Epaves… Wreck…
Par les circonstances de la vie, je me suis trouvé, un temps, cherchant des automobiles dans des pays d’ailleurs, c’était un drôle de boulot, assez marrant, faut bien le dire, mais pour la douillance assez terne, pas très généreux…, pas de quoi se régaler du tout, des vrais nougats à sucer…, faut jamais confondre, elles sont plus rares qu’on imagine !
C’était seulement une aventure…, je suis pas fait pour m’incruster…, mais alors, en fait d’expérience, je peux dire qu’elle m’a bien servi.., je ne regrette pas mon temps…, j’ai vu travailler les grands arnaqueux dans les coulisses de l’univers, préparer les gros fricots…, ils y viennent tous tôt ou tard, les ceusses qui croient qu’ailleurs c’est l’Amérique, alors que c’est pas mieux sauf en pire que nos pays d’ici…, pour les miséricordieux de la bagnole, l’Amérique c’est l’endroit de leurs dévotions…, c’est l’antre des combinaisons parmi les plus vicieuses pour le pognon, y a pas d’avenir dans c’te fourbi infernal…
Depuis le Directeur Général jusqu’au dernier journaleux en passant par la faune des rêveurs de cauchemars mités, il faut avoir une drôle d’odeur pour faire florès dans la tôle…, il faut “en être” quoi…, il faut en être…, tout ce qu’est pas malin dans la turlutte d’affaires, vicieux en mensonges, prévoyant de ne jamais tourner le dos aux démoniaques toujours à l’affut, est assez vite éliminé…, je me faisais pas de grandes illusions…, c’est un bail sans fin au pays des tôles, parfois en taule mais pas pour longtemps…, qui savent plus s’arrêter de toucher un max en contrepètrerie d’engins déglingués…, je vous cause là des plus malins, ceusses qui jouissent avec des automobiles qui ne valent souvent plus rien et qu’ils revendent au prix du savoir-faire !
Dans ce job de péripatéticienne, le grand truc c’est pas de vendre pour ce que ça “veau” à des beaufs ahuris, non, c’est de vendre en fonction de ce que les dits nommés peuvent allonger jusqu’à être raide…, les beaufs n’achètent donc pas parce que l’auto-ferraille qu’ils convoitent est extraordinaire et sans défauts, non, les beaufs achètent ce qui n’est pas cher…, point…, vous pouvez avoir une rarrrrrrissime rareté des plus rares, le beauf ne s’y intéressera que pour mettre ses paluches un peu partouze, ouvrir tout ce qui peut l’être sauf son portefeuille, casser n’importe quoi de fragile qui n’avait qu’à pas être là et manger des frites ou des beignets, des gaufres aussi, du moment que c’est gras, suffit de s’essuyer les paluches sur les sièges en velours.
Bref, pas la peine d’arnaquer un beauf, le beauf il s’arnaque lui-même…, il suffit de lui montrer une épave, de lui mettre un panneau “vente forcée” sous le nez, ce qui n’est pas un mensonge pour qui a de l’humour…, mais le beauf n’en a pas…, donc c’est du pain béni, une ostie consacrée, faut plus que boire le vin de cette messe jusqu’à la lie…, plus besoin en nécessité de chercher dès-lors des magnifiques raretés polies lustrées sans rouille et les pneus gonflés…!
Non, faut faire grandiose, faut présenter des épaves.., les vendre surtout…, mais pour vendre de la pure merde cracra, faut d’abord en chier, trouver la merde c’est pas si simple surtout si elle vient d’un autre…, vendre sa propre merde, même dégueu, c’est pas la joie…, les plus fortiches, les putes de tôles de luxe, les super niqueuses, savent qu’il suffit d’une petite annonce du genre : “Magnifique et rarrrrrrissime voiture de collection ayant appartenu à Alexandre le Grand puis à Napoléon Bonaparte en personne, valeur inestimable, cédée cause grââââve en famille de partage, part toutes distances, toute offre acceptée”…
C’est comme un billet de 500 euros en rue, même sous un caca, ça fait venir les plus grands esbroufeurs de la planète, les plus inquiets les plus arrogants, les plus endurcis, les plus emmerdants, les plus mégalophraseurs, les plus tafs, les plus opulents, les plus tout ce qu’on veut qui savent tout…
Il faut entendre comme ça cafouille tout ce petit monde…, le moindre bouseux de ferme…, sait que la moindre vieillerie rouillée vaut des ronds…, j’en connasse des pires qui rouillent les caisses eux-mêmes, comme s’ils se polissaient le gland…, ils astiquent à l’acide et laissent pourrir…, les beaufs aiment, ça fait vrai véritable, c’est tellement pourri comme pleins d’affaires politiques, que certains pleurent de bonheur.
