Bugatti Type 57SC Atlantic 1938 Recreation Erik Koux / 1.155.000$
Estimée par ceux qui cherchent à la vendre, valoir entre $1.400.000 et $1.800.000, cette copie “reconstitutive” fascinante, presque fascisante, construite “à la main” (qui peut construire avec ses pieds ?) de manière remarquablement complexe (et au delà) afin de singer la Bugatti Atlantic considérée comme le Saint-Graal automobile (elle se duplique pourtant de plus en plus comme les Christ’s en croix dans les églises) et universellement acclamée sans réelles raisons (aussi bien les vraies que les fausses) par des êtres totalement déraisonnables en quête de sur-paraître richissime dans les clubs de Golf huppés, cette copie a été vendue 1.155.000$ le dimanche 24/9/20022… Elle dispose d’un châssis recomposé comportant quelques morceaux de ferraille d’une Type Bugatti 57 berline Gangloff récupérés en 1986 qui sont les seuls éléments authentiques d’époque (sans preuve) qui permettent d’obtenir le passeport d’accession à la richesse : une expertise de complaisance !
Sur cette base de précarité assistée d’un paquet de dollars où d’euros, voire de yens, il faut penser aux cadeaux afin que les experts perdent le sens et l’orientation (car les éléments authentiques ne le sont pas et ne proviennent pas de quelconques véritables Bugatti’s Atlantic d’époque). Erik Koux n’a de plus pas véritablement fabriqué (entre 1986 et 1996) cette évocation d’une Bugatti Atlantic 57SC de 1938 en aluminium. C’est l’oeuvre d’artisans carrossiers suisses. Propulsé par un faux moteur Bugatti huit cylindres en ligne suralimenté de 3,3 litres à DACT fabriqué en Argentine chez un spécialiste des fausses Bugatti, ce “machin” qui rend les gens totalement gaga-crétins, est soutenu par une boîte quatre vitesses de même provenance sud-américaine que le moteur, le tout étant accompagné d’une documentation de construction complète d’Erik Koux soucieux ainsi de ne pas être déclaré faussaire ! Raté !
Mais non, c’est un artiste du faux et de la mise en boite qui était officiellement désireux de donner (pour quelques millions) une vibrante (c’est la seule chose vraie concernant cette voiture) émotion au public ébahi, après l’avoir convaincu que c’était une opportunité incroyable d’acquérir l’un des plus beaux designs automobiles de tous les temps ! Pour parfaire, tout comme pour les faux tableaux, c’est l’expertise et le titre qui font toute la différence… Le miracle des cadeaux a fait que cette Fausse Bugatti Atlantic a été immatriculée comme étant une Bugatti 1936 Atlantic ! C’est du business pur que de proposer de rouler en copie car par comparaison (fallacieuse) aucune loi n’interdit aux femmes en quéquettes de sécurité financière (six !) de ressembler à Margot Robbie, Candice Swanepoel, Thylane Blondeau, Kate Beckinsale, Miranda Kerr, Nancy Jewel McDonie où Vanessa Ponce de Léon, pour attirer les mâles en Rut afin de leur vider les couilles puis 50% de leur patrimoine sous prétexte d’avoir été mises en cloques (c’est de l’Audiard dit par Gabin mis en scène par Gatsby)!
Si en automobile on ne dit rien de crainte d’en dire trop, on dit que lorsqu’un vieux meurt, une bibliothèque brûle. Lorsque c’est un vieux connard, c’est souvent un garage qui flambe… Dans les cendres rien ne transparait des magouilles, les têtes pleines s’éteignent d’idées embrouillées. Pour en écrire, les journaleux tapotent sur des bureaux encombrés, à coté d’étagères saturées, ils écrivent sur les rêves, lentement sans trop de précision, ils font attention à l’apparence pour ne pas perdre leur pitance, s’emportent un pneu mais finissent toujours par lever le pied des pédales pour ne pas les perdre. Ils flottent sans toucher terre et le soir ils s’endorment dans un monde et le lendemain se réveillent dans un autre, ayant constaté que le paradis automobile n’existe plus. Tout ce qui leur reste, c’est la capacité de rédiger des ordonnances embrumées, inappropriées, systématiquement refusées par les pharmatomobiles.
