Chronique masochiste…
Pourquoi ai-je acheté une Cadillac Allanté et une Chrysler TC by Maserati ?
Oh, il a tant de raisons pour expliquer ce geste lourd de conséquences, disons que, pour en résumer le pourquoi, j’ai été en amour avec ces voitures et ce qu’elles représentent, dès le premier jour ou je l’ai ai vues, sans imaginer qu’elles étaient en réalité des maîtresses vénales, capricieuses, frivoles, sadiques, superficielles, lunatiques et ruineuses à entretenir…, des belles salopes qui vous font tourner la tête puis vous laissent en rade lorsque vous ne pouvez plus suivre leur train de vie…
Pour qui en a les moyens c’est comme entretenir des danseuses, les gens vous admirent pour vos moyens financiers et sexuels…, mais par la suite, lorsque votre visage se marque et se creuse, les mêmes faux-culs vous disent : “Mon pauvre ami, dans quel état vous ont-elles mises, ressaisissez-vous, laissez-les à d’autres avant d’avoir une crise cardiaque, ce n’est plus de votre âge, voyons, tssss tsss tss“…
Durant l’été 1997, j’ai eu l’occasion de rouler dans une Allanté 1987… et ce fut agréable à vivre…, le prix d’achat n’était pas trop élevé car son compteur électronique n’affichait que 10,000 km… j’ai toutefois discuté du prix et l’ai achetée…
C’est le style Pininfarina qui fut la première chose qui à attiré mon attention…, le fait de rouler en Cadillac sport 2 places cabrio fut ensuite matière à flatter mon égo…, l’affichage du tableau de bord numérique m’a soufflé, de même que les sièges cuir aux multiples réglages… et sa rareté (21.430 exemplaires fabriqués), ainsi que son invraisemblable système de fabrication avec un pont aérien de trois Boeing 747 entre Cadillac aux USA et Pininfarina en Italie et retour, m’ont convaincu que l’Allanté était une automobile de grand luxe très rare, symbole d’une époque révolue.
Mon premier objectif fut d’en faire une merveille… et un garagiste m’a proposé de monter des jantes de 17″ provenant d’une Cadillac CTS accidentée, qui s’adaptaient parfaitement à la voiture, j’ai ainsi contribué à propulser l’Allanté dans le 21ième siècle : un style classique actualisé…
C’est ça qui a attiré quelques amateurs qui m’ont demandé de leur vendre… et à l’automne de l’année suivante (1998), j’ai accepté avec l’échange partiel d’une Chrysler TC by Maserati…, je vous décrirai ce que j’en pense en finale de cette chronique masochiste..
Quelques années plus tard (2012), lors d’une discussion avec un marchand Hollandais qui voulait acheter ma Mustang 1967 cabrio…, je suis tombé sur ce que je croyais être exactement la même Cadillac Allanté que j’avais possédé : même couleur extérieure, même intérieur…, sauf qu’elle était équipée de jantes d’origine et pas de jantes CTS…
J’ai eu envie de l’acquérir en peaufinant la discussion avec la Mustang, mais pas plus que de raison…, jusqu’à ce que je me rende compte en vérifiant le numéro de châssis, que c’était mon ancienne Allanté…, du coup, elle a pris de l’importance à mes yeux, d’autant plus qu’en tant que modèle ’87, elle pouvait maintenant rouler “ancêtre” en Belgitude (25 ans), c’est-à-dire avec des taxes et une assurance réduite.
Je me suis dit pour me rassurer d’avoir osé concrétiser cette “affaire” que (de mémoire) : La Cadillac Allanté est une voiture de collection assez rare, son système de construction restera à tout jamais unique dans l’histoire de l’automobile : Trois Boeing 747 avaient été adaptés pour contenir 56 Allantes chacun…, les 747 quittaient Detroit avec 56 châssis Eldorado et tout ce qu’il fallait pour que Pininfarina assemble la plus grosse partie de chaque Allanté : les instruments, le système de climatisation, la colonne de direction, et la plupart des appareils électroniques. Quand toutes ces pièces arrivaient à l’usine Pininfarina, le châssis Eldorado était découpé à la dimension calculée pour qu’il devienne un châssis Allanté et soudé à deux sous-ensembles sur lesquels la carrosserie réalisée par Pininfarina était soudée, les ouvriers installaient toutes les pièces fournies par Détroit, ainsi que l’intérieur qui lui était réalisé en Italie. Après peinture des carrosseries, ainsi que du hard-top, les Allanté’s étaient fixées sur des supports porteurs spéciaux, chargés dans les avions, et transportés vers l’usine d’assemblage Hamtramck de Detroit ou Cadillac installait les trains-roulant avant et arrière, les suspensions, la transmission, le moteur, les freins, les roues, les pneus et le réservoir de carburant. Des tests étaient ensuite effectués sur le système de freinage ABS Bosch III… et chaque voiture était pilotée pour un essai de 25 miles…, un processus qui était appelé le “Allanté Air Bridge” .
