PETITE ANNONCE :
A vendre Cadillac Allanté, état impeccable, part toute distance…
Cher et incalculable potentiel acheteur d’une Cadillac Allanté…
Jamais plus je ne croirai au hasard, puisque vous voilà (enfin)!
Le destin (toujours surabondant) m’enrichit aujourd’hui, en ce radieux jour de pluie maussade, de votre sommité affairée mais néanmoins lucide, arrivant en ce site, y cherchant la bonne affaire… et vous apprêtant illico, de lire ceci, le cœur palpitant au vu des somptueuses photos (dont je suis l’auteur modeste), à me faire l’aumône de votre contribution. Si, si…, croyez à mon instinct foudroyant, c’est une vocation… et je m’étonne déjà que votre porte-monnaie ne bondisse pas encore fiévreusement, là, sous votre veste, au rythme des battements de votre cordiale générosité, car je vous propose une affaire, avec de prospères sanglots irrépréhensibles dans la voix…
Ô, divine faveur, fils prodigue dont je me réjouis déjà comme un père inassouvi, que vous prodiguerai-je là, dans mon garage magnifique alors que je perçois comme un titillement intérieur de la fibre marchande qui me murmure sournoisement que ma réputation est en jeu…, abondamment.
Pour un client avisé et opulent comme vous, adjugé, je vous l’emballe, je ne recule devant aucun sacrifice… et vous ne l’aurez pas volé : ce sera au moins plus coûteux que l’appeau d’Éphèse !
Si, si, je l’affirme, retenez-vous seulement de succomber à ma proposition, les mains crispées sur votre portefeuille dodu… et vous en serez rongé par d’inavouables remords que vous aurez signé de votre propre main pour le restant, improbable en l’occurrence, de vos chéquiers.
Alors…, ne vous payez pas d’austères desseins, pas aujourd’hui ni jamais, car je vous offre, modestement, la discrétion étant ma devise, de boire le jus glouton de la fontaine spirituelle à son volant, ce qui vous donnera aussi fière allure que mon compte en banque en retour…, vous ne pouvez quand même pas objecter au destin qui vous a élu !
Ça vous coûtera ce que ça vous coûtera, mais l’esprit demande, ici et là, de menus sacrifices dont la vertu est de faire promptement sentir à l’érudit la noblesse incommensurable du bénéfice à proportion de la fatalité irrécupérable de ses pertes.
Connaissez-moi, mieux, pour faire des affaires, sachez que la pensée virtuose de Monsieur Pascal, mon vénéré maître en morale et aptitudes diverses, est mon arrière-pensée…, une pensée intelligemment spontanée, sans détour aventureux, car je vous sais, pardi, brave et honnête.
Cher client potentiel…, oui, c’est l’âme allègre et une larme pondérée au coin d’un œil intéressé que je vous demande, solennellement, de payer votre tribut à l’édifice pyramidal du commerce et, subsidiairement, de ma fortune personnelle.
Discrétion, disions-nous…, mais, de quelle automobile extraordinaire, suis-je occupé de vous causer, vous demandez-vous, avec cet air angoissé qui caractérise très précisément les ceusses qui peinent à se délester de leurs euros ?
Figurez-vous que j’avais, lors d’une visite providentielle, récemment, chez un collectionneur émérite…, un apôtre de la pièce rare…, un cavalier de la bonne affaire…, un héraut du bonheur commerçant…, un châtelain qui vendait une automobile extraordinaire, exemplaire presque unique, dédicacée d’un gribouillis sur une plaquette dans le compartiment-moteur par son concepteur à destination, sans nul doute, mais le doute est permis, d’un rhéteur tombé dans l’oubli et intime incertain du premier…, ce qui ne facilite assurément pas la compréhension concernant l’origine de cette affaire d’or, mais qu’importe !
Fi de questions inutiles, l’histoire que je puis vous narrer revêtant plus d’importance que la réalité, croyez-moi, aucune réalité ne dépasse une histoire bien pensée, c’est là l’intérêt…, cet émérite collectionneur d’automobiles rares et chères, m’a affirmé avoir subtilement évité à cette précieuse chose, l’abandon entre les mains vilaines d’une très proche calamité, sans en fournir de précisions supplémentaires.
