1934 Packard Twelve Sport Coupe by LeBaron
La crise de 1929 est née d’un excès d’endettement du secteur privé et d’une gigantesque bulle spéculative. Elle a été l’une des plus violentes qu’ait connues l’économie mondiale. Ses conséquences sociales et politiques ont été considérables dont un ralentissement économique profond au cours des années 1930 connu sous le nom de “Grande Dépression”. Cette crise, partie des États-Unis, mais aux répercussions planétaires, a favorisé l’émergence du nazisme (arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933) et constitue l’une des causes de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).
La spéculation est une opération financière ou commerciale dont le but est de profiter des fluctuations et des anomalies du marché, pour réaliser des bénéfices. Tout investisseur espère réaliser des profits. Mais le spéculateur pense les réaliser très vite et dans des proportions importantes. Il prend de gros risques pour cela et ses pertes sont souvent plus fortes encore que ses gains, en cas de retournement. L’euphorie des années 1920 (les Années folles) a provoqué une hausse du prix des actions en bourse. Or l’évolution à la hausse des titres boursiers attire des spéculateurs qui espèrent des gains faciles.
Ce sont des sociétés financières ou de simples citoyens qui se sont endettés pour investir en bourse. Si j’emprunte 6 dollars à la banque pour acheter une action à 6 dollars, que son cours boursier augmente et que je peux la revendre 17 dollars, la vente m’a fait gagner 17 – 6 = 11 dollars. Avec ces 11 dollars, je peux rembourser mon prêt à la banque. Mon gain est donc de 11 – 6 = 5 dollars. Si beaucoup d’acteurs se mettent à spéculer, et donc à acheter des titres financiers, les prix de ces derniers vont augmenter, ce qui va attirer encore plus d’investisseurs…
Un cercle vicieux qui gonfle les prix au-dessus de leur valeur, comme une bulle de chewing-gum. C’est ce qu’on appelle une bulle spéculative. Les cours de la Bourse de New-York sont ainsi multipliés par 3 entre 1920 et début 1929, ce qui correspond à une hausse annuelle d’environ 12 % en moyenne. Mais la hausse des cours n’est jamais éternelle ! Quand quelques spéculateurs commencent à vendre leurs titres boursiers, par peur que la bulle n’éclate, les prix des actifs financiers vont alors en sens inverse. Chacun tente alors de revendre ses actions le plus vite possible pour perdre le moins d’argent possible !
Cela entraîne un krach boursier. C’est ce qui s’est produit en octobre 1929, et plus particulièrement le jeudi 24 octobre, surnommé “le jeudi noir”. Le krach boursier touche, tout d’abord, le monde de la finance. Les spéculateurs sont ruinés par la chute des cours et se retrouvent incapables de rembourser aux banques l’argent qu’ils avaient emprunté pour spéculer. Si j’emprunte 6 dollars à la banque pour acheter la même action que précédemment mais que cette fois-ci, son cours baisse et que je la vends 4 dollars, je perds de l’argent.
Avec mes 4 dollars en poche, je n’ai donc pas suffisamment d’argent pour rembourser le prêt que m’avait accordé la banque. Toutes les banques sont poussées vers la faillite, ce qui les empêche de financer les entreprises et ruine les épargnants. La crise financière se propage donc à l’économie réelle et une crise économique se déclenche, d’autant plus violente que la bulle spéculative a été massive. Les ménages consomment moins, puisque leurs revenus et leur richesse ont diminué. Cela réduit les débouchés des entreprises et nombre d’entre elles licencient et font faillite.
Le chômage de masse apparaît alors : en 1933, au plus fort de la crise économique, un Américain sur quatre n’a pas de travail et donc peu ou pas de revenu du tout. Les grandes migrations aux États-Unis comme conséquences de la Au cours des années 1930, les assurances chômage n’étaient pas aussi développées qu’à l’heure actuelle. Si une personne perdait son emploi, elle se retrouvait la plupart du temps sans revenu. Cette situation a provoqué de larges mouvements de population aux Etats-Unis : de nombreux Américains se sont lancés sur les routes afin de trouver un emploi et de quoi se nourrir.
