2009 Corvette Bertone Mantide & 2019 Bertone Design Africa…
Bertone c’est ceci, c’est cela, c’est surtout le design de la Lamborghini Miura, mais pas que… C’est en novembre 1912 que Giovanni Bertone, alors âgé de 28 ans, crée à Turin un atelier de construction et de réparation de carrosses à chevaux, alors que tout indique que le XXe siècle sera automobile. Mais en 1915, l’Italie entre en guerre, c’est la première mondiale et l’activité de l’atelier Bertone est comme tuée dans l’œuf. Giovanni Bertone reprend son activité au début de l’année 1920 dans un nouvel atelier situé 119 via Monginevro à Turin, avec 20 salariés, non plus pour fabriquer des carrosses à chevaux, mais des carrosses automobiles… Et c’est en 1921 que la société reçoit sa première commande importante de design et construction automobile pour FIAT ! Avec les débuts de l’industrialisation du secteur automobile, les méthodes de carrossage emboîtent le pas : ce sont des chaînes de montage qui assemblent désormais les armatures en bois sur des châssis métalliques…
Les voitures étant de plus en plus rapides, exigent des carrosseries de plus en plus solides. Bertone conçoit un hard-top démontable pour transformer la Lambda de Vincenzo Lancia en berline… En cette suite, très rapidement Bertone est sollicité par les plus importants constructeurs automobiles de cette époque : Fast, Chiribiri, Aurea, SCAT, Diatto, Fiat et Lancia… Vincenzo Lancia, qui le surnomme “Bertunot” (à la piémontaise), lui confie quasiment toutes ses réalisations spéciales destinées à une production en petite série. C’est le début de la production “Fuori serie” italienne qui fera le tour du monde. Mais huit ans plus tard, la crise de 1929 pénalise toute l’industrie automobile mondiale, y compris Bertone qui est pourtant considéré comme “LE” designer italien de référence,… S’ensuivent de sombres années… En 1933 le fils de Giovanni Bertone, le jeune Giuseppe “Nuccio”, à peine âgé de 19 ans, fait ses premiers pas dans l’usine paternelle et, en 1934, il réalise la Fiat 527S Ardita 2500 qui représente le premier volet d’une révolution du design.
C’est aussi une toute nouvelle manière de concevoir la nouvelle génération de voitures. L’aérodynamique devient un concept à la mode et les carrosseries affichent des détails constructifs nouveaux dont l’esthétique est particulièrement soignée (calandre avant incorporant les phares, capote qui se loge entièrement dans le corps arrière de la voiture)… Trois ans plus tard, la Fiat 1500, dont la carrosserie profilée est signée Nuccio Bertone, remporte le concours de stylisme de Turin… En conséquence, les créations Bertone symbolisent de plus en plus le design italien, mais la seconde guerre mondiale éclate quelques années plus tard, période durant laquelle les activités de la carrosserie Bertone seront tues, puis ensevelies dans une tombe de silence… Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe se remet lentement de ses blessures, l’économie redémarre avec la reprise des productions d’avant guerre… la première automobile de conception nouvelle est la Fiat 1100 dont Nuccio Bertone se voit confier la conception et la production de la version cabriolet.
La Carrozzeria Bertone sera ensuite l’auteur du dessin de très nombreuses automobiles qui marqueront leur temps, entre autres pour Alfa Romeo, Ferrari, Fiat, Lancia, Lamborghini, Volvo et Lambretta, ainsi que MG, Bristol, Aston Martin et NSU. Les années 1960 représentent l’archétype des GT à l’italienne… période durant laquelle Bertone dévoile l’Alfa Romeo 2600 Sprint, la Ferrari 250GT SWB Berlinetta Speciale, l’Aston Martin DB4 GT et la Maserati 5000 GT… ainsi que la Simca 1000 Coupé, la BMW 3200 CS, l’ASA 1000, l’ISO Rivolta GT 300 et Grifo… avec en point d’orgue, la Fiat 850 Spider dont Gianni Agnelli lui confiera la production qui atteindra 120 voitures par jour entre 1965 et 1972, dont une version spéciale pour les États-Unis. Lors de la création de la marque Lamborghini, Bertone en sera désigné carrossier officiel et sa plus belle réalisation restera la Lamborghini Miura… C’est durant cette période que vont surgir de grands noms du design ayant appris leur métier chez Bertone, comme Marcello Gandini et Giorgetto Giugiaro.
