Hallucination hypnagogique : Le 1er Hot-Rod Show Islandais…
Je n’avais jamais entendu parler d’un quelconque Hot-Rod-Show-Islandais, avant qu’un internaute Russe assidu à mes articles déjantés sur GatsbyOnline, ne m’en écrive quelques lignes, d’ailleurs je crois que personne n’est au courant, mais peu importe.
“Ce qui est important, en plus de ce show”, m’a-t-il écrit, “c’est que l’Islande est le pays ou on trouve les meilleurs hot-dogs du monde (ils contiennent du mouton et une forme méconnue d’oignons frits ou un truc du genre), mais ce qui est vraiment important, c’est que l’Islande est connue pour ses champs à perte de vue remplis d’un légendaire champignon hallucinogène et enthéogène appartenant au genre Psilocybe dont les principes actifs se composent principalement de psilocybine de psilocine et de baeocystine : le liberty cap”. Le Psilocybe semilanceata, de son nom vernaculaire Psilocybe lancéolé, communément nommé psilo, est constitué d’un chapeau visqueux surmonté d’un mamelon proéminent ne dépassant pas 2,5 cm, sa couleur varie du brun pâle au crème avant de lâcher des spores violets lorsque le chapeau atteint le stade de la maturité… À vrai dire, c’était alléchant, j’ai donc décidé de m’y rendre…
PREMIER JOUR
Au moment de l’enregistrement, à l’aéroport, les employés de la compagnie aérienne islandaise, remarquent que je dispose d’un bouquin sur les différentes variétés de champignons à psilocybine, l’un d’eux me regarde de travers et lâche : La meilleure merde se trouve sous la merde… Je fais un mouvement de la tête pour signifier mon approbation mais il se sent obligé de continuer à répéter ça inexorablement. Quand j’arrive au pont d’embarcation, le même mec scanne mon billet, s’avance vers moi et me demande : “T’es déjà défoncé ?”... Ce à quoi je réponds : Quoi ? Il insiste en disant : “Prends-en un pour moi”… Je souris en guise de réponse, bien que son insistance soit assez flippante, c’est comme si c’était un présage que l’avion allait se crasher.
L’avion doit arriver à 8 heures du matin en Islande… et je me rends compte que je vais vivre le jour le plus long de ma vie (puisqu’il aura duré deux jours).
Le ciel gris est celui des petits matins brumeux que l’on ne peut apprécier que lorsque l’on n’a pas dormi de la nuit. Le paysage environnant est incroyablement sombre, on dirait un territoire de désolation sans fin, peuplé de roches grises et de maisons identiques, bâties dans le même matériau et dotées des mêmes fenêtres, la seule variation apparente étant la couleur des toitures en aluminium. L’internaute Russe m’a dit que l’Islande détenait le plus haut taux de suicide au monde (ce qui s’est avéré faux au final, mais ç’aurait tout à fait pu être le cas)…, il m’a donné le contact d’un pêcheur-Hot-Rodder nommé Geri, qui est selon-lui, le créateur du plus fabuleux Hot-Rod du monde ! Je passe chez lui, et, plutôt que de me présenter son Hot-Rod, il me parle de la communauté des camés islandais, ou plutôt du fait qu’il n’y en est pas, Geri est sans conteste un descendant du peuple viking ; il est doté d’une longue chevelure blonde, d’une tête carrée et, en gros, il a l’air d’un guerrier. J’essaie de dissimuler mon mécontentement lorsqu’il insiste pour que je vienne à la conférence de presse du club local organisateur du Hot-Rod-Show-Islandais.
