Changer ou disparaître…
Amphétamine, Cow-Boy en direct de la rue sans nom, série noire surréaliste dans le ghetto des mots et des idées…, ombres grasses au-dessus des banlieues lépreuses…
Vous vous souvenez ?
Vous étiez scandalisés, émus, indifférents, vous n’étiez pas des barbares, vos idées étaient bien à vous, donc vagues… et je disais qu’il n’y aurait jamais assez de violence…, je n’aime pas la violence…
Depuis j’ai brûlé ce que j’aimais… et j’aime ce que j’ai brûlé.
Tout au long de la route, encore une fois, je vous raconte, vite…, en gris, en noir, en couleur, comme ça, à l’emporte-mot, avec ma bombe tue-temps, mon herbe bleue, et tout…, moi aussi je me suis trompé, je comptais intercepter quelque chose, le réel-surréel, quelque chose saisi au vol, en plein ciel, en chute libre, en haute mer, n’importe où !
Prose-poursuite dans les rues du monde, karaté mental…, pirouettes ! merveilles ! fêtes ! magie noire et blanche ! festivals de vie !..
Je me souviens des anges de l’enfer et de leurs jean’s tachés de foutre, des filles-fleurs aux yeux de ciel, tous défoncés, planants…
Bien sûr il y a eu des hauts et des bas, des conséquences, des effets désastreux, des accidents… et des rumeurs…
De nos jours, il faut faire vite… ais-je coutume de dire, appuyant sur l’accélérateur, feuilletant distraitement un dictionnaire surréaliste !…
Avant maintenant, je comptais établir une carte de mon cerveau, à travers une chaîne ininterrompue de poèmes, de scripts, de collages, de bribes, de photos, de films, d’enregistrements, d’informations… et de visions !
Vite, brutalement, avec arrogance…, sur GatsbyOnline, bien évidemment !
Images uniques jaillissant de la nuit, mots en phrases et en textes sans cesse décodés, effacés, images-actions de l’absence, de la colère, de l’exil, de l’oubli, de la mort sans phrase… et surtout les images de la vie qui murmurent gravement : Changer ou disparaître…
Tous morts, avec les dopogrammes et les spermogrammes, coincés entre les téléphones et les ordinateurs…, vision totale entre les branches d’un mythe, vision de tous les êtres crus, branchés, de toute évidence, d’un bout du monde à l’autre, représentant toutes les limites des rêves et des actions…
Choses vagues imitant les positions tantriques des êtres jetés les uns contre les autres, dans la plus complète indifférence…, des êtres défigurés par la politique, atomisés par le militantisme le plus débile, vendus et achetés, mutilés et torturés, gazés, napalmisés, cons et sales…
Et puis quoi ?
Tout ce sang, toutes ces dérives, n’est-ce pas peu de chose ?
Si nous tenons compte de…
De quoi ?…
L’écume des jours s’excuse, les ombres frangées de l’histoire, cradingues, dociles, dialectiques, abouliques, surbranlées…, alors on raconte, on se répète, en gris, en noir, en couleur…, la sono trépigne entre les doigts du passager de pluie, nous sommes dans l’espace…, bandes pré-enregistrées sur des rails hallucinatoires…
Je me souviens…, qu’ici plus rien n’existe, plus rien ne peut durer…, tous morts, par centaines, milliers, millions, milliards…, ils sont tombés dans le puits sans fond de la bétise humaine, techniquement morts, vous comprenez ?…
Ils ont bonne mine les sociologues, les analystes, les militants, les journaleux… et tous ceux qui découvrirent l’Amérique…, de quoi parlent-ils maintenant, terrés dans leurs bunkers universitaires ou dans leurs crèches sauvages, leurs gros culs dans la choucroute ?
De quelle société ?
De quels nègres ?
De quelle contre-culture ?
De quels mouvements de libération ?…
Exotisme, parano…, certains évoquent encore ces petits équipages subversifs, intensément cultivés, traversant l’Atlantique, quinze ou vingt ans après, avec Nikons et mini-cassettes atteignant la côte West avec Hertz et quelques gauchistes hébétés…
Marx et le p’tit Jésus bouddhique vous saluent bien…
Mystiques de prisunic et rabbins chétifs !…
Plus de mystère, plus de féerie, rien ni personne…, seule survit la bonne grosse connerie et les mauvaises odeurs… mousse verdâtre phosphorescente.
