Cheetah Evolution, de l’huile sur le feu !
Tout autant désespéré qu’attiré par les futilités médiatiques, les bassesses politiques et les vanités journalistiques, je swisse parfois à la recherche de nouvelles sans intérêt dont tout le monde se contrefout, ou presque.
Au hasard, j’en ai découvert une : une fausse 1964, mais vraie 2013 Cheetah, qui a été présentée dans une vente aux enchères Mecum aux USA… et n’a intéressé personne, elle n’a donc pas été vendue (le prix de réserve était de 45.000 US$ alors que ce n’était que le prix du kit sans moteur, transmission et trains roulants…
C’est une information sans aucun intérêt, qui n’intéressera personne, car la presque totalité du monde s’en tape totalement (moi compris)…, mais…, c’est là un moyen d’extrapoler !
J’extrapole donc en me servant de ce non-évènement pour en faire un…
Depuis qu’il est tout petit, Mister Craig Ruth, fondateur et propriétaire de Ruth Engineering, a de fréquentes poussées de misanthropie mécaniques incurables certes, mais salvatrices qui l’ont amené à s’approprier la Cheetah avec en tête l’espoir que son kit-car devienne aussi populaire que les kit-cars Cobra 427s/c…
Avant l’ouverture de la chasse aux répliques automobiles en Europe en un temps qui coïncidait avec le nouveau millénaire (2000), là, partout, on voyait des répliques équipées de gros moteurs suintants, usés, rafistolés, des moteurs que les propriétaires de ces kit-cars devaient alimenter sans cesse, qui risquaient d’exploser, de partir en fumée, des moteurs gras de graisse et cambouis qui “bouffaient” presque autant d’huile que d’essence (50L/100kms) et qui suintaient la désespérance typique des V8 de plus de 500.000 kms…
J’ai encore en tête l’odeur d’huile brûlée, la chaleur, le bruit, l’archaïsme aussi de ces répliques plastiques qui tenaient par quelques boulons, quelques vis Parker et une multitude de rivets-pop…, à cette époque le moindre péquenot se disait qu’avec une paire de clefs il pouvait être un bon mécanicien…
En France, leurs propriétaires, en quête d’identité, se sont mis à escroquer l’Histoire, mêlant leurs faux aux authentiques, s’octroyant des coupes et médailles à la gloire du mensonge, laissant planer le doute dans le public niais…, ne réussissant qu’à soulever du mépris et à la mise en place de contrôles destinés à séparer “le bon grain de l’ivraie”…, car elles devenaient envahissantes, déboulant toutes, pour être admirées comme des vraies, deux fois par an au Mans (les antiques et les 24 heures), une ville associée aux rillettes, à l’automobile et aux assurances, trois secteurs sujets à toutes les spéculations…
Pourtant, quand on est au bord de la piste, le Beaujolais et les rillettes ne sont pas de mise, le gras ici provient des machines, non de la nourriture et des répliques qui n’ont pas écrit l’Histoire…, on peut ne pas aimer les voitures et le sport automobile, on ne peut rester insensible au Mans et à l’époustouflante course que s’y livrent tous les ans des machines et des hommes et il est indécent de s’en accaparer les lauriers, sans effort, sans gloire…, sans passé il n’y a pas d’avenir….
Les répliques ne sont réellement pas capable de restituer l’ambiance du Mans, les moments mythiques, les combats épiques et les avancées technologiques, il manque la réalité, les bosses, les traces de lutte, les griffes et la patine…, il manque l’authenticité, ce ne sont que des jouets de grands enfants…
Toutefois, ne gâtons pas le plaisir…, l’automobile est liée au rêve, au rêve des enfants qui collectionnent les modèles réduits, aux rêves des adolescents qui veulent s’acheter des grosses cylindrées, aux rêves des adultes qui veulent conduire à toute vitesse sur les circuits.
Avec la pasteurisation qui s’avance sous couvert d’écologie et de sécurité, on cherche à briser ces rêves, à les réduire en cendre : plus de gros moteurs et plus de grande vitesse, une prohibition automobile à l’heure du vélo et des éoliennes, en somme, c’est remplacer le camembert au lait cru des transports… par du fromage industriel.
À cela il faut ajouter le fait que l’automobile est un sport d’homme, qu’on le veille ou non c’est une activité marquée par son genre…, or notre société est de plus en plus féminine, elle rejette toute masculinité, jusqu’à ces garçons qui s’habillent comme des filles.
