Eroticobra, la sperma-cobra-ïde de l’éternité…
Lorsque je me retrouve face à un des décors de ma vie et que je vois un buffet dressé, je me méfie des suites à donner et recevoir !
Une jolie plante vénéneuse d’appartement chic, très fine, avec de grandes mèches de cheveux noirs et des yeux gris, me traîne de phrases en phrases en guettant la moindre étincelle, le moindre aveu de désir.
Une grande blonde m’affirme qu’elle et moi formerions un très beau couple, “le” couple parfait et sexuel.
Une fille rousse dont j’ai oublié le prénom me dit que je suis la personne la plus poétique qu’elle ait jamais rencontré… je lui rétorque : J’espère que vous ne vous attendiez pas à ce que je vous parle en vers…
Quand on esquive des rencontres qui pourtant se chargent de vous, on démissionne des conversations, on se réfugie près des bibliothèques et on fait l’inventaire de la tranche des livres et de celle des disques… Tiens, du coup j’écouterais bien une chanson qui s’appelle “Standing outside a broken phone booth with money in my hand”.
Une fleur des champs pas encore fanée a dans les mains une assiette de salade de fruits qu’elle dit avoir spécialement préparé à mon intention, c’est gentil… et elle m’exhorte à en goûter, restant plantée devant moi, les seins nus…
Une autre jeune femme, s’approche de moi tandis que je lis sur la tranche d’un livre : Ada ou l’ardeur… elle me donne son numéro de téléphone… veut le marquer dans la paume de ma main, à l’encre violette, puis me sussure : “Je veux, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.
Ce sont les spermatozoïdes de l’éternité, les sentiments…
Chez Anamary, ou je suis à vous conter… c’est comme chez Dostoïevski, il y a toujours un aller-retour entre l’absolu et l’intrigue, la pureté et le louvoiement, souvent la candeur ou la vanité, l’ardeur ou l’intérêt sont des obstacles ou à l’inverse des liens entre ces deux pôles.
Quelque chose ne tourne pas rond dans cette galaxie… j’ai l’impression qu’aujourd’hui les sentiments c’est démodé, l’engagement amoureux, la courtoisie, c’est démodé.
Au lieu de dire des banalités de faux amour, il vaudrait mieux déclamer une tirade : “Je ne sais pas si on aura le temps car l’amour, c’est vraiment le dernier truc sur lequel on a encore un peu de liberté d’action, c’est ce qui sauve le temps. Par les rues, dans nos voyages incessants d’un temps à l’autre de nos souvenirs. C’est ce qui fait l’identité du moment et de nous-mêmes, c’est ce qui fait l’avenir, hors de toute emprise de la société, du temps, de la règle… L’amour qui trouve sa plus haute incarnation en l’absolu n’est pourtant rendu possible que par l’intrigue. L’amour est toujours vécu, envisagé par les personnages, comme une hypothèse, une île, une issue, et toujours relégué à plus tard par une succession d’empêchements et d’urgences, différé par l’orgueil, l’exploit, ou la conscience. La tentation du happy-end est fourrée à la va-vite dans une poche et on la retrouve par surprise une bonne centaine de pages plus loin, toute chiffonnée, ainsi que dans la vie courante il nous arrive avec joie de retrouver un billet dans la poche d’un blouson ou d’un costume relégués au placard depuis deux saisons”.
Mais elle est trop longue, quoique… quel effet ! De quoi assurer toute une nuit !
Le couple chez Dostoïevski se révèle, s’éclaire et s’impose dans le secret, toujours chahuté par la présence tempétueuse d’une troisième personne qui surgit comme au Boulevard, le couple est sans cesse en proie à des interruptions, mais ses apartés, ses recueillements sont empreints d’un mystère et d’une vérité si touchantes, que l’idée de cet amour survit aux péripéties qui le broient.
Chez Duras c’est encore plus fort : il y a une impatience, tout le temps, de l’amour. C’est à dire que face à la violence de la nécessité amoureuse, c’est le monde extérieur et ses péripéties qui sont réduits à des idées. Tout peut brûler, la mémoire des corps qui se sont aimés est sauve.
Anamary comme toujours, éclipse les autres par son exubérance primesautière je lui dit que la prochaine fois, dans un moment où il faudrait que je m’échappe d’une manière ou d’une autre de la fatuité d’un environnement ou d’une conversation, je me concentrerai sur divers souvenirs. Et au moment où je voudrais m’enfuir, rentrer, elle se blottit contre moi ou je l’enserre de mes bras quitte à sentir l’invasion des fourmis et leur vie sociale jusqu’à ce qu’elle s’endorme ; les sourcils animés de vents légers, le front de rêves noueux, battements d’ailes, flipper mécanique…
Je dors avec elle, dans un demi-sommeil, une conscience que j’ai de sa respiration et de nos corps dont l’intuition demeure, plis écarlates qui ont l’intensité d’odeurs serpentines, les inclinaisons les pentes et les plissures du lit, montagne réduite entre deux doigts, et l’arrondi fragile des coudes que je tiens dans mes mains de peur qu’ils ne se brisent, la crainte se retrouve, les sursauts les dialectes inconnus de la nuit, je suis là n’aie pas peur, que réserve demain ?
J’aimerais beaucoup avoir sa capacité démente à laisser les choses se faire, il y a l’ordonnance gondolée de sa place dans le lit ; le lit n’est pas grand mais les rangées subsistent, un désir réveillé de récréation ; depuis combien de temps ?
Je n’en retiens que la couleur des panneaux d’interdiction, et quelques courses pieds nus où en place du “je” se dresse la potence du “il”…
Les rêves c’est toujours ce film où vous n’arrivez jamais au bon moment dans la salle de projection ; vous avez toujours la sensation cuisante d’avoir manqué la partie clé.