Cool, je disgresse mais je reviens au point “G” de l’histoire, faites-moi confiance, vous allez jouir…, dans ce commerce de dupes, faut connaître le sens du vent, jamais se baisser, même si un billet de 500 traine par terre…, mâle heureux, c’est un piège, faut éviter de se faire sodomiser deux fois : “Tu te baisses, on te baise” !
J’avais donc, en prévision appris aussi moi, la chinoiserie des commissions…, la dialectique des compromis…, seulement faut pas être trop curieux, se montrer friand de voitures “d’origines”…, c’est pas bien vu…, pas trop de précision S.V.P…, quand je devenais inquisiteur, grand patron, grand Mickey, Maître de l’univers, je m’expédiais moi-même en voyage, en mission d’études…, j’ai fait ainsi les continents à la recherche de la vérité automobile…, si les voyages forment l’âge mûr, je peux dire que je suis bien fait.
Craquelure…, comme j’ai voyagé…, pour m’instruire, pour accroître toutes mes connaissances…, comme j’en ai vu des casses et des garages, comparé…, épluché…, les comptes surtout…, vu fonctionner…, puis cavalé de stupeur…, admiré tant de crématoires autos…, expertisé tellement de laideries, des “modèles” et des moins propres…, de la Gold Coast à Chicago… et de Berg-op-Zoom à Cuba !
Je devais sans doute leur faire pitié, tellement qu’on m’a enseigné des choses, des techniques et des pires encore…, extraordinairement ennuyeuses…, comme j’en ai vu des cons, barbus. chauves, postillonneux, bigles…, comme ils m’en ont donné des leçons… d’Harley Street à San Francisco…, de Leyden, songeuse aux tulipes, à Port-Lagos en Nigérie… bouillante de fièvre jaune !
Je devrais être presque parfait en dix mille matières automobiles après tout cela…, ainsi va la vie…, maintenant, je pneu vous causer de Bugarri comme de Märlène en Lorraine-Dietrish, de ferrailleries et même de porscheries, je connasse tout, les plus belles et les plus pourries, ce que ça veau d’or et ce que ça veau d’or-dur plus rien…, tout !
Comme j’en ai parcouru des kilomètres et des Maîtres… et tous admirés jusqu’au bout, sur toutes les coutures, des heures et des heures…, chacun…, des fins cliniciens mécaniciens, des ventropètes de trop bouffis, des hygiénistes de l’origine si convaincus, si transformateurs malgré-tout, rénovateurs aussi, si prometteurs de beaux jours, noirs en fait… que simplement leur salive valait déjà le prix des euros en dizaine de milliers…, irisées mirages !
J’en ai vu des endocriniens éperdus…, des psychopathes sympatologues, et des encore bien plus étranges, plus péremptoires, confusionnistes, superspicaces les uns que les autres…, graine de Dieu… quels tourments…, tous les Saints du Progrès moderne, ils se sont donné rendez-vous pour éberluer ma pauvre gomme…
Ah! ce que j’ai pu les subir… vertigineux, impérieux, vindicatifs ou miellés…, toujours à se prendre, se déprendre…, se perdre un peu, s’entortiller en sottises, en mots, des heures encore pour dix euros, dans tous les sens…, comme c’est bavard, puéril et fat, étroit, râleux, bouddha, inquiet, mégalomane, persécutant, un vendeur d’épave !…
Les pires du monde, les plus susceptibles cabotins, les plus irascibles vedettes c’est dans les “Foires d’autos anciennes” qu’on les trouve, dans les bagarres de vanité…, faut entendre alors ces gueulements…, faut observer ces tours de vache…, ils sont prêts à tous les crimes pour gagner des euros et voir leur blaze en compte rendu élogieux par leurs confrères confraternellement jaloux : “T’as vu Loustic, ce fiéllé, ce morveux, l’a encore vendu une tire, deux fois plus cher que Pompon qu’est à l’agonie, plus un rond, sait pas comment y fait, doigt les titiller le jonc, les triquer”…
Tâche bien aride s’il en fut !