Cette situation est évoquée dans le célèbre roman de John Steinbeck, Les raisins de la colère publié en 1939 : “Les émigrants déferlaient sur les grand-routes et la faim était dans leurs yeux et la détresse était dans leurs yeux. Ils n’avaient pas d’arguments à faire valoir, pas de méthode ; ils n’avaient pour eux que leur nombre et leurs besoins. Quand il y avait de l’ouvrage pour un, ils se présentaient à dix – dix hommes se battaient à coups de salaires réduits. Si ce gars-là travaille pour trente cents, moi je marche à vingt-cinq. Il accepte vingt-cinq ? Je le fais pour vingt.
Attendez… C’est que j’ai faim, moi. Je travaille pour quinze cents. Je travaille pour la nourriture. Prenez moi, je travaillerai pour un morceau de viande. Bonne affaire. Les salaires baissaient et les cours se maintenaient. Les grands propriétaires se frottaient les mains et envoyaient de nouveaux paquets de prospectus pour faire venir encore plus de monde. Les salaires baissaient sans faire tomber les prix. D’ici peu, nous serons revenus au temps des serfs”. John Steinbeck, Les Raisins de la colère, 1939, chap. XXI. La crise de 1929 débute donc aux États-Unis. A partir de 1930, elle se propage à d’autres pays et notamment en Europe.
Malgré une décennie de prospérité économique, les économies européennes souffrent de nombreux déséquilibres financiers et monétaires, hérités de la Première Guerre mondiale. Plusieurs pays connaissent alors des crises bancaires marquées par la faillite d’établissements majeurs. Ces faillites contribuent à installer la dépression en Europe. La crise économique est, partout dans le monde, amplifiée par la montée du protectionnisme et le recul des échanges internationaux : chaque pays est soucieux de protéger son économie et/ou d’agir en représailles aux politiques commerciales des autres nations.
Cela augmente les droits de douane donc les pays se ferment progressivement aux autres. Face à la crise, le président américain Hoover conduit alors une politique économique libérale qui consiste à laisser les entreprises faire faillite sans intervention de l’Etat. La conséquence sera une aggravation de la crise. A la suite de l’élection du président Roosevelt (1932), les États-Unis vont mener une politique de relance économique (The New Deal) l’État finançant divers programmes d’aides sociales et de constructions (routes, barrages…) ce qui va augmenter le pouvoir d’achat des particuliers et relancer la consommation.
Cette politique s’inspire des théories de John M. Keynes qui ont profondément marqué la science économique. La guerre éclate en 1939 en Europe et fin 1941 c’est au tour des USA qui viennent d’être bombardés par les Japonais à Pearl Harbor… Cette seconde guerre mondiale n’est pas même terminée (1945) que l’étalon or est inventé aux USA, un système où la monnaie d’un pays est liée à l’or et qui peut se matérialiser soit en définissant une certaine quantité de métal en échange du dollar américain, soit indirectement à travers des monnaies ayant une parité fixe contre le billet vert.
Dès 1944, à Bretton Woods est décidé unilatéralement que seules les banques centrales ont le droit de convertir leur or au cours inamovible de 35 $ l’once et la détention par les privés américains de ce métal précieux est interdite par le Président Roosevelt. Pour mémoire, ce n’est qu’en 1974 sous Gerald Ford que les privés américains purent acquérir légalement de l’or, et ce fut Nixon qui supprima en août 1971 la convertibilité automatique du dollar en or, décision qualifiée à l’époque de “suspension temporaire”. Cette date historique fondamentale sonna la fin définitive de l’étalon or, et l’ouverture d’une autre ère !
En effet, la dette US va dès lors s’alourdir en moyenne de 8% l’an, de 1.600 milliards de dollars en 1971 à environ 31.000 milliards aujourd’hui. Le P.I.B. des USA va évidemment lui aussi progresser substantiellement, de 1.100 à 25.000 milliards, affichant toutefois une progression (5.8%) moindre que la dette. L’activité économique – quelque soit le pays en question – est toujours dépendante de la capacité des acteurs (entreprises et ménages) à contracter de la dette. Un exemple élémentaire et contemporain se trouve être le taux des obligations d’Etat américaines à 30 ans qui a bondi en moins de 2 ans de 2.7 à 7%.
