Mécanicien de grand talent, pilote de course, éleveur de poulets et dresseur de cobras, Carroll Shelby a été tout cela à la fois.
Il naît en 1923 dans un Landerneau du Texas, où son père est fermier.
Avant de devenir le sorcier de Ford et d’être à Dearborn ce que Abarth fut à Fiat et Gordini à Renault, Carroll Shelby exerce divers métiers.
Il est chauffeur de poids lourds, travaille sur les puits de pétrole et fait l’élevage des gallinacés avant de devenir pilote de l’US Air Force !
Mais à l’image de Siegfried, ce farouche Texan, grand gaillard au verbe haut et au caractère sans complexe, a une faiblesse : il souffre d’une grave maladie de cœur, qui l’a obligé, étant enfant, à rester alité plusieurs années durant.
Une immobilité qui a sans doute alimenté des rêves de vitesse…
Après s’être frotté plusieurs années à la conduite sportive, Carroll Shelby prend part à 29 ans à sa première épreuve (locale) sur une MG TC…, qu’il gagne.
Dès lors, son ascension sera fantastique.
En 1954, il rencontre en Argentine John Wyer, directeur de l’écurie de course d’Aston Martin…, qui lui propose un volant.
Carroll Shelby sera ainsi l’un des premiers Américains à venir courir en Europe après la guerre.
D’autres suivront, à l’instar de Phil Hill, Dan Gurney, Masten Gregory et Richie Ginther.
Il faut dire qu’à cette époque, Aston Martin, Ferrari et Maserati cherchent à engager un Américain dans leurs équipes pour des raisons promotionnelles, l’essentiel de leur marché se trouvant outre-Atlantique.
On connaît la suite, et la victoire aux 24 Heures du Mans de 1959 sur l’Aston Martin DBR 1, dont il partage le volant avec Roy Salvadori.
Carroll Shelby court également sur Maserati, Scarab, et occasionnellement sur Ferrari et Porsche.
Il aime raconter comment, en 1957, Enzo Ferrari lui a proposé un contrat pour piloter ses voitures Sport au salaire de 70 $ par mois.
Il rejettera vivement l’offre, la jugeant trop mal rétribuée !
Du reste, il ne mâche pas ses mots sur le comportement du Commendatore à l’égard de ses pilotes. En 1960, Carroll Shelby remporte aux Etats-Unis le championnat USAC des circuits routiers au volant d’une Scarab engagée par le brasseur Harry Heuer, qui l’avait rachetée à son constructeur Lance Reventlow, ainsi que sur une Maserati Birdcage et une voiture américaine spéciale (la Old Yaller).
Mais ce sera sa dernière saison de compétition.
En effet, l’état de son cœur s’avère incompatible avec la poursuite d’une activité aussi dangereuse.
De toute manière, il a en tête l’idée de construire sa propre voiture…
Dès la fin de 1961, Carroll Shelby travaille sur le projet Cobra.
L’année suivante, il fonde son entreprise, Shelby American.
Il est alors aidé financièrement par Lee Iacocca, directeur des ventes chez Ford… et par Goodyear, qui lui prêtent assez d’argent pour démarrer.
Il veut construire le plus rapide et le moins cher des bolides à gros moteur.
Son objectif est de réaliser, dans un premier temps, une voiture capable de battre les Corvette Gran Sport dans les courses américaines, puis de vaincre Ferrari dans les épreuves du Championnat du monde des constructeurs.
En 1963, Carroll Shelby, après moult efforts pour parvenir à vaincre Ferrari, se rend à l’évidence : le roadster Cobra ne peut vaincre l’écurie au cheval cabré et gagner le Championnat.
Du fait de son Cx défavorable (le pare-brise générant de fortes turbulences), le petit cabriolet souffre d’une vitesse de pointe peu élevée (280 km/h), en particulier sur les circuits rapides comme Le Mans.
