il adorait… elle est décédée fin des années ’70 à l’âge de 92 ans… et Bruce, tout pétri d’amour, à oublié de venir à son enterrement…
Viennent ensuite des gens que Bruce admire, même s’ils n’ont aucun rapports filmographiques avec les Cadillac’s !
Par ordre d’entrée en scène :
D’abord l’acteur James Dean décédé dans une Porsche 550 Spyder, en cause d’une Mercury ’49 qui lui a coupé la route, aucun rapport avec Cadillac…
La Mercury ’49 c’était une des voitures du film “La fureur de vivre” (A Rebel Without a Cause), le dernier film (1955) ou James Dean était en vedette…, la aussi, aucun rapport avec Cadillac !
Puis Bruce Springfield fait intervenir Junior Johnson, natif de Caroline du Nord, un pilote de NASCAR des années ’50 début ’60, vainqueur notamment des 500 Miles de Daytona en 1960 sur une Ford Galaxie 500…, toujours aucun lien avec Cadillac…
Enfin, Bruce Springfielc cause de l’acteur Burt Reynolds et de sa Pontiac Bandit Transam noire avec un aigle doré en autocollant sur le capot, immortalisés tous les deux dans un film de 1977 devenu culte auprès des fans de V8 glougloutants : “Cours après-moi, shérif”… ou strictement aucune Cadillac n’apparait…, donc toujours aucun rapport avec cet “hommage” à Cadillac !
La chansonnette s’achève (enfin) sur la métaphore de la mort, Cadillac Ranch devient un cimetière, et pas seulement de voitures, de leurs conducteurs également… et seule une jeune fille sexy symbolisant la vie, pourra empêcher Bruce de s’y rendre, du moins avant son heure…, là aussi, strictement aucun lien avec Cadillac…
Débilitant…
Ce n’est pas le marché automobile qui agonise, c’est une forme dépassée du capitalisme qui disparaît parce qu’elle a cessé d’être désirable…
Ce sont des milliers de carcasses neuves qui, partout en Europe et en Amérique, s’alignent sur des parkings, des tarmacs d’aéroport, sous des hangars et attendent en vain un acheteur.
Rien à voir avec les classiques cimetières de voitures, amas de tôles froissées, de châssis défoncés pourrissant dans un champ ou dans une friche, tel le mythique Cadillac Ranch, qu’on imagine se trouver sur la route 66 aux Etats-Unis, alors qu’elle se trouve très en retrait de l’Interstate 40…
Ces monolithes de métal peinturlurés, fichés dans le sable du désert Californien, témoignaient de la vitalité d’une industrie qui semait derrière elle ses déchets ou les récupérait sous forme de pièces détachées…, maintenant ils symbolisent la grande déglingue et la panne du système…, la crise mondiale se marquant de plus en plus par une désaffection grandissante envers l’automobile.
Les 4 × 4 gourmands à la pompe (surtout les Hummer H1) ont même été dénoncés aux Etats-Unis par des groupes évangélistes qui voyaient en eux les symboles d’une arrogance contraire aux enseignements du Christ !
Maintenant, partout, les grands constructeurs réduisent la production de leurs automobiles dépassées et en inadéquation avec notre époque, ils licencient à tour de bras sans ménagement leurs ouvriers et employés, ferment leurs usines, se déclarent en faillite…, c’est la fin d’un objet fétiche qui fut le héros du XXe siècle et créa dans son sillage quantité de chefs-d’œuvre et de petites merveilles de la mécanique.
Diverses raisons expliquent cet abandon…, pour un monde longtemps immergé dans la ruralité, c’est-à-dire figé dans le temps et l’espace, elle parut un miracle…, l’automobile a incarné longtemps un rêve d’autonomie, la liberté étant d’abord la liberté de circuler à sa guise : rouler des nuits entières, partir sur un coup de tête, traverser la France, l’Europe, l’Amérique…, avaler des kilomètres pour le seul plaisir de parcourir des kilomètres, ne dépendre de personne, relier des cités très éloignées qui ne demandent pas à l’être…, tel est, tel fut…, l’attrait de ce moyen de transport.
Personnalisation quasi érotique de la voiture, maison roulante que l’on transportait partout avec soi, incarnation sur roues de chaque singularité humaine…, ce rêve s’est écroulé lentement avec l’engorgement des villes, des routes, des autoroutes : si quasi chaque Français, Belge, Américain et autre dans le monde, possède son véhicule, il sera peut-être un heureux propriétaire s’il jouit de payer ses taxes, impôts, amendes et divers en sus des réparations et de la moins value catastrophique…, mais en plus, bientôt, il ne pourra plus circuler.
De même si chaque citoyen veut prendre l’avion, le train, “sa” voiture partir en vacances aux mêmes dates, il restera bloqué ou découvrira des plages envahies, des sites bondés, des campagnes ravagées…, l’effet démultiplicateur de la démographie périme le droit à la mobilité.
Merveilleuse tant qu’elle était réservée à une minorité, la voiture, popularisée, se transforme de plus en plus en cauchemar et fait de chaque conducteur le prisonnier de son véhicule, dispendieux en termes d’assurance, de parkings, d’amendes, d’essence !
C’est la fin de l’ère de la vitesse sur les routes, la généralisation des embouteillages et des accidents dont témoignent tant d’œuvres littéraires ou cinématographiques.