A travers ces bilieux ingrats au possible…, les échecs tournent en vinaigre, en instantanées ruptures, en vexations considérables, diplomatiques…, les vendeurs de tutures sont impitoyables sous le rapport vanité, pires sous le rapport du flouze…, c’est pas, croyez, une petite pause que de rassurer un beauf bigleux, de bien lui ancrer dans le châssis, que c’est bien lui qui sera le deuxième proprio au monde de l’amas de ferraillerie porscherisée qui rouille devant lui…, le tout excellentissime, qu’on en connaît pas deux comme ça…, sous le rapport qualité-prix-rareté… bouleversantes synthèses…, probité, etc…
Ca demande beaucoup de gestes et de paroles et des bobards continuels et des ruses irréprochables… et puis un culot pas croyable… et puis une mémoire des bobards, absolument extraordinaire… impeccable, extra-lucide…, c’est la question de vie ou de mort…, de se rappeler ce qu’on a dit…, la moindre gaffe c’est la bascule… en toute occasion et par tous les moyens valables ou probables, les vendeurs d’épaves doivent jubiler d’un bout à l’autre, pas une seconde de répit…, les petits fafiots, dix mille confidences, cent mille compliments et puis des tours de commissions noires comme des messes du même nom…, s’étaler discourir encore !
Cher public d’ahuris, il faut apprendre, sous peine de demeurer plus sot, plus opaque, plus crédule qu’un veau dans sa première semaine, à repérer la marque, la trace, l’emprise, l’initiative des pourvoyeurs de rêves, dans tous les chambardements du monde, où qu’ils s’effectuent…, en Europe, en Amérique, en Asie…, en n’importe quel lieu où se préparent les hécatombes, la destruction systématique, acharnée, des esprits et les transmutations de portefeuilles…
Il faut apprendre à déceler dans la pratique quotidienne, la couleur et le ton, la jactance, il faut apprendre à percer, déterminer, au fond de toutes les ombres, à travers tous ces dédales phrasouilleurs, entre les trames de toutes les calamités, derrière toutes les grimaces, l’universel mensonge, les tartuferies, l’imposture, l’énorme armement de cette cosmique permanente apocalypse…, il faut renifler les diablotins de très loin… dans tous les coins, à travers le monde… entre les minces paragraphes publicitaires de n’importe quel garage innocent, ce petit coup de pouce, furtif… appuyé … signalétique… l’épithète favorable… louangeuse… la mise en valeur d’une carrosserie, le coté franchement racoleur… le dénigrement soi-disant impartial des voitures proposées par leurs confrères…, l’addition opportune et même hors de propos d’un décigramme, d’une demi-teinte de louange… pour le succès de la moindre présentation…, les facéties de n’importe quel d’entre la confrérie, du plus insignifiant au plus magnifié…
Il faut maintenant re-situer les choses, que je vous raconte un petit peu comment c’est superbe le monde de l’automobile ancienne…, c’est pas les beaufs qui les collectionnent qui les ont construites…, ils peuvent même pas les entretenir correctement dans les trois quart des cas…, c’est au-dessus de leurs forces…, donc ils les abandonnent…, beaucoup sont effondrées sur elles-mêmes, les joints tombent en miettes de caoutchouc-tchouc…, c’est malheureux les mâles-heureux…, comment justement exprimer toute la beauté du désastre généreux ?…
Imaginez un petit peu… une casse d’épaves d’autos, certaines dans un bois, d’autres dans un champ…, elle s’étend encore, la casse…, toujours là-bas… vers le large livide… le ciel… la mer lointaine… encore plus loin… l’estuaire tout au bout…, à l’infini y a les cons qui achètent…, la mer qui monte puis qui descend…, diaphane, fantastique, tendue…, à bout de bras…, que voici de majesté…, quel fantasque géant ? Quel théâtre pour cyclopes ?…
