Ford Model A Roadster 1929/1949 Capsule temporelle…
Le Hot Rod en illustration est comme une machine à remonter le temps qui est bloquée à son renouveau de 1949… La date est symbolique puisque je suis né cette année là, mais rien d’autre ne le démontre que des enregistrements de documents d’attestations de cette année là, également, mais, les personnes de ces mêmes photographies qui y paraissent avoir plus de vingt ans sont vraisemblablement décédées quoiqu’aucunes attestations y concernant ne peuvent être produites… S’en tenir aux faits est la règle du journalisme qui prétend être véridique. Les sciences rendent compte des faits, tels qu’ils sont, sans adjonction extérieure, dit-on. Il semblerait donc que la référence aux faits est bien la garantie ultime de la vérité. Sans cette référence aux faits nous sommes condamnés à demeurer dans le monde de la croyance. Mais ce bon sens largement partagé exigerait qu’on s’entende sur ce qu’est un fait. Si le fait est garant de la vérité, cela signifie que l’énonciation de la vérité est l’énonciation d’un fait. Vérité et fait semblent inséparables. Mais il peut s’en déduire que le fait n’existe pas indépendamment de l’énoncé qui le décrit : le fait serait donc une construction de la raison, le produit d’une opération de l’esprit.
Si cette dernière proposition est vraie, comment alors s’assurer que l’esprit ne délire point, que le fait n’est pas imaginaire et finalement sans rapport avec cette réalité que la pensée tente de saisir ? En un premier sens, un fait est ce qui est fait ! Le vrai et le fait (verum-factum) peuvent se mettre l’un pour l’autre. Qui donc connaît la vérité, qui se juxtapose à la réalité ? Nous ne connaissons véritablement que ce que nous avons fait nous-mêmes. Les mathématiques sont les produits de l’activité de l’esprit et c’est pourquoi nous connaissons en vérité, sans le moindre reste, les mathématiques. Nous pouvons connaître en vérité les sociétés humaines et leur droit, parce que nous les avons faits. Inversement, la nature que nous n’avons pas faite, nous-mêmes y compris, est nécessairement méconnue sans connaissance certaine. La vérité donc n’appartient pas à la chose, elle n’est pas déposée dans l’être, elle appartient à celui qui fait. En ce premier sens, la garantie de la vérité, c’est de l’avoir fait. Ainsi la vérité des sciences de la nature, c’est tout simplement d’être capable de produire le fait. Le chimiste qui produit par synthèse une molécule connaît la vérité au sujet de cette molécule.
Il y a ici quelque chose que l’on pourrait retrouver chez Hegel. La vérité ne saurait être une pure connaissance. Le vrai est l’effectif qui n’est pas simplement la réalité, mais la réalité qui se fait dans l’esprit, dans le travail de la pensée. Le vrai est la reconstruction du réel par la pensée. Dans une première phase la pensée procède à des abstractions et dans une deuxième phase ces abstractions permettent de reconstruire le réel comme un réel pensé, non plus comme quelque chose qui se donne immédiatement au sens, mais comme la synthèse de nombreuses déterminations. On pourrait donc dire que le vrai n’est que la puissance de production de l’esprit, la puissance de faire ce qui sous entend défaire… La vérité, proprement, ne requiert donc pas la référence aux faits, elle est le fait, en prenant ce mot dans son acception première qui renvoie à l’activité du sujet. Une telle pensée, à l’œuvre dans la Science nouvelle, s’oppose à la science ancienne qui cherche la vérité dans l’être, c’est la métaphysique aristotélicienne. Un fait est quelque chose qui se fait ou s’est fait. C’est quelque chose qui a été produit. Le fait s’est déposé dans l’épaisseur du réel, il est un mode fini de la substance, produit par l’enchevêtrement des causes et des effets.
