General Motors, PSA, Chevrolet… Il faut sauver le soldat Opel !
Par Marcel PIROTTEChez les constructeurs américains, pas de place pour les sentiments !
On a pu s’en rendre compte avec la fermeture brutale d’Opel Anvers et de Ford à Genk (Belgique) ! Ce sont les chiffres qui gouvernent !
Les décisions peuvent être impitoyables.
Au bord de la faillite en 2008, les Big Three : GM, Ford et Chrysler, se sont appliqués un remède de cheval, fermant, sur le sol américain, 18 unités de production, avec comme conséquence des pertes d’emplois pour des dizaines de milliers d’employés et ouvriers.
La toute puissante General Motors, longtemps le numéro un mondial, n’a pas non plus hésité à sacrifier sur l’autel de la rentabilité, des marques comme Hummer et Saturn, mettant aussi dans le même panier : Oldsmobile, Pontiac et Saab… tout en demandant au Gouvernement américain de l’aider via un prêt de 50 milliards de dollars !
Et de l’autre côté de l’Atlantique, miracle, ça (re) marche !
Cette année GM renoue déjà avec les bénéfices mais voudrait se débarrasser de la tutelle encombrante de l’Etat fédéral américain qui détient toujours plus de 26 % de son capital.
Mais ça, c’est une autre histoire, car maintenant GM, que d’aucuns ont rebaptisé “Government Motors”, se concentre avant tout sur la manière avec laquelle il faut en Europe : “Sauver le soldat Opel” !
Opel et sa filiale anglaise Vauxhall (les Opel vendues en Grande-Bretagne le sont sous le nom de Vauxhall, cette ancienne marque britannique ne produit plus depuis longtemps déjà des modèles spécifiques), c’est une fameuse épine dans le pied de GM, sorte de puits sans fond qui n’arrête pas de perdre de l’argent, plus de 1,5 milliard de dollars cette année, le double de l’année dernière, quelque 17 milliards de dollars depuis 1999 !
Tout cela ne peut plus continuer !
Le nouveau patron de GM depuis 2010, Dan Akerson, n’est pas un tendre, il doit en plus rendre des comptes au locataire de la Maison blanche, contenter les actionnaires et surtout renouer avec de gros bénéfices !
Alors que tous les indicateurs des marchés automobiles mondiaux sont au vert, celui de la Vieille Europe, en pleine crise, n’arrête pas d’être bloqué sur le rouge : moins 8 % de ventes cette année !
Opel s’en sort encore plus mal, moins 15 % !
Fini de rigoler pour cette entreprise qui fait partie depuis 1929 de la grande famille GM, employant 40.000 personnes en Europe sur neuf sites de production, le tout pour fabriquer 1,4 millions de voitures par an !
Autant dire que la rentabilité n’est pas exceptionnelle mais, à la décharge d’Opel, fabriquant de bonnes voitures comme l’Insignia ou les différentes Astra, sans oublier la petite Corsa, les dirigeants américains l’obligent à écouler cette production sur le marché européen !
Ce qui n’arrange vraiment rien en cette période de crise !
Et de se poser de nombreuses questions :
– Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de réagir face à des pertes aussi abyssales ?
– Y aurait-il des cadavres dans les placards de GM et d’Opel ?
– Pourquoi cette année, plusieurs cadres dirigeants d’Opel (dont le PDG) ont-ils claqué brutalement la porte ?
– L’entente politique Washington-Berlin pourrait-elle jouer un rôle déterminant ?
Autant d’éléments à prendre en considération !
Cette année, GM a annoncé la suppression de 2.600 postes en Europe, la purgeest pratiquement terminée mais les pontes de Detroit doivent aussi composer avec le tout puissant syndicat allemand IG Metall qui tout récemment déclarait que malgré les difficultés rencontrées par Opel (sic!), il n’y avait pas lieu de fermer l’une des quatre unités d’assemblage situées en Allemagne » !
Si GM veut fermer en Europe, qu’il aille voir ailleurs, voici la teneur du message !