Quand nous quittons son appartement, nous faisons un arrêt dans un Quiznos du coin entièrement bâti en aluminium, probablement le Quiznos le plus triste sur Terre (Quiznos est une chaîne de restauration rapide spécialisée dans la fabrication de sandwichs de type sous-marins grillés, la chaîne compte plus de 5.000 succursales localisées aux États-Unis, plus de 300 au Canada ainsi qu’une centaine d’autres réparties dans plus de 20 pays incluant le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Islande, Aruba, les Îles Caïman, le Costa Rica, Porto Rico, la Colombie, la Turquie, le Venezuela, la Corée du Sud, le Guatemala, le Salvador, Guam et Panama, des tentatives pour implanter la chaîne en Australie et en Nouvelle-Zélande sont restée infructueuses. Tous les sandwichs de Quiznos sont servis sur pain grillé même s’il est possible pour un client de demander qu’il ne le soit pas. Parmi tous les sandwichs, les meilleurs vendeurs sont le Black Angus, le Poulet mesquite, le Côte de bœuf avec sauce au poivre, le Rôti de bœuf et le Club miel et bacon…
La conférence de presse se déroule dans le rayon nourriture d’un supermarché, juste à côté d’un Panda Express. Observer la horde des Hot-Rodders locaux et de leurs Girl-Friends est relativement excitant dans un premier temps, mais à y regarder de plus près je remarque qu’elles ont toutes l’air étranges, voire flippantes, elles sont engoncées sous de multiples couches de vêtements et leurs expressions semblent nerveuses. Leur anxiété est contagieuse, car bien qu’éveillé depuis presque trente heures, je me sens obligé d’avaler une tablette de Valium dont j’ai hérité lors de la mort du bouledogue français du libraire de mon quartier : Jackpot Junior, il souffrait d’insomnies chroniques. Quand les anxiolytiques commencent à faire effet, je ressens une sensation contradictoire de gratitude et de culpabilité. Une Hot-Roddeuse Islandaise assise à côté de moi me demande si je suis le Boss de GatsbyOnline, elle me dit à quel point elle aime mes articles, ce à quoi je réponds : Oh, c’est génial !
Elle s’appelle Agie et tout en me parlant, elle mange avec ses doigts une côtelette de saumon blanc dont l’odeur m’évoque Chinatown. Nous quittons le lieu de la conférence de presse, elle, Geri et moi, je n’y ai rien appris sur le Hot-Rodding Islandais, d’autant que je n’ai rien compris vu qu’ils parlaient Islandais…
Je suis entrainé cinquante mètres plus loin sur un podium, qui est en fait une succession de boîtes empilées, placé dans l’agence d’un vendeur de voitures.
À ce moment-là, il est 2 heures de l’après-midi dans mon jour infini et je commence à boire des flûtes de vin blanc, à manger des hors-d’œuvre et à me mélanger avec les Hot-Rodders locaux et leurs copines ainsi qu’avec quelques personnages clés de la communauté Islandaise. L’alcool et le Valium du chien m’aident énormément.
Soudain, des beats électroniques enflammés se mettent à chauffer les esprits, les têtes commencent à bouger, les murmures se transforment en cris alors que la très reconnaissable bande son du générique de Matrix Révolution se fait entendre. Et qui se pointe ? Je vous le donne en mille : Kimberly Kardashian West, dite Kim Kardashian, née le 21 octobre 1980 à Los Angeles, Californie, personnalité médiatique, attirée ici pour la retape promo de ce non-évènement…
Le public hurle, certains agitent des drapeaux, La Kardashian est habillée moulant…, elle fait plus large que haut, style cétacé local… Quatre beautés arrivent à sa suite, elles marchent en file indienne sur le podium, leurs visages entourés d’un collier garni de miroirs carrés, toutes portent des maillots de bain élastiques de marque Lexus et des cornes en fourrure. Deux photographes prennent autant de photos qu’ils peuvent alors qu’on entend la voix d’une cantatrice d’opéra. Les nananas bougent leurs corps enrobés sur le podium, se figeant momentanément pour attraper un rétroviseur dans une berline en exposition, comme s’il s’agissait d’un sexe en érection. J’en viens alors à la conclusion que j’ai été attiré en Islande pour assister à la plus ridicule publicité pour Lexus de l’histoire, Kardashian à empoché le pactole local pour cette promo débile… Le public, docile, applaudit.