Le réel est posé dans son effectivité concrète comme l’objectivité elle-même face à la subjectivité de la pensée qui le pense. Considéré ainsi, le fait n’est pas une “apparence sensible” derrière laquelle se cacherait le réel, il est le mode d’existence même de la réalité. Dans “Les Idées directrices pour une phénoménologie”, Husserl commence par élucider le concept du fait, la connaissance naturelle commençant avec l’expérience et demeurant dans les limites de l’expérience. Et toutes les sciences se placent dans cette attitude naturelle pour laquelle on peut poser l’équivalence de trois concepts, “être réel”, “être vrai” et “être dans le monde”. La réalité naturelle est originairement incluse dans notre génétique et il s’en déduit que le monde est la somme des objets d’une expérience possible et d’une connaissance possible par expérience. Toutes les sciences issues de l’expérience sont des sciences du fait. L’expression est précise, elle écarte toutes les définitions vagues, car dans l’expérience, les actes de connaissance fondamentaux posent la réalité sous forme individuelle, ce qui est nous l’est dans notre existence/réalité spatio-temporelle, alors que la même réalité considérée dans son essence pourrait être ailleurs…
Et même à un autre moment, car issue d’une pensée ou d’un souvenir… De ce point de vue l’être individuel est contingent et cette contingence est factice, car elle a un corrélat : la nécessité… Ce qui est contingent implique la possession d’une vaporisation intellectuelle qu’il s’agirait de saisir dans sa pureté, ce qui est entaché par nos rajouts de singularités empiriques. Il n’est pas de science qui ne parte de là et en ce sens, la référence aux faits est donc le point de départ nécessaire de notre connaissance du monde que nous vicions de par nous-mêmes. Approfondissons Le fait est à la fois ce qui est exprimé par une proposition et un certain état de choses. Dans le “Tractatus logico-philosophicus”, Wittgenstein commence par définir le fait : “Le monde est tout ce qui a lieu… Le monde est la totalité des faits, non des choses… Le monde est déterminé par les faits et par ceci qui sont tous les faits… Les faits dans l’espace logique sont le monde… Le monde se décompose en faits… Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance d’états de choses… L’état de choses est une connexion d’objets, d’entités, de choses... Il fait partie de l’essence d’une chose d’être l’élément constitutif d’un état de choses”…
La logique n’est pas une théorie mais une image qui reflète le monde que nous créons… La logique est donc transcendantale. Dans cette conception, les propositions sont des “images des faits” et la totalité des pensées vraies est l’image du monde… Wittgenstein renouvelle ici l’antique conception aristotélicienne qui veut que dire le vrai est dire ce qui est : ce que l’image figure est son sens. C’est dans l’accord ou le désaccord de son sens avec la réalité que consiste sa vérité ou sa fausseté. Pour reconnaître si l’image est vraie ou fausse, nous devons la comparer avec la réalité. Et si la proposition est une image logique, elle représente un état de choses. Ainsi, une proposition qui ne réfère pas à un fait (sachant qu’une image est aussi un fait) est une proposition dénuée de sens. On le voit sans la moindre ambiguïté : la référence aux faits est tout simplement le sens de la proposition et donc aucune vérité n’est possible sans cette référence aux faits. Allons plus loin si intellectuellement vous le pouvez (encore)… Dans la philosophie du Tractatus, les faits élémentaires sont des “faits atomiques” auxquels correspondent des “propositions atomiques”. Un “fait atomique” est un état élémentaire de la réalité.
Mais on est bien en peine de dire ce qu’est un “fait atomique”. Une “proposition atomique” est par contre assez simple à définir. La proposition “le chat est sur le tapis” est aussi atomique que “le Hot Rod rouge est dans un espace”, car on ne peut supprimer aucun des termes de cette proposition sans qu’elle ne devienne un énoncé privé de sens. Mais en quoi le fait que “le chat est sur le tapis” et que “le Hot Rouge est dans un espace” peuvent-ils être considérés comme des faits atomiques ? En rien car il n’y a rien d’élémentaire dans le fait que le chat est sur le tapis puisque le tapis est devant la cheminée et que le chat s’y met car il fait chaud, et ainsi de suite, que le Hot Rod est dans un espace puisqu’il ne peut circuler sans cesse… Autrement dit, le fait n’est élémentaire que parce que la proposition qui le décrit est atomique. C’est donc la proposition qui définit le fait comme élémentaire ou atomique, mais un autre ensemble de propositions pourraient bien ne plus faire apparaître ce qui est indiqué comme un fait atomique. L’idée de construire un langage qui permettrait de décrire de manière univoque les états de chose qui constituent le monde semble parfaitement chimérique.