6 mois ont passé avant qu’on finisse par trouver un compromis acceptable, ce fut un achat d’impulsion sur un long terme (gag !)…, ça n’a donc pas été une décision réfléchie (sic !), mais j’avais un “bounch” en me rappelant les moments passés à son volant plusieurs années auparavant…, de plus elle valait pour moi vraiment plus que ce que je payais (quoiqu’elle n’était qu’une valeur partielle sur la vente de ma Mustang), toutefois, elle n’avait plus 10.000 km… mais 15 fois plus…, quoiqu’apparemment impeccable de carrosserie, y compris le cuir des sièges et les tapis.
Bien que l’Allanté rappelle quelque chose d’italien, c’est vraiment une voiture américaine… qui avec humour, démontre de manière surréaliste que tout n’est que vanité…, avec son âge (26 ans) et les 150.000 km indiqués à son compteur, étant donné que seulement 21.430 Allanté’s ont été construites, beaucoup de pièces neuves de rechange ne sont plus disponibles…, beaucoup de pièces de carrosserie provenaient de toute l’Europe, par exemple les vitrages étaient made in Suisse.
La réalité fut une suite d’évènements masochistes…, j’ai du y prendre plaisir pour ne pas déprimer et être traumatisé…, j’ai pu ainsi revivre, non pas mes bons moments d’il y avait 17 ans lorsqu’elle n’avait que 10.000 km…, mais les joies du collectionneur d’une voiture ancienne de 150.000 km qu’on ressuscite peu à peu en l’utilisant presque quotidiennement !
Il y a quelques propriétaires qui finissent par dire adieu à leur Allanté en la mettant en vente sur eBay… et quand d’autres propriétaires trouvent ainsi une bonne affaire…, ils essaient de l’acheter pour les pièces… et ils la stockent dans un hangar (certains en ont plusieurs et finissent par gagner de l’argent en revendant diverses pièces qu’ils ont en double ou triple).
Les pièces d’occasion sont presque impossibles à trouver… et quand on en trouve sur eBay, les vendeurs veulent autant que ce qu’on a payé pour la voiture…, les composants internes du moteur sont assez standard GM-Cadillac, mais c’était une machine HP de plus haut niveau que les berlines Cadillac classiques… et même si l’extérieur de la boîte de transmission s’adapte, les éléments internes et électriques sont différents.
J’ai eu beaucoup de chance depuis que j’ai racheté mon ancienne Allanté (sic !)… d’avoir un ami (Karim) capable de l’entretenir (à mes frais) comme une danseuse-maîtresse… et d’avoir pu trouver toutes les pièces dont elle avait besoin pour rouler cool et relax…, j’ai toutefois accepté qu’il achète beaucoup trop de pièces et il n’a plus (selon lui) assez d’espace pour stocker d’autres pièces de rechange en prévision…
Il a remplacé beaucoup d’éléments mécaniques, électriques et électroniques de la voiture : la crémaillère de direction, la pompe d’assistance, la partie supérieure du moteur avec le joint de culasse (qu’il a trouvé en vente, neuf, au Canada), il a reconstruit le système audio, la transmission, le système de fixation de la capote et du hard-top ainsi que le cache-bac de capote… et le plus compliqué (selon lui) fut de remettre en fonction les commandes de vitres électriques… et il espère qu’il n’aura pas à reconstruire le bas-moteur avant longtemps.
