EXCALIBUR, une chose sortie de l’enfer…
L’aventure de cette incroyable voiture commence en 1963, aux Etats-Unis, à Milwaukee.
A cette époque, Brook Stevens oeuvre en tant que designer pour le légendaire constructeur automobile Studebaker qui est pourtant au bord de la faillite.
Pour tenter de redresser les ventes et l’image de la marque, Sherwood Egbert, le patron de Studebaker, demande à Brook Stevens de créer des voitures extraordinaires qui seraient exposées dans divers shows automobiles.
Le designer américain s’inspire de sa Mercedes SSK de 1928 pour imaginer son premier concept-car.
Ce modèle est construit au départ du châssis modifié (raccourci) d’une Studebaker Lark Daytona convertible et motorisée par son V-8.
Furieux et dépité, Brook Stevens loue un emplacement au show automobile de Détroit pour y exposer sa “Mercebaker“.
Le prototype, dénommé “Mercebaker” est refusé par la direction de Studebacker qui préfère tirer ses dernières cartouches financières avec l’Avanti dessinée par Raymond Loewy.
Malgré cela, deux des personnalités “Hollywoodiennes” de l’époque : Steve Mc Queen et John Wayne commandent chacun une “Mercebaker“…, tandis que la presse automobile présente cette voiture comme “LA” voiture du salon automobile de l’année !!!
La direction du show le relègue juste à coté des toilettes…
Cette incroyable automobile est pourtant un pur “Bitza“, construit de bric et de broc, la première “réplique” s’inspirant d’un modèle d’avant guerre, en plein milieu des années soixante, années tournées vers l’avenir et non vers la modernisation du passé…
Sous les pressions conjointes de Mercedes et de Studebaker, Brook Stevens se voit interdire l’utilisation de la contraction des deux marques Mercedes et Studebaker en : “Mercebaker“…
Brook Stevens recrèe Excalibur Motor et y place ses deux fils pour qu’ils lancent une commercialisation semi artisanale.
Il remet alors le nom “Excalibur” en fonction, nom qu’il avait utilisé pour la commercialisation d’un roadster de course propulsé par un moteur Jeep, le type “J“…
La faillite de Studebaker permet à la famille Stevens d’acquérir à vil prix des centaines de châssis Studebaker Lark.
C’est alors que le concessionnaire Chevrolet de New-York, Jerry Allen propose un contrat d’achat ferme de plusieurs dizaines d’Excalibur pour autant qu’elles soient propulsées par des moteurs V-8 Chevrolet 327ci provennant des Corvette Sting Ray…
Les frères Stevens modifient les chassis et lancent la production à Mequon, Wisconsin, près de Chicago…
Le résultat est un typique roadster d’inspiration Mercedes SSK 1928, propulsée par le small block Chevy-Corvette C-2 V-8 327ci (5L3) annoncé à 290 chevaux.
Le moteur est reculé de 70 cm et monté directement sans silent-bloc sur le chassis pour éviter que les échappements latéraux (deux fois 3 en 4) n’abiment les capots en cause des vibrations.
Mythique !
Quelques rarissimes Excalibur de cette époque recevront un compresseur Paxton faisant délivrer à cet atelage, environ 500 chevaux…
Mais compte-tenu de l’ingénérie aléatoire des frères Stevens, de leurs moyens financiers (limités) et des composants de l’époque, l’engin est comme une chose sortie de l’enfer…
Seulement 3.000 Excalibur’s vont être réalisées entre 1964 et 1985.
Tous les cinq ans environ, un nouveau modèle était dessiné.
Chaque élément de la voiture était entièrement réalisé artisanalement, en ce compris les chassis des séries II, III, IV et V.
Les trains roulants AV et AR ainsi que le moteur et la boîte (automatique en série, manuelle en option) provenaient de General-Motors (Corvette 454ci C-2 puis C-3 pour les Séries II et III, GM-Marine 302ci pour les Séries IV et V avec exclusivement boite automatique GM…, quelques Séries V seront équipées, tout comme la “série-Limited-100”, de moteurs GM Corvette C-4 injection).
Au début des années 70’ , le relatif succès de l’Excalibur Séries I donne quelques idées à divers pirates qui se lancent dans la fabrication de “Néo-classiques“.
Les frères Stevens restent fidèles à leur philosophie, en fait, ils sont incapables d’augmenter la production de la Séries I dans l’atelier de Mequon.
Ils s’endettent pour s’installer à Milwaukee dans une usine de taille adaptée et lancent la Séries II qui dispose d’un chassis “maison” surdimensionné auquel sont greffés des trains roulants de Corvette C-2.
Sous le capot (en aluminium), le super et réputé small-block 5L3 (327ci) de 350/400cv, fait place à un Big-Block 7 litres (454ci) de 300 chevaux.
La voiture est plus grande, plus large, plus lourde, elle reste dans la philosophie des Mercedes SSK de la fin des années ’20 avec un complexe et attendrissant système de capotage avec vitres latérales “souples“.
Cinq ans plus tard, la série III arrive sur le marché.
Probablement la génération d’Excalibur qui a connu le plus grand succès, c’est une Séries II améliorée avec des ailes avant et arrière plus enveloppantes…, en 1977, la firme Excalibur vend 237 voitures et en 1979, 367 SIII quittent l’atelier.
Le moteur 7 Litres (454ci) provient des Corvette C-3 et ne délivre plus que 270cv à cause des systèmes légaux obligatoires anti-polution.