Lutter contre la voiture, c’est ajouter la castration à la pasteurisation, c’est pourquoi c’est avec une joie sereine que certains qui n’ont pas les moyens d’une voiture authentique, se mettent en tête d’acquérir une réplique…
C’est donc un marché, ça n’a rien de gratuit, il n’y a aucun amour de l’art ou de quoi que ce soit d’autre que de l’argent, à tel point que divers se mettent en tête de construire “leur” réplique, soit pour leur seul bonheur, soit pour tirer profit de la vanité humaine en poussant la charrette remplie d’inepties en disant que ce type d’automobile sera sûrement interdite au moment même où l’on autorisera la consommation des drogues et l’ouverture de drogues-shop…, qu’un vélo, c’est moche et bête, qu’une réplique de voiture mythique, c’est beau, ça en impose, ça en jette…
De là, est venue l’invasion des répliques qui, de plus, ne payaient aucunes taxes ni ne devaient se contraindre à des homologations, à des contrôles techniques et autres joyeusetés…, tout aurait été au mieux, si certains n’avaient voulu mélanger les genres et laisser croire…, attirer les regards, s’accaparer des lauriers…
Tout a commencé en 1964 avec Brook Stevens qui avait imaginé sortir une Mercebacker en série pour sortir la firme Studebacker d’une déconfiture annoncée…, l’engin s’inspirait de la Mercedes SSK des années ’20, partie en aluminium, partie en plastique, monté sur un châssis de Studebacker Lark…
La direction de Studebacker a préféré l’Avanti… ce qui n’a pas empéché la déconfiture, alors que la Mercebacker devenue Excalibur va être commercialisée en très petite série…, ok, ce n’était pas un kit-car, mais c’est de là que tout est parti…, c’est ensuite Zagato qui après avoir vu une Excalibur, s’est mis en tête de construire et commercialiser une réplique d’Alfa-Roméo 1750 des années ’30…
Ces voitures donnaient un ensemble d’impressions : celle de se retrouver dans un album de Tintin…, de revivre la folie des pionniers, quand les routes n’étaient pas carrossables, que les roues n’avaient pas de pneumatiques, que le moteur risquait d’exploser à tous moments, et qu’il fallait tourner la manivelle pour lancer la machine, au milieu de la vapeur, de l’essence en bidon, et des bouteilles d’huile à l’arrière…
Stop…, pas vraiment…, l’Excalibur et la Zagato s’inspiraient des années trente, ce n’était plus l’époque des pionniers, les voitures étaient équipées d’un démarreur électrique…, mais quelle folie, oui…, quelle folie, que de vouloir répliquer ces réalités (qui n’étaient pas encore hors de prix), par des machines du diable entièrement neuves.
Et peu après, c’est une réplique de Cobra qui est sortie du bois : l’Arntz..
Cette réplique avait deux particularités, celle de procurer aussi bien du rêve (c’est-à-dire du futur) que des souvenirs (c’est-à-dire du passé)…, mais aussi de ne plus être une évocation, mais une copie rigoureusement semblable !
On se souvient toujours des véhicules anciens, des voitures qui ont fait rêver mais qu’on n’avait pas les moyens d’acquérir…, si bien qu’en revoir une exactement identique dans un magazine, un show automobile ou dans la rue, ravive en nous des temps passés…, ce sont comme des clichés : soit d’avant guerre avec des conducteurs dans leur voiture extraordinaire, avec des pneus gigantesques, leur lunette sur les yeux, leur casque en cuir et leurs mitaines aux mains, dans lesquelles, avant de pouvoir partir, il fallait revêtir un scaphandre de cuir et de tissu… ou des années ’60 : Ferrari, Shelby… Ford GT40…, le Mans, la Riviera, Deauville et Monte-Carlo, ou ceux qui n’y vont pas peuvent toutefois manger quelques miettes du rêve et des étoiles.
On imagine Gatsby le magnifique, en chemise de popeline et en veston de lin, mais toujours entouré des vapeurs d’essence et de la graisse de l’huile… ou Carroll Shelby donnant la pâtée à pépé Enzo…, voire Steve McQueen dans Bullit… ou encore Jean-Loup Trintignant dans Un homme et une femme…
Dans cette euphorie on arrive vite aux tableaux d’Edward Hopper, à ces stations-services vides et mélancoliques qui attendent le client… si on retire les voitures, on se demande bien ce qu’il va pouvoir rester à Humphrey Bogart, à Robert De Niro et à Elvis Presley…
Comme toujours, se plonger dans le passé nous éclaire sur le présent, on s’interroge aujourd’hui sur la fin de l’essence et sur la voiture électrique, et certains se disent : Pourquoi pas une réplique d’ancienne… et si elle est encore trop chère, pourquoi ne pas l’assembler les week-ends dans le garage…, les kits inventés par Colin Chapman pour pousser sa Lotus Seven, ont proliféré, avec les Shelby et les Lotus 7 en tête…, jusqu’à l’indigestion, jusqu’à ce qu’on confonde les vraies avec les fausses et inversement…
Et…, j’en reviens à Mister Ruth et sa réplique de Cheetah…, l’anti-Cobra des années ’60 qui n’a eu qu’un succès d’estime et une histoire chaotique… une voiture qui, comme la Cobra, a connu son heure de gloire et est désormais technologiquement dépassée…, il s’est dit qu’il était encore possible de trouver une part de rêve, une part d’héroïsme, une part de folie.