Mille épaves échelonnées, toutes plus grandioses…, en retrait, l’enclos des hauts arbres… altiers… formidables monstres bouffis de ramures… nuages de rêves repris à terre…, s’effeuillant en rouille, déjà…, secondes tristes…, trop légères au vent…, que les bouffées malmènent…, fripent…, jonchent au courant…, le ciel, encore glauque…, une teinte de plus, hagarde…, d’autres percées, perspectives, vers toujours plus d’espaces…, plus aériennes…
Au milieu de ce rêve de nature, des épaves…, vieilles, géantes, ridées, perclues, croulantes d’un géant passé…, un cauchemar traqué qui s’éparpille comme il peut…, de toutes les carcasses il en suinte de la rouille…, c’est pas une erreur…, je voudrais vous faire comprendre, de plus près, ces choses encore…, avec des mots moins fantastiques…
Imaginez un petit peu…, bien dégueulasse endroit… et tout bondé de pervers…, un formidable contingent…, toute une armée de truands en abominable état…, encore nippés en civil…, en loques…, tout accablés, guenilleux…, efflanqués…, qu’auraient passé dix ans dans le dur…, sous les banquettes à bouffer du détritus…, avant de parvenir…, qu’arriveraient à la fin de leur vie…, tout éberlués…, d’un autre monde…, qu’attendraient des beaufs bigleux à l’achat d’une épave qui ne manquait pas à leur bonheur…, une catastrophe qui végète !
Sauf que ces pourries autos sont des œuvres d’art qu’un antiquaire devrait proposer à placer dans des jardins d’Eden de clients fortunés en semi-châteaux et châteaux tout court…, des objets en décor dans des sous bois grandioses…, les rupins feraient barbecue en fête à coté, la classe et l’originalité…, s’il y en a un qui lit, qu’il m’appelle…
En tous les cas, vous, beaufs et autres, venez encore me dire, même penser, que c’est moins cher aux USA et recta, oui, paf, recta une beigne, une tarte, vous risquez gros, une dérive, ou pire, un silence de mépris…, c’est comme ça…, et pour ce qui est de ces épaves de Ferrari abandonnées, comment ces Testarossa, 308 Quatttrovolve, 400i, 328, 348 et autres Mondial ont-elles pu se retrouver ainsi réduites à rien que de la tôle en pourrissement ?
L’histoire est d’autant plus merveilleuse qu’elle est plutôt triste : toutes ces voitures appartenaient à un aisé atteint su syndrome de la compilation… qui, après avoir commencé à collectionner des Corvette, est passé aux voitures exotiques européennes : Porsche, Lotus, Lamborghini et évidemment Ferrari…, mais en 2011, une grave maladie mortelle lui est diagnostiquée…, il dépérit…, s’étiole…, s’éteint… après avoir eu la flamme… et, faute de pépètes fauchées par les héritiers en délire, les voitures sont placées comme en pension de vioques dans une grange…., sauf que pour payer le traitement du condamné, lui en tête poussé par sa famille aimante et dévouée, arrêteront de payer le loyer de celle-ci… et les voitures déplacées dans un vague terrain vague.
Les raretés hors de prix, pourrissantes du dedans comme du dehors, vont rester dans l’humidité du dehors le temps que le vioque collectionneur ne décède ainsi que sa famille aimante peu à peu, un malencontreux accident va donner le coup de faux utile pour que n’en reste aucun…, de l’au-delà personne ne revient jamais, surtout pour des Ferrailleries…., par un hasard insoupçonnable de cruauté, trois Ferrailleries vont disparaître en se volatilisant…, les autres attendent de subir le même sort…, un deal est possible, mais à qui s’adresser ?