De Tomaso, la fin… “Lo Rossignolo di Modena”…
La Pantera, commercialisée au début de sa “vie” par Ford (actionnaire de De Tomaso jusqu’en 1974) a marqué les années ’70 mais a peu à peu perdu de son prestige, le flamboyant Alejandro de Tomaso, son fondateur, s’étant peu à peu désintéressé de sa marque éponyme pour se consacrer à son “groupe automobile” constitué de Maserati, Innocenti et Moto Guzzi.
Depuis son lancement en 1971 et jusqu’à la fin de sa carrière en 1993, 7.082 exemplaires de la De Tomaso Pantera ont été fabriqués, la majorité dans les années ’70 (6.579 exemplaires entre 1971 et 1979 en version L et GTS)… et le reste dans les années ’80 (GT5 et GT5-S, 462 exemplaires entre 1979 et 1989).
Pour moderniser la ligne de sa sportive devenue presque caricaturale au cours des années ’80 avec rajouts divers dont un aileron, le designer Gandini va en réaliser un clone tentant de la faire passer pour un nouveau modèle grâce à quelques tics de dessins bâclés, comme une casquette à la base du pare brise que l’on retrouve aussi sur la Maserati Shamal !
Pourtant, après des débuts en fanfare grâce à une Biturbo salvatrice, les problèmes financiers obligèrent Alejandro à revendre Innocenti à Fiat… et à laisser entrer le géant turinois au capital de Maserati.., dès lors, Alejandro, délesté de ses joujous favoris, va tenter de donner un coup de fouet à sa vieillissante Pantera pour revenir sur le devant de la scène.
La “nouvelle” Pantera est présentée en 1990, elle dispose du moderne V8 302 à injection électronique (adieu les carbus) de la Mustang de l’époque, ce moteur affiche 305 chevaux grâce à la modification des arbres à cames, des ressorts de soupapes et du collecteur d’admission…, les freins sont des Brembo, le châssis est retravaillé, certains exemplaires peuvent recevoir une boîte de vitesse Getrag 6 vitesses issue de l’Audi RS2…, ce sera la dernière de la lignée des Pantera…
Au début des années ’90, le “flamboyant” argentin Alejandro de Tomaso n’est plus le trublion de l’industrie automobile italienne qu’il avait été…, les difficultés financières l’ont obligé à revendre à Fiat ses marques phares : Maserati et Innocenti, après s’être déjà débarassé de Moto Guzzi…, du petit groupe automobile qu’il avait construit, il ne reste plus que la marque éponyme de Tomaso, qui ne produit plus rien !
La marque a du mal à redémarrer… et la “nouvelle” Pantera, avec sa chirurgie inesthétique et ces maigres évolutions techniques, reste dépassée…, raison pour laquelle seuls 39 exemplaires (au lieu des 250 attendus) trouvent preneurs (4 exemplaires seront modifiés très officiellement en 1994 par la carrosserie Pavesi, vieux partenaire des marques du groupe de Tomaso, en version Targa)…, c’est le chant du cygne à l’agonie…
Pourtant, l’argentin ne baisse pas les bras et tente de relancer sa marque fétiche en ressortant la Maserati Barchetta de 1991, rangée au placard suite au rachat par Fiat après avoir été produite seulement à 17 exemplaires, c’est Carlo Gaino, designer indépendant qui avait dessiné cette Barchetta, et qui signe les modifications qui en font la Guarà…, en fait, seul un toit a été rajouté à cette Maserati…, mais il est prévu, si les finances reviennent, que la barchetta sera aussi produite, ainsi qu’une targa.
Alejandro de Tomaso a été séduit par l’idée de la Guarà, il débauche un vieil ami de chez Maserati pour la peaufiner…, tous les deux se lancent alors à corps perdu dans ce projet de la dernière chance…, Casarini, pour respecter la tradition des automobiles de Tomaso, mais aussi pour des questions de coût, s’oriente vers une motorisation américaine, en l’occurence un V8 de 4,6 litres de 320 chevaux en provenance de chez Ford, partenaire historique de la petite firme.
