Honda Civic R contre Hyundai i30 N : Deux GTI asiatiques : Les constructeurs européens rient jaune…
Par Marcel PIROTTE
Depuis la naissance de la VW Golf GTI en 1975, les familiales compactes n’ont pas arrêté de s’encanailler… et ça dure depuis plus de quarante ans avec une toute grande majorité de constructeurs européens qui se sont jetés dans l’aventure avec des Peugeot GTI, des Opel Kadett GTE et Astra GSI/OPC sans oublier les fameuses Ford Escort et Focus RS et bien évidemment les Renault RS ainsi que les Alfa Giulietta turbo.
N’oublions pas non plus qu’au sein du groupe VW, on n’a pas chômé, toutes les marques ont eu droit à leurs versions boostées, comme les différentes Audi S, Seat Cupra et autres Skoda RS alors que la VW Golf GTI de base livre 245 chevaux mais on annonce une version R quatre roues motrices à près de 400 chevaux.
BMW par le truchement de sa marque anglaise Mini n’a laissé le soin à personne de proposer une Mini JCW, John Cooper Works (un nom qui doit vous dire quelque chose) forte de 231 chevaux, chaud devant…, autant dire que les constructeurs européens n’ont laissé que des miettes aux autres fabricants généralistes asiatiques…, mais ça pourrait changer très vite.
On connaissait déjà l’amour de Honda pour des versions familiales fort de saké…, ne voilà-t-il pas qu’il réplique avec une Civic R de 320 chevaux alors que les petits coréens en ont eu marre d’observer… et de se jeter eux aussi dans l’aventure avec une familiale Hyundai i30 boostée livrant 250 voire 275 chevaux avec le pack performance.
Et, non content de faire la chasse aux GTI européennes, nos deux fabricants asiatiques viennent de se lancer dans une nouvelle bagarre au sein du championnat du monde des voitures de tourisme 2018, WTCR avec des modèles traction avant familiaux issus de la grande série, dotés de moteurs turbo de 1750 à 2000 cm3 limités en puissance à 350 chevaux.
Une belle empoignade en perspective entre Alfa Roméo, Audi, Cupra, Honda, Hyundai, Peugeot et Volkswagen. Et devinez qui occupe déjà le haut du classement à la mi-saison, les Honda Civic R et Hyundai i 30 N… une confrontation s’imposait.
A ma gauche, la Honda Civic R…, R pour Racing (ça veut tout dire), que l’on croirait échappée du paddock d’un circuit, elle ne passe vraiment pas inaperçue…., pour la discrétion, prière de repasser et du coup, cette Civic R de la cinquième génération ne fait pas dans la dentelle, d’autant que la Civic livrable en Europe depuis 1972 en est déjà à sa dixième génération.
Mais bon sang comme le temps passe vite…, cette Civic R 2018 s’étire un peu dans tous les sens, ce n’est plus à proprement parler une compacte du segment C mais avec une longueur de 4,57 m ainsi qu’une largeur de 1,88 mn elle repose désormais sur un empattement plutôt long de 2,70 m, cette grande berline 5 portes étant désormais fabriquée en Angleterre tout en étant exportées vers les USA.
Sa silhouette est spectaculaire : Face avant très agressive, calandre qui veut tout aspirer sur son passage, jantes de 20 pouces chaussées d’enveloppes généreuses (des 245 /30, une garde au sol inférieure à 13 cm, quatre gros disques fournis par Brembo et surtout un très imposant aileron arrière et pas mal d’appendices aérodynamiques (en imitation carbone, pour du vrai carbone, prière de passer à la caisse!) qui servent notamment à refroidir les freins mais également à encore mieux plaquer la voiture au sol (ça, c’est plutôt à mesurer sur un circuit de vitesse) cette Civic R ne fait pas dans le détail, avec en prime sur la version GT richement équipée : capteurs de stationnement avant et arrière, surveillance de l’angle mort, système de navigation…? elle est proposée à 39.000 €, une seule option, la peinture blanche, 600 , c’est mesquin.
Et comme il fallait se démarquer de la concurrence : trois sorties d’échappement ainsi qu’un look plutôt tapageur et ravageur, difficile de faire mieux au niveau de la discrétion…. en revanche, elle est équipée d’excellents sièges baquets à l’avant comme ceux des pilotes, qui mettent tout le monde d’accord, du tout grand art de recevoir d’autant que cette familiale ultra sportive se montre généreuse vis-à-vis de ces quatre occupants.