Je l’ai donc acquise, la fièvre au front, les mains tremblantes d’émotion, le cœur en zone rouge d’un AVC… et je l’ai utilisée sans délais autre qu’un entretien, pour mon plus grand plaisir…, puis, roulant nonchalamment au gré de mes envies (qui ne sont point exemptes de lubricités)…, le remord de posséder seul un tel bijou, m’a poussé à l’insu de mon plein gré à le céder à un autre épicurien automobile, le temps de ma folle propriété m’obligeant de coller facétieusement (sachons vivre!), au prix de cet article exceptionnel, un supplément modique pour son histoire originale entre mes mains fébriles…, mais là, illumination, clairvoyance et discernement, vous allez rire : j’ai pensé à vous !
Heureuse coïncidence pourtant, que de constater la ressemblance de cette voiture avec une autre, tout en écartant (la science automobile, contrairement à ma poésie naturelle, n’étant qu’une discipline purement expérimentale), tout vain rapprochement hâtif, car l’œil de l’expertise jette un brouillard généalogique sur tout clin d’œil que j’eusse pu surprendre entre cette automobile et une autre…, c’est dire la disproportion de l’homme !
Je m’avoue donc déontologiquement vaincu par les limites budgétaires de l’expertise scientifique, mais ce ne sera que pour mieux m’en remettre à vous, confiant de découvrir que vous, en échange, que je salue respectueusement au passage, cher client potentiel, vous avez les moyens colossaux de prouver que cet ancêtre hypothétique vous appartient réellement, de même que, par voie de conséquence, cet exemplaire numéroté de mes pensées-voyez-le-prix-dans-la boîte-à-gants-s.v.p.!
Merci encore, mes amitiés à vos proches, passez une bonne soirée, une bonne nuit, un joyeux réveil et une journée prolifique…
Prestement à vous et fidèle à votre signature, à droite, là, avec la date, à gauche vous libellez : et zou, l’automobile sera vôtre…, vous remerciant déjà et d’avance de votre achat, je vous présente mes plus chaleureuses pensées, mon indéfectible amitié, mes plus sincères condoléances, mes vœux de prompt rétablissement, ainsi qu’un joyeux Noël et de bonnes Pâques, sans oublier d’heureuses vacances et une excellente santé…Signé : votre ami et confident, votre préféré qui pensera à vous en toutes circonstances, particulièrement à cette circonstance actuelle.
Post Scripteur (sic !) : Ci joint quelques photos de l’auguste automobile extraordinaire que vous rêvez d’acheter, avec une (trop) brève description technico-technologique…, avouez, cher client potentiel, inestimable et vénéré, que cette extraordinaire automobile est une affaire en or (et du massif) !
La somptueuse Cadillac Allanté présentée ici totalise seulement divers kilomètres réels (avec certification) et n’a eu que 2 propriétaires…, elle a été vendue neuve puis d’occasion… et a toujours été entretenue quand il était utile et nécessaire…, chez qui de droit (et plus)…, la voiture est dans un état remarquable, jamais accidentée, pas de tôles ressoudées, d’origine limpide… et son intérieur est totalement d’origine et en état neuf.
A titre d’anecdote, seuls les films plastiques de protection des somptueux sièges Pullman (en cuir véritable) ne se trouvent plus sur ceux-ci…, le moteur d’origine, un magnifique V8 transversal avant 4L1 disposant d’un grand nombre de chevaux fougueux (170 chevaux et 230 lb-pi de couple)… et non pas anémiques et poussifs (les pôôôôvres) est efficacement secondé par une boîte automatique HT440 FWD (adaptée à ce que les roues directrices soient également motrices…, en sus de tout cela, ne regardant pas à la dépense…, un entretien complet vient d’être effectué (c’est dire le soin apporté)… et le manuel d’époque a été amoureusement conservé de même que le livre d’atelier (gros comme deux annuaires des téléphones d’Isle-de-France).
Ce véhicule prestigieux et rarissime qui remporta dans les années ’80 le titre convoité de “Voiture de l’année” décerné par le magazine américain “Road&track”…, a été créé et construit par le génie de Pininfarina (qui carrosse les célèbres Ferrari), en Italie, entre deux ponts aériens résultant de l’imagination des gens de chez Cadillac USA/ITALIA afin de parfaire l’exclusivité et le coût initialement neuf de cette beauté.