Dans le circuit mythique de la Sarthe, la voiture est au moins 10 km/h moins rapide que la Ferrari GTO sur les Hunaudières.
Carroll Shelby décide donc de dériver un coupé du roadster, seule solution pour réaliser son objectif premier, vaincre le Cavallino.
La conception de la future voiture est confiée à Pete Brock, qui a participé à l’élaboration de la Chevrolet Corvette Sting Ray.
Agé de 26 ans seulement, il est aussi un pilote de bon niveau et est devenu directeur de l’école de pilotage Shelby.
Les deux autres artisans du coupé Cobra sont Phil Remington, ancien ingénieur des Scarab et Ken Miles, qui réalise les essais en piste et le développement aérodynamique.
C’est ce dernier qui, dans l’équipe, prend les décisions pour Carroll Shelby.
Le coupé, qui sera plus tard baptisé Daytona, est terminé à l’automne 1963.
Les premiers tests sont réalisés deux mois avant la course de Daytona de 1964, à Riverside, où la voiture pulvérise le record du tour.
La voiture qui reçoit le célèbre moteur Ford V8 289 ci (4,7 litres) du roadster développant la bagatelle de 380 CV…, jouit d’une remarquable souplesse et sa puissance est disponible dès 3500 tours, contrairement au V12 beaucoup plus pointu de la Ferrari GTO, ennemie jurée de la Cobra.
Crachant son venin jusqu’à 8000 trs/mn à travers ses échappements blancs dépourvus de tout filtre, la Cobra Daytona Coupe fait non seulement trembler le sol, mais également les panneaux des stands.
Boules Quiès vivement recommandées !!!!
Le moteur est accouplé à une transmission Borg Warner de type T10, ne possédant que quatre rapports, mais le couple énorme du V8 compense largement l’absence de cinquième vitesse.
Constitué de gros tubes en forme d’échelle, le châssis est renforcé par un treillis tubulaire.
A l’avant comme à l’arrière, la suspension est dotée d’un ressort à lame transversal, tandis que le freinage est constitué de 4 disques.
Côté carrosserie, diverses solutions ont été imaginées et testées, notamment une longue queue, comme on en verra plus tard sur les Porsche 917.
Finalement, c’est l’arrière tronqué qui est retenu, dépourvu d’aileron aérodynamique malgré l’insistance de Pete Brock.
Ce n’est qu’à Spa en 1964 que ce dernier a partiellement gain de cause en obtenant l’installation d’un becquet, où le rapide circuit belge met en exergue la nécessité d’un appui supplémentaire à l’arrière, le becquet doit d’ailleurs être raboté car, en l’état, il donne trop d’appui, rendant la voiture inconduisible.
Quant au cockpit, il cause beaucoup de soucis aux géniteurs de la Daytona, son refroidissement s’avérant l’un des principaux problèmes de mise au point de la voiture.
Il est bon de noter que la voiture ne possède pas de poignées de portes, l’accès à bord se fait en glissant le bras par la vitre en plexiglas.
Six coupés 289 ci sont construits en 1964 et 1965 (sans parler du prototype 427 à moteur 7 litres).
Ils existent toujours et sont aujourd’hui la propriété de (chanceux) collectionneurs.
Le premier d’entre eux est construit aux Etats-Unis, puis les carrosseries en aluminium des cinq exemplaires suivants sont réalisées en Italie, à la Carrozzeria Gran Sport située à Modène.
Une vraie provocation !
Les pilotes retenus sont Ken Miles, Dan Gurney, Bob Bondurant, Bob Holbert, Davey McDonald et Jo Schlesser…, ainsi que Maurice Trintignant, qui, après avoir piloté la Cobra Daytona Coupe aux 24 Heures du Mans et au Tour de France, ne tarit plus d’éloges sur la voiture.
La Daytona remporte de nombreuses épreuves du Championnat du monde des constructeurs, qui se court dans la catégorie GT.