Début des années 1970, les ateliers Bertone éclosent près de Turin où ils occupent une surface de 267.000 mètres carrés et emploient 1.500 salariés sur ce nouveau site. Y sont regroupé les bureaux d’études, l’usine de construction des carrosseries et d’assemblage des voitures, mais c’est à Capri, près de Turin, que sont installés les bureaux de recherche de la division Bertone Stile, le centre de R&D design dans lequel sont étudiées et créées les formes nouvelles et les prototypes. Après la gloire que connaissent les ateliers Bertone jusqu’à la fin des années 1980, lentement le carrossier revient à des ambitions plus modestes… Au début du XXIe siècle, Bertone ne subsiste plus qu’avec l’Alfa Romeo GT, rejointe par des commandes de quelques constructeurs chinois comme Chery, FAW ou BAIC… Cela va générer une sorte d’instinct de survie donnant l’idée de créer un modèle inspiré de diverses créations chinoises : la Mantide qui fait les yeux doux à General Motors espérant une mise en fabrication d’un modèle dit “de Carrossier”, comme la Cadillac Allanté.
Finalement, Bertone présente au Salon automobile de Genève 2012 un concept-car qui signera malheureusement sa dernière création, alors que l’entreprise fêtait son centième anniversaire… En effet, en 2014, après l’accumulation de dettes sur les cinq années précédentes, estimées à près de 31 millions d’euros, Bertone n’est plus en mesure de continuer la lutte pour sa survie… sans plan crédible pour son avenir, celui qui marqua le design automobile au niveau mondial, ne peut plus rien entreprendre… La faillite est actée le 4 juin 2014, sans aucune médiatisation. Les droits appartiennent désormais à la nouvelle firme “Bertone Design” créée à Milan par Marco Filippa et Ermelinda Cortese… et dirigée par l’architecte Aldo Cingolani, lequel est soutenu par un groupe d’entrepreneurs dans le but d’un renouveau de la marque au niveau mondial dans les domaines de l’architecture, du design industriel, de la mode et le secteur ferroviaire (les ETR 10005 Trenitalia et le train “Jazz” régional d’Alstom entrent en service en 2015).
La société Bertone Design fait long feu par manque de moyens et pour cause de commandes non payées, non suivies, non renouvellées… La société est revendue au Groupe AKKA Technologies au deuxième trimestre de 2016, une société qui regroupait déjà des activités de design automobile grâce à Mercedes Benz Technologies, propriété du Groupe AKKA Technologies depuis plusieurs années… Ce groupe saisissant l’occasion ainsi à vil prix, d’accroître son positionnement en ingénierie et en services aux constructeurs pour livrer des projets véhicules clefs en mains ! Bertone Design Italia, Moulay Youssef El Alaoui et Marita Group Holding opérant dans le secteur du développement urbain et de mobilité électrique, ont alors conclu, le vendredi 8 février 2019 à Rabat, Maroc, un accord pour la création de Bertone Design Africa : le pont qui allait porter la recherche et les technologies d’entreprises italiennes au continent africain, à travers le Maroc au niveau opérationnel et celui de la formation universitaire… Ce fut la fumisterie de trop…
On était bien loin, c’est-à-dire à des années lumières très très loin du design de la Lamborghini Miura… et de la Bertone Mantide… Design Africa a été chargée de préparer une solution miraculeuse qui offrirait un service complet pour l’architecture et le design immobilier de Dar Essalam Gardens, un Resort de villas prétendument “intelligentes” (à énergie positive) constitué d’un Hôtel et un Spa… aux sommets du luxe… et dont les travaux avaient déjà été lancés par une autre société qui a finalement disparu sans laisser de traces… Cette prise en charge étant qualifiée de “globale”, ce projet devait offrir un mode de vie unique qui contribuerait à la vision Royale de Rabat en tant que “Ville Lumière, Capitale Marocaine de la Culture”. En outre, Bertone Design Africa devait faire partie de l’équipe d’un autre projet pour la réalisation du nouvel édifice “Building Press”, qui allait s’intégrer dans un un complexe immobilier plurifonctionnel avec un hôtel 4 étoiles et un appart-hôtel… Fumisteries encore…
“L’accord auquel nous sommes parvenus aujourd’hui constitue le démarrage de l’activité de Bertone Design Africa”, m’avait alors dit à l’époque l’architecte Aldo Cingolani, me notant que pendant les trois derniers mois il avait été question de préparer une équipe de professionnels qui allait prendre en charge la finalisation des projets devant être réalisés au Maroc et sur le continent africain… Tout cela mettant en avant l’approche internationale des entreprises de Bertone Design Italia… Aldo Cingolani a mis en exergue les expériences riches de l’entreprise en matière de développement de projets complexes et de connaissance des particularités du marché africain, essentiels pour le développement de solutions éco-durables en matière de planification urbaine et architecturale… Et de me souligner que la création de Bertone Design Africa était une étape qui suivait le programme de développement d’affaires à l’étranger, rappelant la collaboration avec des entreprises locales partageant les mêmes valeurs, ainsi que le respect de l’environnement,… Blablabla…