Ils vivent ensemble mais dans deux mondes séparés, deux dérives. C’est-à-dire qu’ils se croisent à peine dans un monde de vieilles bagnoles qu’ils hantent plus qu’ils n’habitent, glissant vers une fin inéluctable, sous les yeux impuissants des lecteurs pas mal fébriles eux-aussi, qui ont beaucoup de mal à se remettre sur les rails financiers après un passage en hôpital (le Covid), beaucoup de mal à ne pas plonger dans la merde qui se généralise, beaucoup de mal à admettre qu’ils sont de plus en plus fauchés, beaucoup de mal à gérer leur vie, fatalement en manque de tout donc d’envies. Ça fait beaucoup de beaucoup et pourtant, ça se tient, dans les grandes lignes, voire au-delà. Malgré les derniers avertissements avant le grand tour de manège du sordide, la tête creusée au burin sans franchement vouloir dévier de la voie habituelle. Seuls contre tous. Un coté irréversible… Alors, les gens n’en ont plus rien à foutre d’une Koux !
Au Salon de l’auto de Paris d’octobre 1936, Bugatti présentait les 57 C et 57 S, une nouvelle paire de variantes sportives de leur modèle Type 57 tant vanté (qui avait également lancé une deuxième série améliorée au même salon). Alors que la nouvelle 57 C comportait un compresseur de type Roots (le « C » désignait le compresseur) fixé sur le moteur huit cylindres en ligne à double arbre à cames en tête de 3L3 déjà puissant présenté dans le modèle de base, la 57 S était une voiture de sport qui, malgré sa désignation discrète, variait en fait de manière assez significative des 57 et 57 C. En vérité, la Type 57 S de Bugatti (le « S » indiquait surbaissé, ou abaissé) présentait un châssis entièrement repensé qui était plus court et plus bas que ses deux autres débutantes. L’essieu avant était articulé en deux, et l’essieu arrière passait à travers le châssis plutôt qu’en dessous pour avoir une position globale plus basse.
Il était également équipé d’un moteur spécialement réglé avec un taux de compression plus élevé de 8,5: 1; son carter sec s’adaptait à sa position inférieure dans le châssis, et avec son centre de gravité plus bas, cette configuration était également bénéfique pour la concurrence, tout comme son allumage magnéto-entraîné. La Type 57 S était équipée d’un radiateur surbaissé qui portait une belle calandre en forme de V dans le motif classique de Bugatti pour, comme on peut le supposer, son effet aérodynamique à grande vitesse. De plus, un compresseur Roots pourrait facilement être installé, créant ainsi une unité de 200 chevaux et la désignation de modèle « SC ». Le plus rare des trois styles d’usine disponibles fournis à la Type 57 S de Bugatti entre le début de 1937 et mai 1938 était le célèbre coupé Atlantic. Doté d’une carrosserie exotique et épurée.
Elle empruntait beaucoup aux méthodes de construction d’avions, cette conception était un véritable point culminant de l’ingénierie et de l’esthétique d’avant-guerre. L’Atlantic Coupé est maintenant devenu le modèle le plus vénéré, légendaire et précieux de toutes les Bugatti créé. Avec seulement quatre survivantes, chacune conservée par quatre des plus grands collectionneurs au monde, cette Atlantic Coupe Recreation d’Erik Koux est dérangeante parce qu’elle s’avère aussi proche que possible de la réalité. À partir de 1973, le passionné de Bugatti et ingénieur en mécanique Erik Koux a commencé son objectif ambitieux de produire des fac-similés exigeants des modèles les plus estimés de la marque. Ayant déjà été bien branché sur le circuit européen des collectionneurs, restaurateurs et historiens Bugatti, les relations et l’expérience professionnelle de Koux ont fourni à son projet une perspective unique.