Mais Ford qui craint de ne plus être payé, rechigne à vendre son V8 et ne livre plus…, Casarini s’oriente vers Holden Special Vehicule (HSV), la filiale haute performance du constructeur australien Holden…, mais finalement c’est BMW qui prend le relais en fournissant une poignée de V8 4 Litres de 304 chevaux, accouplés à une boîte 6 vitesses d’Audi RS2…
La De Tomaso Guarà est dévoilée au Salon international de l’automobile de Genève en 1993 et la production commence aussitôt…, on s’aperçoit immédiatement que le public boude cet engin de 120.000 euros, la Guarà ne touchant qu’un public très restreint de fanatiques très fortunés…, la Guarà ne sera donc fabriquée que sur commande de 1993 à 1998…
Mais, Alejandro DeTomaso qui croit (à tort) que c’est de la faute de la motorisation BMW, parvient toutefois à convaincre Ford de fournir à nouveau des moteurs… et en 1998 une seconde phase de Guarà sera lancée, le moteur BMW étant remplacé par un bloc Ford V8 de 4L6 équipant entre autres la Ford Mustang et qui développe une puissance de 320 chevaux…
Alejandro de Tomaso s’est entretemps attelé au projet Biguà (la future Qvale Mangusta), c’est le directeur technique de Maserati de l’époque, Giordano Casarini, son ami, qui lui a donné “LA” solution miracle : lors d’un voyage d’affaire en Angleterre en 1993, Casarini avait en effet été impressionné par TVR et sa Griffith…, du coup, à son retour, il a suggéré à Alejandro de Tomaso de construire une TVR à l’italienne : la Biguà…
Mais pour Alejandro de Tomaso, c’est un pis-aller, une bêtise, il s’agit surtout de tenir pour que la nouvelle vraie DeTomaso : la Guarà…, qui selon lui est la seule à pouvoir remplacer la Pantera, assure l’avenir de la marque… (après 11 ans de carrière, seuls 40 coupé et targas ainsi que 10 barquettes seront produits, pas assez pour assurer la survie…, c’est en tout cas la dernière De Tomaso véritable, celle qui signe la fin du constructeur de Modène…, c’est la fin d’une époque aussi) !
C’est donc sur la Biguà que repose le devenir de DeTomaso…, côté design, on fait appel à Marcelo Gandini, designer historique de Maserati que de Tomaso apprécie beaucoup… et la de Tomaso Biguà est présentée en 1996 au salon de Genève…, difficile de la trouver belle, on a déjà vu Gandini plus inspiré…, elle est massive et torturée, lourde malgré son gabarit relativement petit.
A cette époque, la santé d’Alejandro décline, tout comme ses réserves financières…, pour continuer l’aventure, il faut trouver de l’argent…, après avoir essuyé le refus de l’Etat Italien de lui avancer des fonds, c’est vers la famille Qvale que de Tomaso s’oriente…, Alejandro les connaît bien puisqu’elle a importé Maserati et de Tomaso aux Etats-Unis pendant les années ’80.
Le père, Kjell, a déjà eu des ambitions de constructeur automobile : dans les années ’70, il fut le propriétaire de la marque anglaise Jensen, jusqu’à sa faillite en 1976, initiant la création du roadster Jensen-Healey.
Dès le début, les clashs sont nombreux…, les Qvale père et fils veulent appeler la voiture Mangusta et délaisser le nom de Biguà…, ils ont en tête de conquérir le marché américain et de faire revivre ce nom évocateur (la mangouste est un animal qui tient tête au Cobra, vous voyez le clin d’œil ?).
