Hot-Rods et Rat-Rods, toute une histoire…
Le Custom, dont la définition est “personnalisation de masse” et qui correspond à un ensemble commercial de diffusion d’objets et de figures servant à rehausser l’aspect des véhicules (l’idée s’étendra jusqu’aux baskets), est issu du Hot-Rodding, qui n’est pas qu’un sport d’accélération ou un hobby, c’est une culture avec ses styles, ses vêtements, ses langages.
Henri Ford a commercialisé un véhicule bon marché, la Ford T… et en a vendu des millions jusque dans les campagnes.
Ces modèles, s’ils étaient faciles à réparer et à manipuler avaient le désavantage de prendre trop vite la rouille.
On trouvera peu à peu nombre de ces véhicules vendus à des prix dérisoires ou abandonnés.
C’est là qu’on trouve les racines de ce qui sera plus tard appelé le Hot-Rodding, dans la dépression de ’29.
Déportés, suite à leur mise en faillite par les propriétaires, les métayers, petits agriculteurs et éleveurs du nord et de l’est, se sont vu contraints de prendre la route vers l’ouest, en famille, histoire de louer leurs bras aux récoltes de saisons.
Les véhicules que les métayers avaient comme outils, souvent des pick-up utilitaires, étaient repris par les propriétaires, les carcasses et parties de moteurs restants étaient récupérées et assemblées pour refaire de nouveaux véhicules.
Certaines pièces manquantes étaient refaites en fonte à partir de pièces de cuisinières fondues dans le sable.
On essayait d’augmenter la puissance du moteur, pour pouvoir tenir la charge et la longue route et ces modifications en entraînaient d’autres.
Parallèlement à la crise qui suivit le crash boursier et qui devait durer a peu près 4 ans, les wobblies (Les affiliés au syndicat I.W.W., Industrial Workers of the World), prirent une importance considérable et avec eux, une conscience sociale grandissante que ces déportés n’étaient pas que des spectateurs…
Tout le langage re-fabriqué dans les années ’60 ou fantasmé dans les années ’80 et ’90, trouve là ses racines, dans cette migration intérieure, sur une route jonchée d’exclus, baignant profondément dans la noirceur et la désolation, campés, repoussés, travaillant leur faim sur une route qu’ils savaient ne même pas mener à quelque promesse.
The only thing a drunkard needs Is a suitcase and a trunk,
The only time he’s satisfied Is when he’s on a drunk,
Fills his glasses to the brim,
Passes them around, Only pleasure he gets out of life,
Is hoboin’ from town to town.
The house of the rising sun, cette chanson folk rendue célèbre par les Animals dont on ne connaît pas bien l’origine et dont le plus vieil enregistrement connu est celui de Tom Clarence Ashley et Gwen Foster, réalisé en 1934, au crépuscule de la dépression, parle de ça, de cette misère qui n’en amène que d’autres, de la poussière, des voyages contraints par la faim : destination le bordel général.
La route passe par le lac salé, l’étape indispensable.
Toute cette tension devait bien être palpable et une partie de cette génération spontanée de garagistes, avec ces trucks retapés, bricolés, plusieurs fois faits et défaits sur le trajet, avec des parties en bois ou des conduites en barbelés, s’arrêtent sur le lac sec et organisent des camps de passages.
Là, commencent à s’organiser des courses et des paris autour de ces voitures refaites.
Née dans une crise économique si profonde qu’elle affecte l’ensemble du monde, cette culture de gens qui portent les bras de chemises troussés jusqu’aux épaules, dust bawl refugee, génération de bidouilleurs folkloriques dont Woodie Guthrie est le héraut, okies miséreux et traine-la-patte…, commencent à créer une forme individuée, autonome, sculpturale de leurs véhicules.
C’est ça qui devient un style : d’un détournement nécessaire de choses récupérées, histoire d’avancer, au folklore que cela génère… et au travers des formes qui s’inventent dans la course, créant une sorte d’expression populaire par la négative, le bolide home made…
Cette façon d’instrumentaliser l’automobile a vite fait d’intégrer le sens de la liberté débridée, de la vitesse, du souffle et de l’image.
Le Hot-Rod, surtout aux alentours de la seconde guerre, devient un véritable genre qui ne cessera d’évoluer pour devenir un courant important de la contre culture des années ’60 et jusque dans les années ’80 et sera finalement supplanté par sa commercialisation dans le Custom et le Tuning et ce malgré quelques réfractaires qui persistent dans un mélange pathétique d’élégance et de brutalité à vouloir fabriquer leurs engins avec le moins d’argent possible.
Toute cette ambiguité se révèle dans une des formes traditionnelles du Hot- Rod, qui reprend, mieux, qui capitalise… sur cet héritage… et qu’on appelle le Rat-Rod et dont on reconnaît la particularité, aux parties de carrosserie rouillée.
