Les automobiles de collection, la crise et la guerre…
Je fonce sur une route déserte, bien installé au volant. Les arbres deviennent flous. S’il est tentant de dépasser les 250 km/h, il est plus facile de repérer les défauts d’une Countach de seconde main à vitesse plus réduite, quand le vent et le bruit du moteur ne couvrent pas les frottements, cliquetis et autres secousses. D’un pur point de vue logique, en termes de moyen de transport pratique, acheter cet engin pour circuler à St-Tropez et environs fut un choix effarant. Elle est aussi difficile qu’onéreuse à réparer, et vomit du carbone comme une vraie usine à charbon.
Elle ne dispose que de ceintures, pas d’airbag et est plus lourde à manœuvrer en parking qu’un gros 4X4. Avec ça, une collision frontale ne pardonne pas. l’exemple de ce qu’a fait cet idiot de Palmade me revient en tête et je lève le pied. J’ai adoré conduire, mais pas dans les grandes villes et leurs environs, ou conduire signifie généralement rouler au ralenti dans les bouchons, prisonnier de voitures aussi peu inspirantes que des lave-linge. C’est abrutissant et c’est cher. S’il y avait un indicateur sur le tableau de bord pour mesurer l’argent dépensé à chaque kilomètre parcouru, l’aiguille serait bloquée à combien ?
À l’instar de nombreux anciens lecteurs de mes Chromes&Flammes magazine, amateurs de Hot-Rods et Kustom’s, j’ai vu le quotient de coolitude de ces voitures baisser à mesure que les aspirations s’élevaient. J’ai grandi dans les années 1980, dans une ville du nord. À 20 ans, je faisais le tour de ma ville le samedi soir dans une Morgan 4/4 . Ensuite ce fut une Ford Mustang Boss 302. Devenu architecte, je conduisais une Shelby GT350. J’adorais ces voitures qui m’inspiraient une vraie tendresse, comme mes petites amies, bien que toutes m’aient laissé en rade au bord de la route ! (les bagnoles)…
Et ce, plus souvent qu’à mon tour… La chute dans la catégorie des génériques m’est arrivée quand j’ai vendu la Shelby pour payer les frais de fabrication de mon magazine Home. Elle s’est poursuivie au cours des années qui ont suivi dans un brouillard de voitures convenables pour “faire des affaires”, c’était particulièrement atroce. Des voitures sûres, fiables et insipides. L’agréable grondement de mes Muscle-Cars me manquait car il continuait de me faire tourner la tête, mais des suceuses de carburant, telle la Boss 302, la Shelby est moins pire, ne convenaient pas à mon nouveau style de vie d’affaires…
Si je devais croire ce qu’affichent les autocollants des pare-chocs, les autos gloutonnes en carburant ne devraient convenir à aucun style de vie, les Hot-Rods, comme les SUV, symbolisant les mauvaises politiques de l’anti-écologie. L’industrie automobile, ravie de commercialiser ce sentiment, a réagi en proposant des voitures frugales en carburant. J’ai envoyé ces principes au diable et me suis construit un Hot-Rod, la fameuse OLDS’48 qui m’a servi dans le cadre d’une campagne de pub pour mon client “British-American-Tobacco”…
Pourtant, abandonner ma Jaguar XJ12 et rouler quotidiennement avec l’Olds’48 fut la meilleure chose à faire pour ma survie… La conduire comme une voiture de tous les jours c’était comme savourer un une côte-à-l’os béarnaise au lieu de m’envoyer des plats politiquement-corrects… Et c’était bon pour le moral. Dans Risky Business, le personnage de Tom Cruise s’affranchit avec l’aide d’une très belle prostituée et d’une voiture stupéfiante. Pour cet adolescent rural, la Porsche 928 qui finit dans les eaux du Lac Michigan est pratiquement aussi exotique que Rebecca De Mornay et tout aussi hors de portée.
Bien llus qu’un quart de siècle plus tard, beaucoup d’anciennes voitures de rêve, la Porsche 928 comprise, sont retombées au prix d’un bon vieux minibus d’occasion. De superbes 928 partent aujourd’hui pour 10.000 euros. Un exemplaire correct en vaut la moitié. Mais quand quelque chose casse, la réparation est très chère, en imaginant que vous trouviez un garagiste qui se souvienne comment travailler sur une machine de cet âge-là. La lutte pour entretenir une voiture de sport servant au quotidien a poussé plus d’un propriétaire dans un siège de VW Golf… Les voitures anciennes, ce sont des jouets.