Aujourd’hui, ses créations sont saluées par la communauté Bugatti pour leur attention minutieuse aux détails, et leur qualité de construction et elles se trouvent diverses collections moins puristes, y compris celle de Jay Leno, passionné accompli. Comme indiqué dans une critique des reconstitutions de Koux dans un autre de mes articles incendiaires destructeur de mythes mités : « Ce sont comme des sosies de dictateurs qui craignent d’être molestés ou assassinés : des doublons remanufacturés ! Les moteurs copiés en Argentine des type 57, sont à carter sec, et les pompes à huile doubles alimentent tous sauf deux d’entre eux… Les Atlantic’s originales et les reconstitutions de Koux sont si peu nombreuses et si bien connues qu’on ne peux faire passer une Koux pour une authentique Atlantic, quoique VW-Bugatti a spécialement commandé une Koux pour prétendre à la découverte de la Bugatti Atlantic noire !
Troisième des 15 reconstitutions de la Bugatti Atlantic produites par Erik Koux depuis 1981, cet exemplaire est l’un des cinq qui portent une carrosserie en aluminium rivetée forgée à la main. Comme on navigue dans le “Beau monde chic de divers richissimes” il n’est pas bon pour les affaires de trop en dévoiler en cause des représailles. Remettre en cause les fausses vérités et histoires alternatives patiemment créées comme des escroquerie aux jugements, peut valoir à son auteur un voyage entre Saint-Tropez et la Corse ou il tombera accidentellement en mer à mi-trajet les pieds dans un bloc de béton ! Donc il faut croire que le châssis Type 57 de cette reconstitution (numéro 57654) a été achevé à Molsheim le 12 avril 1938 commandé par un membre de la famille albigeoise Séré de Rivières (un anobli). Ce châssis aurait été affublé d’une carrosserie Gangloff oublié dans un recoin du vide.
En 1986, cet ensemble disparate aurait été acquis par un collectionneur Français de répliques et bitzas dont les voitures Koux. En 1989, ayant découvert qu’en Argentine on refabriquait des Bugatti anciennes plus belles que neuves, un plan de transformation/amélioration de la Koux dans sa forme actuelle a commencé à prendre forme au plus grand intérêt de l’art du consumérisme des faussaires, et Koux a finalement recommencé à retravailler en novembre 1991 à la fabrication e fausses Bugatti en utilisant beaucoup de pièces fabriquées en Argentine. Après avoir jeté la carrosserie Gangloff d’origine qui ne présentait aucun intérêt autre que conserver une preuve de la création d’un faux… Koux a accouplé un châssis Argentin de style Type 57S à une carrosserie “Loisir-imitation”. Un moteur de reproduction « S » Argentin y a ensuite été installé.
Après que ces ensembles neufs ont été associés entre-eux un compresseur de reproduction a été installé, l’ensemble étant confié pour supervision au spécialiste Bugatti Laurent Rondoni de Ventoux Moteurs à Carpentras, en France, pour ainsi obtenir un aval historique de reconstruction complète avec usinage ultérieur selon les spécifications 57SC. Pendant ce temps, Koux a fait appel à un fabricant suisse local de meubles en bois fin pour créer un body buck en utilisant ses dessins techniques détaillés qui auraient été développés à partir de l’étude du coupé 57SC Atlantic survivant (châssis 57591)… Une entreprise spécialisée dans la fabrication de métaux à Lausanne a été chargée de façonner et de riveter ensemble la carrosserie Atlantic Coupé à partir de panneaux d’aluminium. Une fois terminé et retourné à l’atelier de Koux en 1995, il a exécuté lui-même l’intérieur, et l’assemblage final.
Le tri supplémentaire et le réglage mécanique ont été achevés jusqu’au début de 1996 et, à la fin de l’année, la nouvelle ancienne Bugatti 57654 renaissait à nouveau immatriculé en France. Miracle ! Elle a été vendue à Gene Ponder, qui l’a fait repeindre en bleu foncé et a fait regarnir l’intérieur en bleu et crème; les sièges étant en motif crocodile avec des bagages sur mesure commandés au célèbre Taris Charysyn and Co. Les travaux mécaniques de Koux étant imparfaits Gene Ponder a fait démonter et refaire le moteur “à l’Américaine”. Enfin, des jantes de contrefaçon spéciales ont été commandées chez Borrani en Italie, avec de nouveaux disques en aluminium. Après l’achèvement de ce travail, la voiture était toujours aussi fausse qu’avant mais est devenue une pièce maîtresse très admirée de la collection Gene Ponder, qui contient également quantités de reconstitutions Bugatti exécutées par Pur Sang-Argentine.