L’aspect extrêmement sculptural de l’engin modifié, qui pouvait bien s’apparenter aux formes bricolées des abris des métayers faits de toiles cirées, de planches trouvées et de panneaux de récupération… et avant que cela ne devienne le commerce de la frime, même si celui-ci ne manque pas d’intérêt, compris comme une histoire intérieure, comme une géographie qui est aussi un espace mental, une conscience du monde, du cosmos (Comme le rappelle Augustin Berque, le sens premier du mot Kosmos est “ordre” et les deux termes romain de “mundus” et grec de “kosmos” ont les 3 sens d’ordre, monde et parure.
Parer son corps c’est faire parler le monde et ce que dit le monde enseigne les corps…
Et il y a un ordre commun aux astres et à la société, ou toute cette migration porte avec elle l’invention d’un espace qui ne se décrit pas en cartes mais en comportements, ou le paysage transpire dans l’homme et dans les machines, ou le récit se fait dans le bricolage, la récupération, le déplacement et la transformation.
Bien sûr, tout cela a été vite assimilé.
C’est devenu un commerce, d’une abstraction légère qui a fait basculer les masses dans une manipulation désorganisée, les véhicules des fantômes incarnant dans un mélange d’ambiguités volontaires et subies, la désolation et le mépris des okies (extension d’un terme dont l’origine est “habitant de l’Oklahoma” dont 20% a dû migrer durant la dépression, et qui s’est ensuite généralisé à l’ensemble des migrants), reflet autant que figure d’un paysage géographique et social, incarnation d’une cartographie sociale et psychologique…
La base d’un hot rod est donc essentiellement ; une voiture de marque américaine datant d’avant 1949 inclus, le plus souvent de marque Ford, couramment des Ford T, des Ford A, des Ford B datant de 1910 à 1934, quasiment toutes équipées d’origine de moteurs à 4 ou 6 cylindres ou de V8 Flathead pour les B’32, ’33 et ’34, véhicules largement disponibles d’occasion et à des prix très bas après-guerre.
Leur structure avec châssis séparé étant relativement simple à modifier, les jeunes y greffaient les moteurs plus puissants des nouveaux véhicules fabriqués à Détroit, ou se contentaient d’augmenter la puissance des moteurs d’origine.
La plupart du temps, les modifications apportées, entraînaient d’autres modifications, comme sur les freins et les amortisseurs.
Les jantes étaient généralement élargies pour accepter des pneus plus larges, du moins à l’arrière, pour mieux transmettre la puissance du moteur au sol.
D’autres modifications pouvaient être apportées sur les parties mécaniques, comme le changement du rapport de pont, de la boîte de vitesses et du système de direction, toutes choses qui devaient supporter la puissance supplémentaire.
L’aspect extérieur de la voiture était souvent modifié lui aussi.
Toutes les parties non essentielles au bon fonctionnement du véhicule étaient démontées ; le toit, le capot, les portières, la banquette arrière, le pare-brise et les essuie-glace, les pare-boue, les phares, les pare-chocs et une bonne partie du pot d’échappement.
Ces modifications étaient fréquentes pour gagner du poids sur le véhicule, donc pour améliorer le rapport poids/puissance.
Les hot rods étaient souvent recarrossés aux exigences des propriétaires, le capot était percé de louvers (ouvertures d’aération), le toit abaissé ou retiré et les garde-boues enlevés ou réduits à deux fines bande de métal de style moto.
Autre modification extérieure, le châssis était généralement abaissé, en jouant sur les amortisseurs et/ou la taille des roues avant, afin de diminuer la résistance au vent et d’abaisser le centre de gravité. De plus, dans un souci de se faire remarquer, la plupart des hot rods étaient peints de couleurs vives (les plus courantes étaient le jaune et le rouge) et de décorations en forme de flammes.
Le phénomène du hot rodding atteignit son point culminant vers 1955, avant de décliner lentement jusqu’au milieu des années 1960.
Néanmoins, les hot rods déjà construits continuèrent à circuler pendant quelques années encore.
Les raisons de ce déclin sont multiples, mais la principale d’entre-elles est la disponibilité de nombreux véhicules d’occasion récents, ainsi que la mise en fabrication aux USA de modèles “sport”, telle la Corvette ou la Ford Thunderbird, plus ou moins calqués sur les tendances européennes.
Mais, au plus bas de ce mouvement, en 1965, un phénomène de nostalgie envers les hot rods a lentement repris le dessus.
Il était relativement aisé à cette époque de trouver des endroits pour organiser des courses de vitesse sauvages, les premières pistes improvisées furent les lacs asséchés des environs de San Francisco et Los Angeles, dont la surface était parfaitement plane, ainsi que les portions presque rectilignes de routes, soit en fin de construction, soit quasi inutilisées.
Il existait également de nombreux aérodromes militaires secondaires abandonnés, dont les pistes furent alors utilisées pour des courses consistant à parcourir en ligne droite une distance d’1/4 de mille le plus rapidement possible.
Ces pistes permettaient de faire partir de front jusqu’à quatre ou cinq voitures, à la différence des portions de route où il n’était possible de courir qu’à deux.