Je commence à réaliser que le gris du ciel ne change jamais, écrasant toute forme de repère temporel…, cette idée me rend vaguement nauséeux. Nous allons dîner alors que mon ivresse dépasse l’entendement, et je me gorge de mouton enrobé de pain. Je me pète la gueule dans les escaliers en cherchant les toilettes. Dans le sous-sol du restaurant, je tombe sur un cellier géant rempli de bouteilles de vin. En courant vers les bouteilles, je rencontre un obstacle invisible : une grande vitrine. Je suis indigne. Agie apparait, elle ouvre mon falzar, empoigne mon machin, et quand je vois la tour de Pise en songe, elle se déshabille… C’est une transsexuelle…, Je tourne de l’œil… Je ne me souviens plus de rien… Geri me dira le lendemain que j’ai fini par m’endormir dans le hall…
DEUXIÈME JOUR
Geri m’emmène voir les baleines dès 8 heures du matin. En Nouvelle-Angleterre, il m’avait semblé que toutes les baleines étaient amicales ; elles se frottaient au bateau comme un mouton à une brebis. Je m’imagine que les baleines islandaises sont un peu plus au fait de potentiels chasseurs dotés de fusils à harpon, mais Geri m’assure qu’elles n’ont pas peur et que j’ arriverai à les voir nager. Au moment de monter dans le bateau, je reconnais la mélodie de “Knockin’ on Heaven’s Door”, crachée par des enceintes d’ordinateur à plein volume.
À 10 heures, je décide qu’il est temps de décompresser un peu et de me mettre à boire. La bière est le seul truc capable de réchauffer l’atmosphère.
L’eau de l’océan est d’un turquoise évoquant le froid absolu et je me dis que si jamais je passe par-dessus bord, je n’aurais qu’environ 45 secondes pour survivre avant que mon corps ne sombre dans le néant bleuté et que je me fasse bouffer par une baleine. Le bateau est décoré de centaines de photos de gens heureux d’avoir pêché des poissons, on dirait des photos d’identité qu’on aurait inséré dans d’autres photos, ça paraît irréel. Je me surprends à me demander si moi aussi, un jour, je pourrais être inséré dans une photo de ce genre. Je me retrouve à écouter une dame me donner une explication détaillée de la manière dont on synthétise la methcathinone (La méthcathinone est un molécule de synthèse voisine de la cathinone, principe actif du khat…, elle s’en distingue par un radical méthyle sur la fonction amine en position 2 de la chaîne propane…, elle présente les caractéristiques pharmacologiques de la classe des amphétamines), ce à quoi je lui répond quelque chose comme : Hmm, vraiment ? De l’oxyde de permanganate de potassium ?…, bien que tout à fait conscient de ne pas comprendre un mot de ce que je lui raconte.
Je décide de demander au capitaine s’il peut me faire gouverner le bateau pendant quelques minutes…, il accepte, me tendant à la fois le gouvernail et du tabac à priser, me conseillant de prendre le tabac comme de la coke. Le bateau s’arrête pour que l’on puisse pêcher alors que je prends un morceau de ce que mes sinus confondent avec des grains de café… et il m’apparaît qu’il s’agit peut-être de la pire partie de pêche qu’un homme puisse concevoir. Les gens prennent des photos d’eux-mêmes accompagnés de leur prise… et, comme prévu, je ne suis pas invité à leur fête. Geri et moi grimpons à la cheminée pour éviter de mourir de froid. Je fini par m’endormir, pour finalement me réveiller quand le bateau est entièrement vide. Je n’ai pas aperçu de baleine.
Au déjeuner organisé pour les journalistes, tout le monde se rue sur les sashimis de baleine et la sauce tartare, étonnamment, les deux ont la même apparence pourpre, la chair est gluante et je la mange, non sans culpabilité. Le soir, je suis incroyablement bourré, une fois de plus, cette fois-ci dans un immeuble décoré d’une immense reproduction d’un tableau du Xème siècle mettant en scène un bateau viking. Les murs sont truffés de photos de personnages politiques qui sont venus ici : Bill Clinton, spécialement, a eu l’air d’apprécier la croisière.
Il règne un climat d’hostilité dans les rues la nuit…, autour des bars, les gens se baladent avec des packs et n’arrêtent pas de me mettre des coups d’épaule.
C’est une procession ininterrompue de frappeurs d’épaule, ce qui est peut-être le rituel social le plus chiant de l’univers. On ne peut rien y faire ; au moment où on s’en rends compte, le frappeur est déjà loin, mais même si j’arrivais à le stopper, qu’est-ce que je pourrais lui dire ?
