Audi-Jaray 1927
Le slogan d’Audi “Vorsprung durch Technik” avait été mis en scène pour une campagne télévisée qui a été mise au placard suite aux évènements d’Ukraine… Le résumé est : “Une étrange Audi-Jaray de 1927 traverse la campagne à toute vitesse”. L’histoire est basée sur le conte de fées presque bicentenaire “Le vilain petit canard” de Hans Christian Andersen. C’est l’auto que vous avez devant vos yeux éberlués, qui avait été pensée il y a 100 ans et construite il y a 96 ans,..
Restaurée en seulement six semaines, spécialement pour le film commercial, filmée pour quelques rush’s, elle n’a pas pu devenir la vedette qu’elle mérite être et a été ramenée dans le trou noir où elle languissait en attente d’enfin jouer le rôle de Star. Triste histoire. Mais GatsbyOnline était là pour sa mise “à l’affiche” et lui offrir un rôle de premier plan afin qu’elle soit enfin connue !
Les esprits créatifs de l’agence de publicité londonienne BBH jouissent d’une sorte de liberté de dingues sur leur île lorsqu’il s’agit de campagnes de “putes” publicitaires pour Audi. Non seulement ces Anglais sont des lubriques sans gènes, mais ils considèrent le slogan “Vorsprung durch Technik” comme une invention de l’agence BBH depuis une publicité télévisée de 1982 pour la NSU RO80 (reprise sous le giron d’Audi) qui a été vue par tous les Anglo-Saxons.
En fait, ce slogan n’a été utilisé pour faire la publicité de la Ro 80 qu’uniquement en Angleterre, mais nulle-part ailleurs où Audi a longtemps été considérée comme une marque ennuyeuse. Ce sont ces créatifs anglais qui se sont souvenus qu’avait existé l’Audi-Jaray 1927 qui avait été emmurée vivante pour des motifs restés inconnus. Cette Audi-Jaray doit sa forme épurée à son créateur, qui se consacrait à l’aérodynamique de l’automobile depuis 1920.
D’où le geste intelligent de l’agence BBH d’aller la faire rechercher pour la mettre enfin à l’avant-scène. D’où la portée créative de l’un (le projet créatif) et de l’autre (cette voiture d’avant-garde). Toute aussi intelligente était l’idée de BBH de placer la créativité d’Audi en avantage technique mis en scène dans une campagne télévisée basée sur le conte de fées bicentenaire “Le vilain petit canard” de Hans Christian Andersen.
C’est l’accompagnement musical avec la chanson de Danny Kaye “The Ugly Duckling”, qui fait réfléchir le public comme quoi, cette “chose” qui date de 1927 est incroyablement d’avant-garde et pourrait presque être fabriquée et motorisée électriquement actuellement… L’idée de cette automobile “Bauhaus” était venue en tête de Paul Jaray d’une suite de conséquences logiques.
Comme le traité de Versailles interdisait aux Allemands de construire des avions et des dirigeables après la Première Guerre mondiale, Paul Jaray, employé de Zeppelin-GmbH s’est tourné vers la conception automobile. Au printemps 1923, sa première auto-création fut la “Ley T6”. Elle avait l’air bizarre, surtout pour l’époque, parce qu’elle était très étroite, mais aussi relativement haute (c’était pour le confort).
Paul Jaray a ensuite déménagé à Brunnen en Suisse pour se concentrer pleinement sur le design automobile en ce compris des recherches scientifiques sur l’aérodynamique des automobiles. Fils d’un homme d’affaires, il avait étudié la mécanique à “l’École de génie mécanique de Vienne” et mené de nombreuses recherches à l’Université technique de Prague. Chez Zeppelin à Friedrichshafen, il avait été chargé de la conception des dirigeables à partir de 1912.
L’aspect cigare du “LZ-120 Lake Constance”, ainsi que le design d’autres zeppelins, vont l’amener à créer la forme de cette voiture qui est radicalement différente de toutes les automobiles des années 1927… C’est plus que révolutionnaire ! Audi a raté ce qu’on nomme “la montre en or”, “le gros lot”, “le premier prix du tirage”, et l’occasion de réaliser et commercialiser les designs d’avant-garde de Jaray
Il a également conçu des véhicules pour Chrysler, Mercedes-Benz, Maybach, Apollo, Dixi, Audi, Adler, Ford et Steyr. Les affaires étaient bonnes pour lui et, en 1927, il a fondé sa propre société de conseil en design. La presse spécialisée a été époustouflée de ses créations. Mais la production de masse n’a pas décollé. Pour deux raisons : les coûts de production étaient trop élevés, tout comme la résistance des clients, qui regardaient ces constructions avec suspicion.