La nuit américaine chante, il pleut sur les livres de compte de Donald Duck, il pleut sur les bruits de l’ombre…
Il pleut sur les paumés entassés dans les rues nègres, des êtres infects maculent les affiches du silence, il y a toujours un malentendu quelque-part, nous sommes là, cueillant les fruits pourris de la vieille culture, en liberté plus que surveillée…, mouillant jusqu’à l’aube pour un p’tit bout d’poème, pour un p’tit coin d’paradis, une chansonnette…, nos doigts se désintègrent sur les tables d’écoute, avec les silhouettes scandaleuses et les tubes trop connus…
Alors, le grand éclair blanc nous aveugle…, la grande, joyeuse et juteuse boucherie arrive…
Tout ceci peut paraître lointain, flou, dingue…
Gigue dans la fosse aux visions…, nous sommes au bout de la nuit, relisant la ballade des pendus…
Le monde est à feu et à sang, les super-puissances se livrent une lutte d’influences sans merci, c’est la crise partout.
Tout le reste est dérisoire.
Ce sera eux ou nous, il n’y a pas de compromis possible avec les Forces du Mal.
Voilà ce que je pense aujourd’hui : Nous ne sommes là pour personne, si vous approchez, les gros revolvers rouges et les fusils à canons sciés aboient…
Ils persistent à jouer le jeu, ils savent très bien qu’il n’y aura pas de révolution, ils se prennent au jeu, à l’unisson…, marche-arrière dans le tunnel du temps…, ils lisent le guide du Bricoleur dans l’hypermarché freudien…, il n’y aura pas beaucoup de survivants !
Est-ce que les américains vont provoquer une énorme catastrophe avec leurs déficits ?
Est-ce que les êtres supranormaux vont éliminer les assassins paranoïaques ?
Est-ce que les robots vont massacrer les irrationnels ?
Est-ce que les nains et les vilains de l’espace vont être mis hors d’état de nuire par les guides du temps ?…
Un psychodrame fait de ragots et de bégaiements…
D’ailleurs il n’y a plus d’actualité…, ne restent que les traces fulgurantes d’une super-production hollywoodienne…, la seule machine à rêver…
Programmés il y a longtemps, les clodos de la nouvelle gauche sèment la dysenterie dans cette galaxie…, des gens sans passé, sans avenir, sans durée, coincés entre ces millénaires d’images !
Les astronautes sont revenus, un cancer triste tatoue le paysage et ravage le journal électrique de Times square, les cavaliers de l’Apocalypse chantent, braillent des obscénités…
Qui êtes-vous dans ce mur de représailles ?
L’hébétude des derniers blancs se superpose sur ceux qui ont encore une couleur, un fond de teint… et que la déraison alimente…, la direction, la trajectoire, les chiottes !…
Les gouines rouges, les SS fiscaux, les travelos d’affaires, les fonctionnaires tarés et les professeurs bornés… défilent dans les rues vides, une race de blattes athlétiques émerge du bouillon de culture…, la famille nucléaire biologique tire un coup à blanc dans la pastèque de l’Oncle Tom…
L’Oncle Sam se paluche devant l’écran de télé tuberculeuse, le cul dans un baquet de tripes…, les anges occidentaux s’accouplent aux tartares ex-communistes et, à quatre pattes, bouffent leurs excréments…, le nègre de service sifflote St Louis Blues et bafouille devant l’ampleur du génocide !
Chiens et rats marchent dans vos rêves, vous êtes là, dans ce monde ou dans l’autre, pour le meilleur et pour le pire, tout se réinvente du bout des lèvres, d’un bout à l’autre du monde… ou les blocs d’intersections planétaires tourmentant l’horizon du village global.