Dans ce sens, Aldo Cingolani m’a réitéré sa disposition à partager les expertises dans le domaine du design et de l’architecture, l’objectif étant de promouvoir l’excellence et la culture italienne parmi les jeunes étudiants qui marqueraient l’avenir de la société marocaine et africaine… “L’accord sur la constitution de Bertone Design Africa est un grand pas en avant”, m’a souligné Moulay Youssef El Alaoui, notant qu’il s’agissait : “d’un accord en adéquation avec la Vision de SM le Roi Mohammed VI sur la promotion du progrès en Afrique, afin de réaliser la prospérité et répondre aux aspirations du peuple marocain et africain. Pour Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, l’Afrique dispose d’un potentiel énorme en termes de ressources matérielles et humaines, et Bertone Design Africa nous donnera l’honneur et la possibilité de contribuer avec succès à la concrétisation de cette Vision Royale, en promouvant l’excellence, l’innovation et les technologies de pointe intégrées aux projets de Bertone Design qui seront réalisés à partir du Royaume du Maroc et ce, pour tout le continent africain. Un de nos axes stratégiques est la mise en place d’une académie de design industriel qui offrira aux jeunes marocains et africains une formation pointue dans les divers domaines d’expertise liés au design, cet objectif sera atteint grâce à la mise en œuvre de la précieuse expertise de Bertone Design Italia dans le transfert de compétence dans le secteur des solutions de mobilité innovantes et de l’immobilier, et en particulier dans celui du design. Je saisis cette occasion pour remercier Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste de nous avoir guidé dans sa vision stratégique. Nous pensons que l’impact positif de la constitution de Bertone Design Africa dépassera toutes les attentes, et nous sommes déterminés à rendre fier de nos initiatives Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste”…
Le Président-Directeur général de Marita Group, Rahhal Boulgoute, m’a souligné de son coté… et pour sa part, que cet accord historique venait couronner celui conclu le 6 novembre 2018, qui prévoyait la réalisation de l’un des plus importants projets de développement immobilier au Maroc d’une valeur de 350 millions d’euros. Me rappelant les 106 ans d’expérience du géant italien en matière de délocalisation de son savoir-faire, M. Raphal Boulgoute m’a souligné que cet accord agirait en conformité avec la Vision Royale de SM le Roi en ce qui concerne le développement de la coopération Sud-Sud en vue de faire du Royaume un “Hub continental“, se voulant être une reconnaissance de l’entreprise italienne qui a toujours été au service du développement des projets en Afrique : “Bertone Design est une des plus prestigieuses marques du “made in Italy” spécialisée dans le secteur de l’architecture, du design industriel et des solutions innovantes de mobilité. Elle opère dans quatre continents offrant des solutions écologiques et innovantes et Marita Group Holding est une entreprise mondiale qui propose des solutions clés en main pour le développement immobilier, les parcs thématiques, l’énergie renouvelable et la production de systèmes de mobilité électriques. En collaboration avec les principaux constructeurs automobiles, Marita Group a présenté le premier système de transport de véhicules électriques destiné aux secteurs public et privé en Afrique“… C’était bluffant, mais c’était une arnaque colossale car dans le même temps ces gens faisaient payer des millions à “Sa Majesté”…
Si en février 2019 la crise n’existait pas encore au Maroc, terre Sainte d’asile de Bertone (gag !), en 2009, en Europe, c’était déjà et encore toujours pour longtemps : “la grande cri-cri-crise”… Sa Majesté à humé comme une odeur nauséabonde et fermé les robinets… D’un coup, plus d’argent ni d’espoir… Au bord du gouffre qu’est le puits sans fond de la bêtise humaine, l’art de la survivance consumériste des “Grands” carrossiers-créateurs, consistait à y aller pêcher sans cesse des clients fortunés désireux de s’offrir des créations uniques… C’était une forme d’art de survie qui dépendait de pouvoir san cesse découvrir des gogos de gros calibres, telle Sa Majesté… en sus de celui de découvrir divers autres gros poissons… Conséquence : en 2009, chez Pininfarina, Italdesign, Carrozeria Touring et naturellement chez Bertone on en était arrivé à envisager la pêche “aux gros” à l’explosif, les techniques traditionnelles n’amenant plus que du Krill sans autre but et moyens que de servir de pitance aux baleines… Quant aux maquereaux et aux requins eux aussi en chasse, ils n’avaient que faire des sirènes qui attirent les marins sur les récifs de l’existence au son plaintif d’illusoires tintement de piécettes d’or….