D’autant qu’ils ont le soutien d’une certaine Angela Merkel …
Du coup, les dirigeants de GM savent qu’ils n’ont plus les coudées aussi franches, ils ont dès lors imaginé un scénario digne des meilleurs films qui pourrait avoir comme titre : “Il faut sauver le soldat Opel” !
C’est peut-être complètement tordu, mais lisez plutôt, ça tient la route, même s’il s’agit d’une équation à cinq inconnues !
Comme le marché européen est en pleine crise et qu’il ne pourrait reprendre qu’en 2015/2016, pourquoi ne pas envisager une sorte d’alliance avec un autre constructeur européen…, de quoi réaliser de sérieuses économies d’échelle en regroupant par exemple les achats tout en développant des plateformes communes !
Mais de préférence avec un fabricant en difficulté afin de lui imposer des idées bien américaines et surtout de ne pas lui laisser les coudées franches !
Cynique…, mais c’est la loi des affaires !
Les analystes de Detroit se sont mis en chasse pour finalement suggérer que le groupe français PSA (Peugeot Citroën) était le pigeon idéal pour se faire plumer !
PSA est au plus mal, ses ventes (2,4 millions d’unités par an) n’arrêtent pas non plus de chuter en Europe qui est toujours son marché principal à plus de 60 %…, les dirigeants ont largement privilégié les dividendes aux investissements à long terme…, la famille Peugeot est omniprésente dans la gestion et la stratégie du groupe qui ne s’est pas assez internationalisé…, ils se sont laissés manipuler-entrainer en laissant tomber une production annuelle de 455.000 voitures en Iran pour faire plaisir à GM, aux USA et à Israël soi-disant pour punir l’Iran d’envisager construire une bomùbe atomique… et de plus l’action a perdu plus de 80 % de sa valeur en un an !
En outre, ce groupe qui était l’un des premiers à investir en Chine s’est complètement fourvoyé à ses débuts, essayant de vendre aux Chinois des voitures qui ne leur convenaient pas !
Depuis lors, heureusement, les dirigeants français ont opéré un virage à 180° !
PSA entrait dès lors en ligne de compte dans la stratégie de GM, d’autant que le groupe français manquait de liquidités !
Dans un premier temps, GM, au début de cette année, est entré dans le capital de PSA à hauteur de 7 %, devenant ainsi le deuxième actionnaire derrière la famille Peugeot.
Du coup… et avec l’aide de la famille, cette opération a permis de lever près d’un milliard d’euros d’argent frais !
Cette prise de participation précisait également que les deux groupes allaient unifier leurs achats et gagner ainsi quelque deux milliards de dollars chaque année !
Pas de quoi rassurer les fournisseurs !
Cet accord prévoyait également de réunifier la logistique… mais dernièrement, PSA vient juste de vendre sa société de transport GEFCO aux chemins de fer russes pour un milliard de dollars !
En outre, PSA s’engageait à ne plus envoyer en Iran des voitures en kits, les fameux CKD, d’où une perte de 455.000 ventes annuelles au passif de l’entreprise française…, tout cela afin de satisfaire l’administration Obama, voulant placer l’Iran sous embargo total !
Autant dire que du côté de Vesoul et de Montbéliard, les ouvriers de PSA ne vont certainement pas envoyer des fleurs à l’actuel locataire de la Maison blanche pour le féliciter de sa reélection…
Compte tenu de cette nouvelle alliance transatlantique, les dirigeants et ingénieurs de Detroit se sont évidemment penchés sur les modèles actuels fabriqués par le groupe PSA, sachant déjà qu’ils entrent en concurrence avec ceux d’Opel !
Ils ont été heureusement surpris, car contrairement aux Opel (de très bonnes voitures au demeurant mais qui ne déclenchent pas le coup de foudre), certains modèles français font l’objet d’un “wouah” d’admiration comme les Citroën DS3 et DS5, sans oublier la future grande DS9 réservée au marché chinois (elle pourrait aussi être vendue chez nous mais sous une forme un peu raccourcie)…, sans oublier le coupé Peugeot RCZ ainsi que la nouvelle petite 208.
Les spécialistes américains ont aussi été impressionnés par le “toucher de route” des modèles PSA…, sans oublier que ce groupe est un des leaders européens en matière de fabrication de petits moteurs diesel (en partenariat avec Ford), alors qu’il vient de sortir une première série de moteurs essence trois cylindres très prometteurs, en phase avec les normes Euro6.
