MARCHE-VINTAGE – 10/04/2016
Un ami m’a dit qu’on ne voyage pas pour voyager mais pour avoir voyagé…
Le seul intérêt du voyage, ne serait-ce pas le retour, pour raconter ses randonnées et montrer ses films et photos de vacances ?
Le vrai voyage, est-ce d’y aller, d’y partir ou d’en revenir ?
Est-ce qu’une fois parti, le voyage serait déjà terminé ?
La destination du voyage en serait-elle la fin ?
Enfin, si on va un peu au bout des choses, voyage-t-on pour changer de lieu ou pour changer d’idée, pour se vider la tête ?
Proust disait quand il pouvait encore parler : “Le véritable voyage ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux”…, si on va par-là, et pourquoi ne pourrions-nous pas aller par-là… le voyage serait réservé aux aveugles… et les borgnes pourraient facilement voyager sans bouger, peinards, décontractés, au bord de leur piscine, immobiles et les pinceaux dans l’eau.
La planète va très mal, elle se réchauffe comme une pute, à la vodka bon marché… et ce, à la vitesse de la corruption à la Fifa, il est vrai que la canicule qui tue les vieux et les fabricants de radiateurs approche inexorablement… l’Alsace oubliera ses Riesling et la Syrah sera reine sur le Schœnenbourg, on devra se mettre les balloches dans une glacière si on veut pouvoir faire des petits l’année prochaine, bientôt, la France sera un grand désert, comme à Ermenonville, mais sans les gnous…
Mais, quand on est un ermite comme moi, même à la retraite, même en plein cagnard, il est important de se sentir aussi indispensable qu’un tube de vaseline dans une backroom, pour justifier sa retraite titanesque, arrachée à la force du temps…ou parce que finalement, je me fais quand même un peu chier, seul, comme un con, face à la mer.
La chaleur, c’est un bon prétexte pour ne rien glander… c’est là, dégoulinant comme un bonbon à demi sucé, au milieu de la piscine, le geste coulé du type qui ne sait pas ce qu’il branle, le calbut en érection… que je tiens absolument à vous expliquer ma technique de “wouiner” de la mort qui tue… même en pleine canicule, il faut toujours rester à bloc, comme un Phoenix chargé de coke et de testostérone, prêt à tout pour faire péter la marmite.
En vieux sage, spermettez-moi de vous asséner mes vérités assassines… même au milieu d’une piscine, il est indispensable de développer ses compétences, son leadership… inutile de se coltiner les bouquins des maîtres à penser, genre Bill Jobs ou Steve Gates, on ne progressera pas d’un poil, on n’apprend jamais des meilleurs, le leadership, c’est inné, on l’a, ou on l’a pas !
Dans une piscine, c’est le meilleur moment pour appeler et engueuler les ceusses qui travaillent pour moi, ça me détend et ça me spermet de rester concentré pour ne pas pisser dans l’eau… ce n’est pas parce que je me fais dorer la tige que c’est plus moi le (Hugo) Boss, je maintiens mes sbires dans la crainte du chef, ça évitera aussi aux petit-chefs en puissance de profiter de mon absence de s’incruster le fion dans mon fauteuil… il ne faut pas hésiter à hausser la voix si besoin.
Les grands leaders, y-z’ont toujours une vision, mais attention, faut se creuser le citron pour dégoter sa vision, c’est pas dans Playboy qu’on la trouve… dans une piscine, c’est l’endroit idéal, pas de client, pas de fournisseur, pas d’objectif, sinon affiner son bronzage… pas de stagiaire en mini-jupe pour faire switcher le centre de décision.
Non, c’est une bonne vieille tactique de killeur, une ruse de chacal, une manœuvre à la Napoléon Solo, une stratégie qui fait marcher sur l’eau, la piscine étant le lieu idéal pour développer des stratégies insubmersibles, pas le genre de bousasse qui s’effondre à la moindre critique constructive !
Moi, toutefois, les voyages, ça me fatigue, j’ai hâte de revenir avant d’être parti… partir, c’est crever un pneu, mais faut voir ça dans le sens métaphorique… l’immobilisme pour destination de voyage, c’est un concept qu’aucune agence de voyage n’a encore tenté…
J’avais donc l’idée de me faire un “Voyage au bout de la nuit” avec Céline et, un verre à la main, chanter : “Ils m’entraînent, au bout de la nuit, les démons de minuit. Ils m’entraînent jusqu’à l’insomnie, les fantômes de l’inuit”… c’est que, j’avais programmé un voyage à Solies-le-Pont pour le “Marché-Vintage-2016” du dimanche 10 avril, avec Blacky m’accompagnant, ensemble, dans le p’tit Hot-Rod Hi-Boy ’32…, mais que… quelques jours avant d’y aller, “on” m’a fait savoir que les chiens étaient interdits !
