Ford’33 Hi Punkie HotRoadster
Comme ce Hot Rod bien “coloré” frappe les fondements de mon imaginaire, je me retrouve à l’éternelle bifurcation qui, d’un coté ne mène à rien en passant par la description chirurgicale d’une auto-psy calamiteuse (comme toutes les autopsies judiciaires médicalo-légistes), ou d’un autre coté, à une mélancolie qui implique d’entrée de jeu d’un rapport malheureux qu’entretient un sujet déterminé où déterminable, avec l’espace qu’il habite. C’est que tout vrai mélancolique entre en relation avec le monde sur le mode de l’inconfort ou du vertige, appréhendant les lieux au sein desquels les objets et les signes s’organisent non sans peine, en saisissant surtout le caractère inhérent de la perte qui s’y dissimule.
L’épistémologie même de la mélancolie, au sein des arts, prend notamment sa source dans les nombreuses études de la célèbre iconographie d’Albrech Dürer intitulée “Melancholia”, produite en 1514… On y perçoit l’infinie tristesse d’un ange aux traits humanisés, accoudé dans une sorte de fatigue nonchalante, qui constate sombrement le désordre dans le monde devant lui, un monde devenu totalement incompréhensible par sa démesure et dont la cohérence générale lui échappe désormais. Là se rencontrent les figurations de l’hétéroclite, de la disparité et de l’aléatoire, qui traverseront l’histoire des formes artistiques influencées par de telles humeurs saturniennes. Si le programme vous plait, merci de verser un DON financier pour que je puisse assouvir mes besoins.
La mélancolie s’avère à ce titre ci-avant défini et brièvement décrit, un thème majeur de l’art… On le sait (quoique pour vous mes Popu’s, je doute) depuis l’Antiquité avec la théorie de la bile noire définie par Aristote, en passant par la diabolisation de cette forme de tristesse accablante au Moyen-Âge, jusqu’aux souffrances extatiques des Romantiques du XIX siècle, atteints de cette maladie de l’âme dont on ne guérit jamais. Plus encore, le mélancolique, selon les cliniciens, manifeste son état psychique dans la difficulté qu’il éprouve à maîtriser l’univers des objets qui l’environnent. Une partie de son angoisse résulte de l’incapacité où il se trouve de réaliser avec un succès total cette aspiration obsessionnelle.
L’iconologie traditionnelle, à commencer par la fameuse gravure de Dürer, montre souvent, dispersés en désordre autour du “Typus Melancholicus”, des outils dont il ne veut ni ne peut se servir, des livres qui lui sont devenus lettres mortes, des objets qui ne lui sont plus rien. Le désordre atteste le retrait de la force vitale organisatrice… Diantre, j’y vais fort, là, non ? De la nostalgie au spleen moderne, puis à la dépression contemporaine, il n’y aurait que quelques pas ou presque. Or, on ne saurait ignorer la réactualisation de la mélancolie au sein d’un imaginaire contemporain imprégné par le désenchantement, par la lucidité et par une inquiétude liée à un constant sentiment de la proche fin, par ailleurs inéluctable.
Plusieurs travaux majeurs se penchent actuellement sur les modalités de l’après (la fin des temps, des utopies, des métadiscours) ainsi que sur les fumeuses esthétiques post-historiques déroutantes ou encore des post-humanités amélioratives. On remarque d’autant plus une conscience accrue de la précarité du monde, accompagnée par diverses figures du deuil, souvent à la jonction d’une catastrophe mondiale (une société risque de disparaître) et d’un désastre qui vous est personnel, s’exprimant d’un point de vue subjectif. Que ce soit en représentant la mort d’un proche ou la dislocation des liens affectifs à l’ère des technologies, la peur de l’anéantissement de la planète ou de l’humanité, est un horizon de finitude qui semble omniprésent dans de nombreuses œuvres…
Et ce depuis le tournant du XXI siècle. Ce malaise s’exprime notamment au regard des représentations paysagères, alors que les décors postindustriels côtoient les images merdiatiques d’un monde qui se désagrège alors que les figurations d’espaces ruinés se multiplient. La perspective pré-apocalyptique devient le cadrage par lequel nous construisons nos relations avec un monde fragilisé, en voie de disparition, mais en y incorporant un objet marquant, tel ce Hot Rod multicolore et cela à l’échelle non plus d’une banlieue nord-américaine ordinaire et sans éclat, hantée par des décors postindustriels d’où il est issu, mais façon Punky… Chaque lieu représenté symboliquement, ouvre une sorte de double fond qui dévoile son autodestruction proche…
Dans ce récit, dans cette chronique, dans cet article, en écrire le résumé en quelques lignes c’est nier la création et la créativité… Les journaleux pigistes payés des clopinettes à des mendiants survivants au désastre de la presse papier en cause de sa “merdiaticité” ne peuvent qu’en deviner diverses élucubrations héritées de crevards putrides. Il ne peuvent qu’en écrire du remplissage tel que : “Ce Hot-Roadster-highboy de style Ford a été construit sous une carrosserie en fibre de verre Rat’s Glass finie en violet et noir bicolore montée sur un châssis Roadster Shop. La puissance provient d’un V8 Chevrolet 305ci associé à une transmission automatique à trois vitesses et les caractéristiques supplémentaires comprennent un arrière Ford de 9 pouces, et un toit rigide de style Carson”… NUL !!!