Il manquait aussi plusieurs petits connecteurs et divers modules électroniques, l’un en charge du chauffage et de l’air-conditionné, un autre commandant le display du tableau de bord, un troisième servant de régulateur au ventilateur du radiateur de refroidissement…
J’ai du faire remorquer l’Allanté à trois reprises en quelques mois, la première en cause de la pompe de direction assistée, la deuxième à cause de l’alternateur mort sur un tronçon abandonné d’autoroute (et pas de couverture GSM)…, la troisième pour une alarme électrique générale !
mon ami karim n’est pas vraiment déprimé en cause de l’Allanté, mais depuis quelques temps il se laisse aller à divers commentaires à portée philosophique, du genre (je retranscris de mémoire) : “Les suspensions sont électroniques, sensibles à la vitesse, au roulis, au freinage, à la pluie…, c’est confortable, mais ce sera très coûteux à changer ou réparer au cas ou ça casse…, ce ne sont pas des éléments qui peuvent être reconstruits… et leur achat en occasion ne sera pas une garantie que cela fonctionnera, on peut toutefois toujours modifier l’Allanté comme un Hot-Rod en changeant tout, ce serait plus simple, quoique tu peux toujours prendre toutes les priorités de droite en l’espoir qu’un semi-remorque mette l’Allanté en perte totale…, merde, j’en ai marre de passer mon temps à la réparer. Ou alors, ne roule plus, fais des économies, c’est la crise, tu dois simplement l’exposer et l’admirer en statique”…
J’angoisse, ma Cadillac Allante me rend masochiste et mon ami mécanicien devient sadique…, c’est grâve docteur ?
J’ai conduit ces derniers mois mon Allante sur environ 5.000 km et je dois dire que j’ai apprécié chaque kilomètre parcouru.., y compris plusieurs fois le temps passé sur le côté de la route, le capot ouvert, dans l’attente d’Europ-Assistance…, j’avoue que j’ai parfois trouvé cela ennuyeux, mais je me disais : Waouwww, quel bol j’ai, je suis béni des dieux, je conduis une Allante !
C’est franchement grâve, non, docteur ?
Quand j’ai été bloqué toute la nuit sur une autoroute, pendant que j’attendais la dépanneuse, j’ai toutefois ralé intérieurement…, jusqu’au moment ou dans le matin brumeux… j’ai vu mon Allante sur le plateau de la dépanneuse… et que je me suis dit : Waouwww, elle a quand même fière allure là…, comment me résigner à remplacer une telle voiture classique et historiquement importante ?
C’est grâve, je commence à m’en rendre compte…
J’ai presque acheté une Cadillac XLR en échange partiel avec mon Allanté…, une folie redemptrice larvée…, mais je me suis dit que même en revendant la XLR, je n’aurais pas l’argent en retour pour récupérer la fortune que j’ai dépensé pour l’Allanté…, j’ai alors décidé de la conserver…, puisqu’elle est maintenant comme neuve… et qu’elle a quelque chose de plus que les autres, avec beaucoup de caractère…
Elle était proposée 15.000 euros en Hollande, après six mois de papotages, elle m’a eue (si, si !) pour 5.000 euros en déduction des 30.000 de ma Mustang ’67…, mais mon carnet de note indique qu’elle m’a coûté un pont d’or, soit plus de 25.000 euros…, dois-je la liquider à moins de 20.000 pour thésauriser alors que maintenant elle est au top du top ?
Mon docteur (c’est grâve)…, m’a ordonné que je dise 20 fois en répétition, à voix haute, plusieurs fois par jour, surtout avant de m’endormir : Cette voiture n’est pas mon indépendance, cette voiture n’est pas mon personnage…, cette voiture est mon fardeau financier ! Waouwwwwwwww, je jouis !
Avec philosophie, je reconnais et revendique ce nouveau coté masochiste dans le fait de posséder une Allanté…, j’ai crainte toutefois que cela ne modifie ma sexualité…, je commence à rêver de cuir, de masques à gaz, de cuissardes… et me surprend à faire des noeuds avec des boûts de ficelles…, j’ai même pensé me masturber au volant de mon Allanté, assis, le cul nu sur le cuir bordeaux !
Dès lors, comment faisaient les constructeurs pour avoir des problèmes à une époque où les marchés se portaient bien ?
Ils se tiraient une balle dans le pied.
Avouez qu’il était trop simple de ne prendre que des décisions sensées…
De nos jours, les groupes automobiles rivalisent d’ingéniosité afin d’améliorer leur compétitivité en dépit de la morosité de certaines plaques géographiques (lisez Europe) ou au ralentissement de certaines zones de croissance…, avec plus ou moins de succès, certes, mais force est de constater que les efforts sont là.