OK, comme ma (Sainte) Maxime est ; “Jamais sans mon Blacky”, j’ai résolu de rester cool et relax “at-home”, dans ma piscine… comme décrit ci-avant, ci-dessus…
Mais… “on” (le même) m’a téléphoné dimanche matin pour me dire qu’il y avait eu erreur, que les chiens étaient bienvenus, excuses s’ensuivant…
J’ai résolu de me rendre à cet évènement, mais c’était déjà la mi-journée… 1h30 de petites départementales plus tard, nous y étions, Blacky et moi avec chacun une crête (de cheveux pour moi, de poils pour Blacky) qui pourrait accueillir une famille de gerbilles abandonnées.
D’habitude, quand je “couvre” un “évènement”, je prépare frénétiquement mon cahier de note avec la concentration d’un analyste sous méthamphétamine… dès l’entrée de Solies-le-Pont, c’était plus bourré qu’un mineur russe un jour de paie et, comme Blacky et moi on n’était pas venu pour beurrer des sandwichs, on a entamé la visite en échangeant un regard de connivence homo-canin aussi lourd de conséquences que l’hérédité d’un banquier corse!
400 lignes, mais je ne vais pas vous infligez cette lecture plus chiante qu’un livre de Bernard-Henri-Levy-Strauss… même si je subodorais que prendre des notes dans une journée comme ça, c’était un peu comme nager avec des santiags (pourtant, j’en ai vu d’autres, je me connais depuis longtemps et je peux fournir des références), j’ai pris 16 pages de notes…
Je vais vous résumer la situation… on a commencé en douceur, avec une gestion fine de l’oxygène ambiant… après un intermezzo un peu spécial, avec un ami Harleyiste, qui m’a conté une histoire “mo(u)tarde” ou le mec visé enchainait les quilles comme une bonne gagneuse enchaîne les coups de flûte… Blacky et moi avons continué notre périple sans prendre le temps d’écrire des notes correctes.
Petit entr’acte avec diverses “nananas” assez borderlines, avec de très beaux défauts physiques… et des accents provençaux aux saveurs d’herbes médicinales (sic !), délivrés par leurs bouches funambulesques à l’élégance indicible… j’ai envisagé une mission miction mais Blacky s’est mis à tirer sur sa laisse plus vite qu’un raid du GIGN.
J’ai alors opté pour un repas d’après-midi, aussi salutaire qu’un Prinpéran sur une gueule de bois, fabriqué sous tente par une troupe de Haut-Savoyards égarés… je me suisse retrouvé à machonner un hamburger “imparfait” (c’est le nom donné à cette chose gluante de 12 euros) sur une table bancale, à coté d’un amateur de vieilles italiennes à l’aspect plutôt italien, mais avec la moustache de Portos (le pote d’Aramis), alors que, raisonnablement, la seule chose qu’il y avait d’italien chez lui c’étaient les pneus de sa voiture.
A la fin du déjeuner tardif, il était plutôt Espingouin, tendance Pata Negra fumé, piqueté comme une Merguez avec la voix de Farinelli chaque fois qu’il finissait de grumer son verre de vin… il nous a raconté (à Blacky qui n’en avait cure et moi qui n’écoutait que d’un oeil) son goût pour le free-fight conjugal et sa phobie pour les catcheurs qui lèchent le torse des vignerons en écoutant du Rondo-Veneziano.
Il était du genre à entrer dans les toilettes avec l’envie d’élaborer des grandes théories qui révolutionneront le monde, un peu comme Spinoza, Descartes, Kant, Goethe, Platini ou tous les autres grands pongistes de l’époque et qui ressort 15 mn plus tard, la blague aux lèvres, qui vient à lui, comme une révélation, comme Anne Roumanoff est apparue à Bernadette Soubirou.
Il nous a transportés dans un monde de contes de fées plein de somptueuses fantaisies… avec l’air de celui qui vient de se soulager la conscience… il savait ce qu’il voulait faire à l’écoute de ses clients, il questionnait et s’interrogeait avec une gouaille intelligente… l’amitié facile, un franc parler déstabilisant, un grand cœur et un amour obsessionnel et communicatif des vieilleries surranées : “On entre là-dedans comme on entre dans les ordres”, nous a-t-il dit !….