Audi a ainsi raté l’occasion d’utiliser les designs de Jaray qui étaient créés pour être immédiatement fabriqués. Au lieu de cela, c’est le fabricant tchèque Tatra qui a pris des mesures adéquates, flairant le génie de Paul Jaray. Le département de design-Tatra autour de Hans Ledwinka a d’abord travaillé avec Jaray sur un prototype, puis Tatra a opté pour une variante plus grande et plus luxueuse, la Tatra T77, qui est entrée en production en série.
Cela en fait la plus proche parente du véhicule ici présenté en première mondiale…, Les similitudes entre l’Audi-Jaray et les fameuses “Flèches d’Argent” sont évidentes, toutes deux flirtent avec l’esthétique du Bauhaus. D’autre part, l’Audi-Jaray est à bien des égards plus impressionnante que les bolides de vitesse… Ce qui a provoqué l’étonnement que “Le vilain petit canard” soit en réalité une œuvre d’art !
Une réplique a été fabriquée par les créatifs de l’agence BBH en seulement six semaines ! “Nous avons dû la construire complètement parce que l’originale a une valeur incommensurable en dizaines de millions”, m’a, expliqué Ian Heartfield, directeur créatif de BBH : “Martin Pac l’a réalisé pour nous. Sur les vieilles photos, elle a l’air très petite et haute, au début. Puis on a vu la vraie et on s’est dit que ce n’était pas une voiture normale mais une voiture géniale qui avait un siècle d’avance ! Mais elle a aussi la grâce d’une statue et maintenant c’est une automobile en état de marche avec une longueur d’avance de 96 ans de savoir-faire. On ne peut qu’admirer et déplorer que cette merveille ait disparu si négligemment comme au fond d’un tiroir. En 1933, Auto Union a commencé à développer les voitures de course Silver Arrows sous la direction de Ferdinand Porsche et bien, sachez-le, Porsche à copié la voiture de Paul Jaray, l’extrémité avant avec les phares encastrés et la calandre ridiculement simple qui a quelque chose d’un koala bâillant, Porsche à tout copié ! Même à l’arrière, la voiture est comme faite d’une seule pièce, sans une seule ligne droite. Cela ressemble plus à quelque chose des années 1960 qu’à 1927. Le détail de conception le plus étonnant est réservé à l’arrière fluide : une nageoire dorsale continue fend la lunette arrière. Selon Jaray, cela devrait sensiblement augmenter la stabilité de la voiture”…
Conduire cette Audi-Jaray est une expérience phénoménale, quoique se faufiler à la place du conducteur nécessite une certaine agilité. La toute première impression est une légère claustrophobie. Mais il y a de la place pour deux passagers. Le démarrage du moteur, pourtant étonnamment ultra primitif et l’enclenchement de la première vitesse à l’aide du levier de vitesses incurvé sont des jeux d’enfants, et partir est aussi facile que vous l’imaginez …
Une fois que vous appuyez sur l’accélérateur dans les rues étroites, la modernité de cette voiture est littéralement audible : pas le moindre bruit de vent. L’alimentation en air à l’intérieur est régulée par une fenêtre pliable centrale dans la façade en verre. L’autre aspect moderne est la vue sur le capot. Sans ailes visibles, la voiture ressemble à un design d’après-guerre. Comment l’Audi-Jaray se serait vendue est pure spéculation.
Ce qui est certain, cependant, c’est que les leçons que Jaray a enseignées à la Guilde des constructeurs n’ont pas été complètement oubliées. Après la guerre, DKW a produit toute une série de berlines profilées et à traction avant. Il y a aussi la VW Coccinelle qui est sortie de la chaîne de montage intouchée jusqu’en 1959. Toutes ces voitures portaient les caractéristiques héritées (en réalité volées) des conceptions de Paul Jaray, perfectionnées par la Tatra.
À propos, le coefficient de traînée de cette Audi-Jaray est de 0,29. Même la Porsche n’y arrive pas ! La Tatra T77 était sa grande sœur. Paul Jaray serait fier que son héritage en tant qu’aérodynamicien soit toujours intact. Ses voitures, initialement considérées comme des monstres, étaient en avance sur leur temps et ont considérablement influencé le design. La conduire est une expérience spéciale qui s’associe à une légère claustrophobie.
Une seule chose est regrettable : Audi aurait dû choisir une autre chanson pour mettre en musique son spot TV. Parce que les canards moches ont vraiment l’air différents. L’Audi-Jaray n’est pas un vilain petit canard, c’est le plus beau et mignon canard du monde !