Philipp Plein : politiquement incorrect !
Le capital-patrimoine immatériel (qui est un élément non monétaire et sans substance physique, constitué par les informations et connaissances détenues et ayant une valeur positive ) de Ferrari, serait-il réellement menacé par une paire de chaussures Philipp Plein ? “Ferrari éprit soudain d’une soif soudaine de respectabilité se drape dans le diktat du politiquement-correct : plus question de rire et ses clients directs et indirects vont en faire les frais”… Tel était le message subliminal véhiculé en double-sens par un Nième coup de bluff génial du multi-millionnaire Philipp Plein, avec l’assistance complice de Ferrari dont les clients seraient juridiquement obligés (sic !) de s’abstenir de blasphémer, salir, ridiculiser, trahir, moquer et même utiliser le Saint-Nom “Ferrari”, ainsi que l’image de n’importe quelle Ferrari, fusse-t-elle même diabolique et démoniaque dans quelque commentaire que ce soit ! Ce n’est que de la promo-pute…
Le styliste allemand Philipp Plein, propriétaire (entre autres 20 autres) d’une Ferrari 812 Superfast rhabillée en vert pomme “chromé”, a fait le Buzzz en mi-février 2020, sur Instagram auprès de son million de fan’s, en affirmant avoir reçu une lettre de la part des avocats du constructeur italien, en cause d’une photo postée sur son compte Instagram, présentant une paire d’un de ses modèles de chaussures (des baskets) déposée sur la lunette arrière de sa Ferrari (Les “Pompes” litigieuses se découvraient sur la vitre de hayon AR, quasiment pas visibles !) : “Sur cette image, la marque Ferrari est utilisée à des fins de promotion de votre marque et de vos produits, avec une appropriation illégale de son image positive”…, pouvait-on lire dans la lettre des avocats rendue publique par Philipp Plein… Bidon également… Mais toujours selon lui : “Ferrari va plus loin, et même beaucoup trop loin, m’accusant de styliste de mauvais goût”…
Un gag de potache, car les Ferrari’s ont-elles-mêmes souvent un goût douteux depuis que la marque centuple ses profits dans des affaires de restaurations nébuleuses (liste dans cette News), le courrier se terminant par : “La marque et les modèles Ferrari sont associés dans vos images à un univers sans rapport aucun avec l’image de Ferrari, en présence de mannequins (des femelles nues) aux poses sexuellement suggestives (quelle horreur), mettant en scène les voitures Ferrari avec mauvais goût”… Ferrari aurait donc sommé Philipp Plein de retirer les photos incriminées sur le réseau sous 48h, sous peine de poursuites ? Une injonction que le styliste a, dit-il, choisi d’ignorer, considérant qu’il est libre de poster une photo de sa voiture personnelle et de ses chaussures personnelles, sur son compte personnel, car les images ont été postées sous le nom de “philippplein” et non de “philippepleinofficiel”, compte dédié à la communication…
Le délire total de cette “COM” de potache a été atteint lorsque Philipp Plein a écrit : “Je n’ai pas de mots pour dire à quel point je suis dégoûté et déçu par cette réclamation déplacée contre ma personne. J’adore les voitures, et en particulier les Ferrari. J’ai acheté ma première il y a dix ans et j’en ai récemment offert une à ma mère pour son anniversaire. Si vous continuez à traiter vos clients fidèles avec de telles lettres d’avocats, vous allez perdre le soutien de nombreux fans !”... Selon les journaleux de sévices et merdias complices : “La suite des événements a donné raison à Philipp Plein, qui a rebondi sur l’affaire de manière astucieuse et opportuniste en demandant à ses fans sur les réseaux, de poster des photos de leurs chaussures, posées sur des Supercars, en échange d’une remise de 10 % sur leur prochaine commande”… Que de l’intox façon “COM”… La pêche aux cons et connes peut rapporter des fortunes…
Point d’orgue de l’opération “COM”, assez vite, les clichés ont afflué sur Instagram, mettant en scène des McLaren, Ferrari, Lamborghini, FordGT, Bentley et autre Maserati… et Philipp Plein de conclure : “C’est étonnant de voir le nombre énorme d’amis et amies m’ayant affirmé leur soutien. J’ai reçu des milliers de photos de chaussures Philipp Plein posées sur des Supercars, en provenance du monde entier. Où allons-nous si les marques veulent dicter ce que nous postons sur nos comptes Instagram personnels ?”. C’était en finale une superbe opération, bien menée, inattaquable, une sorte de perfection… Reste à ce que j’y apporte mon sac de sel par un bref rappel des réalités Ferrari que je vous invite à lire sans tarder… Il y a la plus d’une centaine de scandales divers tous plus divertissants les uns que les autres. Que du bonheur ! : https://www.gatsbyonline.com/category/ferrari/
Du cuir, des strass, des têtes de mort, des défilés survoltés, Philipp Plein détonne dans le milieu de la mode, le créateur allemand règne sur un empire qui pèse 300 millions d’euros de chiffre d’affaires… Ses clients sont des rappeurs, des footballeurs, des riches clinquants, des banlieusards gagnant d’une loterie où bénéficiaires d’affaires hors-des-lois… Un peu tout le monde en fait, alors comment ce feu follet est-il devenu le tycoon du prêt-à-porter ? Cette page/chronique est une enquête dans le glauque des jours et des nuits… C’est dans cette nuit que je débute l’histoire… Cette nuit qui a enveloppé l’avenue Georges V, un des affluents des Champs-Élysées, encadrant l’entrée de la deuxième boutique parisienne de Philipp Plein. Des écrans projettent des images des défilés du designer allemand : couleurs flashy, silhouettes gainées de cuir et de strass scintillants, qui rendent le Fouquet’s voisin encore plus vieillot….
Surprise, tout commence par un combat de kickboxing où “Tout le public est habillé en Philipp Plein, de la folie”… et arrivent alors les gamins aperçus dans le nord et l’est de Paris, baromètres vivants des marques, pochettes et sweats “PP” en étendards… Et beuglent des ziziques de rappeurs… Du “Plein” la gueule ! Un post Instagram de Neymar circule, illustré du dernier modèle de sneakers de la marque aux pieds plats : “Poser un orteil dans le prêt-à-porter de luxe, c’est vite comprendre qu’un OVNI y a pris pied depuis 2004 et s’y déploie depuis avec une croissance assez unique, révélatrice de notre époque où tout va si vite”, voilà ce qu’à également souligné une journaliste “experte” du secteur… L’univers est composé d’un trépied (les marques Plein, Plein sport et Billionnaire) dirigé d’une main de fer par un homme de bientôt 50 ans, l’âge où d’autres se reposent d’avoir été “LE” président de la République ou l’astronaute préféré des Français.