Je continue à boire jusqu’à ce que tout s’arrête, au moment où je tombe sur une publicité pour le Bacardi mais j’ai heureusement, semble-t-il, oublié cette partie-là. En revanche, une fois de plus, je me souviens d’un cruel manque de dignité avec une nanana dont j’ai oublié le prénom…
TROISIÈME JOUR
Pour une raison que j’ignore, je me réveille habillé à l’envers. Je prends mon petit-déjeuner continental…, certains m’ignorent, d’autres me prennent en photo.
Aujourd’hui, c’est le grand jour de la présentation du Hot-Rod de Geri. On sort de l’hôtel par l’arrière et je découvre que le podium ou Geri va faire un discours explicatif, est composé de palettes de bouteilles d’eau empilées sur le parking qui est situé derrière un fast-food attenant à une grande fête foraine.
Sans avertir, le ciel gris se met à déverser de la pluie, et tout commence à faire sens. La présentation du Hot-Rod-Show-Islandais ou le Hot-Rod de Geri est l’engin phare… s’est avérée pour le moins étrange. Tout ce à quoi j’ai assisté jusqu’à présent était plutôt dépourvu d’intérêt, excepté le fait que ça se déroulait sur des parkings, des docks en béton à l’abandon ou des salles de restaurant. Là, c’est officiel : ce n’est plus seulement le pire Hot-Rod-Show du monde, c’est une escroquerie !
Six journaleux décident de partir, remballent leurs trucs et attrapent des taxis en direction de l’aéroport. L’organisateur leur crie : On voit bien que vous n’êtes jamais allés dans un custom-car-show franchouillard, ça se passe exactement pareil ! Et ensuite, il appelle la police pour les faire arrêter parce qu’ils se sont barrés sans autorisation. On m’a dit qu’il avait ensuite essayé de leur piquer tout leur matos pour détruire les preuves mais ça, je ne l’ai pas vu. Je commence à élaborer une théorie du complot qui fait intervenir l’entreprise d’eau qui sponsorise tous les événements de la semaine. L’Islande est le seul endroit que je connaisse où il est impossible d’acheter de l’eau en bouteille. Si vous demandez de l’eau au supermarché, ils vous regardent comme si vous vouliez acheter un caisson à oxygène… et qui, à part les propriétaires diaboliques de l’entreprise d’eau glaciale, verrait l’intérêt de changer cet état de fait ?
Je m’approche du podium et j’attrape une bouteille d’eau que je bois précautionneusement, mais ça a un goût exceptionnel…, c’est comme lécher le périnée d’un iceberg vieux de dix mille ans. J’essaye de découvrir si c’est vraiment une escroquerie, ou juste un très mauvais Hot-Rod-Show qui se tient dans un pays en faillite. Au bout du compte, ça revient au même. Je me gratte la nuque. Les journaleux fomentent un coup d’État, ils décident de créer un Hot-Rod-Show-Islandais indépendant dans la deuxième plus grosse boîte de nuit islandaise. Ils nomment l’événement Hot-Rod-Rebelle…. Tous les Valium de chien du monde ne suffiraient pas à rendre ce happening tolérable. Je m’assieds pour regarder les makeup journaleux hurler des ordres hystériques. L’air est lourd… et m’envoie des frissons jusqu’à la moelle épinière. Tout le monde remballe ses affaires et se bourre la gueule dans un amalgame de célébration, de confusion et de déception à peine masquée.
QUATRIÈME JOUR
Geri décide de m’emmener à la cueillette aux champignons. Il pleut toujours faiblement et l’humidité a permis la pousse précoce des champignons. En Islande, les psilo poussent en abondance au printemps et en automne. Je n’ai jamais cueilli de champignons, pas plus que je n’ai goûté les liberty caps… et l’idée de faire ça m’emplit de joie. Geri me conduit à son coin secret, un cimetière de bord de route… et me dit de regarder dans les touffes épaisses d’herbe sombre. En peu de temps je trouve des petits villages de champignons gluants et coniques au pied filiforme. Il me conseille de les couper à hauteur du pied pour ne pas endommager le mycélium dans lequel ils poussent. Son comportement courtois et son éthique fongique me dédommagent de la misère modesque illimitée que j’ai endurée ces derniers jours. Il y a quelque chose d’essentiellement satisfaisant dans le ramassage de champignons hallucinogènes…, j’en remplis les poches de ma veste, accroupi entre les tombes, plissant les yeux et fouillant l’herbe, plein d’une concentration amphétaménergique. Je mets un champignon frais dans ma bouche… Un des facteurs clés pour identifier les psilocybes, c’est les taches bleues qui se forment quand on les manipule. Les liberty caps ne produisent pas de telles taches parce qu’ils sont complètement dépourvus de psilocine…, à la place, ils comportent de la psilocybine, plus stable, inoxydable… et la mystérieuse baeocystine alcaloïde en grande concentration.