Bruce son fils, se laisse séduire par l’idée de réussir là où son père avait échoué… et investit donc chez de Tomaso…, c’est lui qui débarque à Modène sous le regard attendri de son père Kjell…, comme souvent, la belle histoire tourne au vinaigre…, Alejandro de Tomaso est un caractériel… et s’il veut bien l’argent des américains, il n’a aucune envie de se voir dicter la conduite à suivre…
Et c’est au dernier moment que de Tomaso refuse d’offrir son nom à la petite sportive, à tel point que les premières Mangusta produites portent le logo de Tomaso sur le capot, et la marque Qvale à l’arrière…, forcément, sans la marque de Tomaso, la Mangusta perd de son aura…, le nom Qvale, s’il est connu des amateurs d’automobiles (Qvale importa aux Etats-Unis les marques Jaguar, Jensen, Rolls Royce, ou Volkswagen par exemple)…, n’a ni histoire, ni légitimité…, il est en outre imprononçable, Kjell Qvale étant d’origine norvégienne.
En 1997, la société Qvale Modena SpA est créée pour produire et commercialiser la Mangusta…, De Tomaso n’a plus vraiment de prise sur le projet…, en novembre 1999, la première Mangusta est prête… et en janvier 2000, elle est présentée au Los Angeles Motorshow, où Bruce Qvale annonce le retour de De Tomaso aux Etats-Unis…., la belle aventure d’une renaissance de la marque de Tomaso n’aboutit à pas grand chose…
Entre janvier 2000 et février 2001, seuls 284 exemplaires de la Qvale Mangusta seront produits…, trop peu au regard des ambitions des Qvale et de leur investissement…, ils prévoyaient pas moins de 600 exemplaires annuels…, de plus, le torchon brûle entre les Qvale et Alejandro de Tomaso, qui développe de son côté un projet de nouvelle Pantera…, l’utilisation de la marque de Tomaso est au cœur de la discorde… et finalement, la Mangusta portera le nom de Qvale.
Des négociations sont engagées début 2001 avec les nouveaux propriétaires de la marque anglaise Rover, le consortium Phoenix…, finalement, l’usine et les droits de la Mangusta sont revendus à Rover pour 7 millions de £…, l’aventure Qvale se termine, mais la Mangusta vivra une seconde vie (cahotique) sous une nouvelle carrosserie et un nouveau nom : MG Xpower SV…, la renaissance de la marque De Tomaso n’aura pas eu plus de succès que les précédentes, les médias italiens annoncent d’ailleurs rapidement la cessation d’activité de l’entreprise De Tomaso Automobili Spa et la mise en vente de l’usine de Grugliasco.
Lo Rossignolo di Modena : Gian Mario Rossignolo…, veut relancer la marque avec un plan prévoyant le lancement de 2 modèles le premier baptisé Deauville étant un luxueux crossover au style malheureusement sans âme…, le second devant être la renaissance de la Pantera…, en 2011, au salon de Genève, De Tomaso refait donc surface (le précédent modèle datait de 1993 !) avec un prototype qui ne déchaîne pas l’enthousiasme des foules….
Dénommée Deauville, la “Nouvelle” De Tomaso au design quelconque est motorisée par un V8 de 550 chevaux ou par un V6 de 300 chevaux…, hélas, le projet semble aussi suspendu à des accords avec la Chine…, qui ne se seront pas concluants : “L’échec de notre initiative n’a rien à voir avec des motifs industriels, mais plutôt financiers. La technologie, le produit, la marque ont suscité un grand intérêt sur les différents marchés internationaux, confirmant-là la validité du projet” confie Edoardo Rossignolo, vice-président du développement de la marque, à la presse…
L’entreprise qui a reçu des fonds en provenance de Chine n’en a visiblement pas assez reçu…, ni assez de commandes pour atteindre un équilibre économique nécessaire à la poursuite de l’aventure…, les employés de l’usine ex-Pininfarina rachetée par Gian Mario Rossignolo n’ont pas été payés depuis des mois et ne devraient donc pas voir l’horizon s’éclaircir pour eux…, même constat pour la région du Piémont, principal créditeur de cette aventure avec une avance de 5 millions d’euros…, l’usine est officiellement en vente alors que la compagnie est en liquidation…, une nouvelle marque vient de mourir…
Le tribunal de Livourne (Italie) déclare De Tomaso en faillite…, environ mille salariés se retrouvent sans travail : “Aujourd’hui se termine un douloureux chapitre de l’histoire industrielle piémontaise de ces dix dernières années” grince l’UILM, un syndicat de salariés italien, “deux ans et demi de gestion à la De Tomaso ont mis en péril la carrière de mille personnes, l’histoire de De Tomaso a toujours été caractérisée par beaucoup d’annonces, et peu de concret”.