PhillippPlein, c’est un style moins policé que celui de Macron : “I am building a fucking empire” martèle-t-il sur son Instagram où sa fan-base peut admirer ses tatouages, son bronzage permanent ses nananas aux gros seins et longues jambes fines… et ses dernières créations… Mais il peut jubiler : son groupe pèse 300 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels amassés dans 120 boutiques (50 possédées en propre, les autres en franchise), alors que 60 autres sont espérées dans les cinq prochaines années… Pas un mois ne s’écoule sans l’ouverture d’un espace au design “mineral” noir et blanc, avec lumières violentes sur les ornements, les sweat-shirt Blue money, les blousons Flying money, des jeans Dollar boy… Le “Rambo du design” applique chaque jour une des plus anciennes leçons du marketing : faire parler de soi, à tout prix, rien ne serait pire que l’indifférence (c’est la même recette utilisée pour l’affaire Ferrari verte).
Chez Philipp Plein, on ne parle pas de “défilés” mais de “shows”, souvent orchestrés au millimètre par Étienne Russo, qui depuis vingt ans a supervisé plus de 700 défilés (Chanel, Dior Homme, Hermès, Dries Van Noten) qui attirent désormais des milliers de fans de Philipp Plein dont une partie, frustrée, quémande pendant des heures un strapontin… On n’aime ou on n’aime pas, mais le spectacle est au rendez-vous : défilés autour d’une piscine remplie de jet skis et mannequins dénudés juchées sur des Monster-trucks, des manèges et un skatepark… Partout un déluge de musique et de lumières : “C’est une messe pour les femmes de footballeurs et les maris des femmes de footballeurs”, s’amusait il y a quelques années “Habillé(e)s pour l’été”, l’émission de Mademoiselle Agnès, en découvrant, médusée, le show milanais de Philipp Plein.
La marque a d’ailleurs inscrit une partie de sa légende naissante dans la capitale lombarde : en 2010, le designer se voyant banni de l’agenda officiel de la Fashion-week par la fédération locale de la mode, très protectrice des marques italiennes, à réagi à sa manière : qu’à cela ne tienne s’il ne peut pas défiler dans la journée, Phillipp Plein bouleverse l’agenda et se produit en soirée, et les énormes fêtes qui ponctuent le défilé des mannequins séduisent vite les invités, dont des clients fidèles qui engloutissent des hectolitres de “ChamPlein”, mélange de champagne et de Red Bull, la boisson fétiche du créateur. Mais Philipp Plein déserte vite ses propres soirées, s’il dort très peu c’est parce qu’il fait du running tous les jours et bosse à peu près en permanence… Et puis un patron patachon ne tient pas la route bien longtemps…
Dans les soirées Philipp Plein, l’excitation des fans monte encore d’un cran lorsqu’ils lorgnent les fauteuils VIP : Madonna, Kylie Jenner, Snoop Dogg et Courtney Love y ont performé… Et Kim Kardashian, Naomi Campbell, Beyoncé, Nicki Minaj, Taylor Swift, Iggy Azalea ont assis la réputation de ces shows hors norme… En juin 2017, Philipp Plein a accueilli plusieurs centaines d’invités (dont Paris Hilton en Guest et, pour le frisson, Jeremy Meeks, un ancien taulard de 33 ans star des internet’s) dans sa villa cannoise, (la jungle du roi), pour y présenter sa collection d’été avec fontaines garnies de “ChamPlein”… Des Bentley, Rolls (dont un cabriolet Dawn, il possède aussi une Wraith, la plus rapide de la marque) et les Lamborghini et Ferrari du patron, toutes par ailleurs alignées dans son garage, tags philosophiques sur les murs (“Kiss me, like you, love me, fuck me, like you, hate me”)…
Rien de tel pour marquer les esprits, faire causer pendant des semaines dans le landerneau et laisser dans son sillage un léger parfum de scandale à contre-courant d’une industrie devenue bien sage. Philipp Plein, c’est la preuve vivante de la rupture entre le marché et une partie du secteur, endogame et snob, certains l’adorent, d’autres le détestent, mais tous le savent : 300 millions d’euros de chiffre d’affaires inspirent une forme de respect, même en les rapportant/comparant aux 5,2 milliards d’Hermès l’an dernier… La preuve : Philipp Plein peut s’entourer des meilleurs : Carine Roitfeld, l’ex-rédactrice en chef de Vogue Paris au stylisme… et Karla Otto à la tête d’un des bureaux de presse les plus puissants de la mode… Comme Lugano semble calme après le tapage de la Côte d’Azur, même le sommeil des habitants est protégé des atterrissages, essentiellement ceux de jets privés, interdits pendant la nuit…
Le principal QG de Philipp Plein est posé au bord du lac, immeuble moderne en verre qui abrite une partie des 600 salariés (dont 80 % ont moins de 35 ans) des trois marques Plein… Lugano accueille aussi une de ses maisons, qu’il partage avec celle de Cannes, son appartement new-yorkais aux 16 lustres en cristal et sa future demeure hollywoodienne en construction (coût : 100 millions de dollars). Une petite heure de route pour retrouver Philipp Plein dans ses bureaux milanais, un autre de ses bastions. Dans l’ascenseur vitré, une salariée m’interroge : “Vous avez rencontré notre superstar ?”…, “Who the hell is Philipp Plein ?” s’est, lui, a demandé le vénérable Financial Times, intrigué par le succès de cet outsider… Manteau Camel frappé (comme tous ses vêtements) de ses initiales “PP”, T-shirt et jean noir, bras tatoués (y compris ses noms et prénoms dans la même typographie que ses marques)… Pfffffffffffffff !!!
