Corvette C2-1963/1967…
Le moins que l’on puisse dire écrire, c’est que les prototypes 1959 C2 Racer XP-87 et 1961 Mako Shark XP-755 préfigurant le design de la Corvette C2 Sting Ray, furent une véritable révolution dans le landerneau de la voiture sportive américaine…
La 1959 Racer XP-87 avait déjà stupéfié le monde occidental (le tiers et le quart monde avaient d’autres préoccupations), mais lorsque lorsque les journalistes du Nouveau-Monde découvrirent la1961 Mako Shark XP-755, ils s’extasièrent sans retenue avec les propos souvent enfantins qui les caractérisent…
C’est ainsi que l’un d’eux qui était resté une demi heure bouche bée devant cet engin spatialo-aquatique peint façon requin… écrivit en chapeau d’article : “C’est la plus extraordinaire invention après celle du chewing-gum”…, ce qui n’avait pas plus de sens que le design du gros poisson mécanique dont question…
1959 C2 Stingray Racer XP-87 et 1961 Mako Shark XP-755
En 1960, le travail de conception de la future Sting Ray 1963 était terminé, c’était le prototype 1959 C2 Sting Ray Racer XP-87 qui, question design, en était la base, mais GM voulait qu’un prototype encore plus extraordinaire soit rapidement réalisé pour promouvoir la nouvelle voiture…, quoique les Corvette modèles 1961 et 1962 allaient présenter dès l’année suivante leur demi arrière dans la forme retenue pour la nouvelle série 1963 !
C’est Larry Shinoda qui fut chargé de réaliser ce projet basé sur une refonte de la 1958 XP-700 qui avait inauguré le toit transparent à double bulle qui plagiait le style Zagato…
Une partie de l’équipe de conception avait fait valoir que le toit en lexan allait transformer la XP-700 en four auto-mobile, mais Mitchell avait eu une nouvelle idée : utiliser une nouvelle peinture transparente à base de poudre d’aluminium vaporisé à l’intérieur pour réduire la chaleur.
À ces début, en Avril 1960, au Coliseum à New York, lors du 4e International Automobile Show, cette double bulle plastique était l’une des caractéristiques les plus mémorables de la voiture, quoique ce toit transparent paraissait aussi incongru qu’un gars en smoking portant une casquette de Base-ball et une paire de chaussures de tennis…, mais c’était l’idée et l’oeuvre de Bill Mitchell qui était très excité à propos de la toiture à double bulle, des échappements latéraux et du rétroviceur périscope…
Au Coliseum à New York, lors du 6e International Automobile Show, Chevrolet a présenté la XP-755 Corvette, qui n’était donc que la XP-700 partiellement recarrossée et renommée Mako Shark…, et cela dans un spectacle grotesque nommé Corvette Kelly Show…
Ce fut délirant et le public était enthousisate…, G.M. était dès lors persuadé de posséder un maître-atout avec ce Project-Car… et, croyant en sa force, après l’avoir ensuite présentée partout ou s’était possible aux USA, n’hésita pas à l’expédier à sa filiale européenne : la G.M.Continental à Anvers, afin de la livrer à la critique des journalistes européens.
Toute la presse fut unanime à clamer que la voiture était absolument remarquable…, mais les journalistes mirent également en évidence les américanismes délirants que l’on ne supportait pas trop en Europe…
Son coté clinquant pastichant un requin… et la prolifération de fioritures inutiles comme les prises d’air factices et les échappements latéraux qui ornaient les flancs, n’enthousmait pas les journalistes européens qui par contre se sont laissé manoeuvrer avec complaisance par les responsables des relations publiques de General Motors pour écrire que c’était la voiture du futur proche…, ça ne coûtait rien et ça rapportait gros…
Fière de ces louanges (sic !), la voiture-requin rentra à Détroit mais la renommée de la Corvette gravit encore un échelon après que quatre grands carrossiers italiens eurent apporté leur touche personnelIe…, ils avaient reçu un châssis et s’étaient livré chacun à un remarquable exercice de style…
General Motors qui aurait du acheter le design de Scaglietti… ou mieux encore, celui de Vignale, ce qui aurait positionné la Corvette au rang stylistique des Ferrari, est resté insensible, préférant mettre en production ce qui était programmé depuis quelques années…, certain, désormais, qu’il n’y aurait bientôt plus rien à craindre de la part des rivales européennes qui continuaient pourtant à mordre à belles dents dans le marché américain de l’automobile sportive.