J’ai passé quelques jours à Paris…, tapisserie bâfreuse, jardins à la française, agitation de circonstance… et la Seine, si belle, charriant les vieux pansements et la diarrhée verbale de Bernard Henry Levy…
J’étais à l’hôtel des Amériques…, quelques cartes postales sont restées sur la table, comme ces longs cris sans haine, ressemblant aux remorqueurs, c’est là que j’ai écrit tout ceci, après une dérive au Père-Lachaise…, un flot de poussière d’acier et d’oxyde de carbone avalait le paysage, les micros-mécaniques de la nuit gémissaient…, les ailes géantes de la pollution, faites d’ombre, de néant et de maladie, bourdonnaient.
J’ouvre le journal…, fait-divers…, ce matin Michael Jackson est mort…, d’après ses proches il n’avait pas lu assez de livres !
À quoi ça sert de vivre alors ?
L’immense vague d’amertume et de cris d’inutilités, ont eu raison de lui…, l’outrage coulait dans les veines déchirées de ce désespéré…, je pense aux allergies de son masque mortuaire…, le froid noir devenu froid blanc…, n’a plus de visage.
Et la foule de crier encore et toujours… : Bravo, quel génie, c’est Jésus qu’on n’avait pas reconnu… et lui s’en moque autant qu’il s’en moquait… sauf des millions…
Ahhhh, les millions, parfois milliards qui vont et viennent pour repartir à jamais, toujours ailleurs !
Même si tous les ceusses de Gaza chantaient et dansaient le Moonraker-dance, milliers d’innocents en holocauste, cette multitude d’écorchés, aux yeux des imbéciles, ne vaut pas un illuminé…
Tous morts, en torchade, au milieu des fleurs d’acier et des griffes, sur un champs de ruine, sous les déchets de la mosaïque vivante…, j’ai vu les bombes phosphorées nettoyer les terrains vagues… et la brise nocturne transporter les parfums des fleurs et de barbecue humains, sous les rires de rabins…, les lumières d’une ville inaccessible dansaient dans le lointain, les feux de l’azur étaient portés par les vagues, on entendait Michael chanter la paix…
C’était ça le bonheur ?
Un chien jaune, galeux, renverse une poubelle métallique.
Le terrain de golf est jonché de papiers gras, de boîtes de bière vides, de vieux journaux.
Les banlieues lépreuses dévorent ce qui reste…, peu à peu les grands espaces disparaissent, les ordures nucléaires et les gaz empoisonnés sont dispersés au hasard…, un grand éclair blanc, un jour effacera cette colossale médiocrité.
À la nuit tombée, une poussière phosphorescente danse devant mes yeux, balles traçantes de la colère voyageant dans les étoiles !
Nous avons absorbé les mots qui nous aident à vivre, nous les avons rejetés… et ils viennent mourir avec les vagues sur le sable… alors que des enfants illettrés sautent de planète en planète…
Sur Terre dix milliards de crustacés retardés s’écoutent parler, se surveillent jour et nuit d’un bout à l’autre du monde…
Les satellites de communication et les ordinateurs scellent le pouvoir des images télévisées…
Le grand Mickey, maître de l’univers, astronaute anonyme, rit dans sa barbe…
Rumeurs de guerre civile, propagandes, peste, le tumulte des discours et les vociférations… sont couverts par la chanson des télex, des radars, des sonars, des telstars et des caméras-lasers !
J’entends des hurlements des beaufs, révoltés par quelques vérités bien ancrées dans la médiocrité inhumaine, piégés dans leurs scaphandres de peau, intoxiqués par les idéologies du passé…
Survivront-ils ?
Par quoi nous remplacerons-nous ?…
Les voleurs de temps et la famine menacent les trois-quarts de la planète…
C’est simple, tout est produit et empaqueté, hot and cool, soft and hard…, c’est comme ça, c’est possible entre ce qui est et ce qui devrait être…, le bazar idéologique se dissout dans les chiottes du drugstore du ciel…, de nouvelles technologies nous imposent de nouvelles guerres et un nouveau style de vie.
Nous sommes prêts…, changer ou disparaitre, déclencher, provoquer, partir ou vaporiser de la merde de poulet dans les coulisses de l’univers…
Les survivants se cachent dans les égouts, les intellectuels se branlent dans les cimetières et dans les morgues, en fait, nous sommes à la merci de ceux qui disent : Comme le temps passe…
A quelques rues d’ici des animaux de sept ans pataugent dans une mare d’essence.
