FORD CUSTOM ROADSTER “Cobra” 1939 !?!?!
Année après année, qu’est-ce qui a poussé Paul Normand, de Rochester, New Hampshire, USA, à construire une sorte de Shelby Cobra d’avant-guerre ? En 50 ans il a patiemment fabriqué un Roadster improbable, cultivant à la fois une identité officielle assumée sous les feux des (rares) projecteurs… et de multiples incursions en terrain moins balisé telle que la contemplation mystique des décharges et casses automobiles, pour laisser libre cours à son imagination. Qu’aurais-je à dire de plus ? Pas grand-chose si ce n’est tapoter presque n’importe quoi ! Ce que je fais ci-après…
Paul Normand est maintenant persuadé qu’il représente aujourd’hui (en mai 2021) l’une des véritables grandes réussites du courant underground automobile Américain qui prit forme il y a de ça une bonne trentaine d’année. Sans jamais le revendiquer, il s’est mis à parler dans le vide au nom de tous ceux qui n’avaient pas accès à la “reconnaissance relative” dont il semble pourtant se moquer, cherchant à prouver combien les attentes qu’il imagine avoir suscitées dans sa ville, auprès des piliers de bars locaux, auront été comblées et bien comblées par sa création, même si elle ne correspond vraiment en rien aujourd’hui aux éventuelles attentes d’automobiles avant-gardistes.
En malmenant sans cesse son propre univers, il a fait entrer toutes sortes de directions ne menant nulle-part qu’il a exploré sans cesse comme au premier jour où il s’est lancé dans cette aventure. Finalement, plus à l’aise en 2021 qu’il ne l’avait jamais été auparavant, il a avoué avoir arrêté de se mentir à lui-même pour réaliser un Roadster symbolisant l’avenir. Résultat : ces dernières années, il a débuté diverses autres initiatives toutes aussi artistiquement disparates les unes des autres qui figurent aujourd’hui en bonne place dans sa collection d’oeuvres-d’art entreposées dans son garage, sans parler de sa collaboration avec un orchestre symphonique local, expérience unique s’il en est, destinée à revisiter la perception de l’automobile qu’ont les habitants de Rochester.
Paul Normand a commencé la construction de sa “chose” avec un arrière de carrosserie MGA, divers éléments mécaniques récupérés sur une 1934 Ford flathead V8, et un châssis de Cobra réplica Tom-Black (une marque éphémère quasi disparue avant d’exister légalement). La carrosserie MGA a été grandement modifiée pour s’adapter au châssis trop étroit, de sorte que les ailes arrière (également MGA) ont été modifiées pour s’y adapter. C’est pourquoi la voiture a un look MGA typique distinct ! Le châssis de récupération a été équipé d’une suspension indépendante de Corvette C3 à l’avant et d’un essieu arrière de Chevrolet S-10 Pick-Up. Les freins sont à disques à l’avant et à tambours à l’arrière. Des phares provenant d’une Ford 1939 et des feux arrière de même provenance complètent le look ! Sous le capot, le Flathead V8 Ford ’34 a été complété d’une boite à transmission manuelle à 3 vitesses.
Ce roadster inhabituel est proposé à la vente aux enchères Mecum à Indianapolis. Ce que vous avez lu dans le paragraphe ci-dessus est essentiellement tout ce que nous savons sur cette “chose”, si ce n’est que Norman l’a immatriculé avec les documents de l’épave d’une Ford 1939 ! Dans la période d’après-seconde guerre mondiale, il a été construit par des milliers de particuliers, un nombre étonnant de voitures personnalisées un peu comme celle-ci, beaucoup d’entre-eux réutilisant des guimbardes d’avant-guerre peu coûteuses en tant que véhicules donateurs de leur châssis moteur et transmission. En “stock-trim” le Ford flathead V8 produit environ 90 chevaux ! Le pare-brise semble avoir été récupéré d’une réplique en kit de Cobra.