– La Corvette 1957 Ghia-Aigle était basée sur un modèle 1954 avec son moteur Blue Flamme 6 cylindres…, son style “Suisse” (Aigle était une carrosserie Suisse affiliée à Ghia-Italie) n’était pas très innovant même si c’était Giovanni Michelotti qui en était le maître d’oeuvre…
– Par contre la Corvette Scalietti 1959 aurait pu changer l’avenir de Chevrolet, en effet, c’étaient Gary Laughlin, Jim Hall et Carroll Shelby qui voulaient que la Carrozzeria Scaglietti à Maranello, en Italie, réalise une Corvette véritablement innovante en alliage léger pour, selon eux : “battre Ferrari et ses 250GTO et 250SWB Berlinetta à leur propre jeu, en commercialisant une vraie voiture de sport légère et bon marché avec la puissance et la fiabilité Chevrolet”…, mais étant le plus gros client de Sergio Scaglietti, Enzo Ferrari n’était pas content et a manigancé…
– La Corvette Vignale 1961 était, elle, un véritable chef-d’oeuvre construite pour le Salon de l’Automobile de Paris de 1961, basée sur un châssis de Corvette 1960 selon un design de Brooks Stevens (le père des Excalibur’s).
– La Corvette 1963 Pininfarina “Rondine” , avait été conçue par Tom Tjaarda (qui crèera le design de la DeTomaso Pantera), pour présenter le savoir-faire “plastique” de ce carrossier au Mondial de l’Automobile de Paris 1963, la “Rondine” avait deux toits différents, dont un en biseau inversé comme les Ford Anglia et Citroën Ami6.
Les Corvette Sting Ray 1963/1967 sont des “Milestones”, elles sont les plus abouties et les meilleures de toutes les Corvette anciennes, même si leurs moteurs et leurs transmissions étaient identiques aux modèles 1962.
Tout le monde s’extasiait devant leurs lignes hardies où tout était en arêtes aiguës : moins de courbes, moins de fioritures, les angles étaient omniprésents et il faut bien reconnaître que la partie avant effilée et dotée d’un fin grillage d’aluminium qui précédait une calandre dans laquelle étaient sertis des phares escamotables était aussi jolie que l’arrière.
Sur la version Coupe 1963, une arête centrale fuyait depuis la ligne du toit pour aboutir jusqu’à quelques centimètres du pare chocs arrière, un galbe qui effectuait la jonction entre ce qui pouvait être comparé à l’arrière d’une carlingue de petit avion et les ailes postérieures…, la Sting Ray était également disponible en version cabriolet qui proposait une allure encore plus envoutante grâce à un élancement général nettement plus racé.
L’intérieur (l’habitacle) était nettement enjolivé par rapport au style jukebox des modèles 59/62, bien que les cadrans ronds n’apportassent (sic !) rien de bien original…, dans leur conception, on découvrait cependant un brossage d’aluminium qui n’avait rien de déplaisant…, le volant était pour sa part constitué de branches métalliques ajourées qui ne manquaient pas d’esthétique.
L’année suivante (1964), la voiture fut légèrement retouchée mais Chevrolet proposait surtout des options intéressantes comme, par exemple, un dispositif d’assistance de direction et de freinage…, de même, un intérieur cuir était offert en option…
C’est aussi cette année-là que la puissance du moteur fut une nouvelle fois augmentée, en version carburateur,le V-8 développait 340 à 365 chevaux tandis qu’équipé de l’injection, la puissance montait jusqu’à 375 chevaux (S.A.E…, pas de panique !).
Les premières moutures de cette Sting Ray connurent un joli succès : 21.513 voitures furent vendues en 1963 et 22.229 en 1964….