Ils ne crient pas, ils ne rient pas non plus, bien évidemment.
J’ai vu l’un d’entre eux se faire casser le poignet à coups de manche à balai l’autre soir.
J’ai entendu les autres piailler, courant dans la broussaille.
Quelques minutes plus tard ils avaient tout oublié.
Ils ont cueilli les fruits d’un sac en plastique et ont écrasé le nez dessus en faisant couler le jus sur leurs genoux
Ces gamins me dépriment.
Il y en a partout, je ne pourrais même pas dire combien ils sont.
Et ils ont tous les mêmes yeux grisâtres remplis de fumée.
Des yeux cernés de fantasmes sauvages et nerveux.
Souvent j’en vois d’autres qui attendent en bas des immeubles avant de devoir traverser la route, à découvert, pour chasser dans les rayons d’une épicerie.
Quelqu’un d’autre que moi-même m’appelle par un nom que je ne reconnais pas…, je fais plusieurs pas en arrière sans me retourner pour revenir à l’intérieur.
Les façades des bâtiments sont recouvertes par une fine croûte de poussière crasseuse.
La ville entière a pris la couleur de ruines antiques, entre la pierre et la rouille.
Il est toujours midi, chaque fois que je me lève et chaque fois que je me couche, le ciel est toujours bleu.
On jette un ampli de guitare encore branché par une fenêtre du deuxième étage.
J’ai le temps d’entendre le cri strident d’un Michael Jakson qui s’écrase… avant de devoir faire un écart pour éviter de me faire broyer une cheville.
En touchant le sol il rebondit presque, sans se briser, dans le goudron fondu.
La musique s’arrête brusquement.
Lorsque je relève les yeux les gamins ont disparu et deux autres habillés de cuir descendent la façade avec des masses de chantier.
Dans le hall de mon hôtel, de plus en plus de déchets s’installent depuis que les plombs ont sautés.
Ils préfèrent rester avec nous et s’entasser à trois sur le même fauteuil que de monter dans les chambres à l’étage.
Elles sont toutes orientées face à l’autre hôtel construit à coté.
La ruelle qui les sépare est tellement étroite que le soleil n’y brille que pendant une heure ou deux, avant de se coucher derrière la verrière dévastée de la gare.
La perte totale des références temporelles…
Je ne sens pas le temps donc le temps n’existe pas.
L’éternité dans une chambre d’hôtel vide.
En me penchant sur les rambardes forgées des balcons, je peux presque toucher les fenêtres d’en face.
Je me soupçonne de ne pas vouloir aller dans ces chambres à cause du noir.
Il y a une semaine, j’ai envisagé de m’installer sur le toit pour ne pas les avoir dans mes pattes.
Je conduis la v/v/v/o/i/t/u/re en grignotant des Tranxènes tout en observant la route défiler en sens inverse. Comme un poéte en état d’arrestation.
Je postillonne des effluves narcotiques anesthésiants, je suis à ma propre merci.
Le moteur cale, la voiture continue.
Le bien-être ruisselle de chaque pore de ma peau, s’effiloche et se délie comme des milliers de petits cheveux sur le plastique sombre du tableau de bord… et plonge sous mes paupières en vagues synthétiques.
Ma nuque me fait mal quand je tourne la tête.
Il y a quelques minutes, l’air s’est progressivement solidifié.
Dans le ciel, l’orage et l’orange… et le rose polaire… et les traînées d’eaux…, là bas, sur l’horizon.
La chaleur retombe sur l’asphalte et sa sueur coule dans les caniveaux.
J’arrive au centre ville alors que la soirée est déjà entamée.
Avec la fraîcheur, la faune sort des caves et descend dans les rues.
Il en vient de partout.
Les tours au nord résonnent de rires.
L’endroit désert dans la journée devient tous les soirs un point de ralliement, le théâtre des opérations.
Après un virage vers la rue principale, je fais une embardée pour éviter un barbu noir qui, emmitouflé dans ses couvertures, me jette une bouteille de vieux rhum sans s’arrêter de danser.
Il est acclamé.
Des fous.
Tous accrocs à des drogues qui n’existent plus.
Un enfant recouvert de merde menace ce qui semble être son père en hurlant.