En 1964, le premier succès intervient dès Sebring (équipage Holbert-McDonald).
Il est suivi des victoires (en catégorie GT) aux 24 Heures du Mans, où la Daytona de Dan Gurney et Bob Bondurant s’impose devant les Ferrari GTO… et au Tourist Trophy couru à Goodwood.
La Daytona abandonne toutefois à Spa, à Reims et au Tour de France automobile, où elle a été engagée par Henri Chemin.
Carroll Shelby prépare alors les trois Cobra Daytona Coupe pour Monza, persuadé qu’il va triompher sur les terres du Commendatore Enzo Ferrari…, qui fait annuler l’épreuve lorsqu’il se rend compte qu’il risque de perdre !
Très remonté contre Ferrari, Carroll Shelby déclare avec force que le Commendatore a privé les Cobra Daytona Coupe d’une victoire en terre italienne.
Ce n’est que partie remise !
En 1965, la Cobra Daytona Coupe rafle le titre suprême, triomphant dans sept des treize manches du championnat : Daytona, Sebring, Monza, Nürburgring, Reims, Enna et Bridgehampton, tandis que le roadster gagne à Oulton Park (Tourist Trophy) et au Rossfeld.
Carroll Shelby a réalisé son rêve et ne se privera pas de se vanter aux journalistes d’avoir : botté le cul de Ferrari !!
Mais la Cobra Daytona Coupe ne s’est pas seulement montrée supérieure à la Ferrari GTO.
Elle a également terrassé la Ford GT40 à plusieurs reprises, durant la période où Ford confiait son programme GT à Holman and Moody, qui faisait courir les voitures de Dearborn.
C’est d’ailleurs ce qui a convaincu Ford de confier son programme course à Carroll Shelby, qui dut par la suite retirer sa voiture au profit de la GT40.
C’est la raison pour laquelle la Daytona n’aura pas vécu longtemps.
De même que l’avortement du prototype de coupé 427 (7 litres) prévu pour courir au Mans en 1965, qui sera sacrifié au nom de la Ford GT40 Mk II.
Non terminé, il n’a jamais connu la piste.
La voiture sera finalisée ultérieurement par un collectionneur.
Avant sa retraite, la Cobra Daytona Coupe sera pilotée sur le Lac Salé de Bonneville dans l’Utah, notamment par Craig Breedlove, elle bat, en novembre 1965, 23 records en départ arrêté et lancé dans la classe C.
Elle tourne également pendant douze heures sur le circuit de Daytona à la moyenne de 273,5 km/h.
Ce sera la dernière prestation d’une Daytona sous les couleurs de Shelby American.
La Cobra Daytona Coupe sera sacrifiée au programme Ford, car Carroll Shelby est appelé par le constructeur, après la débâcle de 1965 au Mans, à participer avec un budget illimité à la préparation de la Ford Mk 2.
La réussite sera totale avec les trois marches du podium sarthois en 1966 et la victoire de l’équipage Gurney-Foyt l’année suivante (Ford Mk IV).
Carroll Shelby est aussi l’auteur des célèbres Mustang Shelby, sans oublier la Sunbeam Tiger V8.
S’agissant des Mustang 350 GT et 500 GT, il s’agit, contrairement à la Cobra, d’une commande de Ford destinée à contrer la Corvette dans le championnat américain SCCA (Sports Car Club of America), où la Mustang de série même la mieux lotie en options n’est pas de taille face à la voiture de la General Motors. En ce milieu des années soixante, Carroll Shelby est un homme très occupé : il a fondé en 1966 “All American Racers” avec Dan Gurney avec qui il prépare des monoplaces pour Indianapolis… et il travaille au programme Ford et produit les Mustang Shelby.
Mais il est rattrapé par ses ennuis de santé.
L’homme, qui a toujours su prendre des décisions tranchées, décide d’arrêter la compétition en 1967.
Il quitte tout et part en Afrique, où il séjournera dix ans !