Pourtant, bien qu’ayant été amélioré, le modèle 1964 est, actuellement, moins prisé que son devancier et ceci, pour la bonne raison que le coupé de 1963 constitue une sorte de mystique en fonction précisément du renouveau qu’il préfigurait avec son style “Split-Window”, un “must” en collection qui se perpétue puisque, de nos jours encore, la ligne amorcée avec ce modèle est encore d’actualité.
Le modèle 1964 était amélioré, car Duntov et son équipe avaient voulu supprimer un des problèmes majeurs de la voiture : le freinage, jusque là, était équipée du système à tambours de la Chevy qui s’avérait nettement insuffisant pour ralentir le poids important de la Corvette dans de bonnes conditions de sécurité…, la vitesse de l’engin n’avait, en effet, jamais cessé de croître.
Pour améliorer cette lacune, plutôt que de choisir le compromis disques avant/tambours arrière, on opta pour des freins à disques sur les quatre roues…, mais pas n’importe lesquels, le système choisi utilisait quatre pistons par étrier et, d’emblée, avec ses seize pistons, la Corvette s’avéra comme étant, de toutes les voitures du monde, celle qui disposait du meilleur freinage…, cependant, revers de la médaille, ce système, pour efficace qu’il fut, était handicapé par sa complexité et bien que livrant la voiture ainsi équipée en série, les frais d’entretien qui s’ensuivaient étaient prohibitifs…, G.M. se désintéressa complètement de ce problème, laissant ses clients se débrouiller eux-mêmes…, ce furent des propriétaires enthousiastes qui trouvèrent la solution en utilisant des pièces inox pour la confection des cylindres…, ce n’est qu’en 1982 que G.M. décida enfin de solutionner ce problème à la construction, il y a de ces mystères que l’on ne comprend pas !
L’année 64 marque également une étape importante dans l’histoire de cette Corvette car c’est à ce moment que G.M. décida d’abandonner définitivement le système d’injection d’essence auquel Duntov avait consacré tant de nuits d’études…, la raison se justifiait par le coût important engendré par ce type d’alimentation.
Les fanas de la Corvette regrettèrent longtemps cette option et c’est la raison pour laquelle le modèle 65 équipé des quatre disques et du moteur à injection est un des plus prisés à l’heure actuelle puisqu’il est le seul à combiner ces deux éléments techniques appréciables.
Suivant une politique bien établie, G.M. soignait particulièrement l’importante brochette de ses clients qui souhaitaient aligner leur voiture en compétition, pour cela, le constructeur offrait différents kits en option ; notamment dans le domaine de la suspension.., la Corvette avait évidemment une réputation à défendre sur les pistes et notamment face aux puissantes Cobra de Carroll Shelby qui n’étaient autres que le blason de Ford en compétition.
Extérieurement,la forme de la Sting Ray n’était modifiée que par des détails qui lui donnaient cependant une autre apparence clairement différenciable, le gros moteur avait engendré la nécessité de créer une grosse bosse sur le capot des versions Big-Blok, ce qui, évidemment, était loin de l’enjoliver…
La liste des options offertes lors de l’achat d’une Corvette était longue, démesurée pourrait-on dire, c’est ainsi que l’on trouve encore à l’!leure actuelle certains modèles de cette époque équipés de roues dorées ou nanties d’échappement latéraux, la Sting Ray présentait ainsi une allure “terrible”, surtout en version cabriolet (qui, dans cette configuration, pouvait recevoir différents types de hard-top…, en version coupé, si la ligne conservait toujours cet arrière tourmenté composé de l’arrête fuyante depuis la naissance du toit, elle ne présentait plus l’handicap majeur pour les conducteursde l’épaisse barre qui séparait en deux la lucarne arrière.
La mouture ’65-’66 de la Corvette fut une grande cuvée principalement du fait, nous l’avons dit, que ce n’est que sur les voitures de cette lignée que l’injection côtoya le freinage à disque sur les quatre roues, elle s’adressait pourtant à des conducteurs ex expérimentés, non seulement en raison de la puissance qui provoquait des réactions “épiques” de l’ensemble de la caisse…, mais aussi et surtout à cause d’une direction perfectible que l’on ne maniait pas avec aisance à grande vitesse…, ce n’est pourtant pas cela qui empêcha son succès : la Sting Ray était entrée de plein pied dans la légende et ses lignes n’en finissaient pas de faire envie !
