Heels Week 2018…
Dans la solitude luit la lucidité…, j’en suis pétri d’expériences, vers 4 h du mat’ et des poussières blanches, ce lundi 13 août 2018, le ciel de Saint-Tropez, bouché et orageux aidant, ce message va voler immédiatement dans le web, ce n’est ni un rêve ni une utopie…
Les phobies, anti-phobies, la machinerie diabolique qu’on appelle la Vie, tout cela issu de nos différences idéologiques qui sont sans importance et amènent à faire de soi un freak…, exonèrent de la douleur d’être homme…., mais cela même est une vanité et une présomption d’esprit.
Les voies de l’écriture sont impénétrables pour qui refuse de descendre au fond du puits pour réveiller l’animal qui sommeille…, tous les gribouilleurs dignes d’intérêt ne sont diplômés d’aucune université sinon celle de la vie, ce sont des miroirs… et par là même, la mémoire vivante de leur temps…
Plus le miroir semble a priori grossissant, plus l’image renvoyée s’avère d’une implacable justesse…, contrairement à l’idée reçue, l’objectivité ne peut faire office de passeport fiable, inversement, en quoi la fantaisie empêcherait-elle l’exactitude ?
Ce sont les faits, ouvrez les journaux, lisez…, ils appellent sans cesse la caricature…, c’est la vie elle-même qui coiffe la fiction en lui brandissant un énorme doigt d’honneur !
Les faits sont des mensonges dès qu’on les additionne, lorsque les approximations, les préjugés, les ragots finissent par se travestir en objectivité, il faut être prêt à s’immerger dans la réalité pour leur faire cracher leurs mensonges.
Je me suis réveillé 38 ans plus tard que mon premier Chromes & Flammes de 1980, l’époque où j’ai commencé à pianoter sur les touches, ou le monde n’était qu’un immense Shaker mêlant conformisme, surenchère de confiance en soi, peur justifiée et dose massive de paranoïa…, époque ou on en était encore à prendre conscience de l’extraordinaire puissance des médias…
La passion de la vérité, de la liberté débridée, de la provocation, de l’excès n’était encore que du vent…, le rêve américain était protéïforme… et à l’évidence, pas toujours perméable, loin s’en faut (si les créatures métamorphes sont des créatures imaginaires qui peuvent prendre l’apparence d’à peu près tout à volonté : humanoïde, animal (on parle alors de thériomorphes), élément ou même objet…, un rêve protéïforme est un rêve qui peut prendre les formes les plus variées et qui se présente sous des aspects très divers)…
2018…, tout comme en 2017 et 2016, les Hell’s Angels de la Cote d’Azur et leurs Harley mythiques, aux yeux de la ploucaille, brûlent l’asphalte des routes du sud pourtant déjà incandescentes au mois d’août, attirant l’attention des bien-pensants de la populace locale qui, via leurs pages Facebook en font immédiatement leurs choux gras en se plaignant du bruit et des nuisances.