Pour justifier tant et tant de dépenses qui feraient vivre la population Ukrainienne durant 10 ans, Gene Ponder se justifie en affirmant qu’il ne fait aucun doute que les trois authentiques Bugatti Atlantic survivantes (châssis 57374, 57473 et 57591, la quatrième étant une Koux avec un faux numéro) seraient traitées pour des sommes individuelles supérieures à 40 millions de dollars. Cette Atlantic récréation d’Erik Koux est donc une réelle affaire du style d’un faux Picasso destiné à impressionner divers invité(e)s en tant qu’objet Mainstream…. J’enquête, décrit, explique, je ne juge pas. Pourtant, derrière cette neutralité toute journalistique et scientifique (sic !) se cache la défense d’une nouvelle manière de considérer la Kulture. La Kulture Mainstream automobile est une valeur à défendre. Mais défendre contre qui ? Le choc des cultures ?
Des gens se battent pour la domination économique mondiale, mais aussi pour répandre leur soft power : leurs valeurs et leurs idées. J’analyse donc les acteurs de la Kulture Mainstream et rapporte quantité d’anecdotes et de témoignages. Comme l’information mainstream que je décrit, mélange de show et de journalisme sérieux (c’est de l’infotainment), mes articles se veulent des réflexions théoriques, un pop-web-site de non-fictions narratives, qui raconte des histoire que les internautes peuvent suivre du début à la fin, prenant acte de la révolution Internet. Dans mes histoires il y a un leader, des challengers et des losers. Il y a surtout un loser potentiel : l’Europe qui décline. Parmi les hypothèses d’explication du déclin de l’Europe, la première est qu’elle ne croit pas au Mainstream tel qu’il existe actuellement aux USA ou tel qu’il est en train de se développer dans le reste du monde.
Pourtant, il est clair que l’Europe doit changer de paradigmes pour repenser la culture, non seulement pour conserver et accroître le pouvoir de l’Europe et de la France (perspective machiavélienne), mais pour que la culture qu’elles seraient alors susceptibles de produire puisse continuer de réaliser ses fonctions essentielles dans nos sociétés contemporaines (perspectives normatives, disons platoniciennes). Le changement de paradigme commence par des changements de catégories. Il faut cesser de comprendre le Mainstream, cette « culture qui plaît à tout le monde », à travers les catégories péjoratives « d’industries culturelles » ou de « culture de masse ». Le mainstream est produit et diffusé par « des industries de contenus ou créatives ». Concevoir ainsi la culture, c’est changer de paradigme car cela conduit à rejeter les hiérarchies culturelles entre différentes formes de cultures…
D’un côté la vraie culture, celle qui est créative et sérieuse, en gros l’art et le journalisme d’investigation, d’un autre côté, la culture de masse, celle qui est commerciale (produite d’abord pour être vendue) et vise d’abord au divertissement, à l’entertainment. Cette hiérarchie repose sur des distinctions conceptuelles normatives et non seulement descriptives qui ne visent pas seulement à connaître un objet en le distinguant des autres par des propriétés objectives, mais déterminent ce que doit être la culture par rapport à différentes finalités (édifier, instruire, faire réfléchir, plaire, intégrer socialement, occuper l’esprit…). Ces distinctions sont celles entre l’art ou culture et le divertissement, la création et la production, la contemplation esthétique et la consommation. Elles déterminent une hiérarchie : le bon goût contre la médiocrité, l’élite personnalisée contre les masses anonymes, le High contre le low.
Changer de paradigme ne conduit donc pas seulement à décrire autrement un phénomène, mais à concevoir de nouvelles normes à partir desquelles évaluer la culture humaine. C’est bien sur ce point que mes articles sont comme des enquêtes philosophiques ! Cette recherche d’un nouveau paradigme pour penser la culture trouve sa réponse essentiellement dans le modèle américain. Cette nouvelle critique de la culture ne consiste pas dans une nouvelle théorie esthétique qui chercherait à évaluer le goût, mais dans une promotion du fun et du cool où la distinction entre l’art et le divertissement disparaît. Le critique est un passeur, un médiateur qui définit et oriente les modes (un trendsetter) en se fiant à la notoriété et au buzz, et non un juge des normes du bon goût (un tastemaker). Cela suppose la fin des hiérarchies culturelles entre une haute culture (high) et une culture populaire (low).