La démocratie, a très bien dit l’écrivain Roberto Calasso : c’est l’accession de tous, à des biens qui n’existent plus….., rajoutons à ce discrédit le renchérissement des coûts de l’énergie à partir de la crise pétrolière de 1973 et surtout l’anathème porté par le discours écologiste sur cette industrie, polluante et encombrante…, symbole d’affranchissement, la voiture est devenue en un demi-siècle symbole d’aliénation et d’inertie…, le bolide qui dévorait l’espace s’est enlisé dans une coagulation généralisée…, la merveilleuse auto s’est transformée en bagnole, poubelle bruyante dont on se détourne avec horreur.
Il ne s’agit pas d’une simple mise au régime, d’une diète provisoire avant de reprendre l’orgie : c’est vraiment la conclusion d’un cycle.
Bien sûr, on construira toujours des voitures mais des voitures propres, électriques et petites, qui n’émettent aucun gaz carbonique et qu’on rechargera sur des prises à haut débit…, nous deviendrons tous des “écocitoyens responsables” à la mode Californienne ou Parisienne, nous prendrons le bus, le tramway, le métro, nous cesserons, alors et enfin, de financer, par notre gloutonnerie de pétrole, des dictatures sanguinaires ou des régimes qui oppriment leur peuple…, mais qu’est-ce qu’une voiture qui n’est ni voyante ni polluante ni tapageuse ?
C’est un moyen de transport, pas un objet de désir…, l’écologie a raison, ce pourquoi elle ne suscitera jamais l’enthousiasme puisque ses mots d’ordre sont l’économie, la privation, la précaution.
Fini, l’ostentation des splendides cabriolets ou coupés qui écrasaient de leur luxe la piétaille humaine, finis les exploits des amoureux de la vitesse qui jouissaient d’accélérations vertigineuses et flirtaient avec la mort à chaque virage…, d’ailleurs, tous mes écrits, tous mes magazines et sites-web dénoncent les magouilles, les scandales, les imconpétences du monde de l’automobile… et brocardent toutes ces voitures stupides, inadaptées, le cirque de la F1 qui ne sert qu’à blanchir des sommes astronomiques de même que quasi toutes les courses qui affichent pubs et sponsors…, les arrangements avec les médias, les essais bidons et trophées de la boite à sardines de l’année avec cadeaux en retour ainsi que pages publicitaires…., tout ce cinéma de pourritures diverses affichant l’arrogance des millions d’euros reçus…, tant et tant pour finalement rien…, rien d’autre qu’un gaspillage planétaire des ressources naturelles, rien d’autre que le renouveau de l’esclavage, l’humain au service des machines pour produire des machines en un cycle infernal…
Et les gouvernements aussi, tous assoifés de taxes et impots, d’amendes et autres sur le dos de l’auto…, jusqu’au dégout total, encore, des plus endurçis qui, outre des fortunes perdues, se voient retirer leur permis pour 3km/h au dessus de limitations volontairement basses afin de piéger les boeufs…, jusqu’à la nausée aussi, de subir lois liberticides et lobotomisations médiatiques, de se voir imposer des guerres du pétrole soi-disant oeuvres de liberté…, tout un toutim barnumnesque qui a enrichi les gouvernements, les pétroliers et les spéculateurs…, avec le pic des 140 dollars le baril comme un doigt d’honneur aux gens…
Alors, vous tous, politiques, incapables de penser à long terme, on vous voit gesticuler comme des moulins à vent et/ou à prières…, vous êtes pitres et risibles, vous tentez de dépenser ce que vous ne disposez même plus en injectant des milliards dans les banques et l’industrie automobile, espérant que le carroussel va refaire encore quelques tours…, d’un coup, tout s’est effondré…, la crise, c’est avant tout un ras-le-bol des gnous qui en une fois, leurs illusions définitivement perdues, ont cessé de consommer…, c’était quand vous taxiez au delà du raisonnable qu’il aurait fallu imaginer que le monde n’est pas aussi infini que vos folies !
Et je n’étais pas le seul à dénoncer…, souvenez vous de vraies plumes de journalistes, et pas des journaleux à courbettes qui ont léché vos cul-bénis durant des décennies…, non, des vraies plumes, celle d’un Ivan Illitch, d’un André Gorz, d’un René Dumont, dénonçant depuis 40 ans, le gaspillage automobile…, rien n’y a rien fait…, il a fallu une désertion globale pour que le rêve automobile perde de son lustre et que les ventes s’effondrent brutalement.
Mais on ne tue jamais une passion sans lui en substituer une autre…, ce qui remplace déjà nos rutilantes machines, ce sont les portables, les ordinateurs qui répondent au double principe d’indépendance et de locomotion puisqu’ils nous permettent d’être partout sans bouger, de rester reliés à tous sans être avec personne.
Merveilles du monde miniaturisé : à la place des monstres énergivores, les écrans ultraplats, les fonctions multiples, cinéma, musique, internet, TV, dans un outil de quelques centaines de grammes…, nouveau paradigme qui répond à l’exigence d’autonomie de l’individu contemporain, basculement dans une ère inédite d’autosuffisance et de mobilité.
Ce n’est pas le marché automobile qui agonise, c’est une forme dépassée du capitalisme qui disparaît parce qu’elle a cessé d’être désirable…, ne restent et ne resteront que les vraies anciennes gloires, diverses automobiles extraordinaires témoins d’une autre époque…