Sa main gauche recouvre chaleureusement notre poignée de mains, l’homme dégage du charisme et une grande simplicité, sa voix porte un anglais parfois coupé d’un “Korrekt” qui rappelle ses origines germaniques, Jennifer Leppla, une ancienne surfeuse américaine qui est sa “PR” depuis fin 2017 l’accompagne, tout est ultra-contrôlé mais il est accessible. Loin, très loin de la folie qui se dégage de son Instagram saturé de bagnoles, de filles et de stars, ambiance “Roi du bling”, ces scènes existent mais puisque Philipp Plein est l’homme qui travaille le plus au monde, ce n’est qu’une minuscule partie de sa vie… Instagram permet aux gens de comprendre qu’il existe vraiment, cette authenticité est importante, à première vue, cela paraît extrêmement prétentieux, mais non, et le constat vaudra pour la plupart des analyses : hyper pragmatique, Philipp Plein prend le monde tel qu’il est et en extrait tout ce qu’il peut…
C’est un pur croisement d’une superficialité outrancière qui transpire de notre époque et de son ultra-efficacité (presque un bon sens paysan), au service des seuls vrais guides de Philipp Plein : ses clients. Et puisque ses fans aiment cette image de “Jean-Claude Van Damme de la mode” et la tête de mort en emblème de la marque, eh bien il fonce et s’abandonne dans une transparence de façade… “My life is my job”… Il est sans filtre, il prétend ne pas chercher à plaire, et puisque personne ne revendique cette case clinquante et bling-bling, il a un boulevard devant lui… Il faut comprendre que l’on puisse avoir envie de s’habiller comme ça, un peu comme les spadassins sous François 1er, avec des fentes partout ! “Brand-sell-dream, brand-sell-dream” : si Philipp Plein écrit un jour une chanson, ce pourrait être son refrain… Installer sa marque et vendre du rêve sont ses fixettes… Compter ses bénéfices est sa jouissance masturbatoire…
“Prenez Lamborghini, ils ont fait quatre ou cinq fois faillite mais tout le monde connaît ce nom. De nombreuses marques disparaissent après cinq ou six ans d’existence, d’abord pour émerger, ensuite pour exister”.. Philipp Plein a un discours musclé envers son écosystème, comme une signature d’anti-héros : “La mode est une des plus anciennes industries au monde, un peu comme la prostitution. C’est un monde ultra-protégé, il faut se battre, s’adapter en permanence. Le groupe Plein a environ 14 ans, et nous devons rivaliser avec des marques qui existent depuis quarante ans”. Il n’a pas hésité à publier sur Instagram une copie d’une lettre d’un concurrent l’accusant de débaucher certains de ses salariés, et à y répliquer. “Depuis quinze ans, je travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour réaliser mon rêve et construire mon groupe. Je respecte tout le monde et je n’ai jamais reçu le soutien du milieu. Alors j’en profite pour dire que je ne m’excuse auprès de personne. Fuck off !”…
C’est là son coté un bravache qui, après une longue gorgée de Red Bull aspirée à l’aide d’une double paille, ne cache pas sa fierté du bout de chemin qu’il a parcouru : “On nous a récemment fait une offre de rachat, en milliards d’euros. Mais nous ne sommes pas à vendre. Et ce ne serait de toute façon pas à un de ces grands groupes, qui souhaitent nous racheter seulement pour nous contrôler”… Sans agressivité, Philipp Plein fonctionne pourtant bel et bien à la revanche comme toutes ces comètes surgies de nulle part, car rien ne le prédestinait à intégrer l’univers de la mode : jeunesse à Munich, parents chirurgiens (sa mère, toujours proche, vient à ses shows), crise d’ado avec un crochet dans une pension privée suisse, études de droit à l’université en rêvant d’une vie d’artiste, arrive la vingtaine où il faut bien choisir pour avancer… Et là, seul un sens du commerce et une confiance illimitée lui permettent d’avoir sa première “grande” idée…
Dessiner des lits pour chiens ! Nous sommes en 1998, Philipp Plein prend un stand à “Maison et objets”, un salon majeur dans l’univers de la déco… Et avec ses “Pet-beds”, Philipp Plein gagne son premier million d’euros avec une table recouverte de peau de crocodile. Il a alors 23 ans, s’offre une Porsche 996 et se fait tatouer nom et prénom sur le bras… Son business du design de meubles tourne, il empoche quatre autres millions, mais il rêve encore… Nul doute que son ego exige davantage de lumière… Le deuxième “key moment” qui est sa véritable entrée dans la mode, se déroule en 2004, toujours au salon ”Maison et objets” où il présente une veste vintage de l’armée allemande sur laquelle il coud des cristaux Swarovski : C’est un carton, surtout que Philipp Plein en vend une pour 3.500 euros… Il comprend alors une règle simple mais fondamentale : La rareté crée le prix… C‘est Adam Smith version fashion…
“Quand le champagne reste rare, c’est un moment très spécial. Quand il se boit tous les jours, comme de l’eau, il perd son glamour et sa valeur. C’est pareil dans la mode. Il n’y a pas de secret”, m’explique Philipp Plein, ainsi justifie-t-il sa gamme de prix, aux alentours de 400 euros pour un T-shirt, 900 euros pour un jean, 3.000 un blouson de cuir… “Il ne faut pas baisser ses prix et se “cailleraïser”, il faut rester dans la night culture plutôt que la street culture”… Plein, c’est le seul mec capable, en pleine tempête financière de 2008, de dire aux riches : “Claquez votre argent, et surtout montrez-le !”… Quoique l’intéressé dément toute stratégie de niche à l’égard des nouveaux riches, ces fortunes éclairs plutôt bâties dans le numérique et la finance : “Toute l’industrie du luxe travaille avec des clients qui aiment montrer qu’ils ont de l’argent. Qui fait la queue devant Hermès ou Ferrari ? Ce sont les mêmes que chez moi : les Chinois. Il y a cinq ans, c’étaient les Russes”….
C’est une habile façon de dire que les produits Philipp Plein se vendent au même titre que ceux des plus grandes et plus anciennes marques… Cannes, St-Tropez, Miami, Ibiza, Saint-Moritz, Abou Dabi, Dubaï, Los Angeles, Londres, Moscou… Il faut exister là où les riches se trouvent, c’est la règle… A Paris, les marques Philipp Plein sont présentes dans la rue de Rivoli, avenue Georges-V et rue du Faubourg-Saint-Honoré avec une boutique Billionnaire : “Mes clients aiment acheter des marques, un Coca coûte 25 euros au Ritz, un euro au supermarché, ça veut bien dire que tout est affaire de psychologie”… C’est à la fois simple et complexe, un peu comme son propre rapport à l’argent : «Je ne dépense pas beaucoup, non pas parce que je n’aime pas ça, mais cela ne me procure pas beaucoup de sensations. J’aime bâtir. Mon hobby est de créer. Mais avant tout, je suis un raconteur d’histoires”, aime répéter Philipp Plein…
La plus belle histoire est celle de son propre succès, il suffit de s’en convaincre et, surtout, que le marché n’en doute jamais. Chaque jour, son Instagram (875.000 abonnés) crépite, bourré de hashtags éloquents : “Unstoppable”, “THINK PLEIN”, “Allthewayup”, “Nobodycanstopus”… Suivez-le pendant quinze jours, vous croirez voir un bulldozer, il n’est pas né pour rien avec l’apparition de l’Internet. Il y a un parfum de rêve américain autour de Philipp Plein…, Parti de rien (en tout cas dans la mode), affamé de succès, il a l’ADN du business dans la peau… Ce n’est pas un hasard s’il crie haut et fort aimer le “Bling”, ce mot-valise apparu dans la culture rap alors qu’il avait quinze ans et découvrait, fasciné, New York… Selon Ennio Fontana : “Un des moments-clé a été 2008 lorsque nous avons centralisé la production en Italie. Nous sommes montés d’un cran”… Nul doute que Philipp Plein lorgnait déjà outre-Atlantique
Pour comprendre l’irrésistible ascension des rappeurs US, il ne lui a pas échappé qu’en 2007, Jay Z a revendu Rocawear, sa marque de prêt-à-porter, pour 200 millions de dollars alors qu’il a cédé Roc-A-Fella Records, son propre label, pour seulement 20 millions, ou qu’en 2008, 50Cent a empoché 150 millions de dollars lors du rachat de Vitaminwater dont il était l’égérie, à Coca-Cola… Dix ans plus tard, 50Cent est un fan de Philipp Plein… En septembre, il a lâché 80.000 dollars dans la boutique New-Yorkaise avant d’assister au show “PP“… Les rappeurs parisiens comptent aussi parmi les meilleurs ambassadeurs de la marque : “J’arrive dans le club, calibré, tout en Philipp Plein/J’commande vingt bouteilles, calibré, tout en Philipp Plein”, chante Rock Blood… “Ici tout le monde ne met que du Phlilipp Plein/Une, deux transacs et t’es dans le bain”, du côté de Lacrim….