C’est d’ailleurs pour cette raison que Wittgenstein a renoncé à l’atomisme logique du Tractatus… En vérité, les faits sont divers et ne prennent de sens qu’à partir d’une orientation de l’esprit. On parle parfois de faits bruts pour désigner les faits appréhendés directement, intuitivement, et non par l’entremise d’idées générales. Cela pourrait par exemple concerner tous les savoirs pratiques, techniques, découverts empiriquement par les artisans ou les paysans. Mais on peut se demander si de tels faits bruts existent, si les faits ne sont pas toujours en réalité des faits construits à partir d’idées générales et de schèmes interprétatifs sous-jacents. En science, il est clair que les faits bruts n’existent pas. Ce sont toujours des faits construits. Lorsque Galilée fit descendre sur un plan incliné des boules avec une pesanteur choisie par lui-même ou que Torricelli fit porter à l’air un poids qu’il avait d’avance pensé égal à celui d’une colonne d’eau à lui connue, ou que, plus tard, Stahl transforma des métaux en chaux et celle-ci à son tour en métal en y restituant certains éléments, alors ce fut une illumination pour tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n’aperçoit que ce qu’elle produit elle-même, d’après son projet…
Elle doit en effet prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements suivant des lois constantes, et forcer la nature à répondre à ses questions, au lieu de se laisser conduire par elle comme à la laisse ; car, autrement, des observations faites au hasard et sans aucun plan tracé d’avance ne se rassemblent pas en une loi nécessaire, ce que cherche pourtant la raison et dont elle a besoin. La connaissance, donc, est ainsi conçue comme production, comme activité pratique de l’esprit humain. Pour les Anciens, la connaissance était du domaine de la theoria, de la contemplation. Le vrai devait se montrer de lui-même comme le “non-voilé”. Ici au contraire, le vrai est construit, il n’est pas déjà là, il est un résultat, l’achèvement d’un projet. C’est une idée qui peut choquer notre sentiment spontané de la vérité. Une vérité construite, une connaissance qui n’est pas autre chose que ce qu’on avait présupposé et projeté, n’est-elle pas une connaissance factice, un artifice ? La connaissance n’est pas un produit de la fantaisie. Elle doit se projeter sur la réalité extérieure, elle doit structurer et rendre cohérentes nos sensations.
Kant nous dit qu’elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent les jugements suivant des lois constantes. Mais ceci n’est pas propre à la conception kantienne de la science. Bachelard le dit aussi : “l’instrument de mesure est déjà une théorie, une expérimentation est une théorie et de ce point de vue c’est la théorie qui produit le fait”. Ceci est encore plus vrai, si c’est possible, dans le domaine des sciences humaines. Quand il cherche à fonder la sociologie comme science, Durkheim commence par définir le fait social. Ce dernier caractérise un certain type de comportements des hommes en société qui présente une certaine généralité dans la société donnée, qui résulte de la contrainte et qui est indépendant du psychisme individuel. Il n’y a cependant pas accord entre les sociologues sur ce qu’est un fait social. Pour Max Weber l’objet de la sociologie ce sont les comportements par finalité à partir desquels peuvent se stabiliser des comportements communautaires. Quelle que soit l’orientation, on voit ici que le fait est d’abord une construction théorique. Si l’on sort du strict domaine de la connaissance scientifique, on aboutit aux mêmes conclusions.