C’est typique du “pathétisme des péripatétiputes” en quête de quoi subvenir à leur fin (à leur faim c’est pire)… Va suivre un ensemble de circonvolutions textuelles compulsives destinées à obtenir un certain nombre de lignes de texte, avec des termes pompés dans un catalogue de produits de supermarchés : “La bête comporte une quincaillerie de portes rasées, une sellerie en tweed gris et des compteurs Classic Instruments. Acquis en décembre 2021 par un habitant de l’Illinois, ce hot rod highboy est désormais proposé en Alabama avec sa carrosserie en fibre de verre sans ailes provenant de Rat’s Glass et est finie dans une palette de couleurs violette et noire accentuée par des graphiques personnalisés est montée sur un châssis provenant de Roadster Shop”…
De cette manière, on peut en faire des kilomètres de lignes : “Les caractéristiques supplémentaires comprennent un nez et une calandre en acier Dan Fink, une quincaillerie de porte et de coffre rasée, un rétroviseur latéral gauche et un toit rigide amovible de style Carson. Les roues Halibrand de largeur décalée sont dotées de faux enjoliveurs centraux contrefaits et sont montées avec des pneus Michelin XZX à l’avant et des pneus BFGoodrich Radial T/A à l’arrière. La puissance de freinage est fournie par des disques ventilés à l’avant et des tambours à l’arrière, et la voiture est équipée d’un essieu avant abaissé et de combinés filetés réglables à l’arrière. Un V8 Chevrolet 305ci a été installé lors de la construction et est équipé d’un seul carburateur surmonté d’un filtre à air, et de cache-soupapse à ailettes”…
Qui aura l’idée saugrenue d’ajouter qu’il y a également des tuyaux de liquide de refroidissement nervurés et que les collecteurs d’échappement tubulaires sont reliés à un système d’échappement double équipé de silencieux Pro-Flo… Assurément c’est de la haute littérature de remplissage payée en adéquation aux nombre de signes (de lettres alphabétiques)… Les adolescents qui entrent progressivement dans la vie adulte en réalisant les périls qui menacent la planète, convaincus que la fin du monde approche en cause des rumeurs d’apocalypse, ne lisent plus cela comme dans les Sixties, Seventies et Eighties, c’est mort… La presse qui débitait ces conneries s’est écroulée, quoique divers journaleux se sont reconvertis en Tuning et autres, avant que cela ne chute aussi…
Les d’jeunes actuels se foutent de tout quoiqu’ils s’inquiètent de l’avenir incertain, par la perte de l’enfance et la folie des adultes. Ils voient que le monde des bisounours est gangrené par la précarité. Son énonciation est teintée d’une mélancolie en mode mineur qui n’exclut pas l’humour ou une forme d’ironie douce-amère saupoudrée d’un soupçon nostalgique qui réinterroge la concrétude de notre rapport au monde en cette ère du numérique et des fumeuses technologies, abordant à leur manière cette inquiétude en explorant une conscience intime de la finalité, tirant profit de l’énergie ludique de la digression et du potentiel imaginaire de cette posture mélancolique. En fait ce que veulent les jeunes, c’est baiser et boire des bières en matant du foot… Pas plus…
Ils sont visionnaires d’un passé qui approche dans une densification sémiotique et une tendance à la distension du temps lorsque l’imaginaire d’une œuvre a pour horizon ce qu’il définit comme une apocalypse intime… Les projections demeurent pour leur part en constant décalage, la fiction opérant un jeu de dérives et d’esquives de la fin présumée. Arghhhhhhhhhhhhh ! Que de folies… J’en fatigue… C’est pourquoi je m’ingénie à publier des photos plus créatives, déroutantes, qui sont en elles-mêmes des histoires dans la narration de base, qui peut s’avérer pompeuse donc chiante, tandis qu’avec du déjanté réinitialisant l’article il en devient étrange et décalé ce qui me semble être l’ABC du Hot Rodding…