Les vieilles abandonnées ! Les voitures dites “de collection” sont de plus en plus considérées comme des épaves dont on ne sait plus quoi faire. De moins en moins nombreux sont les collectionneurs, en cause d’un marché qui se resserre de jour en jour. Les garages spécialisés en “voitures de collection” sont désireux de surmonter les effets du coût de la vie et de la crise financière mondiale, sont contraints de pratiquer : “la politique des prix écrasés”, mais, même ces réajustements ne suffisent plus à améliorer leur existence. Preuve en est le garage ou ont été “tirées” les photos ci-après.
A moins d’être complètement hermétique, voici de quoi exciter votre curiosité…, à vrai dire, on soupçonne d’abord une imposture…. C’est vrai quoi, allo, quoi, un truc pareil c’est trop épouvantablement extraordinaire pour être vrai, sauf qu’en cherchant bien, on découvre avec stupeur que ça existe bel et bien ! Trouver un sujet qui se positionne pile-poil dans la réalité des conséquences de la crise économique, c’est parfois une question de patience, car il faut tout de même chercher, quoique, avoir de la chance aide beaucoup…
Ceci écrit, pour le lecteur non averti, la distinction avec ce que l’on trouve en Europe par rapport aux USA, est mince comme un papadum (le papadum est une galette indienne de farine de haricots. Dans la gastronomie indienne elle peut être consommée en tant qu’apéritif ou en-cas), puisqu’en dehors de la situation géographique on y retrouve l’habituelle tambouille des genres, ici un mélange de drame social, de comédie burlesque pour garagistes demeurés, de thrillers politiques, de carambouilles pour super héros de l’occaze et de blockbuster catastrophe !
C’est un mélange qui constitue ainsi le ferment d’une œuvre étonnante, où le sordide le plus crû, ancré dans une réalité bien tangible, côtoie la fantaisie la plus légère. Si mes muscles abdominaux n’ont pas été ici, aussi sévèrement mis à contribution qu’avec diverses histoires mettant en scène les Ferrailleries et Porscheries habituelles (voire pas du tout, soyons honnêtes), l’apparition providentielle d’un bonhomme désabusé alors que je regardais ce désastre par les grilles cadenassées, est venu brutalement changer la donne…
C’était un pur produit de contrefaçon humanoïde, sans aucune subtilité dans ses dires, vêtu d’un faux polo Laposte vert… et, le poignet décoré d’une montre “Reaulèxe” made in China…
– “Vous êtes Hulk, le géant vert ?”… lui ai-je demandé…
– “Non, je suis John, le Boss”…, m’a-t-il répondu, l’air fâché de je ne sais quoi..
– “Vous êtes devenu super fort suite à une expérience scientifique hasardeuse, comme Hulk, non ?… Vous n’étiez pas content alors vous avez tout cassé, comme Hulk…, rien ne pouvait vous arrêter… et puis vous avez tout laissé pourrir et rouiller pour faire joli en attente qu’un journaliste passe par hasard et découvre tout ça… C’est ça ?”…
– “Pas du tout”…
– “Ah bon ! Dommage… La seule différence à vrai dire tient à la qualité du résultat obtenu…, une différence énorme qui va suffire à catapulter votre garage sur les pages de GatsbyOnline”…
– “Z’êtes un comique, vous, n’avez pas peur de vous foutre de la gueule du monde et de ma mienne en particulier !”…
– “Le résultat laisse forcément à désirer…, il semblerait d’ailleurs que pour arriver à ce résultat, ça a du être assez chaotique”…
Au final, notre premier contact manquait cruellement de fluidité, notre discussion était complètement foireuse, et ce John Hulk version hard discount, affichait un faciès de golmon constipé tout ce qu’il y avait de plus réjouissant, mais, là où Hulk, en dépit de sa corpulence, pouvait courir, plonger, bondir etc., John se mouvait d’une démarche lourde et pataude, un peu comme un cul-de-jatte à qui on aurait greffé deux bûches en guise de jambes de bois. Ni une ni deux, j’ai pris mon courage à deux mains et l’ai questionné sur le devenir du monde et de son garage…
– “Dans un esprit proche du kaiju eiga, vous avez détruit votre garage, donné des coups de pied rageur dans vos automobiles, comment en êtes vous arrivé là ?”…
– “C’était cool, avant, mais les autorités du coin ont décidé de refaire la route… et ça a duré plus d’un an… Les clients ne pouvaient plus venir. La route était devenue une piste en terre pleine de trous, il fallait posséder un 4×4 pour oser s’aventurer là dedans. Les clients ne sont plus venus. Plus personne ne passait. En plus de ça, la crise avait déjà raboté les ventes de 70%. En finale on m’a déclaré en faillite et je ne l’ai même pas su, puisque la poste ne venait plus depuis plusieurs mois délivrer le courrier”…
Enième exemple d’un commerce d’exploitation opportuniste d’automobiles prétendument “de collection”, inféodé à la bêtise et aux attentes supposées d’un public cible qui n’a aucune connaissance des réalités, c’était un business qui n’avait d’autre ambition que “faire du fric”… et qui a fini pas crouler sous divers problèmes, avec une faillite en finale d’un parcours assez périlleux, le talent en moins, le ridicule en plus. J’écris “attentes supposées” parce que dans les faits, le public cible en question a finalement boudé les aventures de ce sous-Hulk, charismatique comme une biscotte sans sel !
