Hot-Rod #1…
A fond la caisse.
Pied au plancher.
L’autoroute est déserte.
Je conduis du bout des doigts, sans brusquer, incluant dans mon champ de vision aussi bien ce qu’avale le capot que ce qui se déroule dans le rétro.
Soudain, venu comme de nulle part, un vrombissement apocalyptique, un grondement sourd, sûrement un V-8 à compresseur…
J’ai vaguement le temps d’apercevoir un furieux percé en divers endroits du visage dans son Hot-Rod !!
Ce fils de pute me double en me faisant un doigt d’honneur…
C’est international un beauf, sauf que celui-ci est sans doute plus défoncé au crack que les autres, va savoir.
Dans le doute, je laisse toute velléité “Mad-Maxienne” au vestiaire et je lève le pied.
Je longe des quartiers découpant un désert désormais souterrain autour d’un centre-ville fantôme qui ressemble plus à un décor pour téléfilm qu’à une ville.
Il n’y a pas de patines d’usages, pas de signes de vie.
Chaque instant de la vie courante semble souligner l’infernal quotidien d’un futur s’annonçant inévitablement gauchi, mensonger et sans guère d’échappatoire.
Sans guère d’humanité…
Quoiqu’il en soit, j’aime à m’y promener.
L’ambiance de fin du monde me ravit, quasi-toutes les maisons ont leurs volets bouchés.
Deux ou trois boutiques mettent un peu de couleurs dans ce centre ville immuablement figé.
Un sale clin d’œil rouge en face de moi, soudain : l’autre bourrin interrompt mon ébauche de réflexion en plantant un coup de patin devant moi, histoire de me filer une petite sueur froide.
J’avais un peu prévu le coup.
Les assassins à quatre roues, “4-wheels motherfuckers“, comme on dit ici…
Ok…
C’est parti pour un remake de Duel.
Je pousse le volume du poste à donf’, ma botte droite soudain en plomb enclenche le kickdown et mon Hot-Rod s’arrache à la pesanteur matinale en feulant.
Un coup de volant à gauche, je passe le beauf, limite accrochage, bien sûr, puisque l’andouille aux anneaux tente le coup de volant meurtrier pour m’envoyer valser dans le rail de sécurité.
Ma tire s’enfile vingt-cinq litres d’essence pour l’occasion et le laisse sur place.
Salut et à jamais !
Je continue sur ma lancée, puis comme je ne distingue pas de mauvais signe dans le rétro, je lève le pied.
La radio bave ses conneries, le niveau de pollution bat de nouveaux records, le président est en vacances (et l’avenir jugera finalement qu’il en avait bien besoin, avant de s’atteler à la lourde tâche de faire régresser une région du monde à l’âge de pierre à coups de bombes), le monde explose.
Et la vie est belle…
Merci et à un de ces quatre.