La baeocystine m’a toujours fasciné…, c’est le sujet de nombreux débats entre mycologues et drogués…, bien que ce soit l’un des composants les plus courants des champignons hallucinogènes, personne ne sait à quoi ça sert… et si ça sert à quelque chose. D’aucuns disent que c’est responsable du côté sombre des champignons : la nausée et la peur…, d’autres, que ça produit des effets semblables à ceux de la psilocybine…, d’autres encore, que ça n’a absolument aucun effet. Comment l’un des alcaloïdes les plus répandus des champignons peut-il demeurer à ce point méconnu ? Je n’en sais rien, mais les liberty caps ont un taux de baeocystine plus élevé que presque toutes les autres espèces connues…, en plus, il y a quelque chose de vraiment bizarre quant aux champignons qui poussent à l’ombre des pierres tombales…, leur terreau est fait de centaines de cadavres humains à divers niveaux de décomposition.
Peut-être que les neurotransmetteurs tryptaminiques de leurs cerveaux et de leurs tissus ont nourri le mycélium des champignons, altérant leur composition chimique. Ça ne me semble pas être complètement à côté de la plaque. Je repars avec un sac remplis de champignons hallucinogènes et on va chez Geri. Son appartement est blindé d’épées de samouraï, de serpents venimeux et d’une bonne collection de rats dans un aquarium. Des centaines et des centaines de liberty caps sèchent sur des journaux détaillant l’effondrement financier de l’Islande. Ses colocataires, qui viennent de prendre de l’Adderall pour la première fois, se serrent autour d’un ordinateur pour regarder des vidéos d’émeutes autour du Parlement. L’un d’eux grogne : Oh mec, des gaz lacrymo, c’était horrible… C’est alors que je remarque que le serpent de Geri a un renflement sur le ventre, là où il a avalé un rat. Je cherche confirmation auprès de Geri, qui me répond qu’il s’agit en fait d’un paquet de tumeurs malignes.
Geri me propose de venir avec lui au fameux Lagon Bleu… ou je pourrais retrouver Agie… On y va en voiture… et on mange les champignons en route. Alors que Geri arrête la voiture dans le parking, entre deux Asiatiques en train de prendre des photos numériques, j’ai un premier aperçu des majestueuses eaux bleues du lagon. Comme la mer Morte ou les tourbillons de Sedona, les eaux curatives du Lagon Bleu attirent les gens malades du monde entier…, les minéraux et algues uniques qui sont présents dans l’eau donnent potentiellement à celle-ci un pouvoir thérapeutique puissant contre toutes les maladies de peau du monde. En un instant, j’aperçois des hordes de gens avec des infections bactériennes leur dévorant la peau, des porphyriques et des lépreux qui s’agglutinent dans l’eau. Mais le lagon se spécialise dans une maladie de peau particulière, le psoriasis…, le Lagon Bleu est la Mecque internationale du psoriasis…. Alors qu’on met nos affaires dans les casiers, je suis déjà défoncé, je n’arrive pas à fermer mon cadenas et je dois demander de l’aide. Soudain, des hommes nus et psoriasiques m’entourent en me criant des instructions quant à la méthode d’utilisation de la clé électronique, pendant que leurs organes génitaux m’effleurent : Nota pinn blar le bracelet ! Pinn blar le bracelet ?, je demande. Ja pinn blar le bracelet !, qu’on me répond… Je me mets sous la douche et je laisse la chaude eau jaune d’œuf couler sur ma tête. Quand j’avais 10 ans, j’allais nager deux fois par jour, en été, à la piscine… et c’était tout aussi étrange d’être confronté à tant de chair déliquescente. Peut-être que la douche publique était un rite de passage…, des scrotums recouverts de grains de beauté, des bourses déplumées, des pénis étiolés, des peaux comme la surface d’un bagel aux céréales. Je bâille vers l’infini.