L’univers du foot, son fric, ses tatouages, ses coiffures en brosse, ses grosses bagnoles, ses grosses montres, la panoplie du mec qui refuse d’être plus discret que sa meuf, a vite été conquis par Philipp Plein : Karim Benzema, Cristiano Rolando, David Beckham se sont affichés en Philipp Plein, l’équipe de l’AS Rome est sponsorisée par la marque : “Nous n’avons jamais rien offert aux joueurs de foot, ils aiment nos produits qui leur permettent de ne pas s’habiller comme leurs managers mais comme des rock stars”… Un peu comme les étoiles, les marques peuvent naître aussi vite que mourir… Philipp Plein, qui bâtit ses rêves depuis 1998, le sait bien, le groupe est clairement tracté par lui et il le reconnaît par une périphrase dont il a le secret : “Thomas Mann aurait-il vendu autant de livres s’il ne les avait pas écrits ? Mais on ne sait pas ce qui peut se passer : Apple est devenu encore plus mythique lorsque Steve Jobs est mort”…
Philipp Plein a eu 40 ans le 16 février, mais il n’a pas le temps de penser aux années qui filent, c’est son moment, il ne lui faut penser, chaque seconde qu’à l’adage de Jay Z : “I am a business, man”…
Episode 1
https://youtu.be/xWkGvvOCoKQ
Episode 2
https://youtu.be/kvgZtf_eC6U
Episode 3
https://youtu.be/3YBG9iZkQCE
Episode 4
https://youtu.be/hWQe9-Dc_jA
Episode 5
https://youtu.be/uq10zA3S4rM
France – Cannes House
https://youtu.be/4TP7DOvMzHE
Philipp Plein, le créateur de mode allemand de quarante-cinq ans, est mince et musclé, avec des cheveux raides et gélifiés, une mâchoire de barbe et des bras couverts de tatouages (le mot “milliardaire” en grosses lettres ; une croix avec “Veni Vidi Vici” ; un Jésus au visage triste). Depuis qu’il a fondé sa marque de vêtements éponyme, à la fin des années 1990, Philipp Plein est devenu un colporteur efficace de produits de luxe “bruyants”, aimé par les clients ayant un goût pour l’extravagant, bien que souvent méprisé par l’establishment de la mode. Ses défilés sont des affaires élaborées, mettant en vedette de la pyrotechnie et, à l’occasion, des jet-skis : “J’essaie de baiser ton esprit ce soir”, a-t-il déclaré à son public à Milan dans un défilé, qui a été ouvert par la rappeuse Azealia Banks. Philipp Plein a fait installer des montagnes russes (que certains des mannequins ont montées) sur le podium, ce qui a conduit les médias à spéculer que l’événement aurait pu être “le défilé de mode le plus cher de tous les temps”…. Philipp Plein est la meilleure publicité vivante de sa marque.
Il porte principalement des vêtements de sa propre conception : des pantalons en cuir skinny avec une multitude de fermetures éclair ; chandails ornés d’une tête de mort ; baskets avec un logo Philipp Plein à double “P” bien visible ; vestes slim en peaux d’animaux exotiques ; montres surdimensionnées serties de cristaux… Son look de playboy coquin combine des éléments de rocker hair-metal aisé dans son image d’imprésario de hip-hop blanc et de membre de la distribution de “Jersey Shore”… “Quel hétéro dans le monde ne voudrait pas ressembler à ça ?”, m’a dit son directeur mondial de la vente en gros, Fabien Girardi. Parmi les célébrités fans de la marque, citons l’acteur Nicolas Cage, le joueur de football Cristiano Ronaldo et Donald Trump… “Le look Plein est très West Coast”, a déclaré le podcasteur de mode James Harris ; “Ce sont les strass, les crânes, les t-shirts criards avec d’énormes logos qui font la différence. C’est pour les gens qui veulent s’assurer que tout le monde peut dire qu’ils ont dépensé mille dollars pour un t-shirt éblouissant”…
Il y a des antécédents importants au style maximaliste de Philipp Plein, en particulier parmi les créateurs italiens Versace, Dolce & Gabbana et Roberto Cavalli, pour n’en nommer que quelques-uns, mais le monde de la mode n’est pas l’endroit où Plein cherche l’inspiration. “Elon Musk est mon héros”, m’a-t-il dit, ajoutant aussitôt ; “J’aime les outsiders”... Un journaliste d’un magazine de mode masculine à qui j’ai parlé a qualifié Plein de “Andrew Tate de la mode”..., comparant le créateur à l’ancien champion de kickboxing et personnalité médiatique des droits des hommes. L’écrivain du New York Magazine, Matthew Schneier, m’a dit : “La presse n’a jamais vraiment aimé Philipp Plein. Mais un certain type de client l’adore”… La ligne Philipp Plein comprend des vêtements pour hommes, femmes et enfants, ainsi que des montres, des lunettes, des parfums et une collection pour la maison récemment dévoilée. (La collection pour enfants comprend des vestes de motard en similicuir vendues à plus de 2.500 dollars et des leggings à imprimé léopard à cinq cents dollars)…
L’an dernier, la marque Plein a réalisé un chiffre d’affaires global net de deux cent quinze millions d’euros, à égalité avec des marques de luxe telles que Thom Browne et Dries Van Noten. Les produits sont vendus dans quatre-vingt-quinze magasins dédiés à Philipp Plein et dans plus de cinq cents boutiques de luxe multimarques dans le monde entier. Le créateur possède également une marque de couture haut de gamme pour hommes appelée Billionaire, et il vient de lancer une troisième ligne, “Plein Sport”, proposant des baskets et des vêtements de sport à un prix inférieur à celui disponible dans sa collection principale. (La paire de baskets Plein Sport la moins chère coûte cent vingt-cinq dollars.) Phillipp Plein a de grandes attentes pour cette nouvelle entreprise, qui, espère-t-il, deviendra une alternative haut de gamme à des marques telles que Nike et Puma : “Nous allons ouvrir trois cents magasins Plein Sport dans les trente-six prochains mois”, m’a-t-il dit à Los Angeles, en décembre dernier : “C’est l’avenir”…
Il était arrivé plus tôt dans la matinée de Munich, où il venait de recevoir un prix des mains de l’entrepreneur et conférencier motivateur Jürgen Höller. (Bien que Plein ait prononcé son discours de remerciement en allemand, il l’a terminé en anglais, avec les mots “Fuck the haters”, une phrase qu’il aime tellement qu’il l’a incrustée avec l’addendum : “Avant qu’ils ne vous baisent” sur une table de conférence au siège de son entreprise. Plein possède des maisons dans le monde entier : à Lugano, en Suisse, à Cannes et dans l’Upper East Side de New York. (Il possède également une flotte de véhicules de luxe, dont quatre Rolls-Royce – une Ghost à Los Angeles, une Cullinan à New York, une Dawn dans le sud de la France et une Phantom en Suisse – En 2014, il a acheté le Château Falconview, un manoir de deux cent cinquante millions de dollars à Los Angeles, dont la construction au sommet d’une colline de Bel Air s’est avérée si ambitieuse et compliquée qu’elle est toujours en cours, neuf ans plus tard. La résidence principale de 25.000 m², est en cours perpétuel de construction.