Une fois n’est pas coutume, adepte du contre-pied, Paul-Normand a combiné un renouvellement par obligation (Forcer sa nature pour se découvrir autre que ce qu’on se pense être), c’est une simple et délicate évidence qui dévoile l’honnêteté d’une démarche avant de chercher à en expliquer les rouages. Plus fort encore, la sincérité ne suffisant bien évidemment pas à réaliser une automobile de qualité, Paul Normand y a ajouté un mélange d’éléments qui donnent naissance à une vague créative recouvrant délicatement chaque morceau de “sa chose”, sans jamais paraître déplacés ou factices.
Un résultat que l’on doit d’abord à sa patience ! Sans façonner des éléments d’une complexité folle, Paul Normand a appliqué minutieusement à chaque élément une identité personnelle. Ce qui aurait pu s’avérer comme une tentative de fusion vaine se révèle une réussite de bout en bout. Quelques effets ici et là, soulignent toutefois un côté bancal et indéterminé. Une errance stylistique cultivée avec application qui trouve son exact reflet dans les propos décousus de Paul Normand.
Au cours de sa vie, il a toujours fait montre d’une inclinaison toute particulière à aborder des sentiments aussi diffus que la nostalgie, le regret, le désespoir amoureux et tant d’autres. En filigrane ou totalement affirmés, ces thèmes parcourent ses veines depuis toujours. Cette sensibilité qu’il n’hésite plus à exposer aujourd’hui, il l’exprime sans ambages sans jamais tomber dans la sensiblerie mièvre, avec application il révèle ce qu’elle dissimule, plus loin que les croûtes qui se forment à la surface, se révèle ici un outil redoutable pour se fondre en intensité étonnantes alors que Paul Normand ne s’était jamais réellement exposé à un tel univers !
Un fait d’autant plus surprenant que sa création est issue d’une collaboration structurée autour de la distance et de l’éloignement. Pourtant, au final, la condition sine qua non à l’élaboration d’une oeuvre de cette trempe, va soulever avec pertinence toute sa dimension “ectoplasmique” où apparaissent puis disparaissent des éléments sans jamais qu’on sache ce qu’ils deviennent, tout là-bas, dans une noirceur insondable.
Parenthèse curieuse s’il en est, avec Paul Normand, on est propulsé dans un univers stratosphérique qui fait entrer cette automobile dans une dimension inédite. De son côté, Paul Normand peut maintenant enfiler des baskets cosmiques pour se faire porteur d’un message subliminal identique à celui débité par Carroll Shelby qui aurait surement réclamé avec application comme sien, le flow révolutionnaire de Paul Normand qui s’offre le luxe d’un hommage de grande valeur qui semble dire au néophyte du genre : “Voilà d’où je viens, ne l’oubliez pas”. Ne venir de rien, pour n’aller nulle-part, c’est LE message à retenir !
Bien entendu, être sensible aux pulsations émotionnelles est un pré-requis pour se plonger réellement dans l’univers des automobiles improbables. Mais un esprit ouvert n’aura pas de mal à se laisser convaincre par l’énergie qui cherche à tendre vers un cheminement en forme de courbe ascendante destinée à atteindre un climax constamment recherché. En bout de course, lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements les plus éloignés, la formule manipulée donne naissance à une masturbation neuronale jouissive, mais qui n’a plus grand-chose à voir avec l’identité originelle d’une véritable création de Carroll Shelby ! Alors la satisfaction pour Paul Normand de pouvoir se mouvoir dans un univers qu’il pouvait penser instinctivement comme étranger pour lui, devient belle et bien réelle. Peu importe tout le reste !
Présentée à la vente aux enchères MECUM d’Indianapolis USA (du 14 au 22 mai 2021) sans prix de réserve, la voiture a été vendue 42.900 US$ https://www.mecum.com/lots/SC0521-459457/1939-ford-custom-roadster/