Les faits sont toujours des faits sélectionnés, plus ou moins consciemment dans l’enchevêtrement de ce qui se donne à nous dans l’expérience immédiate. Il est impossible de raconter la vie de quelqu’un ne serait-ce que pendant une journée. Il faudrait décrire dans le détail ses moindres faits et gestes… et pour accomplir une telle tâche, une vie n’y suffirait pas. Tout récit procède à une sélection des faits, c’est-à-dire choisit une certaine description au détriment d’un très grand nombre d’autres théoriquement possibles. Un fait n’existe que s’il peut s’exprimer par un énoncé, plus ou moins complexe. Qu’est-ce qui garantit la vérité du fait d’observation (la description d’observation) ? La réponse de Popper est sans ambiguïté : rien ! La cohérence des faits nous donne seulement de bonnes raisons de croire que le fait est bien ce que l’on en dit. Jusqu’à ce qu’un nouveau fait nous oblige à remanier notre intrigue. Autrement dit, il est impossible que soutenir que la référence aux faits garantit la vérité. Ce sont les faits qui ont besoin d’être garantis et il semble qu’ils ne peuvent l’être que par la raison. On pourrait être conduit, parvenu à ce point, à une certaine forme de scepticisme.
Le fait en tant qu’énoncé prétendant décrire le réel ne serait qu’une interprétation, au sens strict du terme tel que Boèce le définit : “Est interprétation toute énoncé qui signifie quelque chose par lui-même”… Nietzsche s’en prend lui à “l’idolâtrie des faits” et affirme même qu’il n’y a pas de faits mais seulement des interprétations… Il pourrait également sembler que l’on puisse avoir raison contre les faits ! L’histoire des grandes révolutions scientifiques l’atteste. Que la chaleur soit une substance particulière nommée “phlogistique”, associée au feu, cela semblait un fait incontestable. C’est précisément contre ce fait que Lavoisier a reconstruit la chimie moderne… À l’extrême limite, il semble que n’importe quel fait puisse être inséré dans un discours relativement cohérent rendant compte à sa manière de ce qui nous apparaît. Il est toujours possible de sauver les apparences. Inversement, nous savons que les nouvelles théories scientifiques ne sont pas toujours compatibles avec les faits et qu’elles doivent d’abord se soutenir d’hypothèses ad hoc (lire Paul Fayerabend, Contre la méthode). Bref que la référence aux faits ne soit ni suffisante ni même nécessaire comme garantie de la vérité, voilà où nous semblons arriver.
Les faits cependant sont inéliminables tant que l’on pense qu’il y a un sens à rechercher la vérité. Nous ne voyons souvent les faits que comme le point de départ concret qui conduit à une vérité générale, un point de départ que finalement on pourrait oublier, l’important étant la vérité générale. Mais il n’en va pas ainsi. Une bonne théorie n’est pas une théorie qui rend compte des faits observés, mais bien plutôt une théorie qui prévoit l’apparition de nouveaux faits. La théorie de Le Verrier expliquant les anomalies de l’orbite d’Uranus par l’existence d’une planète inconnue permettait de prévoir la position de cette planète ce qu’a confirmé l’observation quelques mois après que Le Verrier eût proposé son hypothétique planète. Si on s’en tient à l’attitude contemplative, rien ne permet jamais de garantir que les faits sont bien ceux que l’on dit et aucune vérité ne pourrait jamais être confirmée ! Et pourtant, comme le dirait Spinoza, nous avons des idées vraies. C’est qu’il faut comprendre la recherche de la vérité comme une interaction entre le sujet connaissant et l’objet de connaissance, une interaction comme celle dont Kant parle à propos de Galilée.