Les femmes parées de plumes de coqs et recouvertes d’encre, les poches pleines de petites cuillères brûlées des dizaines, peut être des centaines de fois.
Qui sait ?
Pas elles en tout cas.
Des épaules puissantes qui promènent des crânes rasés pleins de cicatrices.
La masse s’écarte inconsciemment.
Et les feux.
Autour d’une épave en flamme certains tendent le bras avec précaution pour allumer leurs cigares.
Un chasseur osseux, armé d’une lance de tungstène de trois mètres interminables, regarde ma voiture passer.
Puis quelques rues plus loin, le calme de nouveau.
On pourrait presque prendre ça pour du silence.
J’abaisse la vitre tandis que je glisse sur une autoroute silencieuse.
Au dessus, d’autres mecs hilares se concertent et désignent des cibles sur lesquelles ils plongent sans pitié après avoir passé la rambarde.
L’un d’entre eux brandit une caméra.
En remontant dans de petites rues, je fais onduler la voiture comme un serpent animé par des pieds nus, percés à la seringue entre les orteils.
Un fakir.
Un fakir sur l’embrayage.
Précisément excité.
Même les paranoïaques ont des ennemis.
Tout ça ressemble beaucoup trop à une agonie.
Je connais tout, j’ai tout vu d’ici… et je m’ennuie.
Ces temps-ci, chaque fois que j’observe les choses autour de moi, j’ai la certitude que c’est pour la dernière fois.
Je me sens terriblement normal et je crois que j’aime ça.
J’erre quelque temps sur une place dallée, entre des murs de verre je traverse des jardins zen recouverts de moisissures…
Averse.
Je tente d’éviter le regard de trois grandes chiennes chinoises qui descendent la large strasse.
Elles portent des robes en latex blanc / rouge / noir / leurs perruques / des anneaux chromés.
Leurs langues frottent leurs dents fines quand elles sourient.
Elles ont les yeux hagards, perdus.
Une grosse bouteille est plaquée par le latex de la robe, tout contre les côtes de la plus petite.
On m’a déjà dit que ces genres de filles se baladent toujours avec des pointes d’acier qu’elles utilisent pour se maquiller / et elles crèvent les yeux ?
Elles se rapprochent encore en longeant les grillages du bord de la rue.
Celle qui parait être la plus jeune fait claquer son pouce sur sa joue en me désignant du menton puis elle se mets à me parler trop vite pour que je comprenne…, mais apparemment elles veulent que je les suive.
Je ne réponds pas, mes pieds sont devenus subitement des entités fascinantes.
Tout cela pourrait être tellement divertissant pourtant.
Les autres roulent des hanches et ont l’air de s’impatienter.
Dites à leurs familles qu’elles me manqueront.
Après-minuit d’apesanteur…, après m’être vaporisé sur des centaines de mètres, je remonte la file d’attente.
On me dévisage, sans me reconnaître.
Une foule frigorifiée se presse pour entendre les carillons glacés et décharnés qui coulent en cascade sur le marbre.
Leurs pieds baignent dans le son, mais ils les regardent à peine.
Des projecteurs bleus isolent certains individus comme des misanthropes stroboscopiques.
C’est l’habituel carnaval des élites qui reprend chaque soir, ils boivent de l’absinthe dans de grands verres triangulaires en cristal rose qu’ils font tinter pour ponctuer des conversations superficielles.
Sur les murs, d’autres lisent les pages d’une thèse de cybernétique, punaisées au hasard, tout en s’injectant les toxines les plus violentes… et les gens dansent comme si c’était la fin du monde !
Jackson, Jackson, Jackson…
Tout cela ressemble trop à une agonie… et même ma peau sent le bois brûlé… et la musique mute dans une sorte de menuet futuriste et assommant de neutralité !
Je m’épuise…
Terreur et technologie !
Des vulves dégoulinent depuis des heures maintenant sur des hampes et des pistons de métal.
Les machines jaillissent du sol, des murs, du plafond, de partout… et se rejoignent au centre… et rencontrent la viande nue… et violent aveuglément tout ce qu’on leur tend.