Cela représente une moyenne de 6 voitures par jour.
En 1980, les “Pirates” tels que Clénet, Sceptre-Griffin, Gatsby, Zimmer qui proposent des “Néo-classiques” avec vitres électriques, sièges électriques, capotage simple, fabrication en polyester…, récoltent de plus en plus de succès.
Les Frères Stevens doivent changer de cap.
La nouvelle génération d’Excalibur, la Séries IV, est dotée de vitres électriques, d’un soft-top semi-automatique.
Le style “fin des années ’20” est abandonné pour faire place au style “années ’30” des fantastiques et mythiques Mercedes 540K.
Le châssis est allongé de 30 cm.
Malgré une production quotidienne de 7 voitures, les affaires se portent mal.
Pour malgré-tout fêter ses 20 ans tout en écoulant les anciennes Séries IV invendues, la société crée 50 Limited Editions Séries IV, deux couleurs de peinture, gris et blanc, séparés par une barrette chromée.
La société fait faillite et est reprise par un certain Werner qui investit plusieurs millions de dollars pour réaliser une Séries IV mieux finie et plus rentable qui va se nommer Séries V…
La nouvelle firme qui n’est plus dirigée par les Frères Stevens se retrouve face à un dilemme :
-soit produire plus
-soit augmenter le prix et la qualité.
En contrepartie, les véhicules sont encore mieux équipés : vitres électriques, auto-radio stéréo, cruise-control, verrouillage central, sièges électriques, air conditionné, capote semi-électrique et un hard-top amovible;
Werner opte pour la deuxième solution, voulant positionner la Séries V au même niveau de prix que les Rolls-Royce Silver Shadow II.
Malheureusement, le nombre de voitures vendues est en chute libre.
Ensuite, l’effort de vente se porte sur la Séries V annoncée à plus de 100.000 US$ !
En 1985, seulement 78 voitures quittent les ateliers de Milwaukee et en 1986, ce chiffre diminue encore de moitié.
Werner lance alors la Séries V “Sedan 4 portes” et la Séries V “Limo 6 portes” toutes deux basées sur le chassis des Dodge Dakota (pont arrière rigide) et équipées du moteur 5L7 GM Marine avec boite automatique.
Le succès tant espéré ne vient pas, les voitures sont proposées à plus de 125.000 US$ !!! Malgré qu’un voisin, marchand de voitures spéciales, Harry Kauffman, s’évertue (en contrepartie de commissions importantes) d’assurer les ventes en proposant les Excalibur’s neuves en dessous du seuil psychologique des 100.000 US$, la firme Excalibur fait faillite pour la seconde fois et est reprise par un milliardaire allemand.
Celui-ci met en chantier une nouvelle version de l’ancienne Séries III dénommée “Séries 100 Limited“, équipée du moteur V-8 Corvette C-4 injection, moteur qui équipe également les toutes dernières Séries V, toutes versions confondues.
La firme se lance simultanément dans la fabrication d’une réplique de Cobra 427.
Le succès ne viendra pas, la Cobra est disgracieuse, ses pare-chocs détruisent la ligne, les Series V quant-à-elles ne sont plus en phase avec le renouveau automobile.
La firme Excalibur fait faillite pour la troisième et dernière fois.
Plus jamais…
C’est ce qui doit être gravé dans l’esprit lorsqu’on regarde une Excalibur.
Plus jamais ce ne sera possible, plus jamais on ne reconstruira une évocation des mythiques et maintenant financièrement inaccessibles Mercedes SSK et 540K… (leur prix dépassent les 4 millions d’euros).
C’est cela qui rend les Excalibur’s uniques.
Excalibur a été la première marque-usine au monde qui a inventé le concept de “Néo-classique“, de “réplique” et “d’évocation” des voitures de l’âge d’or de l’automobile.
Brook Stevens est décédé fin des années’90, son rêve lui survit…
Elles sont d’autant plus rares que leurs moteurs sont actuellement les plus recherchés dans le monde des collectionneurs de “Muscle-cars” ; les Corvette’s Big-Block en C-2 et C-3 dépassent souvent les 100.000 US$…, mais les Excalibur’s sont bien plus rares que les Corvette’s…Si la firme existait encore, il est certain qu’elle vendrait à nouveau, le monde à encore changé et la barre des 100.000 US$ n’est plus un seuil psychologique lorsque qu’une Maybach est annoncée 600.000 US$ et que toutes les Corvette’s Big Block 427 et 454ci dépassent allègrement les 100.000 US$ dans les ventes aux enchères de voitures de collection.
La suite de la saga Excalibur, c’est ici :
– 1965-1969 Excalibur Series I…
– 1970-1979 Excalibur Series II & III…
– 1980-1984 Excalibur Series IV & V…
– 1953-1958 Excalibur-J, 1959 Excalibur Hawk Coupé, 1985 Excalibur Roadster RS…
– 1966-1969 Excalibur 35X Michelotti, design by Guy Storr… (AutoChromes Magazine)
– 1953- 1984 La Saga Excalibur… (Autorama Magazine)
– Excalibur, l’oeuvre de la famille Stevens… (AutoChromes Magazine)
– 1985- 1989 Excalibur Series V, une fin de règne… (AutoChromes Magazine)
– Excalibur…
– Excalibur Séries IV “A way of life”…
– Les Excalibur, ahhhhhhhhhhhhhh !