Que dire alors de ces modèles hybrides, quatre roues motrices, diesel, électricité, badgés Peugeot 508 ou Citroën DS5 ?
Il ne leur manque qu’une version rechargeable pour être et de loin largement supérieurs aux Chevrolet Volt et Opel Ampera, des hybrides de série à prolongateur d’autonomie qui coûtent les yeux de la tête à fabriquer et qui ne décollent pas dans les ventes, tant aux States qu’en Europe !
Tout cela n’a pas échappé aux dirigeants de Detroit qui, dès lors, ont entrepris la seconde phase de leur programme, à savoir la mise en chantier d’ici à 2016 de quatre plateformes communes devant servir à vendre des Opel/Vauxhall et Peugeot/Citroën !
Un projet jugé plutôt timide, uniquement basé sur des modèles qui seront fabriqués et vendus en Europe !
En lisant le communiqué, on apprend que ces projets industriels communs devraient permettre de lancer simultanément un monospace compact chez Opel ainsi qu’un Crossover chez Peugeot.
De quoi fondre à terme l’Opel Zafira ainsi que la Peugeot 5008 en un seul et même véhicule, alors que la future Peugeot 3008 aurait le même soubassement que l’Opel Mokka, elle-même cousine d’une certaine Chevrolet Trax, deux véhicules fabriqués actuellement en Corée !
A propos de Citroën C4 Picasso, pas une seule ligne, à moins d’imaginer un Crossover DS4…
Deuxième projet, celui de créer un monospace commun dans le segment des petites voitures !
Ici sont visées les Citroën C3 Picasso et notamment l’Opel Agila, cousine de la Suzuki Splash, deux modèles fabriqués en Hongrie !
Et de poursuivre avec une troisième offensive dans le segment des mini voitures à très faible émissions de CO2 !
Et de penser que l’Opel Adam, une mini premium (reprenant la plate-forme d’une Fiat Punto), commercialisée au début de l’année prochaine, pourrait servir de base à une future Citroën DS1 ou Peugeot 108, il n’y qu’un pas à franchir !
Mais quel avenir pour la triplette Citroën C1, Peugeot 107 et Toyota Aygo, des citadines à moteur trois cylindres japonais toujours fabriquées en Tchéquie ?
Dernier projet dans les cartons, celui de fabriquer de grandes voitures du segment D, à savoir les actuelles Opel Insignia, Peugeot 508 et Citroën C5 qui utiliseraient une seule et même plate-forme !
Vous avez suivi, tout assimilé ?
Vous méritez des félicitations, car dans ce grand barnum, il est bien difficile de s’y retrouver !
D’autant que ni GM ni PSA ne précisent les lieux de fabrication ou d’assemblage de ces différents modèles !
Actuellement, Opel et PSA peuvent compter sur 20 unités de fabrication disséminées en Europe !
Pour les analystes, quatre à cinq usines devraient fermer leurs portes afin que cette alliance devienne enfin productive et que les usines retrouvent leur rentabilité.
Mais qui va fermer ?
Une question à plusieurs millions d’Euros !
PSA a déjà annoncé la suppression de 8.000 postes en France et la fermeture en 2014 de l’usine d’Aulnay au nord de Paris !
Mais on est encore loin du compte !
Quelles seront les suivantes ?
En Allemagne, pas question de se mettre à dos le tout puissant syndicat IG Metall alors qu’en France, le gouvernement socialiste tente par tous les moyens de limiter la casse !
En comparant les coûts et les autres avantages, les usines espagnoles ainsi que celles des pays de l’Est semblent protégées, mais je ne parierais pas une seule livre Sterling sur l’avenir des unités anglaises d’Opel/Vauxhall et de PSA !
Mais de l’autre côté du Channel, on se montre très attentif…
En fait, c’est un peu la quadrature du cercle, beaucoup de flou… et bien malin celui qui pourra prédire l’avenir !
Quel chef de gouvernement aura l’audace et surtout le courage d’assister impuissant à la fermeture de l’une ou l’autre usine ?