Les constructeurs américains étaient plus que tentés de redevenir maîtres dans le haut de gamme sur leur propre marché…, à cette époque, si une grande partie de la clientèle restait acquise aux Big Threes, force est de constater que les géants américains perdaient progressivement du terrain quant au contenu technologique de leur voiture : des liaisons au sol souvent laxistes accompagnées de moteurs énergivores ternissaient le bilan dynamique, tandis que la notion de qualité et de fiabilité se voyait n’être l’apanage que des japonaises…, enfin (et surtout), l’esthétique des produits domestiques n’avait plus rien de flamboyant…, l’heure était venue pour Cadillac de se secouer le rectum.
La Cadillac Allanté, fut le premier produit de la marque de luxe américaine sur le segment des cabriolets deux places…, ses cibles en 1987 : la Mercedes SL, symbole de réussite incontesté en ces années Miterrand-Reagan… et la Jaguar XJS.
Vous êtes un constructeur allemand en mal de nouveau best-seller ?
Vous êtes un italien désireux de faire la voiture populaire de référence ?
Giugiaro vous pondra une Golf et une Panda et vous pourrez lui dire merci pour les quelques millions d’exemplaires vendus.
Vous vous appelez Ferrari et avez besoin d’une attrayante carrosserie pour habiller vos sportives de référence ?
Vous vous nommez Peugeot et avez besoin d’un coup de main pour transformer votre berline de bourgeois de province en un désirable coupé ?
Pininfarina répondra présent, les clients aussi…
Alors, lorsque Cadillac va frapper à la porte de ce dernier, il pouvait s’attendre à un résultat à la hauteur de la réputation du carrossier italien…
C’est donc du coté de l’Italie que la marque américaine va chercher un remède pour développer son nouveau cabriolet de luxe…, en général, lorsqu’un constructeur cherche le Messie au sein de l’ancien centre du monde, il fait appel à un talentueux bureau de style qui dessine le futur produit prodige, voire l’assemble selon le cas…, remplacez le terme messianique par Pininfarina, Giugiaro, Bertone ou consorts et vous avez généralement droit à une réussite esthétique et/ou industrielle.
Avant l’Allante, la règle était celle-ci : de deux choses l’une : soit vous produisez votre voiture une fois que votre partenaire italien a fini son dessin, soit vous lui confiez sa production, les carrosseries indépendantes étant alors aptes à répondre favorablement à de petites cadences.
L’Allanté fut commercialisée en 1987, c’était alors bien loin des maladroites Cadillac Séville ou des rétrogrades Brougham de l’époque…, avec son allure moderne et séduisante, c’était un bon début.. et bien la moindre des choses pour drainer une clientèle attirée par l’exotisme de Mercedes et Jaguar…, la suite fut assez… euhhhh…, accrochez-vous, ça respire l’irrationalité.
Ainsi la caisse, dessinée et conçue par Pininfarina était produite en Italie…, soit…, mais le point de départ de la production avait lieu à Détroit, dans l’usine Hamtramck qui produisait et expédiait des pièces du soubassement ainsi que la partie majeure de l’électronique (faisceaux) vers l’Italie.
Le pays de Michel Ange et de la Cicciolina se chargeait ensuite de produire la caisse assemblée peinte…, celle-ci était habillée de l’ensemble des garnissages intérieurs et autres équipements avant de reprendre l’avion (des 747 Cargo aménagés) en direction de la patrie du fish boil…, la partie finale du montage y étant réalisée avec le coiffage de la caisse sur les trains roulants et la mécanique.
Avec deux traversées de l’Atlantique, on peut ainsi estimer que 13.800 kilomètres séparaient les premières opérations de l’assemblage final…, tout ceci valut au process le surnom de “plus longue chaîne automobile du monde”.
Avouez que c’était mérité…, je n’ose pas évoquer le cas des rares exemplaires vendus en Europe (dont la mienne) : les voitures franchissaient une nouvelle fois l’Atlantique…, à force, elles devaient connaître le chemin…, pour couronner le tout, la mécanique manquait de vigueur face à la Mercedes SL qui augmenta la puissance de son V8 au même moment…
Enfin, dans la tradition américaine entamée depuis l’avènement de l’Oldsmobile Toronado, l’Allanté, bâtie sur un ensemble d’Eldorado, était une traction avant…, alors qu’à ce niveau de puissance, la clientèle recherchait plus naturellement une propulsion…, on peut difficilement avoir raison contre le marché… et à plus forte raison lorsque l’on a tort.