Ce nouveau paradigme est un affranchissement de l’influence élitiste et aristocratique dont les fers de lance ont été Arendt et Adorno aux USA. L’ancien paradigme est celui de la « Old left » dont la mission était de séparer le bon grain de l’ivraie (un gatekeeper) et d’empêcher la barbarie consistant à mélanger tous les genres. La « New left » a détruit cette approche pour laisser la place à la nouvelle critique et dont mai 68 et tous les mouvements de la contre-culture ont été les catalyseurs. Le résultat de cette révolution, c’est bien l’éloignement de l’Europe et la valorisation de la culture populaire américaine. L’ennemi de ces nouveaux critiques, c’est l’intellectuel européen élitiste et aristocratique qui prétend éduquer le peuple en lui indiquant ce qu’il doit aimer. Au contraire, le nouveau critique doit se mettre à la place du spectateur ordinaire et lui dire ce qu’il va aimer et pourquoi.
La fonction de ce nouveau paradigme est clairement conçue par de nouveaux critiques profondément démocratique, et conçu comme enfin en accord avec les esprits affranchis. Le but de la critique culturelle n’est pas seulement de dire ce qu’on pense d’une œuvre, mais de donner des infos ludiques pour que chacun puisse juger par lui-même. Parmi les changements sémantiques liés à ce nouveau paradigme mêlant le sérieux au plaisant, on trouve tous ces néologismes composés à partir du mot entertainment : edutainment, infotainment et tant d’autres que je collecte au cours de mes pérégrinations et que vous avez malheureusement oublié de noter… Dans ce nouveau paradigme, le critère quantitatif a remplacé le critère qualitatif, Un chef d’œuvre, dans nos sociétés démocratiques, c’est donc nécessairement un Blockbuster pour un film, un Hit pour un morceau de musique ou un Best-Seller pour la littérature.
D’ailleurs, autre changement lexical révélateur, il ne faut plus parler de film ou littérature, mais parler de movie et de fiction ou non-fiction. Ce qui ne marche pas, c’est ce qui est snob, square, ce qui marche, c’est ce qui est cool, fun, hot. Et à chaque fois, c’est le critère quantitatif qui au fond détermine ce qui est hot, « the next big thing » : « ces nombres sont perçus aux États-Unis comme une sorte de sanction du public qui mêle réussite commerciale et légitimité démocratique. Le marché mainstream, souvent regardé avec suspicion en Europe comme ennemi de la création artistique, a acquis aux Etats-Unis une sorte d’intégrité parce qu’il est considéré comme le résultat des choix réels du public. Dans une époque de valeurs relatives, et alors que tous les jugements critiques sont considérés comme le résultat de préjugés de classes, la popularité par les ventes apparaît comme neutre et fiable ».
Je vous semble critiquer ce culte des nombres, mais c’est seulement pour dénoncer la manipulation des chiffres par l’argent (les Studios, les Majors et les grandes maisons d’éditions paient pour favoriser leurs produits). Le jeu est truqué et donc mensonger. Mais ils ne disent jamais les nombres vrais, ceux obtenus dans une société démocratique idéale où l’argent ne viendrait pas truquer les chiffres, qui peuvent en eux-mêmes être mensongers. Les critères quantitatifs d’appréciation de la culture sont en soi les bons car ils sont démocratiques. Si ce nouveau paradigme est adapté aux yeux de ces critiques aux sociétés démocratiques contemporaines, on peut néanmoins se demander si on ne confond pas ici le fait et le droit : ce n’est parce qu’une culture se répand bien, se vend bien qu’elle remplit correctement ses fonctions culturelles.