Excusez de cette multi-foison d’éléments positifs…, mais rien que de décrire cette affaire plus lourde qu’un lingot d’or, je salive par avance de vous voir heureux d’acquérir ce véritable Graal automobile, cette rareté intemporelle, disons-le tout net, sans ambages…: de cette œuvre d’art !
Le tout a coûté une somme stratosphériquement inimaginable, astronomique supérieure au prix demandé, qui semble dès-lors plus une aumône et un viatique qu’une véritable transaction…, voilà, voilou…, bien à vous de vous lire, puis de vous voir en visu pour de vrai, l’œil dans les yeux de chacun, pour me payer en contrepartie de ce trésor…
1 commentaire
A bout de souffle, la langue pendante, les lecteurs aimeraient savoir qui est l’auteur du gribouillis soupçonné quasi théophanique et de l’engin qui le véhiculait…..
Une théophanie (des radicaux grecs théo-, θεός « dieu », et phan-, « apparition ») est, dans le domaine religieux, une manifestation divine, au cours de laquelle a normalement lieu la révélation d’un message divin aux hommes ou simplement d’un avertissement.
À l’origine, le terme grec θεοφάνια / theophánia désignait, dans la religion antique de ce peuple, une fête pendant laquelle on exposait publiquement la totalité des statues des dieux, surtout à Delphes.
Avec l’avènement du christianisme, le terme conserve la signification de manifestation divine : la révélation du Buisson ardent à Moïse et la naissance de Jésus-Christ sont des théophanies essentielles de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Je me suisse inspiré d’une série de bandes dessinées, au personnage éponyme, créée par Greg en 1963 pour le magazine Pilote, et éditée par Dargaud. Il s’agit de Achille Talon… Sur les couvertures des albums, le prénom est orthographié « Ach!lle »…, le nom du personnage vient de l’expression « talon d’Achille ».
À un dessin classique (du style ligne claire), cette bande dessinée allie des dialogues recherchés et subtils, ne reculant pas devant les néologismes, les jeux de mots, les allusions littéraires et les tirades alambiquées.
Les personnages :
– Achille Talon, prototype de l’antihéros (un « gros bourgeois bavard » d’après Goscinny) : quadragénaire ventripotent (93 kg2) au nez énorme et à la calvitie généreuse, bourgeois suffisant et vaniteux, célibataire (malgré ses projets de mariage avec Virgule de Guillemets, marquise de son état), velléitaire et maladroit, individualiste et narcissique, grandiloquent sinon prolixe, aimant pontifier (il se présente habituellement comme « Achille Talon, érudit ») – il est généreux, mesquin, pacifiste, agressif, progressiste, bourgeois, désintéressé, jaloux, intrépide et quelque peu capon. En somme, brave et honnête comme vous et moi… ».
– son père Alambic Dieudonné Corydon Talon, moustachu éthylique, grand amateur de bière, pragmatique, mais plein de ressources inattendues ; physiquement, il est l’exact sosie de son fils (ou plutôt l’inverse), avec une énorme moustache rousse en plus ;
– sa mère Maman Talon, toujours soucieuse du bien-être de son fils (« mon Chichille à moi »), sait parfois troquer sa douceur de ménagère pour des méthodes plus radicales face à l’adversité ;
– Hilarion Lefuneste, son navrant voisin-par-la-force-des-choses, qu’il considère comme un « cuistre » et un « Béotien ». Greg s’est inspiré de ses propres traits pour le dessiner ;
– la marquise Virgule de Guillemets (« La fille du Maréchal. Celui qui avait épousé la Princesse. », « Trois fois couverture de Jour de Passy »), sa fiancée, chic et snob, qui ne fréquente que la haute société et les œuvres de charité. Elle est sans cesse accompagnée de sa camériste Hécatombe Susure (même lors d’une prise d’otage). Hécatombe est aussi sensuelle que paresseuse, laide et désobéissante et très déterminée dans ses volontés, un gangster américain dont elle devint la femme l’apprit à ses dépens…
– Vincent Poursan, incarnation et parodie du petit commerçant mesquin et mercantile est LE personnage qui pourrait le mieux être celui qui aurait écrit l’annonce interminable qui forme le texte ci-avant-dessus…
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