Bien entendu, le tableau n’était pas si sombre et l’Allanté pouvait se targuer, outre sa ligne moderne et réussie (si, si !) de disposer (de série) de suspensions indépendantes assorties d’un freinage ABS (de série)…, l’électronique n’était pas en reste avec une architecture partiellement multiplexée, première chez GM et parmi les pionnières, cette technologie n’étant apparue en série qu’en 1986 sur les calculateurs moteurs de la BMW 850.
Cadillac offrait par ailleurs une garantie 7 ans, évitant ainsi au client de devoir attendre 20 ans pour s’acheter une Kia (je n’ai pas succombé, par contre j’ai aussi une Smart, c’est grâve, docteur ?)…, visionnaire, l’habitacle regorgeait d’équipements électrifiés tandis que, paradoxalement, la capote en toile était manuelle (la frontière entre snobisme et indigence est parfois ténue)… et l’élégant hardtop ne suffisait pas à compenser cette faute de goût à un niveau de prix où Cadillac se devait de faire de la conquête.
A plus de 54.000 $, soit l’équivalent de plus de 100.000 euros actuels (!), l’Allanté était presque deux fois plus chère que le prix moyen du reste de la gamme Cadillac…, le manque de sportivité fut également fustigé par la presse et les ambitieux objectifs de 6.000 exemplaires annuels ne furent jamais tenus, le record étant étonnamment sa dernière (et incomplète) année de production avec 4.670 exemplaires en 1993.
Au total, ce sont 21.430 Allanté qui furent produites à partir de 1987, les voitures évoluant régulièrement techniquement (et mécaniquement) ; GM n’ayant jamais vraiment renoncé à ce produit…, une capote électrique avait même été développée tardivement mais non commercialisée du fait de la décision d’arrêter la production avant l’année modèle 1994.
Ce manque de réussite commerciale fit que Cadillac ne remplaça l’Allanté qu’en 2003 par un coupé-cabriolet élu voiture américaine de l’année 2004 : la XLR (design et de fabrication 100% made in USA)…, quitte à avoir des volumes réduits, autant éviter de plomber sa marge avec un process de production délirant.
Avec la Cadillac Allanté, l’industrie automobile américaine a su se montrer d’une rare créativité tout en faisant un pied de nez au bon sens : produire une voiture de luxe en 3 étapes distantes de 6.800 km chacune !
Cela semble actuellement avoir été suffisamment irrationnel pour être un cas isolé ?
Détrompez-vous, les voisins de Detroit avaient encore de la réserve : la Chrysler TC by Maserati…, dont j’ai également possédé un exemplaire.
Voilà, j’avais écrit en début de cette chronique que j’allais aussi vous causer de cette rareté, on y est… et à lui seul, le nom est en droit de vous faire craindre le pire, dont acte.
Après un gros passage à vide dans la seconde moitié des années ’70, au point de céder ses activités européennes (et iraniennes…) à PSA (en déconfiture parce que notre France avait accepté le chantage de General Motors, actionnaire passager de PSA, de stopper la production et la vente d’un tiers de ses constructions mondiales en Iran)…, Chrysler (maintenant propriété de Fiat), avait retrouvé quelques couleurs à l’aube des années ’80 par la politique de rationalisation industrielle insufflée par Lee Iacocca, nouveau dirigeant du groupe.
Par ailleurs, le succès des véhicules de la plateforme K permettait de mieux asseoir le groupe au Pentastar dans les segments de marchés populaires tandis que les van’s Voyager et Caravan, outre leur réussite commerciale, allaient s’imposer peu à peut comme le “benchmark” de leur segment en devenir aux USA. Ceci étant…, au pays de la grande voiture, Chrysler souffrait alors d’une offre toujours perçue comme ringarde et dépassée dans le haut de gamme.
Bien que placée sur un segment de marché différent, l’idée de la Cadillac Allanté avait d’ailleurs germé au même moment…, pour Chrysler, Maserati devait apporter un souffle nouveau à la gamme et une autre vision du luxe alors incarné par les Chrysler “Le Baron” affublées de woodies ou de toits en vinyle : aussi cool que de s’afficher avec un t-shirt à l’effigie de Richard Nixon en 1974 !
Au milieu des années ’80, Lee Iacocca va reprendre contact avec son vieil ami Alejandro De Tomaso à la tête de l’entreprise artisanale éponyme (alors propriétaire de Maserati) et signer un accord en vue de la production d’un cabriolet 2 places à vocation luxueuse (Maserati en profitera au passage pour se recapitaliser à travers la participation de Chrysler à hauteur de 3,5% de son capital).
