Country attitude : Silver Dollar Pontiac 1964…
Sur l’autoroute, le compteur de la Pontiac Bonneville 1964 de “Hank Williams Jr”, une Convertible Customisée façon “Country” et surnommé “Silver Dollar Pontiac”…, affiche 100 km/h.
Mon indicateur de puissance personnel, bien ancré au fond de mon moi profond, m’informe alors que je n’utilise guère plus de 100 chevaux sur les 320 disponibles de son big-block 421ci.
Bienvenue sur la planète cow-boy !
“Avoir autant de pur-sang sous les ordres est un gage de sécurité” m’a dit Mister O’Quinn, propriétaire de l’engin… et délirant collectionneur d’automobiles farfelues…
À condition d’avoir un minimum de sensibilité dans le pied droit, car ce charriot western présente une double personnalité.
Si l’on se contente d’effleurer l’accélérateur, le cabriolet se montre aussi docile qu’une 2 chevaux.
Mais, si vous avez le cran de mettre le pied au plancher, la mécanique marque d’abord une pose, puis le gros carburateur quadruple corps sonne la charge en émettant un “Glou-glou” peu rassurant…, la boîte Turbo-Hydramatic trois vitesses rétrograde en première, et… vous vous retrouvez embarqué vers l’horizon !
L’accélération est cataclysmique par rapport à celle d’une 2 chevaux, elle vous donne le tournis.
Terrifiant… et tellement grisant d’imaginer que ce monstre de mauvais goût devra stopper grâce à 4 antiques freins à tambours.
Fort heureusement, sur route plane, le châssis se montre à la hauteur du fulgurant 8-cylindres, mais il faut emprunter une route défoncée pour s’apercevoir qu’il date d’une autre époque, alors que la Pontiac Bonneville tangue et chaloupe comme une barquette sur un océan déchainé…
Nudie Cohn, le célèbre “Rodeo Tailor to the Stars”, a d’abord pris de l’importance dans les années 1950 comme étant le tailleur personnel de Roy Rogers et Dale Evans, faisant ensuite les manchettes des journaux nationaux américains avec les 10,000 dollars d’or utilisés pour le costume créé pour Elvis Presley en 1957.
Des années 1950 aux années 1980, Nudie Cohn a réalisé des milliers de costumes pour une multitude de grandes vedettes, allant de Gene Autry à ZZ Top.
A partir de 1960, Nudie Cohn a ajouté sa signature à divers traitements de carrosseries pour un certain nombre de Cadillac, Buick et Pontiac…
Webb Pierce (l’une des stars les plus flamboyantes de Nashville), lui a commandé de personnaliser une Pontiac Bonneville 1962 sur le thème du dollar, la voiture devant en être couverte.
A partir de là, les commandes vont affluer, notamment de Audrey Williams, la veuve de la légende de la musique country : Hank Williams, qui a demandé en 1964, à Nudie Cohn de lui construire exactement la même que celle de Webb Pierce…, mais sur une base de Pontiac Bonneville cabrio 1964…
En finale cette extravagance lui à coûté 22.000 $…, l’engin devant servir de véhicule de promotion pour son fils Hank Junior.
Cette automobile indescriptible est l’une des neuf “Nudiemobiles” dont on sait qu’il en existe encore une dizaine aujourd’hui sur les 18 construites.
Chacune était unique et personnalisée avec plusieurs armes western non-fonctionnelles, mais authentiques malgré leurs “embellissements” chromés.
Sur base d’une Pontiac Bonneville Convertible 1964, achetée neuve, Nudie Cohn a éliminé toute trace des matériaux intérieurs originaux et a tout remplacé par du cuir véritable et labelisé “western”, repoussé à la main…
Puis vint l’application de nombreux dollars en argent véritable et pourtant ultra-collector, datant de 1922 à 1934, ainsi que des pistolets chromés, des fers à cheval, des chevaux miniatures et des fusils.
Certains de ces articles ont été utilisés comme des pièces de remplacement fonctionnels pour les portes (poignées intérieures et extérieures)… et divers commutateurs au tableau de bord.