Geri m’a dit que des gens venaient au lagon dans le but exprès de mourir, il rajoute que le lagon est directement connecté au manteau de la Terre, que périodiquement, une veine de magma explose sous un baigneur… et que tout le monde finit instantanément bouilli vif…, les restes carbonisés des corps étant retrouvés, gonflés et bleutés, sur les rochers. Je fais un pas dans l’eau chaude et bouillonnante, je mets la tête sous l’eau et nage, laissant les minéraux brûler mes yeux grand ouverts et se déverser dans ma bouche. Les micro-organismes s’ébattent autour de moi…, j’essaye de donner un sens à tout ça…, qu’est-ce qui vient d’arriver ? Est-ce que c’était une arnaque ? Dans tous les cas, je suis seulement témoin de l’escroquerie. C’est comme Hansel et Gretel, mais sans Hansel et Gretel. J’avance vers une cage contenant des bidons de pâte argileuse blanche, un cyclope s’étale la substance gluante sur le visage. Un type de la sécurité à l’expression austère veille sur les bidons, muni de son walkie-talkie, s’assurant que personne n’abuse de la substance. J’en attrape une poignée…, le gardien de la substance gluante me jette des regards noirs. Le visage de tout le monde est recouvert de gelée géothermale, c’est la plus grosse teuf de pâte gluante d’Islande. Celle de Geri mue en un masque vénitien quelque peu effrayant, son nez goutte sur sa barbe…, il retire des cordées de morve de son nez, comme des écharpes de soie de la manche d’un magicien. Ça n’a pas de fin, et il n’existe pas de remède. Des cordes hélicoïdales de vapeur blanche jaillissent d’un geyser en fibre de verre et me pleuvent dessus…, j’arrache alors du sol une poignée de gloubi-boulga (du sperme de troll qui s’accumule dans les coins du lagon)…, c’est abondant, j’en étale dans ma main et j’en examine la teneur : ce n’est que de la décomposition, c’est comme une boulette de hibou : vase, poils pubiens, limon, et filets de matériaux organiques verdatres que je ne peux identifier…, une substance gluante dont le goût est compliqué, mais qui emplit de gratitude… Après une heure on repart, cette fois, c’est la bonne, Geri m’a promis de me présenter son Hot-Rod…
De retour chez lui, il me dit : “Il existe trois domaines dans lesquels les français ont largement fait état de leur incapacité : le rock’Roll, les Hot-Rods et les remises de prix, je ne suis pas le premier à vous les briser quotidiennement avec ça, mais il s’agit juste d’un début de rémission, ne croyez pas que les métastases de merde noire que Nitro a semé tout au long de 30 années aient été résorbés, loin de là, mais franchement, cela me dispense de tout développement. Alors, maintenant, le truc, c’est d’emballer ça de manière à ce que vous restiez à peu près éveillé jusqu’à la conclusion. Je suis tout à fait conscient du défi que ça représente. Mais on va le faire quand même, OK ?“… Il allume son ordi et me présente enfin son Hot-Rod et le véhicule qui a servi de base… L’état hypnagogique dans lequel je suis tombé ensuite, correspond à la phase précédant immédiatement le sommeil, durant laquelle un individu peut être sujet à des sensations proches du rêve, aussi réalistes que terrifiantes, elle s’accompagne souvent d’une paralysie totale. Vous pouvez alors vous retrouvez coincés, incapable du moindre mouvement alors que vous êtes en train de vivre un des pires moments de votre vie. Lorsqu’on est sujet à l’hypnagogie, alias le cauchemar éveillé, on parle souvent d’ombres menaçantes qui se penchent au-dessus de vous, d’extraterrestres, ou on a parfois l’impression que quelqu’un (gag !) est en train de vous étouffer en s’asseyant sur votre poitrine. On ne peut plus bouger, et se réveiller demande un effort énorme qui se traduit par un cri horrifié dans le genre de : Han han han Haaaaaaaaaa nooooooooooooooooon… Bonne nuit et surtout, faites de beaux rêves…