Il reviendra aux Etats-Unis en 1978 quand son ami Lee Iacocca, passé chez Chrysler, lui proposera de construire une sorte de nouvelle Cobra : la Dodge Viper.
Avec François Castaing, ingénieur en chef Chrysler…, Tom Gale, le designer… et Iacocca lui-même…, il sera très impliqué dans l’étude de la Viper.
Mais cette collaboration sera interrompue par l’aggravation de sa maladie et la nécessité d’une transplantation cardiaque (tout à fait réussie).
Conscient de la dette qui est la sienne à l’égard de la médecine, il s’investira dans la fondation qu’il créera pour aider les enfants malades à recevoir un nouveau cœur.
Grands fans des heures de gloire de Shelby dans les années ’60, réjouissez vous !
Plus exclusive encore que la Cobra Daytona Coupé proposée par Superperformance, une fidèle réplique réalisée avec la participation du designer d’origine : Peter Brock…, de la voiture qui a remporté en 1965 le titre mondial en championnat FIA GT…, voici sa version “LeMans Edition“…
Exotic Auto Restoration, habituellement spécialisé dans la restauration de véhicules, comme son nom l’indique, a décidé de proposer une version “LeMans“, réalisée sur base d’une Cobra Daytona Coupe de Superformance, inspirée des modèles ayant participé aux 24H du Mans en 1964 et 1965.
Elle adopte des ailes élargies avec jantes de 18 pouces, des écopes en aluminium sur le capot et les ailes avant, des amortisseurs spécifiques, des sièges baquets habillés d’Alcantara… et une planche de bord en alu brossé…
Sous le capot, le client pourra choisir entre toute une variété de moteurs, depuis l’extraordinaire V8 289ci, jusqu’au 427ci… et plus encore !
L’exemplaire présenté abrite un V8 Ford 454ci préparé par Roush, développant 530 ch, équipé d’une boîte manuelle Tremec 6 vitesses.
Une version piste est également prévue (deux sont déjà vendus), équipée d’un arceau cage, de jantes course à fixation centrale, d’un freinage renforcé avec étriers 6 pistons, de baquets avec harnais 6 points, d’un spoiler avant et d’un aileron-bequet arrière en fibre de carbone, d’un volant à démontage rapide, d’un contrôle du freinage et de l’allumage… et surtout d’un V8 Mustang 500 Shelby de 560 ch, avec boîte course Tremec TKO-600.
La Cobra Daytona Superformance LeMans Coupé, modifiée par Exotic Auto Restoration (c’est long comme appellation), est l’une des “choses” parmi les plus excitantes que je n’ai jamais eu le plaisir de conduire… et pas seulement parce que cette voiture est étonnamment et absurdement rapide.
La première raison est mon “amour” des muscle-cars des années ’60, qui sont une race à part, aussi distincte que les supercars italiennes ou que les multiples versions de la Porsche 911…, car, jusqu’à ce qu’on a au moins réalisé un tour dans ces engins trompe-la-mort, l’éducation de l’automobile est incomplète.
La deuxième raison est que c’est la même équipe qui a conçu et fabriqué la Cobra Daytona originale…, qui a été réunie pour fabriquer cette réplique : Peter Brock l’a conçue, Bob Negstad qui avait fait le châssis de la 427 Cobra, s’est occupé de la suspension et Bob DC Olthoff, a été son pilote de développement.
Il ne manque que Shelby lui-même, dont la participation exclusive, à ce jour, dans ce projet, a été de faire mettre en fourrière le premier véhicule importé aux États-Unis par Superformance, qui est basé en Afrique du sud…, mais, son aversion envers toutes les répliques de Cobra, Roadster et Coupe, n’a pas été en mesure d’arrêter Superformance de Port Elizabeth…, ni Exotic Auto Restoration, qui ont finalement négocié le droit de fabriquer et commercialiser leurs répliques, moyennant une commission substantielle versée à Carroll Shelby…