Au moment où Audrey Williams avait acheté la Pontiac pour son fils Hank Junior, celui-ci était déjà une étoile montante, qui a chanté et joué sur la trame sonore du film MGM de 1964 “Your Heart Cheatin, Hank Senior”, un film biographique, pour lequel la voiture a été utilisée pour attirer l’attention des médias.
Et cela a réussi, la Pontiac Bonneville cabriolet faisant de nombreuses apparitions publiques avec des gardes armés à travers le pays, en ce compris une apparition au “Tonight Show” de Johnny Carson.
En 1968, la “Silver Dollar Pontiac” a rejoint le Smoky Mountain Car Museum, où elle a attiré des dizaines de milliers d’admirateurs jusqu’en 2006, année ou elle fut acquise par la Collection O’Quinn.
Non restaurée mais toujours dans un parfait état, la Bonneville est proposée en vente aux enchères par RMAuctions pour une estimation située entre 250.000 et 300.000 US$…., avec une copie complète du “title” original confirmant Audrey Williams en tant que propriétaire d’origine, ainsi qu’une sélection de photographies, coupures de journaux et divers documents originaux de Pontiac.
Alors que la Bonneville a été une pièce de musée jusqu’en 2006, elle a été entièrement réparée pour pouvoir rouler sans problèmes.
Elle n’a été utilisée qu’avec parcimonie depuis lors… et n’a connu qu’une utilisation limitée dans un défilé western en 2009.
Cette automobile est unique dans l’histoire de la musique country.
Je dois reconnaître que j’étais sceptique à l’idée d’essayer cette Pontiac Bonneville cabriolet 1964 pesant plus de 2 tonnes.
Volant en mains, la Pontiac ne fait pourtant pas son poids.
Sa direction s’avère légère et floue.
En virage, elle vire en élargissant sa trajectoire.
Aucun dénivelé ne parvient à freiner l’ardeur de son moteur…, quelle que soit la vitesse, pour autant qu’on n’excède pas les 130 km/h…, son freinage se montre angoissant si surgit un obstacle imprévu.
Difficile d’imaginer plus stupide démonstration de non-maîtrise technologique.
Si la vitesse de pointe est anecdotique, on se régale de ses reprises qui raccourcissent les lignes droites. Au petit jeu de l’élastique, le cabriolet s’avère vivant, car, toit ôté, on se retrouve aux premières loges pour profiter du concerto orchestré par le V-8.
Quand ce moteur de 7 litres de cylindrée avale goulûment sa ration d’air, on baisse instinctivement la tête par crainte d’être gobé tout cru !
La capote électrique se manoeuvre simplement par un bouton multi-fonctions en un tournemain.
Si l’orage menace, la voiture se “recapote” comme un parapluie pour permettre de rentrer au sec, jusqu’à 160 km/h.
À bord, le vent souffle et le V-8 tempête, n’encourageant guère les performances au volant.
Le portrait-robot du propriétaire-conducteur idéal de cette Pontiac Bonneville Cabriolet 1964, c’est un citoyen américain, grand amateur de country, qui fait rimer patriotisme et masochisme puisqu’il aura achèté horriblement cher un véhicule qui lui rendra de moins en moins de services au fur et à mesure que sa démesure va le lasser.
Appuyer à fond sur l’accélérateur lui est déconseillé, le moteur lui vaudra l’opprobre de ses voisins écolos, le racket des garagistes et des gardes à vue lorsque la sienne (de vue) ne sera plus capable de repérer des limitations imposant l’allure d’un piéton fatigué.
Il devra disposer d’un budget qu’il consacrera égalitairement aux contraventions et aux réparations.
En raison de la lenteur de son charriot western, il va polluer deux fois plus qu’avec une voiture “normale” pour effectuer le même parcours.
Rançonné de la même façon, qu’il stationne ou qu’il roule, il n’aura d’autre espoir que de toucher la prime à la casse lui permettant de se débarrasser de son épave lorsqu’on lui aura volé toute la quincaillerie décorative, dollars compris !…
Il se considèrera toutefois comme une vedette de la country à force de passer devant des caméras de vidéosurveillance et se rengorgera de fierté chaque fois qu’un chanteur de Rock-and-roll sur le retour (d’âge) saluera son choix…