Une autre maison sur la propriété a été achevée et, le soir de notre rencontre américaine, Plein ouvrait ses portes pour le lancement de deux paires de baskets en édition spéciale qu’il avait conçues avec l’artiste hip-hop Snoop Dogg, dans le cadre d’une collaboration nommée #pleindogg. Techniquement c’est une maison d’hôtes de trois chambres qui a une opulence rococo qui rappelle le boudoir de Vegas de Liberace, et est bondée jusqu’à l’explosion avec des lustres en cristal, des cadres dorés, des poufs en velours, une fausse statuaire romaine et un plafond à imprimés léopard. Un miroir qui fait également office de télévision dans une chambre clignote avec les mots numérisés “I fucking love fucking you”. À l’extérieur de l’entrée en marbre de la maison, Plein avait garé une Impala décapotable jaune lowrider, tirée du clip de 1996 pour le titre de Tupac Shakur “To Live and Die in L.A. “, à côté de baskets jaunes et violets de la taille d’une Mini Cooper. Il s’agissait d’une version agrandie de manière comique de l’un des modèles #pleindogg.
La chaussure sur laquelle elle est basée, qui est incrustée de cristaux, se vend à plus de 6.400 dollars sur le site Web de Plein, où, comme tous les autres produits de Plein, elle est également disponible à l’achat avec des bitcoins. “Ça sent tellement bon”, a déclaré une invitée, en passant devant la basket gargantuesque. “Est-ce que c’est du gâteau ?”… Elle a regardé cde plus près la surface dense. C’était du gâteau.. À l’intérieur de la maison, Snoop Dogg, qui portait une fermeture éclair Plein à paillettes et des lunettes de soleil bling-bling, avec ses tresses torsadées attachées en une longue queue de cheval, posait pour des photos. “C’est la plus grande collaboration à laquelle j’ai jamais participé, une vraie conversation”, a déclaré le rappeur à une équipe de vidéo, sa voix basse et lente. Il a déclaré que sa contribution au projet consistait à sélectionner les couleurs des Lakers de Los Angeles de la chaussure. Plein est intervenu pour crier : “Snoop est très L.A., il représente L.A., il est L.A., il représente L.A., tout tourne autour de L.A.”…
Le créateur portait un pantalon en cuir moulant et un cardigan ample noir et blanc à motifs sauvages avec le logo Plein dans le dos. Lorsque le batteur de Mötley Crüe, Tommy Lee, est entré dans la fête avec sa femme, la personnalité d’Internet Brittany Furlan Lee, Plein s’est levé d’un bond pour les saluer et dire “Tommy putain de Lee ! Qu’est-ce qui se passe, bébé ?”... Quelques dizaines d’invités se pressaient, sirotant des flûtes de champagne et posant pour des selfies, tandis que “Ignition (Remix)” de R. Kelly jouait dans les haut-parleurs. Beaucoup d’invités masculins ressemblaient à Plein : des t-shirts moulants et des vestes plus serrées, des montres lourdes et de l’eau de Cologne plus lourde. Les femmes dans la pièce arboraient une sorte de maximalisme de hautes femmes carnivores et vénéneuses, avec des robes bien ajustées, des talons compensés vertigineux et des visages diversement creusés et gonflés par l’aiguille d’un dermatologue. L’une des invitées, Kristy Garett, mannequin et influenceuse, m’a dit en agitant ses seins qu’elle vivait à Milan et à Los Angeles.
Souple et blonde, elle portait une minirobe moulante Plein scintillante de couleur émeraude, incrustée de milliers de minuscules strass ; “D’habitude, ces robes sont si lourdes et rigides, mais avec celle-ci, j’ai l’impression de ne rien porter”, m’a-t-elle dit… Alors qu’elle se retournait pour montrer le bas du dos de la robe, j’ai été frappé par le fait qu’une telle robe, délicate et complexe, mais toujours capable de résister au chaos et aux réjouissances ivresques et spermatives de ce genre d’événement au cours duquel elle serait portée de manière réaliste, était, à sa manière, un exploit… Plein refuse de concevoir des vêtements étouffants ou inflexibles, même si la haute couture a longtemps été associée à la douleur et à l’inconfort. Les vêtements de Plein sont destinés à ce que ceux qui les portent s’amusent, ce qui fait partie de ce qui les rend sexy. Sur le balcon, Tommy Lee baisait une délurée totalement nue… En 2022, il avait défilé au Philipp Plein printemps-été 2023 à Milan avant de jouer de la batterie totalement nu sur une plate-forme surélevée qui planait au-dessus de la piste.