Dans le même temps les ventes immobilières sombrent aux USA de près de 40%… Sans accès au crédit, et en présence d’un coût de financement nettement plus onéreux, une proportion non négligeable de consommateurs est ainsi exclue de la vie économique. Les fanatiques de l’étalon or (ou d’un certain retour de l’or dans la définition de la monnaie) avancent alors des arguments selon lesquels celui-ci limiterait les endettements tout en autorisant une certaine flexibilité, car des ajustements à la hausse ou à la baisse de la quantité d’or soutenant une monnaie donnée doit être décidée selon la conjoncture.
Si ce n’est qu’un tel type d’étalon flexible ne diffère en rien du système actuel de taux de changes flottants et induit déséquilibres, spéculations, crises et réajustements financiers… Autant de soubresauts qui au final s’avèrent encore pire que le système né en 1971 qui montre ses limites, pour des raisons arithmétiques élémentaires qui indiquent que la création de dettes va de pair et même dépasse la création de monnaie. Des instituts ont calculé qu’un dollar américain de dette supplémentaire produit à peine 0.3 point de PIB supplémentaire.
Nos économies ont – c’est un fait – de plus en plus de mal à générer du PIB sans de la dette, phénomène largement aggravé par la charge de cette même dette qui s’alourdit toujours et par l’augmentation de la surface des endettements et par les taux d’intérêt en hausse. Au niveau global, c’est environ 11% du PIB mondial qui est ainsi rogné par les seuls intérêts de la dette, et ce annuellement et avec un taux moyen calculé de 3%, autrement dit bien plus en réalité avec les taux d’intérêt actuels qui sont proches du double ! L’Histoire démontre que tous les systèmes d’étalon sont voués à l’échec.
Le plus flagrant étant celui de la Grande Dépression qui a été indiscutablement aggravée et rallongée par l’étalon or qui prévalait à l’époque au sein des nations occidentales industrialisées. Cette corrélation à l’or a agit en effet comme un carcan contraignant les autorités monétaires à conserver des taux d’intérêt élevés censés maintenir le cours de convertibilité de l’or par rapport au dollar, alors que le contexte de crise exigeait une réduction immédiate des taux pour relancer l’activité. Selon cette logique imposée par l’étalon-or, la Réserve Fédérale de 2007 aurait été contrainte de monter ses taux d’intérêt !
En fait elle les a réduits agressivement comme elle l’avait fait aux lendemains de la crise des subprimes ! Est-il nécessaire de faire des simulations sur les conséquences dévastatrices pour l’économie américaine et mondiale d’une telle remontée des taux en pleine implosion du marché immobilier ou à l’orée de la faillite de Lehman Brothers ? La crise européenne des années 2010 constitue par ailleurs un cas d’école attestant sans équivoque qu’un bloc régional exacerbe ses vulnérabilités dès lors qu’il renonce à exercer un quelconque contrôle sur sa propre devise.
Les 17 membres de l’Union Européenne n’ont certes pas lié leurs monnaies respectives à l’or, mais elles l’ont indexé à l’euro qui avait alors agit, de facto, comme un étalon. Ayant bien fonctionné pendant 10 années ponctuées de croissance correcte et d’accidents financiers mineurs, l’étalon-euro a dévoilé ses faiblesses structurelles à la faveur des déboires budgétaires grecs, de l’implosion des bulles spéculatives irlandaise et espagnole, et d’une politique économique déficiente. Impossible pour les nations fragilisées de mener une politique dite expansionniste afin de relancer leur économie !
C’était soit en dévaluant leur monnaie (qui était donc fixée à l’euro), soit en réduisant leur taux d’intérêt (qui échappait totalement à leur contrôle car du seul ressort de la Banque centrale européenne). Il était évident qu’un seul et même étalon (par définition totalement inflexible) qui rassemblait des pays – comme la Grèce et l’Allemagne – aux cycles et aux caractéristiques économiques tellement différents – voire antinomiques – était condamné soit à péricliter, soit à étouffer un bloc au bénéfice d’un autre. Bref, les systèmes faisant appel à un étalon ne sont pas viables.