1966 Corvette Sting Ray “Big-Block”
Des milliers de fervents amateurs de voitures de sport, alléchés par la réputation que la Corvette s’était taillée, tant dans le domaine du grand tourisme que dans celui de la compétition attendaient avec impatience l’arrivée de la nouvelle version que les gens bien informés des desseins de G.M. annonçaient complètement remaniée quant à la ligne.
Pas question, donc, d’acheter un modèle intermédiaire qui serait trop vite déprécié par rapport à la nouvelle mouture, cependant, le bureau de style du géant américain tarda quelque peu dans ses travaux et iI fut décidé de sortir malgré tout un modèle intermédiaire qui effectuerait la liaison entre les deux générations.
1966 Corvette Sting Ray “Big-Block”
Comme souvent, on réussit une performance de choix quand il faut impérativement parer au plus pressé…, c’est ce qui se passa avec la Corvette ’67 que les puristes considèrent à l’heure actuelle comme étant, avec le modèle ’63, les deux best-sellers de toute l’histoire de cette voiture…, d’ailleurs, de nos jours, la Corvette ’67 tient encore le haut du pavé et n’en finit pas de faire rêver les collectionneurs… qu’avait-elle donc de si extraordinaire ?
En vérité, seuls des détails avaient été modifiés mais la conjugaison de ces remaniements avait été une totale réussite, non seulement au point de vue de l’esthétique, mais aussi des aménagements…, pour le conducteur, divers points avaient été modifiés, ainsi, par exemple, le levier du frein à main était-il disposé entre les sièges, augmentant notoirement le confort d’utilisation…, de même, les cadrans des instruments étaient retouchés et l’on trouvait enfin des ceintures de sécurité à désenclenchement automatique…, ce n’étaient là que des aménagements accessoires, mais ils avaient leur importance.
1966 Corvette Sting Ray “Big-Block”
Extérieurement, la ligne avait subi des retouches qui la rendait nettement plus agréable à l’œil, ainsi, la bosse sur le capot nécessitée par la présence des pipes d’admission du moreur à carburateurs avait été affinéee, elle comportait une ouverture unique effilée qui, d’un seul coup, abaissait considérablement l’allure générale de la voiture… et, à l’avant comme à l’arrière, les pare-chocs avaient été redessinés et présentaient une forme beaucoup plus fine.
Dans le domaine des moteurs, le, choix offert n’avait pratiquement pas changé par rapport à l’année précédente, le plus puissant d’entre eux dispensant une puissance de 400 chevaux à 5.600 tours avec, surtout, un couple remarquable qui arrivait dès les 3.600 tours…, sur tous ces engins, l’allumage était transistorisé sans contact et, comme toujours, les compressions élevées (11:1 pour le 400 CV) étaient à l’honneur…, en fin d’année, on vit même apparaître un moteur de 560 CV équipé d’une culasse en aluminium coulé sous pression et doté d’une compression de 12,5:1…, mais il ne fut autorisé que dans certains États laxistes en matière d’émission des gaz toxiques, car il nécessitait un carburant à 103 degrés d’octane…, équipée de ce moteur fabuleux, la Sting Ray de ’67 démarrait sur le quart de mile en 13″ et nécessitait cinq secondes pour le 0 à 100 : un dragster !
1967 Corvette Sting Ray “Big-Block”
Cette cuvée ’67 fut, la dernière de ce que l’on appelle désormais “la meilleure des Corvette”..., beaucoup de fanatiques Corvettistes se demandent pourquoi G.M. n’a pas décidé d’en poursuivre la productiontion plus longtemps…, la réponse est que cette Sting Ray ’67 ne se vendit pas très bien pour la “mauvaise” raison que les acheteurs potentiels attendaient avec impatience la sortie de celle qui devait lui succéder, la C3.
Ces amateurs “précautionneux” se sont fourvoyés, mais ils ne pouvaient évidemment pas se rendre compte du brillant avenir auquel était promu ce modèle ’67 qui languissait, faute d’acheteurs, dans les showrooms des concessionnaires…
A suivre : La Corvette C3 1968-1982…