Highway 101…
Ed Williams était forgeron et soudeur, mais il aimait lire…, il admirait le décadentisme révolté adolescent, une poésie qui le faisait toucher avec ses mains des branches ascendantes d’aorte et des capsules surrénales… et des sentiments…, ouaisss, il était enthousiaste, il s’est même construit une voiture sur ce thème….
Il habitait Fithian, Illinois, non loin de Springfield, Abraham Lincoln y venait glander quand il était un jeune politicien…, ce bled a toujours été une petite ville, les dossiers du recensement indiquent une population de 507 ploucs…, imaginez, alors, ce qu’était Fithian dans le milieu des années ’50, lorsque Ed Williams, jeune forgeron et soudeur, aidait financièrement les agriculteurs locaux à garder leurs machines en marche.
Mais Ed Williams nourrissait un rêve qui le mènerait loin, très loin à Daytona Beach, en Floride…, il avait les compétences et la volonté de concevoir, réaliser et construire sa propre voiture, fondant sa conception de décadentiste révolté sur les voitures de sport et de course que Frank Kurtis produisait alors.
La trame de fabrication artisanale de Ed était basique : loger un essieu avant de Ford avec ses ressorts à lames transversales dans un châssis tubulaire, installer un pont rigide 3.10: 1 à l’arrière avec des ressorts-amortisseurs… et motoriser le bitza avec un V8 Oldsmobile 303ci…, la carrosserie, bof…, un assemblage de bricks et de brocs…
Ed est allé à Daytona chaque fin d’hiver pour être le premier au printemps… et ce de 1958 à 1961…, en fin de compte il n’a fait qu’une moyenne de 129,70 mph sur le sable (en 1958)…
L’objectif était simple : transporter la voiture à Daytona au printemps, et courir le quart de mile…, auss simple et basique que sa voiture.., le rêve américain dans toute sa connerie…
A force d’y revenir…, la Ed Williams spécial est devenue à la fois une voiture de rue et de spectacle… et Ed a décidé de s’attaquer à Bonneville (le célèbre lac salé), avec l’installation d’un tout nouveau V8 Ford 427ci.
Hélas, il est mort avant d’avoir vu le sel…
La fille de Ed a hérité de la voiture et a participé à divers événements occasionnels (à but sexuel) avantde la garer pour un long, long moment…
Mais avant…, un fou l’a filmée conduisant la voiture avec les seins à l’air et ce navet est passé quelques dizaines d’années plus tard, un soir en télé… et bien sur (sic !) un illuminé répondant “présent” au nom de Scott Böses, a vu l’affaire….
Il a filé sur le net, alors balbutiant (début des années 2000) chercher des photos d’elle, nue, il a imprimé les photos d’elle nue en noir et blanc puis il les a colorisée en bavant bien…, en fait des chromos brillamment coloriés, des icônes à profaner et les a punaisé au-dessus de son lit…, il y a comme vu une vraie star post-industrielle incorporée de gré ou de force dans le barnum médiatique, commercial, esthétique, sexuel, poétique, a ses yeux, c’était une poétesse du cul motorisé…
Mauvaise femme au foyer, fille indigne… elle bossait sans doute dans un peep-show, ses bas devaient être tachés, sa mine défaite…, désespérante…, elle symbolisait aux yeux exorbités de Scott, la société, la consommation de masse…, l’icône…, il a alors comme entendu sa voix suppliante lui murmurer des choses, du style : “Achète ma voiture”…
Elle pouvait bien être une pétasse blonde décolorée en brune incendiaire…, tatouée… il s’en foutait totalement de cette gamine outragée, prostrée, ses yeux demandant un peu d’aide…, et des amis généreux, ses yeux demandaient s’il y avait encore d’autres amis à venir…, s’il y en avait jamais eu…, s’il n’y avait plus de danger… elle ne se fiait surement plus à personne…, personne ne lui souriait plus…
Il s’est imaginé qu’elle se gavait surement de glaces à la noix de pécan arrosée de vodka… et qu’après, elle devait aller gerber la glace et la vodka.. elle avait l’air si jeune encore…, les cernes sous ses yeux trahissaient à peine la fatigue des années…, quel âge avait-elle vraiment ?
Immaturité, inconséquences, elle incarnait joliment, ironiquement, une nouvelle notion : l’adulescence…, écoutant un médiocre disque de rock violent et désespéré…, ne comprenant pas encore que ce qui est désespéré, elle ne pouvait concevoir l’idée de révolte, ça ne servirait à rien, ni celle de violence, ça serait trop fatigant…, mais ça allait venir…
Comme pour toute chose, comme il y a la propreté et l’apparence de la propreté, la poésie et l’apparence de la poésie, il y a la violence et l’apparence de la violence…, sa violence ne pouvait qu’être rhétorique.., elle devait se satisfaire de sa médiocrité…, Scott Böses s’y est reconnu, il jouait lui-aussi avec la rhétorique, les clichés, il enfumait son monde, il s’enfumait lui-même…, il trouvait ça émouvant… en tout cas ça lui parlait, il méprisait ceux à qui ça ne disait rien…, il s’est mis à fredonner une chanson désespérée, inepte !
Il a imaginé un clip masturbatoire, avec la fille de Ed Williams conduisant sa bagnole :
Scénario : << Il lui jette sa canette de bière à la gueule, l’insulte, elle est trempée, elle part en courant, dégringole vers le parking, s’installe au volant de sa voiture , puis rentre chez-elle, lancée à fond sur l’autoroute, les yeux embués par les larmes et la bière, et par l’humiliation…, elle voit des lumières danser devant ses yeux…, la radio hurle ! Rentrée, elle s’assied nue sur le sol glacial, immobile, contre la machine à laver, son chemisier laisse voir des bouts de chair pâle, un téton >>…
Scott Böses ayant joui, il se devait de pouvoir continuer à se branler de même façon…, il voulait la fille de Ed…, la voiture aussi…, il s’est servi un verre puis un autre, a fumé une cigarette, a regardé ce qui sortait de sa bouche former une colonne de fumée lumineuse bleue et tourbillonnante, et il a hurlé : “C’est moi qui vais être ton fantasme maintenant, ton obsession. Je suis Dieu. J’ai toutes les réponses, je te promets, tu verras : Problems have solutions…A lifetime of fucking things up fixed in one determined flash. Je n’ai même pas besoin de te pourchasser, c’est moi que tu vas chercher…, comme dans un film de David Lynch“.
Le rêve américain (bis), les valeurs américaines, Jésus, le drapeau, fuck the world, american beautifull, la totale…, j’ai zappé…, j’ai vu Highway 101…
Je suis encore bourré…, je suis tout seul chez moi…, j’écoute un excellent disque de rock violent et désespéré, je m’en délecte…, l’alcool roule au fond de ma gorge, je m’en délecte aussi…, malgré l’insistance de mes amis, je refuse de m’inscrire aux Alcooliques Anonymes…, on me dit que c’est capital…, putain…
Je ne pouvais pas rester un auteur anonyme ?
Non ?
C’était trop compliqué ?
Le poids de Chromes&Flammes.., mon passé me rattrape !
Je l’ai bien cherché, avouez-le, avec mes dérives de société de consommation de masse…, alors j’ai déchiré les icônes…, maintenant, il n’y a plus qu’à placer la fin de l’histoire :
Scott Böses a acheté la Ed Williams Spécial…
Voilà, c’est tout !