Les terreurs motorisées terrifient et fascinent à tel point que certaines et certains exigent un rapport « officiel » de la Préfecture pour juguler le phénomène…, les flics sont sur le coup…., les gratte-papiers sont en chasse…, on vogue en pleine approximation…, les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font…
La presse locale Varoise seule pouvant couvrir un non-évènement tel que le festival “Hells Week”…, presse qui n’est constituée que de Var-Matin qui dépend de Nice-Matin…, n’a plus rien à voir avec une presse d’investigation avec des journaleux cherchant le scoop…
Chaque jour le journal déforeste notre monde (la déforestation est le phénomène de régression des surfaces couvertes de forêts, elle résulte des actions de déboisement puis de défrichement, liées à l’exploitation excessive ou anarchique de certaines essences forestières pour créer du papier, c’est une action de nature anthropique qui occasionne la disparition permanente d’une forêt)… afin de vendre des résultats sportifs à des crétins…, plus de la moitié des pages y passe…, l’autre n’étant que les cancans locaux, des pubs et les communiqués des mairies, assaisonnés d’un soupçon de scandale, vite enseveli…
Je connasse un des journaleux dépêché sur Saint-Tropez qui se déplace en vélo avec une tête grisée par l’ennui et qui ne m’a laissé le souvenir que de m’avoir piqué une souche-ticket de resto (un diner offert généreusement pour papoter de la presse) pour se la faire rembourser en frais…, il n’en est plus à se gargariser façon rédac’chef d’un bon viol… et ses semblables “du journal” qui préfèrent siroter un cocktail à la terrasse du Sube’ face au port de St-Trop, non plus…, c’est mort, sauf pour publier les communiqués de presse…, les Hells Angels, tout le monde s’en branle…
Pour eux l’apparition des Hell’s Angels n’est qu’un coup publicitaire vendeur que s’il y a débordement…, un bon viol collectif par exemple…, les lecteurs sont par ailleurs dupes de toutes les scènes…, c’est l’inverse d’aller au fond des choses, d’appréhender ou tenter d’appréhender les hommes à travers leurs rêves, même s’ils sont fous et plus que potentiellement dangereux…
Il est vrai qu’il faut une carrure physique et une stature mentale suffisante pour affronter les Hells-Angels, ces gars-là sont paradoxaux, soupe-au-lait, brutaux et buveurs, naturellement portés à l’outrance, à la provocation… et tout ce qui s’ensuit !
Qui s’imagine leur égal et se travestit pour les rencontrer se met le doigt dans les deux yeux…, il vaut mieux rester soi-même, ça vaut mieux…, après 10 ou 20 bières, l’air devient drôlement plus respirable, le contact est établi…
Pour ma part je suis arrivé dimanche 12 août 2018, pour voir, en brandissant ma carte de presse… et les Hells préposés à l’entrée m’ont clairement dit qu’ils n’en avaient rien à foutre de la presse, que la presse c’était que pour les critiquer, qu’ils n’en avaient rien à branler… et outre que GatsbyOnline est inconnu dans leurs cerveaux, la majorité n’a aucun souvenir de Chromes & Flammes, sauf quelques vieux qui ont soudain eu une étincelle dans le regard…
– Ah waihhhh, Chromes Flammes, c’était super, tu pondais des articles retentissant qui marquaient les esprits…, cool…, vas-y, tu peux entrer, vla ton badge mon frère…
Le téléphone chauffe, “De Bruyne est là”…, louanges, questions, félicitations, et étincelles… il faut que je pousse l’investigation plus loin, après tout, ces barbus en cuir défiant les conventions et le macadam, persuadés que l’enfer a décidé de prendre en location la planète, ne sont-ils pas, eux-aussi, un moment du rêve américain parachuté dans le Var-Cote-d’Azur ?
– La Bentley Blanche, là, ca fait bizarre ici au milieu des Harley’s, z’avez une explication ?
– C’est l’auto du Boss, pas un mot…
Que le Boss roule en Bentley, ça pourrait finir en un mémorable et ô combien décisif pétage de gueules : c’est un monde ne ressemblant, au début, à aucun autre…, la menace n’est pas ce qu’on en montre, mais plus ca fascine les foules, plus la mystique perd consistance au point de devenir transparente.
Mais comment faire pour empêcher les rêves de se transformer en cauchemars ?
Suis-je condamné à décrire mon crépuscule ?
C’est la vague qui atteint sa crête avant de se retirer… et qui est le mouvement même de la vie…, quoi faire d’autre que quelques photos ?
En fait, il n’y a rien à voir entre les images, il n’y a pas de dialogue, pas de texte, rien à dire sauf à écouter du bruit et s’en gargariser…
Aux confins de l’American Way of Life, j’ai côtoyé tout ce que le monde compte de hors-la-loi, de déviants ainsi que d’artistes sous influences…, pour encaisser le choc de mes hasardeuses rencontres et en supporter les conséquences à la fois physiques et traumatiques, j’ai toujours eu un mental d’acier devenu mythique par mes expériences vécues subjectivement me permettant d’entrer dans le cœur des lecteurs et lectrices, maintenant internautes…., le rebelle en chef, le modèle à ne pas suivre.