Lui et sa femme vivent à Calabasas, mais ils sont en train de rénover une maison de Brentwood non loin de celle de Plein, qui, m’ont-ils dit, a été conçue dans un style japonais. “Tu vas là-bas et tu te demande si tu es à Kyoto ?” m’a déclaré Lee qui pour ne plus être 100% nu (et en érection) s’est vissé un chapeau à larges bords, et s’est mis au cou un pendentif en or et diamant “Death Row Records” que Snoop Dogg lui avait donné. L’une de ses pommettes était tatouée de caractères japonais qui voulaient dire : “Si tu me susses en public tu as 1.000 dollars”... De quoi faire la queue… Lee a poursuivi avec enthousiasme : “Philipp a compris. On a tout vu, on a tout fait, c’est vraiment difficile de se démarquer. Alors tu dois y aller encore plus fort. Tu dois faire un reportage dans ton web-site GatsbyOnline et bien indiquer qu’ici c’est un putain de Plein-land !. Tu baises qui tu veux, là direct et comme tu as une rubrique SecretsInterdits, il y a deux salles aménagées BDSM avec des machines de dingues et les plus belles salopes de la zone. Vas-y voir et profite des nanas…”…
L’histoire de la mode est maintenant un basculement entre sur-excès et retenues feintes. Des périodes d’ascèse, stylistiques ou autres alternent avec des époques d’opulence manifeste, même le New Look volumineux et ultraféminin de Dior inaugurant des silhouette somptueuses aux cotés de maigreurs cadavériques sont des folies fastueuses… Après la logomanie et le maximalisme du début des années 2000, qui ont donné naissance à la ligne Philipp Plein, la mode a connu un retour à un type de luxe discret et moins facilement identifiable, une tendance connue sous le nom de “Richesse furtive”. Dans une période de turbulences économiques et politiques, certains riches cessent de vouloir avoir l’air si manifestement riches… C’est le genre de style que l’on voit, par exemple, avec Trump qui est milliardaire, mais porte une casquette de baseball, quoique c’est une Loro Piana qui se vend à plus de cinq cents dollars, mais la casquette est faite de cachemire. C’est une consommation du genre IYKYK, visible seulement si vous pouvez en détecter les signes.
Cette mentalité est un anathème pour Plein . “Quand j’ai commencé, si j’avais essayé de vendre un pull en cachemire noir, personne ne l’aurait acheté, parce que c’est qui Plein ? J’étais une marque que personne ne connaissait” m’a-t-il déclaré ce à quoi j’ai répondu qu’il avait déjà donné un commentaire similaire avant de présenter sa collection à la Fashion Week de New York en 2017, lors d’un défilé où Madonna, Kylie Jenner et Paris Hilton étaient assises au premier rang. Les gens demandaient qui était Philipp Plein ?… Il m’a coupé en disant ; “Je ne suis qu’un rêveur et un croyant”... Le lendemain de la fête à Bel Air, Philipp Plein était assis dans sa cuisine immaculée, mangeant des amandes dans un sac scellé sous vide. Il ne fume pas, ne boit pas et ne se drogue pas, alors malgré sa nuit tardive, il avait l’air frais dans son jean ajusté et très usé et ses baskets blanches brillantes. Il me parlait comme dans un clip excité d’arnaqueur ; “J’ai compris Patrice que je devais avoir un produit différent, donc, si je crée un pull en cachemire ‘Fuck you all’ en cristaux Swarovski, je pourrais le vendre 5.000$”…
“Oui, cinq mille dollars ! Même chez Loro Piana, ils ne feraient pas ça ! Et donc, le modèle d’affaires est vraiment très simple. Tout doit être riche, doit être bruyant, doit être dans la gueule. Ton GatsbyOnline en ce sens est cool, SecretsInterdits l’est aussi… Tu n’hésites pas à exprimer ton mépris pour les imbéciles. J’adore. Les designers sont comme les joueurs de football ou les prostituées modernes. Les marques les utilisent tant qu’elles les apprécient et, une fois qu’elles ne les apprécient pas, elles sont échangées. C’est arrivé maintenant même avec Alessandro”… Philipp Plein faisait référence à Alessandro Michele, le créateur qui, pendant près d’une décennie, avait produit une itération criarde de Gucci, mais avait récemment quitté son poste de directeur artistique après la chute des ventes. Étant donné que l’entreprise de Plein est indépendante et autofinancée il peut se permettre de s’en tenir à l’esthétique de niche que sa clientèle aime, sans jamais dévier de la voie qu’il a commencé à tracer il y a deux décennies, et en espérant que le pendule de la tendance reviendra dans sa direction à un moment ou à un autre.
“La vulgarité luxueuse est le point clé”, m’a dit Buzz Bissinger, journaliste lauréat du prix Pulitzer et auteur de “Friday Night Lights”. (Bissinger, qui a écrit sur son engouement pour le luxe, possède de nombreux vêtements de Plein. De nombreuses personnalités portent sa marque, et sont connues pour leur paon, ce qui permet d’attirer les consommateurs qui ressentent une affinité pour une attitude tape-à-l’œil. Si leur Lambo est verte, ils veulent que leur veste et leurs chaussures en crocodile ou en python soient de couleur coordonnée. Certaines célébrités, dont Cage, Hilton et Lindsay Lohan (qui a déjà été le visage de la ligne Philipp Plein), ont été soumises aux mêmes changements culturels que le créateur. Ce sont des figures qui sont passées du statut de véritables stars à celui de “Punchlines”, puis, après une réévaluation critique collective, à celui d’icônes culturelles, même si elles sont surtout ironiques. Il y a sans doute quelque chose de radical dans le fait d’attendre que la culture revienne à vous, au lieu de vous contorsionner autour des attentes capricieuses actuelles.