Je suis une ligne imaginaire de mes doigts fins le long de sa nuque, les caravelles remontent patiemment l’océan de la nuit, des autos passent au loin, je relève la masse de ses cheveux pour poser mes lèvres sur sa peau, une onde intérieure, un frémissement, la nuit a trop d’immédiateté, le jour il est encore possible de contourner, de discuter les idées de débattre de la saison des fleurs, de voir des gens dont les soucis qu’ils exploitent tels des maquereaux finissent par vous dégoûter des vôtres, à moins que vous n’y trouviez un refuge de toute votre hauteur, protectrice mais filoute du point de vue des étoiles.
Mais la nuit non, la nuit c’est le passé enfui qui s’invite à la noce, et tout ce que vous supposez de souffrance à rebours vous donne des envies de cri, que le manque de conséquences flagrantes change aussitôt en rire ou en spleen, le spleen ce serait une belle matière pour les chemises de nuit, légère et rugueuse à la fois, c’est l’héritage très dur des paysages que draine et dessine un lit ; nostalgie de moments passés, épuisés comme des gouttes d’eau qui n’ont pas su éviter de glisser sur la vitre, ça vous cueille quand le sommeil est le plus fort…
Je suis la sentinelle d’un château vide, la soie du corps, le parchemin des mots doux replié sur lui-même, la plupart du temps je ne dors pas.
Deux habitudes se disputent mon corps et je donne raison à celle qui l’emporte c’est le même poids la même absence. Nuit agitée par l’amour et par les mauvais rêves.
Elle se réveille au milieu de la nuit, et même la faire jouir doucement ne suffit pas à la rendormir.
Des orages battent sous ses tempes.
Alors, les jambes lourdes, agitées nerveusement, elle supplique pour que je l’aide à trouver le sommeil.
Je la calme de mes mains et lui raconte une histoire…
– Tu sais, Anamary, qu’ayant arrêté la compétition en 1960, à 27 ans, pour cause de santé, le pilote texan Carroll Shelby voulait développer une voiture “américaine” capable de battre les Ferrari en catégorie GT. L’AC Cobra, dis-je à Anamary, est une voiture de sport qui date des années 60-70, et qui est capable de performances élevées : elle atteint 260 km/h en pointe avec une boîte manuelle à 4 vitesses. La quête d’un châssis amène Carroll Shelby chez AC, firme anglaise qui construit en petite quantité des voitures de sport: l’AC Bristol qui combine une carrosserie ressemblant à la Ferrari 166 avec un châssis développé par John Tojeiro. AC figure très honorablement en compétition : en 1959, l’année-même année de la victoire de Shelby et de Roy Salvadori sur Aston Martin au Mans, AC s’y classe septième au classement général et remporte la victoire en catégorie 2-litres. La puissance est fournie par un moteur six-cylindres deux-litres Bristol dérivé du BMW 328 d’avant-guerre. Bristol étant sur le point d’arrêter la production de moteurs 2-litres, AC monte des six-cylindres Ford provenant de la Zephyr anglaise. Le succès commercial est mitigé, et les frères Hurlock, propriétaires d’AC, accueillent très favorablement la proposition de Shelby qui souhaite leur acheter des châssis pour y monter le nouveau V8 Ford de la Fairlane, dont il négocie au même moment la mise à sa disposition avec Ford. Après quelques modifications du châssis par AC, à qui Shelby a fait parvenir un groupe moteur/boîte, il présente la première AC Cobra, la 260 (4,2 litres). La Cobra montre très vite son potentiel sur les circuits américains, notamment face aux Chevrolet Corvette. Son succès est immédiat, le mythe Cobra est né.
Anamary, me regarde… attentive : “C’est trop compliqué, j’ai bien fait de t’acheter un Prowler jaune… Termine en raccourçi !“...
– Après quelques versions 260ci (environ 4,2 litres), la Cobra passa très vite, dès 1963, à une version 289ci (4,7 litres) et possédait une puissance allant de 271 (street version) à 360 chevaux. À partir de 1965, Shelby lance la Cobra 427 (cylindrée 427 cubic inches) avec un châssis d’un diamètre de 4 pouces, des voies élargies, des ailes gonflées pour accueillir des pneus plus larges, et surtout de nouvelles suspensions à bras superposés et combinés ressorts/amortisseurs, en remplacement des ressorts à lames transversaux des 289. Elle était équipée d’un moteur V8 7 litres de 410 chevaux et un couple important pour poids assez faible. La version la plus puissante de la voiture pouvait atteindre les 485 chevaux.
La production totale fut d’environ mille voitures, réparties comme suit : environ 60 “260”… environ 400 “289”… environ 6 coupés Daytona (championnes en GT en 65)… environ 400 “427” street et “S/C” (ces dernières étant des “courses” invendues civilisées)… environ 30 “AC 289” (fabriquées par AC de 1966 à 1969, châssis 427/moteur 289)… environ 10 “divers” et “spéciales”
C’est aujourd’hui la voiture de sport la plus “répliquée”, parfois avec une exactitude totale, et par Shelby lui-même, sous forme de “continuations”, après l’épisode de l’AC “mkIV” produite dans la fin des années 80 jusqu’à mi-90 par Brian Angliss, qui avait acquis les droits et l’outillage d’AC. On trouve aussi de nombreuses répliques en kit…
– “C’est tout ?“ me demande t-elle…
– Oui, c’est plus qu’assez…! Demain je te conterai l’histoire de la Trabant…
– “Quel bonheur de t’écouter” !