Il a anéanti du même coup l’idée d’un avenir radieux que J’avais pourtant caressé. On n’osera pas prétendre que c’est une lourde perte pour le monde de l’automobile, cette histoire avortée ne manquera sans doute pas aux thuriféraires distingués des automobiles anciennes nôôôbles et rrrâââffinées… mais quand même, on ne peut s’empêcher de verser une larmichette, un plaisir coupable, il va sans dire. Actuellement, c’est le sauve-qui-peut général, les beaufs ne sont même plus atterrés, mais déterrés, aucun n’était préparé à cela, la densité du drame actuel ne dépasse toutefois pas encore la grande crise de 1929,
Je précise avant de continuer ma narration et aussi avant toutes autres choses, que la découverte de ce garage s’étant faite par hasard, dans des conditions m’interdisant de recourir à mon assurance défense en justice, la retranscription des conversations s’avérait légèrement compromise, mais cela n’a pas eu finalement une très grande importance, tant la simplicité (les mauvaises langues diraient le simplisme) de mon récit le rend facile à lire, même pour qui n’aurait aucune notion de mécanique, de comptabilité et d’économie de marché…
Sous le ciel bleu et la canicule qui règne, un véhicule s’immobilise…, à bord, deux jeunes hommes qui se chuchotent quelque chose à l’oreille…, ils viennent admirer une belle en vitrine, recolorée comme une orange après “choucroutage” général. Maquillée, avachie, une Corvette Sting ray Cabrio’69 qui attend son amant depuis quelques années, ils déchiffrent un prix de 30.000 euros, ce qui les fait mieux la regarder : “Putain, elle est moche, pourrie, dégueux, et un prix pareil, faut être dingo”… Et ils repartent alors qu’un conducteur de moto fait son apparition, iI regarde, fait un geste de l’index et disparait la poignée en coin…
– “Malheureux. Je ne suis pas là pour les gens de ta catégorie. Je n’aime pas les mecs qui ne prennent pas le temps de discuter. De toute façon, quel que soit le prix qu’ils me proposent, je refuse”…, lance John, d’un ton dédaigneux et hargneux, car pour lui, ce n’est pas la catégorie sociale du client qui compte !
A peine, deux minutes d’échanges que son téléphone portable sonne, la conversation ne dure pas…, trois mots ont suffit…
– “Des jeunes gens défilent pour chercher la perle de leur désir. Seulement le métier ne marche plus. Je passais parfois tout un mois ici sans rien gagner”…
– “C’est un travail ça ?”…
– “J’ai aussi envie d’avoir une vie normale et un bon travail comme les autres. Les bagnoles de collection, ce n’est plus rentable. Notamment dans le contexte actuel de la crise financière mondiale généralisée. Maintenant, l’argent ne circule plus”…
– “Vous avez l’air désespéré”…
– “Pour faire face à cette nouvelle donne du marché, on est contraint non seulement de revoir les prix à la baisse, mais également d’investir… Moi, j’ai donné, on m’a déclaré en faillite. Après deux ans d’abandon, le curateur m’a autorisé à revenir pour tenter de vendre ce qui reste. mais ça sert à rien, je perd mon temps. C’est la merde totale”…
Ses voitures sport et de luxe sont laissées à l’abandon sur un terrain vague et dans un garage qui s’écroule peu à peu, avec la crise économique et le changement des habitudes d’achat, de plus en plus de garages qui s’étaient spécialisés dans l’automobile ancienne, n’arrivent plus à faire face à la raréfaction des clients… ce qui les amène à abandonner ou complètement négliger leurs stocks sous la poussière, ce qui remet les pendules à l’heure de l’austérité. Les gouvernements des pays membres de la Communauté Européenne estiment que : “Les marchés financiers commencent à comprendre les vertus des réformes”…
C’est peut-être vrai des investisseurs boursiers, mais c’est très loin d’être le cas d’un secteur automobile qui s’est consacré aux “anciennes”. Le déclin de cette filière est en train de devenir l’un des signes extérieurs les plus flagrants d’une Europe grippée par l’austérité imposée : les Ferrari, Maserati ou encore Bugatti, Jaguar, Corvette et autres, n’ont plus la cote, les ventes ont d’un seul coup chuté de 47 %… et la suite pourrait être particulièrement catastrophique avec un recul des ventes de près de 60 % des 54 % restants…
Non seulement les amateurs de voitures anciennes ne dépensent plus, ou presque, des centaines de milliers d’euros pour acquérir des véhicules très haut de gamme, mais ils sont aussi plus nombreux à les revendre…, soit par des revendeurs, soit directement sur Internet.