Force est de reconnaître que les faits donnent raison au syndicat…, alors que De Tomaso avait fait faillite en 2004, soit un an après le décès de son fondateur Alejandro De Tomaso, la marque avait été récupérée en 2009 par Gian-Mario Rossignolo…, celui-ci, après 22 ans passés au sein du groupe Fiat et deux années à la tête de la marque Lancia, paraissait bien armé pour relancer une marque aussi prestigieuse…, finalement, Gian Mario Rossignolo est arrêté par la police fiscale italienne, placé en détention dans une affaire de détournement des 7,5 millions de fonds publics accordés à la firme italienne, en compagnie du directeur des ressources humaines et d’un intermédiaire financier…
Ils sont soupçonnés de s’être servis pour leur cause personnelle de l’argent public destiné à sauver De Tomaso, endetté à hauteur de 20 millions d’euros, plus 7,5 millions de fonds publics accordés à la firme transalpine en mai 2014 par la région du Piémont qui avait en sus, demandé à De Tomaso de lui rembourser les 5 millions d’euros qu’elle lui avait déjà accordés…, l’ancien propriétaire Gian Mario Rossignolo et son fils Gianluca plus six autres accusés, tous “au fond du trou”, tentent alors de négocier des peines entre 22 et 24 mois de prison ferme auprès du juge d’instruction Alfredo Toppino… qui refuse !
Le procureur de Turin ouvre une enquête pour que la police fiscale fasse la lumière sur l’utilisation des fonds financiers, parmi les infractions reprochées par le procureur Vincent Pacileo il y a banqueroute frauduleuse, fraude contre les organismes publics, fausses garanties, blanchiment d’argent et violation de la loi sur les faillites…, l’enquête a été, en fait, un jeu.., le procès débute le 23 Mars 2016…., entretemps, le 28 Avril 2015, la marque a été vendue aux enchères par l’Etat Italien à “Ideal Team Venture Limited”, une entreprise qui produit des voitures en Chine, mais qui a son siège social dans les îles Vierges britanniques…, mais d’autres informations indiquent que “Genii Capital”, propriétaire de l’équipe Lotus de F1, a remporté l’enchère pour 2,05 millions d’euros, c’est un consortium chinois basé à Hong Kong !
Un mois plus tard, une nouvelle dépêche d’une agence de presse italienne indique que De Tomaso vient d’être repris par le même groupe chinois “Ideal Team Venture Limited” face à l’Italien EOS qui perd l’enchère pour à peine 10.000 euros de différence.., il se trouve en fait que la première enchère avait été remportée par le groupe L3 Holding qui disait, à tort, être associé avec Genii Capital…, la vente a donc été cassée et reprogrammée…, selon ce nouveau communiqué, le consortium chinois dont le siège social se situe dans les Iles Vierges britanniques a déboursé un peu plus d’un million d’euros pour prendre possession de la marque fondée par l’Argentin Alejandro De Tomaso en 1959…
La société produit déjà des automobiles en Chine, le rachat de la marque devrait leur permettre d’utiliser le nom De Tomaso pour leurs produits, ce que regrettent déjà bruyamment les employés italiens pour qui la solution chinoise était loin d’être la meilleure…, rien ne dit en effet que le groupe produira des autos en Italie…, d’autant que cet acquéreur devait verser la somme dans les deux jours de la vente… et n’a rien payé..
Un an est maintenant passé…, rien ne sera payé et le procès de Gian Mario Rossignolo et son fils se termine : Huit ans de prison pour l’entrepreneur Gian Mario Rossignolo, jugé pour l’échec de la remise en route du constructeur automobile historique De Tomaso… et six pour son fils Gianluca.