Hot-Rod’s Nostalgia…
Voilà bien le genre de Hot-Rod’s qui me fait vibrer… Peu de gens connaissent l’existence de ces pépites de la légende ricaine. Et pourtant, ces Hot-Rod’s sont un condensé de plaisir jubilatoire, de conneries en tous genres, de gags énormes, de musique old-school, un peu comme un leitmotiv, à savoir le refus d’abandonner une certaine innocence liée à l’adolescence et cultiver la nostalgie pour mieux aller de l’avant dans une société où il est mal vu de faire ce que l’on aime vraiment et d’être soi-même. Impossible de rester de marbre devant tant de joie communicative et de connerie assumée de la part de ces fantastiques loosers aux gueules marquées par le temps… Mais il y a aussi des Pin-up’s qui m’agrippent les sens, violemment, en allant directement aux tripes (et même un peu plus bas, là ou c’est érectile), à la gorge aussi, en me chopant par les viscères, mais en ayant la politesse de me prévenir. Pas des adeptes de l’embuscade et du coupe-gorge, du blitz déclenché aux petites heures de la nuit et de l’attaque surprise en contre-plongée. Bien au contraire, celles-ci prennent bien le soin de s’annoncer. Elles figuraient en référence dans des livres que vous n’avez jamais lus, dans des magazines influents auxquels seuls quelques rares d’entre-vous se sont abonnés il y a presque trente ans et plus ou moins… Elles ont même été photographiées par des artistes que vous aimez, du moins un que vous connaissez virtuellement. Elles ont eu dix, vingt voire trente ans pour s’installer. Elles sont partout. Elles n’ont rien de nouveau, plus rien de nouveau, elles sont même parfois bien datées, comme des reliques d’un autre temps, sauf évidemment pour vos yeux de petits jeunes qui débarquent bien après la bataille. Pour ma génération, elles sont souvent nées dans les années 50 et 60. Plus rarement dans les années 70.
Quand j’ai découvert ces engins, ces mecs burinés et ces Pin-ups, à 20 ans, je n’y entendais que l’urgence folle de devenir fou… Une folie abrasive, pire que tous les sentiments contrariés qui brûlaient mes veines, qui m’embrasaient le regard et ne me laissaient que rarement trouver le sommeil. Une pulsation obstinée, aussi obstinée que les coups de sang qui m’incitaient à prendre la nuit, prendre les rues, prendre la ville au milieu des “ceusses” qui ne savaient pas la nuance, qui ne connaissaient que la nécessité de dormir au milieu des nuits sans comprendre l’harmonie des “ceusses” qui se retrouvaient pour battre le pavé et pour se frayer un passage. L’harmonie des “ceusses” qui riaient ensemble et dont les voix tendues étaient comme ivres d’être un concert. Ca tenait à presque rien, à quelques détails, des broutilles vers quelque chose de plus pop ! Je me souviens, c’était hier, à l’aube des années qui allaient changer mes espoirs d’avant, l’époque de l’envie de rester jeune, de ne pas laisser filer mon adolescence trop vite. L’espoir de trouver encore “demain” la force, le courage et quoi d’autre…; l’endurance de vivre des sentiments un peu trop forts pour ma carcasse ; de prendre des vagues un peu trop hautes pour mon frêle esquif ; de courir au devant des balles en sachant pertinemment qu’elles ne m’arrêteraient pas tout à fait. De ne pas accepter le monde qui n’attendait qu’un moment d’inattention pour m’en foutre plein la g… quand le hasard, la nostalgie ou la fureur des jours malheureux me remettent face à un de ces vieux Hot-Rod’s, je me demande un peu si je me suis pas réellement trahi, ou pas tant que ça… J’ai un peu l’impression que ma naïveté d’alors est bien morte et enterrée, ou qu’elle n’en finit plus d’agoniser lentement planquée dans un placard. Je me dit que mes beaux rêves étaient louables, mais qu’aujourd’hui je ne prend plus que des risques soigneusement évalués. Avec l’approbation d’un comité d’audit qui pèse et soupèse mes responsabilités…, à la limite. Et puis, je me souviens avant tout d’un sentiment très nostalgique…, mais très vite viennent défiler en rang serré, devant moi, tous les bien-pensants de la planète des singes… Au final, ils me f… quand même à poil, mais en pliant soigneusement mes frusques, n’en doutez pas.
Et, en me livrant à cet exercice périlleux qu’est la pensée…, je me rappelle que les enflammades de mon adolescence ne sont pas si loin que ça… Alors, bien sûr, je ne hurle plus à la mort, je ne lance plus d’anathèmes (ou si peu).
Mais il me reste du carburant, planqué quelque part, un peu de rage et de kérosène… et je sais encore rallumer le feu. Lorsqu’il le faudra, lorsque je sentirai que je le dois. Quand le rêve se pointera à nouveau au détour du quotidien, en ligne de mire, aussi tangible qu’il l’a toujours été, à peine moins atteignable. Je ne le poursuivrai plus tout Chromes tout Flammes : j’ai appris à m’économiser, à piocher avec patience, à gravir péniblement les montagnes que l’on a dressé devant moi. Et je ne suis du coup plus le même : je suis accompagné de cœurs qui battent l’espoir…, poussé par tout un monde qui ne faiblit pas et une myriade de détails infimes comme autant d’étoiles du berger qui me guident dans la pente la plus ardue, la dernière…