Beaucoup de place et d’espace, mais une fois à bord, on souhaiterait davantage pouvoir mieux cerner les contours de la voiture, pas toujours très faciles à délimiter (merci aux «bip bip» !)…, en revanche, le grand coffre modulable de 420 à plus de 1200 l ainsi qu’une planche de bord plutôt bien agencée, font que les pères de famille vont apprécier…
A ma droite, son nom commence aussi par un H mais c’est une coréenne (du sud, faut-il le préciser, la Corée du nord n’est capable que de fabriquer des missiles et encore…), la berline Hyundai I30 mais marquée du sceau N !
Pour les néophytes, N, ça ne veut rien dire mais ce N est important pour Hyundai dans la mesure où ce modèle a été mis à au point à la fois sur le site coréen R&D, Namyang en Corée mais surtout sur le circuit du Nürburgring, redoutable juge de paix quant à la transformation radicale d’une bien brave berline en une familiale sportive plutôt redoutable…. et c’est là que ce fabricant coréen qui jusqu’à présent n’avait pas beaucoup investi le segment des familiales GTI, va se démarquer.
Du coup, cette berline de 4,33 m plutôt discrète malgré son déflecteur arrière, sa suspension rabaissée avec garde au sol de 13 cm montée sur des jantes de 18 ou 19 pouces va se révéler plutôt redoutable.
Par ses garanties tout d’abord de cinq ans avec kilométrage illimité alors que la Honda Civic R n’a droit qu’à trois ans ou 100.000 km, un peu mieux que le minimum syndical, je vous le conçois…. en outre, cette i 30 N de 250 chevaux avec un équipement ultra-complet( système média très avancé avec navigation et Bluetooth, phares Bi-Led, de multiples aides à la conduite…) se situe tout juste sous la barre des 30.000 € alors qu’avec le pack performance, elle revient à moins de 34.000 € mais avec une puissance en hausse de 25 chevaux, 275 chevaux ainsi que la présence d’un différentiel autobloquant entre les roues avant sans oublier des jantes de 19 pouces accueillant des enveloppes de 235/35.
C’est bien évidemment cette version que nous avons retenue pur cette confrontation asiatique entre deux traction avant qui sans risque de me tromper vont en faire voir de toutes les couleurs à leurs concurrentes européennes.
Voyons dès lors ce qui se cache sous le capot…. depuis de très nombreuses années, Honda fait évidemment figure de motoriste renommé même si sa réputation a été entachée ces dernières années en formule un avec le châssis McLaren…., pas question dès lors de prendre position entre des ingénieurs châssis et moteurs bien qu’une écurie ayant la réputation de McLaren devrait sans aucun doute faire nettement mieux que de la simple figuration.
Dans le cas de cette Civic R, finis les quatre cylindres atmosphériques qui tournaient à des régimes endiablés, jusqu’à 8.000 tr/min, Honda est aussi rentré dans le rang en proposant une nouvelle configuration de son bloc deux litres turbo 16 soupapes encore un rien amélioré avec une triple sortie d’échappement ainsi qu’un volant moteur allégé…. de quoi revendiquer une puissance légèrement en hausse de 320 chevaux à 6.500 tr/min (début de la zone rouge) mais surtout un couple exceptionnel de 400 Nm sur une plage allant de 2.500 à 4.500 tr/min…. ce qui laisse augurer une excellente souplesse d’utilisation même lors des plus basses rotations, il le fait avec succès tout en n’oubliant pas son aspect rageur dès que l’on grimpe dans les tours, rien que du bonheur pour ce bloc qui franchement est l’un des meilleurs du lot.
Et ça se vérifie à chaque kilomètre surtout avec un chrono en mains…., cette véritable bombinette promet en effet des départs canon, de quoi remercier l’autobloquant mécanique agissant à 40 % surtout sur les roues antérieures surtout si l’on choisit parmi les trois modes de conduite : la fonction Sport qui adapte automatiquement la réponse de l’accélérateur, l’amortissement adaptatif, la force de braquage ( à ce propos, notre Civic R ne vire vraiment pas dans un mouchoir de poche, plus de 12,5 m pour faire demi-tour entre deux murs) ainsi que la perception dans la sélection des rapports mécaniques, au nombre de six très rapprochés et commandés par une sorte de « Joy stick » très précis qui lui aussi participe à ce plaisir sans cesse renouvelé de la conduite.
Dans la circulation de tous les jours, on privilégiera la fonction « confort » alors que le mode +R est réservé pour le circuit, une expérience que je n’ai pas tentée, je ne voulais pas non plus « griller » un train de pneus.
Sur la route et encore mieux sur l’autoroute, cette Civic R n’est pas en manque de sensations…., elle déboule de 0 à 100 km/h en un peu plus de 6 s, avale le km départ arrêté en un peu plus de 25 s, atteignant au poteau avec une aisance tout à fait remarquable une vitesse de 215 km/h lue au tachymètre…. et ce n’est pas encore fini car si vous avez la chance de profiter d’une belle piste rectiligne d’un champ d’aviation, cette Civic R devrait alors dépasser plus de 270 km/h en pointe.