Cette culture convient-elle à la démocratie contemporaine parce qu’elle réussit à la niveler par le bas de manière efficace ou lui convient-elle parce qu’elle élève l’esprit du peuple à une plus grande conscience du monde et de soi-même ? Ne confondent-ils pas ce qui se vend parce que cela plaît avec ce qui doit plaire ? Ce nouveau paradigme prétend rendre au peuple le jugement de ce qui lui convient culturellement. Mais donne-t-on à penser par soi-même les œuvres culturelles en se refusant de les juger, en s’interdisant d’analyser qualitativement les contenus, en se contentant d’indiquer ce qui plaît au plus grand nombre ? Pour reprendre la question platonicienne, ces nouveaux critiques ne sont-ils pas des sophistes ? Si le nouveau paradigme critique est juste pour ses défenseurs, c’est dans la mesure où il est totalement adapté à une nouvelle manière de produire cette culture mainstream.
Je ne prétend pas révéler seulement une nouvelle manière de penser la culture mainstream, mais aussi une nouvelle manière de la produire. Cette production s’est elle-même démocratisée. Le nouveau modèle économique de la culture mainstream que j’appelle le capitalisme Hip est adapté au nouveau paradigme pour le comprendre. Même la culture alternative est promue et utilisée par l’industrie du mainstream. La production indépendante est en réalité produite par les grands studios, les grandes majors et les grandes maisons d’édition. Si le mainstream a trouvé son modèle économique et culturel aux USA, c’est pour la simple raison que les USA sont une terre d’immigrés, une société originellement multiculturelle, un monde en miniature. Chaque communauté peut se reconnaître dans la culture mainstream que les USA produisent, c’est-à-dire y reconnaître son identité et ses valeurs.
L’objection platonicienne à la démocratie et aux sophistes, qui voit dans la première la tyrannie de la majorité (aux passions basses et aux idées courtes) et dans les seconds des flatteurs qui nivellent tout discours critique au dénominateur commun (et celui-ci est toujours bas et médiocre), ne porte pas pour le mainstream car dans le capitalisme Hip, les niches sont autant exploitées que les goûts de la majorité, de la même manière que dans la nouvelle critique les goûts des minorités sont pris en compte. Lorsque l’ancienne gauche (la « old left » influencée par Arendt et Adormo) reprend la hiérarchie culturelle platonicienne, c’est pour éviter à la démocratie le populisme et le « despotisme doux » lié à un individualisme consumériste et replié sur lui-même. Mais le mainstream évite de lui-même ces travers.
Je tente de montrer ainsi dans mes derniers articles la reprise du modèle américain dans le reste du monde soulignant que le nouveau paradigme ne nuit pas à la diversité, mais au contraire lui permet d’exprimer ses valeurs et son identité plurielle. C’est lorsque le modèle se voit limité par des mécanismes réactionnaires (les islamistes d’Al Jazeera, le parti communiste en Chine ou l’ancien paradigme culturel aristocratique en Europe et particulièrement en France) que cette diversité ne peut s’exprimer. D’ailleurs, Internet va permettre de dépasser ces limites (en forçant les acteurs dominants à s’ouvrir et à respecter les règles du jeu) et répandre les vertus du capitalisme Hip à toute la planète. Le numérique et Internet sont à ce titre les grands enjeux de la culture de masse du 21ème siècle.
Le versant politique du mainstream tel qu’il s’est constitué aux États-Unis constitue ainsi une sorte de libéralisme culturel. Finalement on peut se demander si une foi dans ce libéralisme culturel est comparable à celle du libéralisme économique. La main invisible du mainstream ne conduisant pas ici à la richesse des nations, mais à l’expression identitaire de tous, à la réalisation de l’esprit démocratique. Le mainstream était ce qui manquait à la modernité, après le libéralisme politique et économique, pour se réaliser totalement. L’éthique mainstrean et l’esprit du capitalisme Hip sont donc comme la chouette de Minerve de Hegel, qui réfléchit dans des concepts ce que l’Histoire a déjà réalisé et porté à nu dans le réel. L’enquêteur-voyageur que je suis serait donc une sorte de philosophe hégélien à la recherche du sens de l’histoire universelle, du nouvel Esprit du monde, dans sa plus haute expression, celle de la culture…
Il me reste à montrer comment les autres centres de la culture mainstream mondiale cherchent à résister à la culture mainstream américaine et à répandre la leur. La guerre culturelle mondiale est liée au hard power : à l’économique où le but est de dominer les marchés, mais aussi au soft power : répandre des valeurs. On vend des produits, mais aussi des valeurs, ce mélange étant le propre des industries créatives ou de contenu. La mondialisation a donc un double enjeu : domination économique et domination culturelle (les valeurs étant des normes de mode de vie). Les chinois et les arabes-musulmans sont les deux grandes civilisations qui résistent le plus aux valeurs américaines. L’Amérique latine et l’Europe résistent moins. Par contre, si des civilisations comme le Japon ou les dragons asiatiques, ou encore l’inde, sont perméables, la pénétration américaine n’est pas directe car les contenus sont adaptés et donc transformés par la culture régionale.