Ce renouveau du hot rodding, coïncide avec l’apparition de véhicules de série aux moteurs d’origine bien plus puissants que ceux disponibles auparavant et à des prix relativement abordables (comme la Ford Mustang).
Les constructeurs n’hésitent plus à construire des voitures bien plus puissantes qu’au cours des périodes précédentes, nommées muscle cars.
Le fait que ces voitures aux moteurs très puissants montés de série soient disponibles à des prix abordables, rendit les automobiles puissantes de plus en plus populaires.
Seul bémol à l’enthousiasme, c’est également à partir de cette époque, que les contraintes légales appliquées aux véhicules furent plus strictes (à partir de 1970 avec le Clean Air Act), ainsi que les contrôles de police, ce qui rendit plus difficile les travaux de modification des véhicules de base en restant dans la légalité.
Ces difficultés ne dissuadèrent pourtant pas de nombreuses personnes de construire un hot rod, d’autant que les règles dans certains États restaient plus permissives.
Toutefois, les voitures à partir desquelles les hot rods étaient couramment construits, se firent plus rares. Les véhicules de base avaient alors généralement plus de trente ans pour les plus récents, leur état était plus précaire et ceux qui étaient encore en bon état devenaient souvent recherchés par les collectionneurs, ce qui provoqua une hausse des prix, qui fit du hot rodding un passe-temps pour personnes plus aisées qu’à l’origine.
C’est, en conséquence, qu’à cette époque, apparurent les premières carrosseries en fibre de verre, reprenant les formes des Ford T et B d’avant guerre, mais comportant déjà toute une série de modifications.
Ces carrosseries entrainèrent la création de châssis, de trains roulants et de multiples accessoires destinés à recréer le look des hot rods qui étaient devenus partie intégrante du mythe automobile américain.
En 1980, le mouvement du hot rodding explose aux États-Unis et dans le reste du monde, grâce aux quelques irréductibles qui avaient continué envers et contre tout, de construire et modifier des engins pour en faire des hot rods.
Cette même année sont lançés les magazines Chromes&Flammes, Rod&Custom et Nitro qui diffuseront en France et en Belgique, l’esprit du hot rodding et du customizing.
Néanmoins, de grosses différences subsistent entre les hot rods des années 1940 à 1965 et ceux qui apparaissent en 1980.
Alors que les premiers hot rods étaient construits à partir de véritables automobiles anciennes et courantes comme la Ford T et la Ford B, les hot rods de la seconde génération sont devenus des répliques.
Des carrossiers se sont mis à proposer des hot rods clé en main, tout équipés, avec de gros V8 neufs, alors qu’auparavant les hot rodders préféraient (principalement pour des raisons financières) monter eux-mêmes un moteur d’occasion sur un châssis (roulant) de récupération.
Au fil du temps, ces carrossiers d’un nouveau type, rivalisant entre-eux dans des concours, ont poussé l’audace et la finition de plus en plus loin, rendant leur hot rods totalement inaccessibles aux hot rodders des débuts, tant sur la technique, la finition, les accessoires sophistiqués et les mécaniques, que sur le prix final.
En effet un créateur carrossier comme Boydd Coddington (décédé en 2008), ne fabriquait plus, dans ses dernières années, que des hot rods à 150 000 voire 350 000 $ qui pouvaient se revendre jusqu’à 500 000 $ dans certaines ventes aux enchères.
Par réaction, un style de hot rods plus conformes à la manière originelle de construire ces véhicules, a repris le dessus, de nombreuses personnes reconstruisant leur hot rod à l’ancienne.
Une nouvelle tendance, totalement en réaction aux hot rods hyper-coûteux à fait son apparition, consistant en l’utilisation de vraies voitures anciennes d’avant-guerre, mais sans aucune préparation ni aucune finition, des hot rods à l’état brut qui se surnomment les rat rods.
On distingue aujourd’hui plusieurs types de hot rods :
– Traditional rod : un hot rod construit selon les méthodes de la première époque, sur une base ancienne et avec des matériaux et des techniques anciennes.
– Street rod : construit exclusivement à partir de pièces neuves, mais qui, malgré une caisse en polyester, respecte globalement l’aspect extérieur du traditional rod.
– Show rod : hot rod construit principalement pour être exposé dans des rassemblements ou des salons et non pour circuler couramment.
– Drag rod : il consiste à monter un moteur surpuissant sur une structure de type Ford T renforcée et adaptée, pour participer à des courses de dragster (là encore la voiture n’est pas conçue pour circuler sur route).
– Rat rod : la dernière tendance, un hot rod dont on a laissé rouiller certaines parties métalliques pour lui donner une patine et un aspect négligé (paradoxalement cela peut représenter davantage de travail qu’un hot rod peint de manière classique) et qui est généralement hyper surbaissé.
– Volks rods : construits sur une base de VW Coccinelle modifiée. Ils ont le mérite d’exister mais n’ont strictement rien en commun avec les véritables hot rods.