Les faits ne sont donc plus simplement des objets d’expérience, des faits d’observation, mais des produits de l’activité de l’expérimentateur. Le fait n’est le garant de la vérité de nos pensées que parce qu’il est un fait produit. Évidemment, ce n’est pas Le Verrier qui a produit la planète Neptune ! Mais c’est la théorie de Le Verrier qui a produit le fait “observation de la planète Neptune à telle position tel jour”... Cela ne serait-il vrai que des vérités scientifiques ? Nullement. Nous ne pouvons évidemment pas nier que le monde extérieur à notre conscience existe : le nier est la plus grande honte de l’esprit humain, (dixit Diderot). Mais ce que nous connaissons du monde, ce n’est pas la réalité elle-même mais la manière dont nous nous y rapportons. Nos idées sont toujours le produit de cette interaction entre le sujet humain et son environnement. Si j’affirme que “Le hot Rod est dans un espace” ou que “Le chat est sur le tapis”, c’est parce que je me rapporte à un certain moment à mon environnement dont j’explore toutes les possibilités. Tous nos concepts sont le résultat de l’activité de synthèse opérée par l’entendement (ici les concepts de chat et de tapis, de Hot Rod et d’espace, par exemple)…
Mais cette activité a pour présupposition et pour garantie ultime ce rapport entre moi et le monde, rapport qui fait exister le fait comme tel… Quelles conclusions peut-on formuler ? On pourrait dire que la vérité n’est toujours que l’accord de la raison avec elle-même par la médiation nécessaire de l’expérience des faits, cette expérience qui se présente toujours comme un donné et non comme une pure activité de la pensée : le fait serait ainsi le moment extra-logique du processus logique de la recherche de la vérité. Mais nous pouvons dire aussi, et ce ne serait qu’une manière de dire la même chose, que le fait est toujours ce qui est effectué par la raison et ainsi la référence au fait, comprise dans sa dimension de déploiement de l’activité de l’esprit, est-elle bien la garantie ultime de la vérité, c’est-à-dire de l’effectivité de la pensée, tant est-il que la tâche soit bien de penser le réel (dixit Hegel).
J’en reviens donc au Hot Rod rouge stationné dans un espace, parking ou autre, qu’importe… Il s’agit de prendre référence et acte que ce Hot Rod dont les deux photos le présentant sur un espace, s’il est effectivement sur cet espace et que la qualité des dites photos démontre qu’elles ne datent pas de 1949…
Mais plus vraisemblablement de “maintenant” en juin 2024, peuvent attester que ce Hot Rod est un Modèle B’32 Ford datant de 1932 mais transformé en Hot Rod en 1949… Rien… Il faut le croire ? Rien n’oblige à croire à quoi que ce soit… Donc on fait référence à Tom Morris qui serait le créateur de la transformation de la “vieille bagnole” qui l’aurait transformé en Hot Rod en 1949… Il y a comme un vide abyssal, là, d’un coup… Doté d’un esprit d’ingénieur vif, Tom Morris pouvait faire à peu près n’importe quoi. C’est du moins ce que l’on dit sans apporter de preuves… On entre dans dans une forme de religiosité en lisant et en croyant de facto que tout au long de sa vie, il a abordé tout ce qui l’intéressait avec une passion dévorante, qu’il s’agisse de motos, d’autos et d’horloges ou de musique britanniques. “Nous avions l’habitude d’appeler Tom ‘l’homme de la Renaissance’. Il couvrait le spectre. Il pouvait écrire un livre. Construire une horloge. Faire fonctionner une fraiseuse. Il savait plein de choses, y compris, comment concevoir, lancer et construire un pont arrière quick-change qui est toujours sous ce Hot Rod”... C’est le témoignage d’un ami… Celui dont on cause est décédé…