– “Elles disparaissent des rues, c’est un symbole très fort”…, m’a confirmé Giuliano Noci, l’un des responsables de la faculté d’économie de l’Institut polytechnique de Milan, ce déclin, ce désamour pour les automobiles de collection, ne provient cependant pas d’une soudaine chute du pouvoir d’achat…
L’automobile ancienne a traditionnellement toujours mieux résisté aux crises que les autres secteurs, il s’agit également d’une conséquence directe des plans d’austérité mis en œuvre par les gouvernements. Cette création d’une sorte de “délit de sale voiture de luxe” participe, en fait, à l’effort général pour lutter contre l’évasion fiscale, quoique c’est avant tout symbolique et permet surtout de faire passer le message auprès des moins riches que le gouvernement veut faire participer les plus fortunés à l’effort de rigueur.
– “Pour beaucoup de gens, être garagiste indépendant spécialisé dans les voitures anciennes est synonyme de richesse, succès et réussite…, cela fut vrai dans certains cas, mais pour la majorité, il en est tout autrement”…
– “J’ai 66 ans et j’ai débuté ma carrière sous statut indépendant temps plein il y a 47 ans. Parti de rien, j’ai roulé ma bosse au fur et à mesure du temps avec passion et acharnement. Au fil du temps, mon salaire était adapté en fonction de mon activité du moment en ne dépassant toutefois pas 1.700 euros brut par mois. Il y a deux ans, la crise économique m’a rattrapé et les contrats de vente ont été de plus en plus longs à obtenir, me mettant quelque part dans une situation de chômage technique. Malheureusement, le régime des indépendants est un rouleau compresseur et ne s’adapte pas au cas-par-cas. Les arriérés de cotisations sociales s’entassent, les impôts également. Je me suis retrouvé dans une situation catastrophique et d’urgence. Je n’avais plus eu de salaire depuis un an, aucune économie sur laquelle me reposer et une famille à nourrir ainsi qu’un loyer à payer. De plus, les courriers d’huissiers arrivaient à tour de rôle. Chaque jour, c’était avec la peur au ventre que j’allais ouvrir ma boite aux lettres”…
– “C’est un sentiment de dégoût face à ce pays et à son gouvernement qui vous pousse aujourd’hui à témoigner ?”…
– “Lorsque que vous êtes au chômage, vous bénéficiez d’allocations, votre mutuelle continue d’être payée, pas d’impôts des personnes physiques en fin d’année et pas de cotisations sociales à donner. Lorsque que vous êtes garagiste indépendant et que vous n’avez pas une activité vous permettant de sortir un salaire, aucune aide ne vous est octroyée. Ayant de trop grandes créances envers les cotisations sociales, j’ai été suspendu de la mutuelle. Je dois une somme incroyable aux impôts alors que ma moyenne de revenus mensuels s’élevait à 1.500 euros brut par mois. Pour terminer, nous avons été déclaré en faillite. Le seul salaire de ma compagne ne nous permettant pas de vivre décemment, c’est un cri de désespoir que j’adresse au gouvernement afin qu’il arrête de prendre les petits garagistes indépendants pour des vaches à lait. Mon garage était très bien situé et réalisait de belles ventes”…
J’ai ensuite suivi John qui voulait me montrer son garage…, je suis passé à côté d’une voiture antédiluvienne, aussi morte qu’un dinosaure, le temps semblait s’être arrêté, puis, une Triumph curviligne m’a ébloui avec sa souriante calandre nickelée, le capot était ouvert et deux hommes scrutaient le moteur…, un autre était à peine visible, son corps étant caché sous la voiture…, trois heures plus tard, à mon retour, ils restaient figés comme des pièces de musée…, chaque voiture déglinguée ajoutait ainsi une autre mante aux multiples couches d’un temps perdu…, la plupart avaient mal résisté avec leurs pièces improvisées, leurs roues usées et leurs articulations détruites.