Ca, c’est pour le fun mais ne disposant pas d’une piste aussi longue, je n’ai pu le vérifier…., mais je crois volontiers les ingénieurs nippons qui l’affirment d’autant qu’avec ce bruit rageur omniprésent ainsi que des changements de vitesse à la volée, cette familiale en tenue de voiture de course se révèle facile à conduire, docile même dans les basses vitesses, bourrée de couple à bas régime mais dès qu’on la relance, c’est tout bonnement de la dynamite en concentré.
Certaines voitures de sport ne peuvent en faire autant pour si peu d’argent…., d’autant que même en s’amusant, cette nipponne aussi tranchante qu’un Katana n’est pas avare de sensations mais à la pompe, étonnement sur toute la ligne, on dépasse en moyenne d’un fifrelin la barre des 10 l/100 km, vraiment pas cher payé pour connaître de telles sensations…. elle se veut également une négociante en virages, c’est toujours elle qui parmi les « traction » détient toujours le record du tour sur la boucle nord de l’ancien circuit du Nürburgring, les 20 km comprenant quelque 176 virages aussi piégeux que déroutants étant bouclés en en 7 Min et 43 secondes !
Les grandes courbes sont donc avalées le pied à la planche, les virages effacés avec une aisance tout aussi diabolique et ce que cette Civic R adore par dessus-tout, ce sont les enchainements où elle déboule véritablement au très grand galop, du tout grand art.
En revanche, les pneumatiques aussi larges que peu épais au niveau de la gamme ( des 245/30 faut-il une nouvelle fois le souligner ) n’apprécient pas tellement les saignées longitudinales et transversales ainsi que les nids de poule qui fleurissent un peu partout surtout dans la partie francophone de mon petit pays, réputée pour un réseau routier en très mauvais état et qui manque cruellement d’entretien… à haute vitesse sur autoroute ( interdit évidemment par le code de la route…), cette Civic affiche une incroyable tenue de cap et pas trop de remous aérodynamiques alors que la précision de la direction ainsi que la puissance et la tenue à chaud des quatre gros disques font eux aussi leur part de boulot.
Le poids, c’est l’ennemi, surtout au niveau des performances…., alors que notre Civic R revendique une masse de 1380 kg, notre coréenne d’essai, la Hyundai i 30 N dépasse d’un fifrelin les 1500 kg à vide, d’où 120 kilos supplémentaires au bas mot…. et cela va se vérifier par la suite, car notre coréenne qui ne manque décidément pas d’élégance ( c’est fou ce que les constructeurs coréens ont progressé au plan du dessin en quelques années, merci messieurs les designers européens et américains ) s’en remet également à un cœur qui bat la chamade, un très beau quatre cylindres à l’architecture carrée, deux litres 16 soupapes gavé par un turbo qui avec le performance pack livre 275 chevaux à 6.000 tr/min ainsi qu’un couple de 353 Nm sur une très large plage de régime allant de 1450 à 4700 tr/min…, avec en prime une fonction overboost qui en phase d’accélération et pendant une petite vingtaine de secondes fait grimper ce couple à 378 Nm sans pour autant approcher les 400 Nm de la Civic R.
On l’aura compris, ce bloc a du tempérament à revendre mais aussi un couple déjà fort enviable dans les basses rotations pour faiblir un peu au-delà de 6000 tr/min.
Ce bloc secondé par une boîte mécanique 6 vitesses caractérisé par des changements très rapides à la volée est la seule disponible alors que Hyundai fabrique également d’excellentes boites robotisées à double embrayage…., il me semble d’ailleurs que j’ai entendu qu’à l’avenir cette i 30 N pourrait recevoir un tel dispositif avec commandes au volant, ce serait à mon avis encore plus fun.
Entretemps, cette boite classique communique via les roues avant où l’on note la présence d’un autobloquant piloté électroniquement aussi efficace que plaisant…. en outre, cette jolie coréenne n’oublie pas les sensations que peuvent ressentir un père de famille sportif, d’où la présence d’une fonction « REV Matching » faisant office de double débrayage via un bouton commandé au volant…. efficace et amusant surtout avec l’échappement piloté sport qui selon les modes de conduite sélectionnés : Normal, Eco, Sport ou N, passe d’un bruit plutôt raffiné aux détonations sportives et autres pétarades très expressives…. ça au moins, c’est fun et ça devrait plaire.