La tendance de l’establishment de la mode à prétendre qu’il est au-dessus du type de client de Philipp Plein qu’est le nouveau riche sans vergogne, met en colère le créateur. “Qui aime dépenser de l’argent ? Qui aime frimer ? Les nouveaux riches !”… m’a dit Plein. “Et nous vivons tous aux crochets de ces gens !”… Il a mentionné l’essor de la Russie en tant que marché de consommation de luxe : “Malgré les sanctions dont Poutine n’a rien à foutre, en Russie tout le monde de la mode a soudainement des modèles matriochkas, Chanel, Gucci, Dolce. Tout le monde ! La Chine aussi n’en a rien à foutre de nous parce que ce sont des marchés émergents, et ces gens sont devenus riches en très peu de temps, et ils gagnent de l’argent rapidement et ils dépensent de l’argent rapidement. Mais ensuite, ces marques disent qu’il n’y a aucun problème, les plus grands marchés, sont l’Europe de l’Est et l’Europe centrale. Zeelinsky fait le clow mais se goinfre car il est multimilliardaire”… Pendant que Plein me parlait, Wayne Schneider, un gros concessionnaire de voitures de luxe et propriétaire d’un atelier de carrosserie est entré…
Schneider, qui semble être à la fois un ami et un fixeur polyvalent pour Plein, portait des lunettes de soleil enveloppantes et une chaîne en diamant. “Wayne, tu as l’air d’un trafiquant de drogue” lui a dit Plein. Il m’a expliqué que Schneider était arrivé pour ramasser le gâteau de baskets, qui était toujours à l’extérieur, pour l’emmener au Skid Row de Los Angeles et nourrir les sans-abri. Plein m’a dit que Schneider organise une soupe populaire hebdomadaire pour les sans-abri à New York, à laquelle le designer fait également don de fonds et de provisions. Schneider aide également Plein à réaliser certains de ses projets les plus extravagants. Coupant avec enthousiasme les mots de l’autre, les deux ont raconté comment Schneider avait un jour conçu un plan pour insérer une Ferrari Testarossa dans un espace de vente au détail de SoHo pour un pop-up Plein où le groupe de rap Migos devait se produire. “Cela devait coûter cent cinquante mille dollars, et Mercer Street entre Canal et Houston devait être fermée. Au lieu de cela, nous avons démonté la voiture sur le trottoir. Zéro permis !”…
“C’est une légende, ce gars”, m’a déclaré Plein ; “Une fois, c’est le week-end et je veux faire un rallye automobile à New York. Nous sommes donc allés sur les réseaux sociaux, et nous avons obtenu cent cinquante voitures. Et nous l’avons fait avec Zéro permis ! Nous avons fini par fermer officieusement Times Square pendant quinze minutes. Pouvez-vous imaginer ? Gucci ne ferait jamais ça, vous comprenez ? Je fais des choses pour les gens ! Et les gens nous aiment ! Ils sont comme nous !”… Plein m’a dit qu’il se considérait comme apolitique mais que son positionnement en tant que héros opprimé de l’homme ordinaire, qui réussit malgré la fausseté et le snobisme des élites, est indéniablement Trumpien. Plein a adopté le slogan “Let’s Make NYFW Great Again”... Trump est également assis au premier rang lors de ses défilés aux USA. Plein et ses acolytes croient que la culture finira par revenir et les adopter, mais cela ne signifie pas que l’attente du prochain quart de travail et la prétention qui a prospéré entre-temps ne les a pas laissés amers…
Plein a grandi dans une famille de la classe moyenne à Munich. Sa mère était femme au foyer ; Son père, qui n’est plus en vie, était médecin et alcoolique. “Il n’était pas très gentil avec ma mère”, m’a déclaré Plein. Quand Plein avait trois ans, ses parents ont divorcé et la mère et le fils ont eu des années difficiles, vivant brièvement avec la grand-mère de Plein et déménageant fréquemment. Plein a changé d’école à plusieurs reprises. La vie est devenue plus stable après que sa mère se soit remariée et ait eu un deuxième enfant avec son nouveau mari, également médecin, qui l’a traité comme son propre fils. Mais les expériences de la petite enfance de Plein ont laissé des traces. Quand Plein était adolescent, sa famille a déménagé à Nuremberg, où il a commencé à réserver des concerts de mannequinat et à nettoyer des cendriers dans une boîte de nuit. Il était ravi de l’argent rapide qu’il pouvait gagner dans la vie nocturne, mais sa mère et son beau-père, mécontents qu’il néglige ses études, l’ont envoyé dans un pensionnat.
Une fois de plus, il était le petit nouveau, et il a eu du mal à s’adapter à l’environnement preppy de l’école ; “Je me coupais les cheveux comme Harry Potter et je portais des polos”, m’a-t-il dit ; “Et puis, au bout de deux mois, j’ai décidé que je ne voulais plus me fondre dans la masse”… Dans les années quatre-vingt-dix, Plein a commencé à fréquenter la faculté de droit de Nuremberg, mais il n’aimait pas être un étudiant qui dépendait financièrement de ses parents. Il était tombé par hasard sur un article de journal sur la rentabilité de l’industrie de l’approvisionnement en animaux de compagnie et avait eu une idée qui, selon lui, serait une source infaillible d’argent. Fort d’un petit héritage qu’il avait reçu après la mort de son grand-père, il a conçu et produit un lit pour chien de luxe, un mini-canapé aux lignes épurées, en métal et similicuir de style Le Corbusier, pour le toutou qui ne manque de rien, qu’il a vendu pour 1.500 dollars . “Le prix de production était de cinq cents, et je me suis dit que si j’en vendais mille, je gagnerai un million. Et je voulais vraiment gagner un million”...
Le lit a été un succès, Plein a gagné son million, il a abandonné l’école et a commencé à produire des meubles ainsi que des accessoires et des vêtements. Son langage de conception s’est fondu dans ce qui est depuis devenu son langage familier, néo-baroque, bien qu’il affirme que cela n’avait rien à voir avec ses propres goûts. En fait, il avait toujours aimé le design influencé par le Bauhaus et les choses qui étaient “simples comme de la merde”. Mais, après avoir constamment vendu des oreillers et des vestes qu’il ornait de cristaux Swarovski à titre expérimental, il a commencé à se rendre compte que les gens aimaient le bling-bling, et il leur a donc donné ce qu’ils voulaient. Plein à installé son quartier général à Lugano, de l’autre côté de la frontière italienne. Son entreprise est basée dans la ville et il y vit pendant la semaine. La Suisse offre des avantages fiscaux considérables aux entreprises étrangères telles que Plein’s, ce qui en fait un lieu d’activité populaire pour les marques de mode internationales.
Mais Plein aime aussi Lugano pour sa qualité de vie élevée et son ambiance utopique au bord du lac ; “C’est le Disneyland de la Suisse”, m’a-t-il dit ; “C’est bien loin de ce que je considère comme la morosité du monde réel de Milan, où se trouve mon showroom. Milan est sale, c’est tellement moche, je n’y vivrais jamais”... Le week-end, il se rend en voiture dans sa propriété de Cannes, qu’il partage avec sa petite amie, Lucia Bartoli, chef végétalienne et influenceuse sur les réseaux sociaux, et leur fils Rocket Halo Ocean. (Lucia Bartoli est enceinte de leur deuxième enfant et Plein a également un fils de dix ans, Romeo, issu d’une relation précédente, qui vit avec sa mère à Rio de Janeiro.) Avec ses lèvres moelleuses et sa silhouette pneumatique (sic !), Lucia Bartoli, qui est britannique, semble parfaitement faite pour représenter la marque Plein, ce qu’elle fait souvent sur Instagram.
Dans un post récent, elle est accroupie dans des plateformes à talons aiguilles en cristal, des leggings en cuir et une veste scintillante, avec les mots “Baise-moi comme si tu me détestais férocement”...en lettres en miroir sur le mur à côté d’elle. Plein, m’a souligné avec énergie des éléments du décor comprenant plusieurs peintures d’Alec Monopoly, le graffeur américain adoré par le YouTuber Jake Paul et la star de télé-réalité Scott Disick. Plein avait quelques grosses journées devant lui. Ce soir-là, il organisait un défilé de sa marque de couture, Billionaire, dans le cadre de la semaine de la mode masculine de Milan ; le lendemain, il animait une grande présentation et une soirée pour la ligne Plein Sport. En arrivant à son bureau, il s’est assis pour une réunion avec Olga Burfan, la responsable de son opération mondiale de commerce électronique, pour voir les N.F.T. qui seraient déployées parallèlement au lancement en ligne d’une collection de baskets Plein Sport….