Un journaliste va recueillir l’information…, moi je m’immerge dans le quotidien… et dans le cas de la Hells Week 2018, je pensais que j’allais devoir m’imbiber d’alcool et sentir le cambouis afin de me fondre dans l’esprit Hells à la réputation terrible, j’étais prêt à tout : viols, bagarres, deals en tous genres…
Pour enquêter sur eux, je m’étais entrainé à fréquenter les bars les plus sordides de la Côte d’Azur, ferraillant au milieu des gros bras, engloutissant des pintes de bières comme du petit lait, pour être le dernier homme capable de tenir debout après une nuit de soûlerie afin de pouvoir écrire dans l’outrance, les sujets hauts en couleurs de mes reportages, mon image étant éclaboussée de sang, de gnôle et de foutre…
Un style journalistique impénétrable pour qui refuse de descendre au fond du puits pour réveiller l’animal qui sommeille, la vérité se cueillant à mi-chemin entre le sujet et l’objet, les faits et leurs interprétations, car en réalité, elle se dégage des analogies et non de l’information pure qui, au sens où nous l’entendons, n’est pas de l’ordre du dire…, car le dire suppose un sujet (un nom, un visage)…, c’est pourquoi partir en quête de la vérité sans engager sa personne n’est et ne sera jamais une option.
Hélas, j’ai déchanté…, l’endroit tel que vous le constatez en regardant les photos bucoliques du fameux Rocher de Roquebrune S/Argens, n’est pas le cadre pour des chevauchées apocalyptiques réalisées par des hordes de motards bourrus !
Certains journaleux et une multitude de gens disent et écrivent (surtout dans leurs pages Facebook) que la lenteur est une bonne chose…, mais pour les Hells Angels, la vitesse lui est préférable, en dépit du trouble qu’elle cause…, ils préfèrent brûler leur existence plutôt que de la consumer à petit feu, question de principes…
Rattrapé par les excès, la cinquantaine et/ou la soixantaine bien installée, les Hells Angels du Var-Cote-d’Azur que j’ai côtoyé lors de la Hells Week estiment qu’ils s’encroutent dangereusement…, ils cherchent alors à faire semblant, tentant, aussi bien que possible, de poursuivre l’esprit rock and roll…, mais le cœur n’y est (presque) plus…
Johnny est mort et enterré à Saint-Barth tandis que ses héritiers se disputent les masses de pognon qu’il n’a pas dépensé de son vivant…, le monde est en mutation, un monde forcement moins excitant que du temps des jeunes Rolling Stones rois de l’univers…., à dire vrai, cela fait plusieurs années que tout a changé.
Un vieux Hells, plus vieux que les autres, au point ou il avait vraiment l’air vieux…, m’a dit :
– Ouaihh, mon pote, je lisais tes mag’s Chromes & Flammes il y a presque quarante ans, j’étais même pote avec Combalbert à Paris du temps qu’il avait créé le Chopper de Brigitte Bardot…, tu vois, la saison de football est terminée, plus de jeux, plus de bombes, plus de promenades, plus de distraction, plus de dettes…, 67 ans, j’ai dépassé de 17 ans la cinquantaine, c’est 17 ans de plus que ce que je voulais ou que ce dont j’avais besoin.
– Pas drôle. Note que j’en ai 69…
– Je suis toujours insupportable. Je n’amuse plus personne.
– Accorde ton comportement à ton âge avancé. Détends-toi, ça ne fait pas mal…
– Au delà de tes emportements légendaires, tu restes un esprit rebelle, parfois violent dans tes chroniques déjantées, mais toujours animé d’un goût sincère pour la vérité… Tu devrais republier C&F en mag’papier…
– Ok, ok ! J’y pense et y travaille… Pour ce reportage Hell’s Angels, je vais chercher d’abord à briser les clichés consistant à ne voir en les Hells Angels que des brutes épaisses…, je reste convaincu que si quelques anges sont réellement de trop braves types, le gros des troupes me paraît récupérable…, j’ai presque rêvé que les Bikers allaient nager dans le lac du Rocher, faisaient du Kayac et du pédalo… en jouant au ballon dans l’eau…, sur cette non-réalité, mon texte ne mentira pas…, pas plus qu’il ne passera sous silence qu’en fait tout cela est surréaliste…