Bertone avait, avant de mourir, une Nième fois espéré trouver, avec cette Mantide, un acheteur au puissant capital financier pour pouvoir mettre en chantier une série de 10 voitures… et attirer la grosse baleine General-Motors pour lui montrer ce que pouvait être une création italienne sur base technique de la sacro-sainte Corvette. La situation financière de Bertone, très précaire, n’avait pas permis ces miracles, ce qui n’avait pas empêché le bref nouveau (et donc éphémère) directeur stylistique de Bertone de présenter la Mantide en 2009. Jason Castriota, c’est son nom, n’en était pas à son coup d’essai, ayant déjà à son actif la très exclusive Ferrari P4/5, réalisation unique sur base d’une Ferrari Enzo pour le compte d’un richissime client… Une ultime interprétation de l’univers Bertone… Il s’agissait de provocation pure, aux frontières entre l’imaginaire Bertonien et celui de Zagato, la période ayant inspiré le designer étant celle des extravagances ultimes. et donc aussi éphémères que vaines…
La Mantide qui reposait sur des entrailles de Corvette ZR1, était exubérante, exhibitionniste, torturée, un condensé de l’histoire de Bertone… Toute en angles saillants et lignes tendues, le monstre de carbone s’inspirait directement de l’aéronautique et de la Formule 1, du moins c’est ce que radotait Castriota qui craignait de finir sa vie comme surveillant de mises en boites (sa spécialité) de Pasta Italiana… Grâce à une aérodynamique particulièrement aboutie, le Cx de la Mantide affichait un excellent 0,29… Bertone tentait de renouer avec l’audace stylistique qui avait fait sa renommée dans les années 60/70.. Mais en vain… Tristesse… Souvenez-vous des Alfa Montreal, Lamborghini Miura et Countach, ou encore de la Ferrari Dino 308 GT4, qui sortaient directement des ateliers de sieur Nuccio Bertone. C’est ainsi qu’en osant, ’que la maison presque centenaire avait acquis ses lettres de noblesse et aurait conservé son image, mais avec de fourbi d’escroquerie, la réputation est tombée à bien moins que zéro…
On peut trouver à redire sur la poupe trop exubérante tendance Dark Vador de la Mantide, ainsi que ses passages de roues arrière tronqués (une marque de fabrique que l’on retrouvait même sur la Citroën BX !), ou encore sur l’intégration un peu gratuite des montants arrière vaguement inspirés d’une 599 GTB… ou même s’insurger des pataudes élytres… Mais on ne pouvait lui reprocher d’explorer de nouvelles voies qui au départ paraissaient honnètes et séduisantes… et ce, même si la recette des angles entremêlés tendait déjà à s’essouffler. Si le premier exemplaire ici présenté est resté précieusement dans la collection Bertone, à l’instar de la Rolls Royce Hyperion, produite en très petite série, le second exemplaire de la Mantide (de couleur blanche) a trouvé preneur moyennant 2 millions de dollars… et s’est donc va donc envolée pour Dubaï, son acquéreur étant tombé en pamoison devant les 647 chevaux revendiqués par le bloc moteur V8 de la Corvette ZR1 et des performances percutantes : 351 km/h, 0 à 100 km/h en 3,2 secondes…
Pour rappel, les débuts de cette troublante supercar italo-américaine, ont eu lieu au Salon de Shanghai en mars 2009, avant que la belle bête fasse sa première apparition européenne à la Villa d’Este, aux côtés d’autres concept-cars et supercars désormais légendaires…, Là, son dessin a été décrété comme l’un des plus audacieux de ce début de siècle : Bertone ayant habilement attribué des airs de mante religieuse à cette robe toute en carbone, faisant de la Mantide l’une des premières automobiles à affilier bestialité industrielle et monde animal… Ce n’était que le clap d’une fin en forme de saga mélant en finale d’incroyables escroqueries. En résumé, le but de cette création Bertone était de faire parler d’elle en tant que vitrine du design nouvelle génération… et Dan Watkins, qui devait être le troisième propriétaire de l’une des 10 Mantide prévues, invité à la présentation de Bertone Design Africa, m’a dit : “C’était mon rêve depuis le début du projet. L’entretien n’est pas facile, sa conduite non plus, mais la Mantide est aérodynamiquement environ 30% plus efficace qu’une Corvette ZR1. La poupe de la Mantide est conçue pour générer de l’appui sans créer de trainée tandis que la circulation de l’air autour des roues a été finement travaillé pour offrir le moins de résistance possible. Et la touche finale vient du fond plat et du diffuseur arrière ainsi que de la présence de 2 petits ventilateurs latéraux qui accélèrent le flux d’air sous l’auto et produisent de l’appui. Par rapport à la ZR1, la Mantide est donc plus aérodynamique (Cx 0.298). Pour être franc, c’est une petite merveille”… AMEN !