Rien ne vient confirmer ni infirmer, alors que la situation présente, tend à nous faire tout accepter sans preuve… Mais soudain, le Hot Rod B’32 Ford devient un Hot Rod Roadster modèle A de 1929… “Plus vous regardez, plus vous voyez”, nous a dit David Stoker alors que nous en faisions le tour. Donc pas de confirmation dans ce qui aurait du être une précision anecdotique… Qui dit cela ? Bill Grant, David et son père, Terry, qui dirigent Stoker’s Hot Rod Factory à Upland, en Californie, qui étaient des amis de Tom. Juste avant son décès en 2011, Tom aurait demandé aux gens pré-cités de chez Stoker’s Hot Rod Factory de remettre le vieux Hot Rod Roadster en état et marche, afin que sa famille puisse le conduire après son décès… Ces gens causent avec plus de raison : “Tom a construit la voiture en 1949, l’a pilotée sur les lacs asséchés, l’a emmenée à Bonneville, mais l’a ensuite garée vers 1956 ou 1957”, dit Bill Grant. “Tom est resté intéressé par les hot rods et est allé avec moi au L.A. Roadsters Show à chaque fête des pères pendant 40 ans”... Mais son roadster est resté garé… Ainsi, aujourd’hui, ce modèle A qui n’est donc pas un B, est un témoignage de l’ingéniosité d’un jeune Hot Rodder talentueux d’après-guerre
Mais simultanément c’est aussi une capsule temporelle, essentiellement inchangée depuis quelque 60 ans. On aime à y croire sans se poser de questions qui fatiguent… Notez que je m’en moque puisqu’il n’est pas ici question de débattre de la réelle propriété de ce Hot Rod… En fait je vous ai positionné comme je le suis avant d’écrire un article et que je cherche à démêler le vrai du faux tout en ayant le but de créer une histoire enthousiasmante… Et vous rendre enthousiaste devant des photos d’un Hot Rod alors que vous consultez simultanément la grille des programmes TV de ce soir et qu’en sus, les Hot Rods vous semblent bof car la législation européenne ne favorise pas l’immatriculation de ces types de véhicules ouvertement modifiés par divers joyeux artistes… L’histoire serait qu’après avoir obtenu leur diplôme d’études secondaires, Tom et un ami ont quitté leur ville natale de Madison, dans le Wisconsin, à cheval sur deux motos Triumph… “Ils sont allés jusqu’à Oklahoma City avant que la moto de son copain ne casse et qu’il n’ait plus d’argent”, raconte Bill. “L’ami a choisi de rester en Oklahoma, mais Tom a continué jusqu’en Californie, ce qu’il considérait comme le foyer des Hot Rods”…
Soudain, avec ce témoignage, tout devient clair et limpide : “Tom a atterri à Pomona et a obtenu un emploi dans un atelier d’usinage d’une société appelée Kilgore Industries. Il était opérateur de perceuse à colonne, un apprenti au début, mais Tom était assez talentueux, et il a fait son chemin vers un assez bon emploi chez Kilgore. Il a dû faire bonne impression auprès du propriétaire, car Tom a fini par vivre dans une pièce supplémentaire de la maison Kilgore. Le fils de M. Kilgore, prénommé Bud, était aussi un incroyable Hot Rodder. Le garage de Kilgore est devenu le lieu de rencontre des gars de voitures locaux. C’est là que l’action se déroulait. Tom était super innovant. Il avait tellement d’idées. Nous traînions autour de lui juste pour l’écouter. Nous pensions que c’était un gars lointain, mais il avait raison et avait des années-lumière d’avance sur ce qui se passait”… Tout redevient évangile, alors même qu’aucune preuve ne sait être apportée… Mais on a quitté la réalité pour pénétrer dans une histoire, faute de quoi il n’y aurait plus personne qui continuerait la lecture… “Tom avait quatre ans de plus que Bill. Il était ici en 1948, quand j’étais encore au lycée. Bud avait un an d’avance sur moi. Mais à l’époque, si vous étiez un Hot Rodder, l’âge n’était pas aussi important que ce que vous conduisiez”.