Dès lors, on imaginait sans peine qu’un produit américano-italien puisse allier une certaine idée de la rigueur industrielle (ne vous emballez pas, ça reste l’industrie auto US des années ’80…), avec un sens inégalé du design automobile.
Chrysler avait désespérément besoin de dépoussiérer son offre en haut de gamme, à l’époque et, à de notables exceptions, le design américain passait d’une sombre décadence à une triste banalité… et au même moment en Italie, le mot qualité faisait rarement partie du vocable automobile…, ceci était particulièrement vrai pour Maserati dont les luxueux produits faisaient pâle figure face à l’implacable finition des rivales allemandes.
Chrysler s’est pourtant fendu d’un tel découpage des tâches (il est vrai pour donner de l’activité à Maserati), bien que la voiture était exclusivement commercialisée en zone NAFTA i.e. loin de l’Italie…, l’Amérique était alors ainsi faite (actuellement rien n’a changé), cette nation étant paradoxalement capable de snober le système métrique tout en prétendant avoir marché sur la Lune (ce qui, s’étant passé à l’époque des infâmes Corvette C3, tend à démontrer aux esprits ouverts et sincères, qu’avec une telle si mauvaise technologie, c’est la preuve manifeste qu’il était alors impossible que les américains aillent sautiller sur la lune)…, on pouvait donc s’attendre au meilleur comme au pire.
Hélas… et vous l’aurez compris : la voiture ne va pas s’appeller Chrysler TC by Maserati en vain…, avec une production italienne et un coup de crayon issu de l’équipe américaine à qui l’on devait notamment la Chrysler Le Baron, l’histoire semblait mal partie pour la TC…, c’était aussi cohérent que de prendre des cours de cuisine aux Pays-Bas tout en triant ses déchets en France à la même époque : cela revenait à n’être qu’une regrettable inversion de compétences.
Pour ne rien arranger, la nouvelle Le Baron, lancée en 1988, s’inspirait largement de la TC, mais apparût avant… à force de voir cette dernière accumuler les ajournements…, dans l’esprit du public, la TC n’était alors au mieux qu’une sorte de Le Baron en lingerie…, dans bien des cas, le commun des mortels ne faisait pas la différence entre les deux voitures : Tough times ahead…, commercialisée à 33.000 $, la Chrysler TC by Maserati (ça sonnerait presque comme Toyota iQ by Aston Martin), valait près du double de la Le Baron dont la ressemblance stylistique était doublée de similitudes mécaniques : la nature s’acharnait…
En premier lieu, le projet souffrait de nombreux retards liés à un cahier des charges un peu flexible ainsi qu’à la nécessité de mettre le partenaire italien au diapason des exigences de Chrysler…, au final, près de 3 ans vont s’écouler entre la présentation du concept (très proche du modèle définitif) et la commercialisation…, celle-ci, initialement prévue pour le millésime ’87 n’aura lieu qu’en 1989…, délai largement suffisant pour banaliser le design et émousser l’intérêt du public (sauf moi qui a été possédé par une)…
Exotique, peut-être mais pas forcément… le “weapon of choice” d’une clientèle attachée aux grosses cylindrées plutôt qu’aux 4 cylindres suralimentés…, qu’à cela ne tienne, un V6 Mitsubishi de 141 chevaux (BVA4) viendra se substituer au moteur de base dès l’année 1990…, un style américain, des mécaniques pas franchement italiennes, un développement calamiteux…, bof…, oui…, j’ai moi-même été roulé, je me suis abusé tout en étant abusé…, mais elle était belle…, cette pute !
En effet, sous le capot officiait l’anémique et poussif 4 cylindres 2.2 Chrysler qui équipait entre autres les voitures de la plateforme K… et les versions américaines de nos Talbot Horizon (développées avant la cession de Chrysler Europe à PSA)…, ce bloc povait toutefois être turbocompressé à 160 chevaux (accolé à une BVA-3), et disponible dans une version mieux revue et corrigée par Maserati (et Cosworth) développant 200 chevaux en boite manuelle 5 vitesses.