Avec une telle cavalerie sous le capot et malgré le supplément de poids par rapport à la Civic R, notre i 30 N ne chôme jamais en chemin mais perd un peu de temps en performances pures : de à 100 km/h, un peu plus de 7 s sont nécessaires, c’est une seconde de plus qu’avec la nippone alors que le km départ arrêté est avalé en un peu moins de 27 s, 2 s de plus qu’avec la Honda, à la fin du km, le tachymètre annonce un peu plus de 200 km/h.
Vous allez me dire que finalement, ces deux voitures jouent dans la même cour de récré, celle des compactes familiales hyper sportives et vous aurez raison, voilà deux berlines asiatiques très plaisantes…., surtout dans le cas de la coréenne qui affiche une double casquette à sa personnalité, celle de Mister Hyde et du docteur Jekyll…
Dans les basses rotations, elle se pilote sur le couple comme un bon diesel mais dès qu’on fait un appel de puissance, ça déménage fameusement et furieusement, les reprises peuvent en témoigner et là aussi, on s’amuse beaucoup à son volant…. , côté consommation, comptez sur un l/100 km de plus qu’avec la Civic R, un peu plus de 11 l/100 km mais dès qu’on élève l’allure, cette i 30 N semble avoir très vite le gosier en pente.
Côté confort des suspensions, c’est plutôt ferme mis jamais trop même en mode sport…., quant à la tenue de cap, rien à redire là aussi, les ingénieurs aérodynamiciens ont font du bon boulot…., c’est aussi du même acabit en matière de tenue de route où le train avant est particulièrement efficace tout comme les roues arrière qui se placent vraiment très bien.
Là aussi, les passages en courbes s’avèrent impressionnants, l’efficacité est bel et bien au rendez-vous, le comportement dynamique également alors qu’avec des boudins aussi imposants, il faudra également composer avec un diamètre de braquage élevé qui n’est pas sans rappeler celui e la Civic R…., à part cela, côté précision de la direction, rien à redire tout comme d’ailleurs l’efficacité ainsi que la puissance et la tenue à chaud des quatre gros disques ventilés qui font beaucoup mieux que leur simple boulot.
A bord, on aurait aimé un peu plus de différence avec les autres versions i 30 de la marque, c’est plutôt classique, un peu trop austère mais heureusement que les sièges baquets à l’avant gâtent le pilote tout comme son passager.
En bonne familiale, notre coréenne offre de l’espace pour quatre adultes avec en prime un coffre modulable d’un volume de 380 à près de 1300 litres, bien dans la moyenne du segment…. on l’a déjà dit plus haut, cette i 30 N surtout avec le pack performance est remarquablement et richement dotée d’un équipement de série bien pensé avec seulement deux options, 600 € pour une peinture métallisée et 1.100 € pour un toit ouvrant panoramique, à conseiller afin de rendre l’habitacle un peu plus lumineux.
A 34.000 €, cette i 30 N est une excellente proposition parmi les familiales au sang bleu, c’est aussi l’une des moins chères et des mieux équipées, à souligner tout comme des garanties assez exceptionnelles de cinq ans, kilométrage illimité.
On connaissait Honda pour ses moteurs rageurs, il faudra désormais compter sur Hyundai qui vient de signer une remarquable réalisation avec cette i 30 N capable d’en remontrer aux meilleures du segment, surtout parmi la concurrence européenne.
Il aura fallu pas mal de temps aux coréens de Hyundai pour franchir le pas mais cette année, Hyundai a aussi pas mal d’opportunités afin de devenir champion du monde des rallyes avec un belge au volant, Thierry Neuville (Cocorico) mais également de remporter le fameux championnat du mondes des voitures de tourisme.
Quant à choisir entre une Civic R ou bien une i 30 N, difficile à partager et de trancher…., comme conducteur sportif, je les apprécie toutes les deux mais j’ai surtout été surpris par l’homogénéité de la coréenne qui s’écarte littéralement de ce côté « Manga » de la Civic R qui elle ne passe jamais inaperçue.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est l‘assurance de ne jamais s’ennuyer une seule seconde au volant de ces familiales ultra sportives.
Et si vous trouvez que le côté exubérant de la Civic R ne correspond vraiment pas à votre personnalité, je vous conseille sa « petite sœur », une certaine Honda Civic sedan sport à moteur quatre cylindres turbo 1500 cm3 de 182 chevaux et 240 Nm de couple.
Plutôt discrète mais terriblement attachante et sportive à la demande, elle ne coûte en effet que 26.000 €, très bien équipée avec boîte mécanique 6 vitesses…., mais de grâce laissez tomber la version à boîte CVT, vous allez vous ennuyer à mourir !
Marcel PIROTTE