Le système de castes du lycée de l’époque stipulait en effet que vous n’étiez rien jusqu’à ce que vous soyez en dernière année, mais cela ne prévalait pas parmi les Hot Rodders. Pomona n’avait pas de club de roadster à l’époque, alors Tom et un ami, Jack Clifford, sont devenus membres du club automobile Velociteers de Pasadena et étaient leurs représentants locaux dans la région de Pomona… “Bill suivait les autres gars de Pomona lorsque Tom et Jack organisaient des rencontres Russetta à El Mirage. Nous voulions être là quand il courait à 100mph. Les habitants avaient une façon de décrire le travail manuel sur les Hot Rods de Tom et Bud ; C’était construit par Tom ou construit par Bud. S’il avait été construit par Tom, vous ne le trouveriez nulle part ailleurs”… Les photos de la famille de Tom montrent les débuts du roadster : un châssis en construction et une carrosserie nue remorquée derrière le coupé Modèle A Flathead de Tom. Comme le roadster lui-même, l’histoire derrière sa construction survit dans les années 1950, via un article de magazine que Tom a écrit en 1953. Tom a construit la voiture sur un châssis de ’29. Tom a couru à El Mirage de 1949 à 1952, et il a emmené la voiture à Bonneville en 1953.
Les balises de chronométrage Russetta indiquent des vitesses allant de 100 à 113 mph, et à Bonneville, sa vitesse la plus rapide était de 110. Bill dit que Tom a également fait une course de dragster sur le roadster. “Tom est devenu une référence pour les jeunes de la ville pour qu’ils aillent à la piste d’accélération dragster de la Pomona Valley Timing Association le dimanche, pour faire tomber toute la merde illégale sur l’autoroute”... Tom Morris a mis son roadster dans son garage au milieu des années 1950 et l’a laissé là. Il l’a juste garé. Il est resté comme ça jusqu’après son décès… Il a commencé à collectionner les guitares. Il bricolait ses motos. Il jouait de la guitare basse dans un groupe musical pour des mariages et autres. Et il avait son Hot Rod 29 dans le garage. Mais se contentait d’aller le regarder de temps en temps. “Que de temps en temps, il sortait et le regardait, et je sortais avec lui et je lui demandais Quand allons-nous le remettre en marche ?… et il répondait “Un de ces jours”… En 2008, Tom, Bill et les Stokers ont mis le roadster sur une remorque et l’ont emmené à la Pasadena Reliability Run, où Tom a renoué avec les membres des Velociteers. La voiture a été un succès, mais Tom n’a pas semblé saisir la signification de son Hot Rod historique…
Le Hot Rod est retourné dans le garage. Ce n’est que lorsque Tom a demandé aux Stokers de la remettre en marche alors qu’il gisait sur son lit de mort que la voiture est finalement réapparue… “Terry et David ont effectué une remise à neuf. Coker Tyres a fourni des pneus Firestone pour remplacer les pneus d’origine, car des morceaux de pneus se détachaient lorsqu’on poussait le Hot Rod”, m’a expliqué Terry qui a reconstruit les carburateurs en nettoyant leurs passages internes, en prenant soin de ne pas perturber leur patine externe. Speedway Motors a fourni un maître-cylindre de frein, des cylindres de roue et des tuyaux pour faire fonctionner les freins ; Bill McGrath du magasin Early Ford a fourni des mâchoires de frein… Au moment d’immortaliser le Hot Rod : “Le moteur démarre, il va tourner” m’a dit Terry, “mais il est fatigué”... Nous avons choisi de pousser le roadster pour les photos. Les Stoker sont des gardiens actifs de la voiture, ils la montrent chaque fois que possible. Ils veulent que les gens la voient, l’apprécient pour sa valeur historique et aient une idée de qui était Tom Morris et de tous les trucs qu’il y a mis en place. De même, Bill Grant est “heureux de répandre la bonne parole, la bonne nouvelle” à propos de son vieil ami…
Tom était un pionnier du Hot Rodding. Il a incroyablement amélioré la vie de ses amis dans sa façon d’influencer les gars autour de lui… Voilà, vous remarquez que dans coup, dans la narration, tout est devenu plus vrai que vrai, je ne suis donc pas encore complètement gaga et sait encore et toujours écrire de bonnes histoires… Celle-ci est terminée, la note finale est triste, strictement rien ne laisse comprendre pourquoi un tel abandon de ce Hot Rod qui lui prenait sa vie ?