Les beaufs ne prennent pas que des décisions sagaces…, la TC en est une, dont la principale vertu est d’être depuis tombée dans l’oubli…, le passage à la postérité se mérite…, le véhicule était doté d’une capote en toile manuelle et d’un hardtop de série (même concept que la Cadillac Allanté…)…, un détail passablement kitch vint par ailleurs garnir le toit rigide amovible, si tant est que l’on ait une appellation française pour parler d’opera windows : des vitres d’opéra circulaires signaient le dit hardtop d’un trait aussi délicieusement américain que de la moutarde French’s sur un hotdog (un plagiat de la Thunderbird ’55).
Entre temps, Maserati profitait de l’argent frais de Chrysler désormais propriétaire de 15% de l’italien… et comme si cela ne suffisait pas, l’américain se porta acquéreur de Lamborghini dont l’entreprise ne savait que faire (j’en ai causé ici : https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=1342&cat=auto )…
Restaient les malheureux retards, ainsi que la technique pas très savoureuse, le prix et surtout le style trop proche de la plébéienne Le Baron : la clientèle peinait à situer la TC qui ne se vendra qu’à 7.300 exemplaires pendant ses 3 ans de fabrication…, depuis, Maserati est tombé dans le giron de Fiat à travers Ferrari et a retrouvé un second souffle…, quant à Chrysler…, le groupe a également été racheté par Fiat… et produit des Maserati aux USA chez Chrysler…, la roue tourne…, mais cette fois, le site de production est au plus près de la clientèle visée…
A bord, un cuir luxueux (réellement luxueux, j’avais succombé en grande partie pour cela)…, recouvrait la sellerie et l’équipement était complet, comprenant l’ABS, un système audio 10 HP, des sièges électriques ou encore un parapluie…, seule option au catalogue, le lecteur CD…, le logo de la voiture quant à lui symbolisait parfaitement le partenariat : un trident Maserati inscrit dans le Pentastar de Chrysler.
Voilou, cette chronique masochiste pompée plus ou moins largement sur d’autres pompages pompés ci et là, se termine dans la joie…, tant pis si cette Maserati n’était pas vraiment italienne, à cette époque les clients s’arrêtaient rarement à ce genre de détails : les Opel polonaises, VW espagnoles, Peugeot slovaques et autres Renault slovènes en savent quelque chose.
Autant le dire tout de suite, ces deux automobiles sont véritablement du pain béni pour les collectionneurs pervertis, elles n’apportent que des maux de tête et un état de stress en cause des multiples absurdités techniques, d’effets ratés, de maladresses…, oh la belle complexité électronique bricolée…, oh un truc oublié, vous l’aurez compris, avec elles vous aurez votre ration de stress concoctée par des ingénieurs psychopathes !
Mention particulière pour les photos de la Chrysler Maserati en épave dans une casse-automobile…, mais surtout pour les photos d’une Allanté brûlée par son propriétaire, excédé et ruiné… qui a ainsi pèté ce qui lui restait de plombs… et s’est fait ensuite enchaîner sauvagement par les gardiens de la morale, parce que les soirs de pleine lune il hurlait qu’il voulait peindre cette carcasse cramée avec son sang pour parachever cette oeuvre d’art !
L’Allanté est une automobile splendidement ratée…, écrire qu’elle est inrinsèquement mauvaise frise le pléonasme…, les plus mauvais d’entre-vous oseront sans nul doute cabotiner à qui fera le meilleur “mouahahaha” sardonique aussi charismatiques qu’un ficus…, car la Cadillac Allanté est un concentré de bonheur masochiste qui a été ici transcendé dans une gerbe de flammes et d’étincelles…, l’humanité est sauvée…, si c’était la mienne d’humanité…, je pourrais quitter ce cauchemar et partir à fond la caisse vers de nouvelles aventures…, quoique là encore, j’aurais sûrement droit à une autre incohérence pour la route…
Merde alors, toi aussi t’en as une ?
Piting…, brise les codes du système tout en le réinventant de manière à le faire sombrer dans les abîmes…, oui, il faut oser le dire et l’écrire : la Cadillac Allanté est une misère esthétique qui hypnotise plus sûrement que n’importe quel feu d’artifice visuel…, en la voyant un vide intersidéral se plante devant les yeux… et pourtant on ne décroche pas, on plonge dans une béatitude heureuse en se remémorant ces lointaines batailles de l’enfance gagnées au péril de sa vie sur le terrain vague local, armé d’une vieille mitraillette en bois de chêne véritable…, c’est une non-automobile à ne conduire que sous stupéfiants, c’est alors le nirvana…