Loin d’être parfait, probablement à bout de souffle, nous devrions donc repenser notre système, mais nous sommes à l’aune d’un retour à la barbarie généralisée, de guerres multiples, atomiques et planétaires, ainsi que d’un changement climatique et de l’inversion de la rotation du noyau terrestre… Alors dans ce colossal bordel, que vient faire ici cette Packard Coupé 1934 ? Elle était la déclaration de conception ultime de l’âge d’or de la marque, et aucune ne parlait plus fort que les rares variations conçues par le comte Alexis de Sakhnoffsky et construites par LeBaron.
Ces voitures présentaient les dernières nouveautés en matière d’aérodynamisme, notamment des ailes pontons sensuellement arrondies, des marchepieds incurvés presque mélangés dans la carrosserie et des queues effilées. À une époque où de nombreux modèles adoptaient progressivement un style épuré sur une période de plusieurs années de crises, les LeBaron Packard ont sauté de front et avec les deux pieds, avec à peine un bord droit à trouver. Direct vers la catastrophe et la fin de l’Âge d’or “à la Gatsby” qui dans le roman décrit le début de la fin…
Deux de ces styles symbolisant les années Gatsby, le Speedster-Runabout et le Coupé-Sport, ont été construits sur un châssis raccourci à 136 pouces, motorisé d’un douze cylindres unique. Le Coupé-Sport qui illustre cet article dont le style était vraiment révolutionnaire, avait une ligne de toit Fastback spectaculaire inspiré du show-car Coupé Aérodynamique Cadillac 1933 qui est entré sur le marché pratiquement en même temps que la Mercedes-Benz 500 K Autobahnkurier de ligne remarquablement similaire. Les deux représentaient le summum absolu de la rationalisation !
Et ils étaient aussi remarquables à voir à l’époque que les Supercars les plus avancées le sont aujourd’hui. Le Coupé illustrant cet article était le premier des Coupés-Sport de LeBaron à être construit pour 1934. Selon les recherches du célèbre historien Packard Edward J. Blend, cette voiture a été construite en 1933 et fut la voiture du Salon de l’auto de New York de 1934. La voiture a été achetée par un industriel magnat de l’acier en Pennsylvanie, demeurant à Pittsburgh, M.Braeburn. La voiture a finalement été acquise au début des années 1980 par Jerry J. Moore de Houston.
Elle a été présentée au fil des ans à de nombreux concours d’élégance. Il a remporté un premier prix national de l’AACA en 1983 et un premier prix national de l’ACCJE. Après la propriété de M.Jerry J. Moore, la Packard a été vendue dans la collection d’Arturo Keller, avec qui elle est restée pendant de nombreuses années. M. Keller a finalement échangé la voiture à David Kane du New Jersey contre une autre Packard dont il était amoureux; il est ensuite passé au célèbre passionné Carmine Zeccardi et enfin à la célèbre collection Andrews au Texas.
Cette Packard est l’une des plus étonnantes de toutes les Packard’s et s’est illustrée au sommet du PebbleBeach 1988.
Considérée dès sa création comme une vision de l’avenir automobile, cette Packard est aujourd’hui proposée dans une estimation de 2.250.000/3.000.000$ par RM-Sotheby’s à leur vente aux enchères d’Amelia Island (Floride) le samedi 4 mars 2023. Je reviendrais après cette vente indiquer le prix obtenu, si la Packard se vend ! Rien n’est jamais certain !
4 commentaires
Mon cher Gatsby,
Le modèle que vous présentez me semble au moins aussi fascinant que la clarté de votre exposé d’économie ! Je vendrais bien un rein pour enchérir…
L’explication se lit en un click sur ce lien… https://www.gatsbyonline.com/ataraxie/patrice-de-bruyne-au-top-de-la-notoriete-editoriale-461507/
Mon cher Gatsby,
Le modèle que vous présentez me semble au moins aussi fascinant que la clarté
Estimée 3 millions de dollars, la clarté risque de devenir nébuleusement financière…
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