Il semble clairement que ce soit ce dernier modèle qui soit privilégié : la mondialisation ne doit pas consister dans une uniformisation en ne permettant que la diffusion de la culture mainstream américaine, mais doit pouvoir permettre l’expression de toutes les cultures grâce à l’adaptation du modèle américain par chaque culture. Glocalisation plutôt que mondialisation. Finalement, on peut se demander s’il faut encourager l’Europe à suivre la voie de l’Inde, à adopter le modèle américain pour produire sa propre culture mainstream capable de rivaliser avec la culture américaine. L’Europe est riche d’une diversité qui ne trouve pas encore à s’exprimer et la voie du salut démocratique se trouve dans le mainstream. Ce lien entre mainstream et démocratie se vérifie-t-il dans la mondialisation ?
Le modèle culturel américain (tant du point de vue critique que du point de vue de la production) participe-t-il au développement du modèle démocratique dans le monde ? Dans la guerre mondiale culturelle, le plus intéressant vient ici du fait que la résistance à la culture américaine se fait en partie en reprenant le modèle américain du mainstream, en adoptant son paradigme et son capitalisme Hip. La lutte contre les valeurs occidentales et notamment américaines que mènent les autres civilisations est donc paradoxale. En cherchant à imposer leurs valeurs, elles doivent adopter un modèle censé favoriser l’esprit démocratique. Finalement, le média est ici aussi le message : en adoptant le modèle américain pour opposer à l’occident d’autres valeurs, ces civilisations adoptent des valeurs démocratiques ou seront obligées de les adopter. On peut évidemment douter que ces valeurs démocratiques soient proprement occidentales, toujours est-il que le mainstream c’est aussi des strings et des paillettes !
2 commentaires
Mon cher Gatsby,
Je n’en attendais pas moins, mais cet article est absolument magistral. La première partie s’inscrit avec réussite dans la lignée de ce que vous avez déjà pu écrire sur le sujet (qui d’autre que vous décrit avec autant de clarté ce qui se cache derrière ces répliques et ces millions ?), mais la deuxième partie s’envole carrément en orbite, comme le dirait votre Blacky : waouh !
Je les connais bien… Les répliques, leurs constructeurs et leurs clients, qui furent parfois mes miens et dont j’ai été aussi le leur… J’ai donc la connaissance plutôt que la préscience, malgré tout présente.
J’avoue les avoir aimées (les répliques), ayant commencé en Morgan (qui en est une déguisée en vraie), puis en Panther J72, toutes les deVille, les Excalibur, suivies des Cobra et autres à l’infini car mon cerveau de 73 ans ne parvient plus à rapidement me souvenir de ce qui actuellement tend à m’indifférer ! mais il fonctionne encore avec l’avantage de placer les problèmes vécus en surnombre par rapport aux bonheurs rares et utopiques, ceux qui vous forcent à croire que demain sera mieux que la veille… Si j’osais et j’ose tout, j’en écrirais comme dans mon dernier article sur une réplique d’Alfa que les répliques sont comme des Transsexuelles qui ne sont pas du tout ce qu’on imagine mais en ont l’apparence… Vous ouvrez leur capot comme vous ouvrez leur jupette et vous découvrez autre chose… La suite n’est qu’une question de moyens, pas que financier…Disons qu’une Atlantic-Koux est une Transgenre opérée car disposant d’un sexe-moteur en apparence conforme à l’ensemble, tandis que l’Excalibur c’est Macho-Man en cuir allant plus vers l’enculade que vers les caresses… C’est le coté dérangeant lorsque s’éteignent les passions lubriques. De là à écrire que tomber en écologie-vélo c’est l’art de la pédale douce, il n’y a qu’un pas…
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