Après ça, je suis “tombé” sur un vendeur d’objets rares qui avait sa vision, mais aussi ses interrogations sur le monde… ancien géologue “alternatif” de formation internet (sic !), il nous a affirmé avoir été “starisé” au Japon par un manga (il serait faux de croire que sa notoriété ne vient que de cette bande-dessinée)… nous l’avons laissé, pour faire semblant de nous interesser à un vendeur de plaques émaillées et de pompes à essence déglinguées au style “Papy Mougeot”, marmonnant des trucs incompréhensibles, du genre qu’il adore le Tariquet à moins 10 degrés et que le whisky espagnol est meilleur que l’Albanais !
Mais avant de pouvoir lui poser une question pour détourner son attention de Blacky qui faisait un gros caca visqueux sur une plaque “C’est Shell que j’aime”…, il est parti “faire pipi” en chantant : “Est-ce que le Schmilblick, tient dans la main, tient dans la main ? Je pense à la même chose que vous dégoûtant”..., c’était le genre d’Omelet qui cherche (surement) perpétuellement les bons-mots comme un prostatique les pissotières… la braguette ouverte comme les portes d’un stade un dimanche après-midi, il passait aussi inaperçu qu’une auto de pompiers dans la vitrine d’un sex-shop.
C’était un chorizo sous cellophane, il avait des yeux de goret lubrique, le sourire du bonhomme qui vient d’être sauvé de la constipation et le foie qui revendique son indépendance… le lendemain il aura eu sans nul doute une gueule de bois intéressant surement un charpentier Haut-Savoyard… dans cet état, il aura surement été capable de se badigeonner le croupion avec du mascarpone, une vieille tradition italienne… mais incapable de comprendre les Télétubies en Suisse-Allemand, vu qu’il a la boite crânienne d’un brigadier de gendarmerie et les yeux myxomatosés.
Ce soir, après la fermeture du Marché-Vintage-2016, il sera chargé avec le foie dans la boite à gant de la voiture qui le ramène chez sa dame de Haute-Savoie, elle va avoir du taf pour le remettre black et decker…
En fin de journée, devinez quoi ? D’Jimmy Merzlic le roi du Hot-Rodding PACA et moi, nous nous sommes réconciliés… quelques photos ont été tirées pour cette occasion… nous sommes redeviendou copains…
Il a dit plein de bien de moi devant ses amis Hot-Rodders, comme quoi, Chromes & Flammes, moi, tout ça, et le reste, on était les précurseurs ayant ouverts la voie… c’était racé, d’une grande noblesse, même après un tel marathon il s’est détaché, les légendes ne meurent jamais : “C’est une grande preuve de noblesse que l’admiration survive à l’amitié”…, ai-je répondu, pastichant Jules Renard.
Mea culpa…, Mea Ultima Culpa…, qu’on me fouette avec les roses trémières de ma crémière, qu’on me fasse boire de l’urine de chacal, qu’on me traîne derrière un char, comme Vercingétorix…, qu’on m’enduise de goudron et de plumes, qu’on me fasse écouter en boucle l’intégrale de Didier Barbelivien…, oui, chers tousses, j’avoue, j’ai juré que jamais plus, au grand jamais plus (j’aime beaucoup cette tournure de phrase…), je n’émettrais de critique négative sur mon D’Jimmy préféré et sur ses Hot-Rods… j’ai toujours été impressionné, qui plus est quand le héros erre dans l’ouest sauvage en distribuant des high-kick et des citations de Georges Bush qui sentait bon l’homme, le vrai, pas comme dans Brokeback Mountain, où les garçons vachers sont tout juste foutus de s’astiquer sous la tente.
Maintenant que c’est fait, je fais pénitence et je soigne mes bouffissures et mes tuméfactions…, je fais partie de cette génération bercée par le Hot-Rodding, “American Grafitti” et “Kalifornia-Kid”…
L’aventure dans laquelle Blacky et moi nous étions lancés s’est terminée par une sortie “Hot-Rod” en bande désorganisée…, il fallait de la moelle et se retrousser les manches pour finir en beauté…, il fallait surtout en avoir l’intention.
Nous avons convenu de “faire la route ensemble”, les 6 Hot-Rodders se dirigeants vers Nice, autant être en bande, d’autant que ça ferait de jolies photos…, au premier rond-point, un est parti dans une autre direction, au second ce fut un deuxième (sic !) et au troisième, forcément nous n’étions plus que 3 !
En route, D’Jimmy a bifurqué vers Vidauban pour une affaire intime qui ne nous regarde pas, nous n’étions plus que deux à foncer à 90 miles/p/hour, jusqu’au Muy ou j’ai pris la bretelle de St-Tropez…, c’était allégorique, une vie ou chacun part peu à peu aux ronds-points…
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