– “Entretenir une voiture ancienne par ces temps de crise et de pénurie, pose des difficultés invraisemblables…, il faut oublier les concessionnaires de pièces de rechange et fouiller les petites annonces comme les poubelles, ça fonctionne comme une foire géante du troc pour l’échange de pièces anciennes et désuètes. Un véhicule abandonné est dépecé pour ne montrer finalement que son squelette”…
– “La plupart de vos voitures ne sont qu’un mélange de pièces disparates réunies à l’instar du monstre de Frankenstein : carburateurs tchèques, pistons polonais, pièces cannibalisées de voitures improbables”…
– “La tâche n’est pas facile ! N’importe qui regarderait avec des yeux ronds les combinaisons les plus incroyables”…
Entouré d’étincelles et couvert d’un bleu tâché de graisse, un mécanicien était voûté dans l’espace normalement occupé par le volant d’une Mini…, assise tout près de lui, une femme, ciseaux à la main, essayait de faire un joint pour moteur à partir d’un tapis de caoutchouc…, les pièces démontées du moteur étaient placées sur un tapis dans un endroit ravagé, bourré de blocs-moteur, d’amortisseurs, de réservoirs d’essence bosselés, de pots d’échappement et d’autres pièces métalliques à modifier.
– “Chacun se débrouille comme il peut. A cause de la faillite, certains clients qui m’avaient confié leur voiture en dépôt-vente, viennent la rechercher et doivent effectuer quelques réparations en plein air, sur le lieu où la voiture s’est arrêtée. Tous les cons rêvent d’une voiture de collection, même si leurs possibilités financières d’en avoir une sont très rares. Toutes les voitures importées avant la faillite, y compris certains modèles japonais et allemands sont annoncés par le curateur à des prix exorbitants. Par conséquent je dois fonctionner à l’initiative, à l’imagination et à l’humour”…
– “L’esprit, la passion et le dévouement dont vous faites preuve vis-à-vis de ces personnes et de leurs voitures anciennes est une source d’inspiration pour tous”…
La crise financière génère un monceau de balivernes, l’incontinence verbale, faute d’action concrète, s’observe lors de chaque intervention d’un “responsable” politique ou d’un chroniqueur expert…, la propension à célébrer les puissants dans la presse est simplement stupéfiante…, la propension à raconter tout et son contraire au sommet de l’État relève de l’hypnose… Les États-Unis sont probablement au bord d’une nouvelle récession, avec une nouvelle crise globale se profilant à l’horizon, estime auprès de Sputnik Sergio Rossi, spécialiste suisse en macroéconomie. Les chutes d’au moins trois banques américaines peuvent avoir un effet du domino, selon lui.
C’est à l’unisson que les “grosses Bertha” de la presse hexagonale y vont de leurs meilleures plumes pour retracer glorieusement les étapes d’un parcours qui mènera vers un monde nouveau…, un monde débarrassé de la finance parasitaire… et c’est poisseux…, le journal des loueurs de voitures et des compagnies aériennes s’entête dans l’hémiplégie idéologique, en pâmoison…, inaugurant le déni de réalité avec des prétendus signaux positifs prouvant que la reprise est là…, sans retenue, toujours absolument n’importe quoi.
C’est certain, la presse est bien en crise et les traders continuent à bâfrer…, ces gangsters diplômés n’ont pas l’intention de se laisse plumer…, pendant ce temps, les plumitifs de la presse nationale frappés d’amnésie tournent en rond dans leurs rédactions désertées, incapables de prendre du recul sur ce qu’on leur raconte… et sur ce qu’ils produisent. Tout n’est que vents et gesticulations, rien n’est moralisé dans le système capitaliste…, la presse va-t-elle donner les moyens à ses lecteurs, aux citoyens, de s’interroger sur la possibilité qu’un tel système économique puisse se moraliser ?