Et pourtant, il faudra bien s’y résoudre !
En Belgique, on a remarqué lors de la fermeture d’Opel Anvers et de Ford Genk que les politiciens tant fédéraux que régionaux n’ont pas eu droit au chapitre, mais dans certains grands pays, cela ne se passe pas aussi facilement !
On n’y voit donc pas très clair, d’autant que certains sujets ne sont pas abordés dans l’accord.
Dans le segment des utilitaires légers, un secteur très rentable, Opel doit acheter ses modèles chez Renault et Fiat…, une situation intenable à terme !
Pourquoi dès lors ne pas les fabriquer en commun avec PSA qui possède l’expérience nécessaire ?
Mais pour cela, il faut annuler tous les accords avec Fiat…, ce n’est pas gagné d’avance !
Et quid de l’annonce PSA-Toyota afin de construire dès 2015 sur le site de Sevelnord dans le nord de la France un utilitaire léger, le projet tient-il encore la route ?
En outre, PSA n’est nulle part dans la fabrication de boîtes de vitesses robotisées à double embrayage, une solution d’avenir, il serait peut-être grand temps d’y penser !
On vous avait prévenu, difficile de voir clair au travers de cet accord de coopération, dans lequel PSA qui vient encore d’emprunter 7 milliards d’euros au Gouvernement français, doit se montrer particulièrement méfiant et attentif aux moindres décisions !
Les Américains ne font pas de sentiment…, voyez ce qui s’est passé avec Saab, l’objectif principal de GM étant de sauver Opel !
Et si tout cela n’était pas encore assez compliqué, un cinquième larron est en embuscade : Chevrolet, dont la grande majorité des modèles vendus en Europe sont assemblés en Corée du sud !
Faisant partie du groupe GM depuis 2002, le constructeur coréen Daewoo est bien vite rebaptisé trois ans plus tard du nom de Chevrolet !
Une belle opération de marketing associée à un renouveau complet de la gamme, il n’en faut pas plus pour que ces modèles arborant fièrement le célèbre nœud’pap sur la calandre…, connaissent un très grand succès qui n’est pas près de s’arrêter !
Alors qu’il y a dix ans, les ventes européennes n’arrivaient pas à atteindre le seuil des dix mille unités, aujourd’hui, ce sont plus de 200.000 Chevrolet qui seront vendues sur le Vieux Continent…, soit une progression de 5 % dans un marché en régression de 8 %.
Cette augmentation des ventes, on la doit au succès de petites voitures comme la Spark ou l’Aveo sans oublier l’arrivée de la nouvelle famille berline et break Cruze de milieu de gamme.
Et la dernière Malibu (n’y voyez aucun lien avec une ancienne gloire américaine), une grande berline du segment D assemblée en Corée mais empruntant la plate-forme de l’Opel Insignia…, ses liaisons au sol sans oublier son diesel allemand, un deux litres de 160 chevaux, le spécialiste italien VM fournissant d’autres moteurs diesel pour cette marque, elle annonce une nouvelle offensive, celle du luxe ! Superbement équipée, full option, il n’y manque rien (climatisation bizone, cuir, navigation), cette familiale de 4,87 m reposant sur un empattement de 2,74m, se conduit en fait comme une Opel Insignia… mais à équipement égal coûte 5.000 € de moins !
Il n’y a donc pas photo et, du coup, on ne comprend plus rien, sinon que Chevrolet Europe qui importe des produits coréens dans les mêmes créneaux que ceux occupés par Opel et PSA (mais à des prix particulièrement compétitifs) est occupé à tailler des croupières à Opel et indirectement à l’alliance GM PSA.
D’autant qu’avec la diminution progressive et la suppression à terme des droits de douane entre la Corée du Sud et l’Union européenne, ces produits fabriqués dans le pays du matin calme vont encore devenir moins chers et plus attractifs.
Si GM voulait se tirer une balle dans le pied (comme l’a fait PSA), il ne le ferait pas autrement…
Un dossier à suivre avec beaucoup d’intérêt, le “soldat Opel” n’a pas encore fini de faire parler de lui…
Marcel Pirotte, pour www.GatsbyOnline.com