Regardant un écran au-dessus de son bureau, Plein a commencé à passer en revue les N.F.T… une série de vidéos de chaussures de course à l’aspect compliqué dans diverses teintes vives en orbite dans l’espace, un peu comme l’os dans 32001 : l’Odyssée de l’espace” de Kubrick. Mais il semblait distrait. Il était stressé parce que le rappeur Tyga, qui devait jouer un set à la soirée Plein Sport, était tombé malade et avait annulé sa venue à la dernière minute : “J’ai cinq mille personnes qui viennent demain. Dans le pire des cas, je jouerai moi-même”.... Il a sourit et s’est aspergé d’un des nombreux parfums Plein disposés sur son bureau. Jason Derulo, le chanteur de pop et de R. & B., a accepté de remplacer Tyga, mais, selon Plein, l’un des dirigeants de la marque s’opposait à ce choix et faisait plutôt pression pour le rappeur britannique Central Cee, dont Plein n’avait jamais entendu parler : “Elle a ce complexe d’être cool. C’est une fille qui est trop à la mode. Quand on est trop à la mode, les gens ne comprennent pas. Mais va bene, super, super, tout est sous contrôle. L’argent ne dort jamais”…
De retour dans sa Mercedes, sur le chemin de la salle d’exposition de Milan, Plein a discuté avec ses représentants des relations publiques de l’énigme Derulo. La conversation s’est ensuite tournée vers d’autres aspects de la fête, qui devait avoir lieu dans un hangar à la périphérie de la ville, et pour laquelle, selon Plein, il avait déjà dépensé plus de huit cent mille euros. Les R.S.V.P. avaient fière allure, et une longue file d’attente à l’extérieur de la salle serait presque garantie. Il a demandé, en plaisantant, s’il serait possible d’avoir des hélicoptères de la police, avec des projecteurs, volant au-dessus de la foule à l’extérieur de l’événement, mais a semblé accepter que ce ne serait pas possible… Il m’a dit que l’approche de l’excès de vitesse est plus cool que de rester cloitré, qu’il a tiré sa Mercedes jusqu’à 200km/h que c’était un veau… Il voulait aller voir sa salle d’exposition de Milan, un bâtiment de plusieurs étages dont les intérieurs sont revêtus du marbre, du chrome et du cristal habituels du designer, elle se trouve dans une rue calme au cœur de la ville.
Il m’a dit qu’en entrant dans l’espace, il a vérifié une collection d’articles Billionaire qui seraient présentés à un groupe intime de clients et d’acheteurs plus tard dans la journée ; “Je leur ai dit qu’il n’y a rien de tel sur le marché… Regardez cette veste. Prix de détail : treize mille quatre cents dollars. Ce sont tous les tissus les plus chers. Nous avons la meilleure soie de Côme”…. Billionaire est une marque maximaliste, comme Plein, mais c’est plus classique, destiné à un client plus âgé style Sugar-Daddy qui a la cinquantaine, une belle maison à Palm Springs ou Miami. L’été, il est à Saint-Tropez avec une jeune petite amie de 20 ans et une voiture rapide.. Quatre fois par an, les designers de Plein passent une semaine dans l’une de ses maisons, où ils élaborent une nouvelle collection. Plein aime se concentrer sur les éléments graphiques des vêtements en travaillant aux côtés de l’un de ses designers en chef, Simone Scalia, qui travaille avec lui depuis sept ans. Scalia parcourait le site Web de Dolce & Gabbana lorsqu’il est tombé sur un motif hawaïen qui ressemblait à celui que Plein avaient créé…
“Je ne vais rien faire avec ça, je ne vais même pas les poursuivre pour contrefaçon”, a déclaré Plein. “J’ai beaucoup trop d’exemples de ce genre. Mais, écoutez, évidemment, je ne suis pas le chouchou de tout le monde. Je ne suis pas aimé par ces gens-là. Regardez-moi, je suis différent, je fais ce que je veux, je fais ce que j’aime”. » Quelques minutes plus tard, il montait les escaliers jusqu’au dernier étage de l’immeuble pour jeter un coup d’œil à la marchandise Plein Sport ; “Ah, c’est là que vous sentez l’odeur de l’argent”, a-t-il dit…. Il y a des éléments troublants dans la vision du monde de Plein : l’antagonisme, l’obsession de la réussite matérielle, la représentation de sa marque comme une entreprise commerciale populiste malgré le fait que même ses offres moins chères, de la ligne Plein Sport, sont toujours au-dessus de ce que la plupart des gens seraient capables ou désireux de dépenser pour quelque chose d’aussi soi-disant utilisable qu’une paire de chaussures de course. Et pourtant, il y a quelque chose à respecter, sinon nécessairement à vénérer, dans la franchise de Plein…
C’est sa reconnaissance que la mode est devenue, selon ses mots, “Trop à la mode”.... Le butin flamboyant du créateur est probablement un reflet plus approprié et plus honnête de notre moment culturel de violon pendant que Rome brûle que n’importe quel nombre de pulls en cachemire en sourdine. Le lendemain soir, une longue file d’attente serpentait devant l’espace événementiel où se déroulait la présentation de Plein Sport. À l’intérieur, Plein, qui portait une veste de motard en cuir sur une chemise “musclée”, promenait une poignée d’invités dans l’espace caverneux, enfumé, encore presque vide, qui était éclairé par de larges faisceaux laser verts. Jason Derulo devait se produire, bien qu’il soit arrivé avec des béquilles, après s’être blessé au pied lors d’un match de basket-ball chez lui à Los Angeles… Une musique house assourdissante résonnait sur le puissant système de sonorisation, et Plein a parlé bruyamment en montrant la nouvelle collection ; “Nous allons ouvrir trois cents magasins dans les trente-six prochains mois”, a déclaré Plein…
Il a conduit le groupe à l’extérieur, jusqu’à un camping-car McLaren qui avait été rénové pour en faire un pop-up store ; “Bienvenue à l’expérience Plein Sport !”… s’est-il écrié en faisant monter ses invités dans le véhicule… “Ne soyez pas timides ! Vous pouvez toucher le camion, vous pouvez toucher le produit, vous pouvez toucher tout le monde et vous pouvez baiser tout le monde, sans arrêt selon vos capacités”… ! Philipp Plein me fait penser à Christian Audigier qui lui aussi clamait haut et fort : Son génie, sa fortune et ses relations avec le show-baise… En réalité c’était un opportuniste, un escroc, un plagiaire et un voleur ! Il devait sa notoriété en prétendant avoir acheté les droits de “Kenny Von Dutch Howard”, un génial créateur dans la mouvance de la contre-culture et du Hot-rodding. Sauf que “Kenny Von Dutch Howard” n’a jamais eu quoi que ce soit à voir ni de près ou de loin avec Christian Audigier, qui a tout simplement inventé qu’il en était l’héritier… et a commercialisé sans vergogne tout ce que Kenny “Von Dutch” Howard avait créé toute sa vie ! Un vrai salaud… L’est mort…