Les filles s’assoient sur des bras mécaniques qui les soulèvent brusquement en les faisant hurler de douleur, se branchent sur des générateurs qui alimentent leurs micros et leur pulsent des électrochocs mortels de plusieurs milliers de volts, droit à travers les organes.
Leurs muqueuses et leur viande fondent et grillent dans la même microseconde.
La sono retransmet les cris, les halètements, les supplications, les remerciements assourdis par la rumeur d’usine.
Une bête balafrée, plaque son anus hermétiquement recousu contre une prise murale qu’elle vient de fracasser.
Elle s’empale sur une tige de cuivre qui la fend jusqu’au nombril en grésillant.
L’électricité la possède et comme si elle cherchait une voie de sortie, fait tressauter le corps éventré dans toutes les directions.
La fille est morte, bien sûr, mais continue de frotter et de tortiller son cul contre le mur gluant.
Un homme avec une raie sur le coté s’enfonce un levier dans la gorge en se masturbant.
Il l’actionne au moment de jouir et une presse hydraulique lui broie le bassin.
J’entends ses os claquer.
Ses jambes ressortent comme des branches d’arbres, dégoulinantes de sang.
Il jouit bruyamment mais son sperme ne jaillit pas et va se perdre, j’imagine, dans la poche de sang qui lui grossit les couilles.
Une autre baise dix machines toutes ensembles à s’en écorcher.
Une belle brune sodomise son amant couché sous elle, puis elle l’étrangle.
La gamine à ma gauche semble être une simple allumeuse jusqu’au moment ou elle écrase ses grands yeux sur d’énormes allume-cigares, son grand frère s’autosuce devant un groupe d’amis de ses parents qui prennent des photos et appellent des gens au téléphone : Venez vite voir ça ici…
Derrière la scène, des techniciens nus, mis à part leurs lunettes noires de protection, contrôlent les mécanismes, passent la serpillière, jouent du synthétiseur, éjaculent au hasard.
Au contact du sperme bouillant, les glaces des projecteurs craquent.
J’ai déjà vu ce spectacle il y a quelques mois…
Je ne me souviens plus de la fin, mais les comédiens ne sont plus les mêmes qu’avant.
Je m’appuie contre un projecteur de cinéma et la foule se fend en deux pour laisser s’approcher un hermaphrodite nu.
Jackson, Jackson, Jackson…
Tout est vrai.
Bien que l’ensemble continue d’apprécier, certains deviennent nerveux.
Son corps bouge trop lentement, comme une danse ou une sorte de parade.
Un cercle se forme autour de lui, il sourit et montre ses seins parfaits.
Avant même que je n’aie réalisé à quel point les visages étaient menaçants… il a sauté, la cuisse levée au niveau de son épaule comme un danseur balinais…, fauché la nuque d’une fille… et lui a écrasé les cervicales avec l’arrière de son genou plié.
Je recule avec la foule contre la scène.
Choc.
Flash.
Crépitations.
Michael, Michael…
Je tombe à genou pendant que les techniciens frappent dans la foule compacte et apeurée.
J’entends mon cœur, loin, très loin, irrégulier.
Les pieds se pressent autour de moi et m’écrasent.
Je tente de me relever mais à la même seconde, les fouets électriques frappent de nouveau.
Les hurlements partent, la masse se serre encore.
Je donne de grands coups d’épaule pour voir ce qu’il se passe.
Le troupeau acculé vers la sortie tente de sortir mais les portes ne s’ouvrent pas.
Dans le noir, la salle ressemble à une mer grouillante, un banc de poissons se protégeant des requins.
Sous leurs lunettes les techniciens ne trahissent aucune émotion.
Quelques heures plus tard je me retrouve dans une voiture inconnue, encore…
Avec perchée sur moi une animale inconnue elle aussi, des cheveux longs et bruns, des yeux vert laser.
Et la neige partout autour de la voiture, forcément carbonique parce qu’il ne neige jamais.
Elle et moi, nous regarderons par la vitre tandis que les humains courent et tentent de s’échapper.
Le soleil est jaune et malade.
On reste là un moment…, elle finira par partir sans se rendre compte…
Après cela, je suppose que j’aurais envie de m’égorger avec la glace du rétroviseur brisé.
Pour échapper à tout ça.
Probablement.