… Apportera-t-elle à un moment, l’éclairage suffisant pour rendre compte que les politiciens ne font que remplir des espaces merdiatiques ? Paresse et confort rédactionnel…, il est tellement plus simple de laisser déblatérer les dirigeants que mettre leur nez dans leurs foutaises…, finalement, c’est une médiasphère sans recul, qui pratique le suivisme et qui se pose en pilier de la démocratie, mais au lieu de l’éclairer, elle la déforme ! Vous souvenez-vous encore qu’il y a dix ans, les prix s’envolaient à la suite de celui des matières premières ?
Un an plus tard, en 2009, nous étions au centre de la principale crise économique depuis quatre-vingt ans, paradoxalement, pourtant, le pouvoir d’achat d’une grande partie de la population avait augmenté…, la crise, il est vrai, se manifeste par vagues successives et ne frappe pas tout le monde de la même manière…, il est d’ailleurs encore possible aujourd’hui, en 2018, d’être au cœur de la tempête sans avoir le moindre des cheveux mouillés… Voilà…, mon récit s’est déroulé à une allure frénétique, les échauffourées scripturales succédant aux escarmouches verbeuses, décrivant une situation préoccupante !
J’espère que vous ne vous êtes pas ennuyés une seule seconde, face à mon témoignage brut de décoffrage et dénué de toute pudeur. Il n’y a pas eu, ici, de réticence à franchir le seuil du supportable, à exhiber la misère d’une profession sur le déclin, à montrer sa ringardise, à enchaîner une discussion ridicule et grotesque sans aucune limite ni aucune inhibition…, ce n’en est pas moins une pépite à découvrir d’urgence pour qui veut voir dans son expression la plus brute toute la beauté d’un garage abandonné partiellement à son triste sort, un véritable bonheur, à la folie totalement décomplexée !
J’ai trouvé ce garage d’une beauté incomparable, sans doute parce qu’avant d’être un requiem au consumérisme automobile et à la spiritualité mécanique…, c’est une œuvre d’une esthétique qui occulte tout autre point de vue…, ce n’est quand même pas tout les jours qu’on voit un théâtre un peu absurde qui était le terrain de jeux d’hommes perdus, bercés entre l’humour et les larmes ! Certaines photos choquent (et on est loin de la Syrie pourtant) de part la tristesse qu’elles dégagen, c’est lorsque délaissé par les hommes avides d’argent que le garage explose dans un non-sens qui renvoie aux fondement de toute foi !
Cette fin est d’une sobriété écrasante, tout en retenue et en non-dit… et elle vous hantera longtemps après avoir quitté cette page…, en même temps c’est très paradoxal : d’un coté c’est extrêmement vulgaire, le milieu de la prostitution automobile étant rempli de personnages emblématiques et variés qui s’expriment très cruellement, avec des dialogues bien gras…, d’un autre coté c’est le dépouillement sacré, la spiritualité et l’intellect qui prévôt…, de ces paradoxes on atteint là un échec, à savoir l’incapacité à traiter le mal, la perversion et l’excès.
Quand la chance tourne, quand les ventes déclinent, quand tout se passe mal, c’est le tapis qu’on tire sous les pieds des opportunistes, un tapis qui cache un gouffre abyssal…, c’est un beau numéro d’équilibriste, car ces opportunistes tombent des deux cotés de la corde avant de faire les malins et dire qu’ils ont trouvé un sens à leur vie…, alors que la plupart sont tombés d’un coté ou de l’autre et crèvent doucement…, ils ont loupés le train et restent là où ils sont tombés… et bientôt ils crèveront sans voir qu’ils ont donné naissance à un système individualiste.
C’est très émouvant pour moi de l’écrire comme ca… et en même temps, oui c’est vrai, la sincérité et la conviction emportent toujours l’adhésion, sans choir dans le cliché sur les gentils pauvres exploités et les méchants capitalistes belliqueux…, mais pas trop quand même. Bon, là, je commence à saturer, c’est la clôture, c’est chiant comme la mort, vous voulez peut être que j’arrête…, je ne sais pas, faites-moi un signe, là…, c’est ignoble, voire même pire que ca, j’ai plus de piles dans mon sex-toy !
Imaginez que le message que je voulais faire passer, c’est que pour un garagiste indépendant, spécialisé dans les voitures de collection…, une faillite c’est comme un sex-toy qui ne fonctionne plus, enfin c’est peut être pire, je ne sais pas, mais là c’est trop…, surtout qu’avant de faire faillite, John a bien profité…, sans qu’on sache vraiment s’il faisait la distinction entre danser et faire danser ! Je vais partir discrètement, oui c’est ça, je prends mon sac je me faufile, je sors, une lumière… Waouwwwwwwwww !