Combien de pilotes de Cobra et Cheetah sont morts ?
Combien ont laissé leur vie, broyée par le métal et brûlée par l’essence, pour avoir trop poussé la vitesse et avoir voulu prendre un virage plus parfait ?
De sa génération, Juan Manuel Fangio est un des rares à ne s’être pas tué en course, ce qui impressionnait beaucoup Senna, avant que lui-même ne soit pris par la route.
Certains pourront parler d’inutilité, de gâchis, de gaspillage… et d’un argent qui pourrait être dépensé ailleurs, mais c’est du rêve…, pour les enfants et pour les adultes, c’est-à-dire pour des adultes qui sont restés enfants… et cela n’a pas de prix.
Que gagnons-nous à cumuler des tours de pistes ?
En quoi l’humanité progresse-t-elle dans les circuits de Formule 1, dans les 13 et quelques kilomètres du Mans, dans les rallyes ?
Finalement, même si les répliques ont des imperfections et des défaillances dont on espère qu’elles seront un jour comblées, il est possible de s’offrir des souvenirs, du rêve, et des voyages ; n’est-ce pas magnifique ?
Le châssis est conçu à partir de zéro, avec une suspension moderne et des composants issus de la chaîne cinématique…, si c’est une fausse Cheetah, c’est une authentique réplique, les propriétaires peuvent choisir la suspension, le moteur et la transmission qui correspondent le mieux à leurs besoins…, la carrosserie est calquée (pompée) sur le concept original, mais mis à jour pour accepter un pare-brise en verre DOT, et fournir un peu plus de marge (de place) dans l’habitacle “cramped” pour des “adultes matures” (car il faut réellement être sadomasochiste pour se fourvoyer dans ce bastringue).
Ruth Engineering a donc développé une nouvelle version de la classique Cheetah 1964, rendue célèbre par un Californien de légende : Bill Thomas.
La traduction de Cheetah est Guépard…, rien à voir avec le super serpent Cobra…, au moins, De Tomaso avec sa Mangusta (Mangouste) imaginait-il “bouffer” de la Cobra…, alors que ce n’était pas du tout l’une l’autre dans le style !
La réplique Cheetah de Ruth Engineering, qui est en vedette dans cet article, a fait la couverture du magazine Kit-car, ce qui en soit ne veut rien dire avec le recul mondial…, toute nouvelle construction avec seulement 3 miles depuis son achèvement, la Cheetah numéro de châssis 0006 a été construite sur un châssis en tube de 1,5 pouces avec les trains roulants d’une Corvette C5 (suspension et freins)…, la carrosserie est en fibre de verre avec portes papillon…, la peinture est une GMC Victory Red, le cockpit est équipé de sièges Kirkey de course, les instruments sont des VDO…
Si le pare-brise est en verre de sécurité les autres vitres sont en Lexan…, quant au moteur c’est un GM, Four bolts, V8, 350 ci, 290 chevaux GM équipé d’un Holley 650 CFM Four-Barrels avec pompe de reprise, la transmission étant une Hurst M20 à 4 vitesses, menant la cavalerie aux roues arrière 18×10.5, via un pont 3,73.
Cette Cheetah n’a pu qu’être immatriculée en Pennsylvanie, seul état qui accepte encore d’immatriculer des répliques avec des faux documents anciens, en l’occurrence ici, une Cheetah 1964… ce qui, inévitablement, dans quelques années va prêter à confusion et entrainera une escroquerie…
Aux USA, ce style tend à disparaître, raison pour laquelle personne n’a enchérit… et que la société Mecum a finalement eu l’élégance de la retirer de la vente avant qu’une émeute n’éclate…, c’est en effet, non pas un hommage à l’œuvre de Bill Thomas, mais une injure plagiaire…
– Immatriculation 1964 Cheetah Evolution, en réalité kit-car, ré-intitulé après vente sous contrainte judiciaire comme véhicule neuf de construction spéciale…
– Voiture neuve présentée chez Mecum avec seulement 3 miles au compteur…
– Montage réalisé par Mark Jackson
– Châssis tubulaire Ruth # 0006, 1 1/2…
– Copie polyester de la Cheetah 1964 avec portes en ailes d’avion (portes papillon, dénommées aussi Gullwing, ailes de mouettes)
– http://cheetahevolution.com/