HotCopperRod /81.900 $
Assis recroquevillé en position grenouille je regarde les compteurs, zieute la prairie qui semble infinie, enregistre mentalement les distances, tandis que le Hot Rod ronronne au ralenti. Quelqu’un crie quelque chose d’incompréhensible. Je lève les yeux, il est temps pour moi d’y aller. J’appuie sur l’accélérateur et le V8 envoie une salve de puissance dans le ciel ensoleillé. Mais le Hot Rod ne bouge pas d’un pouce. La voiture n’est pas en prise…
Première vitesse, un autre coup de pédale… Le Hot Rod ne bouge toujours pas… Cette fois, c’est le frein de stationnement. Je relâche le frein, repasse au point mort et fait signe au trois ploucs qui regardent. Je ne peux pas m’empêcher de rire. C’est quelque chose qui me distingue de beaucoup d’autres protagonistes du cirque des essais de Hot Rods, qui auraient géré la situation avec beaucoup moins d’humour.
Soudain, les choses bougent, un tracteur arrive et passe devant le Hot Rod. C’est vraiment pas le moment. “Range ton téléphone portable” me dit le proprio du Hot Rod alors qu’une jolie jeune femme, presque nue, s’approche de la voiture : “Elle est vraiment sympa, mais tu n’as pas le droit de la filmer, c’est ma voisine”… “Et juste après l’essai ?”… Le proprio sourit simplement. Le résultat est une vidéo de téléphone portable la plus tremblantes jamais réalisée.
Je m’interroge sur l’impact qu’aura cet essai face au risque de dérive sexuelle. Le proprio donne le signal de départ. Je mets les gaz. Le Hot Rod répond par un magnifique burn-out dans l’herbe tandis qu’un énorme nuage de fumée apparait derrière, dans l’étroite allée d’arbres, un peu comme ces maniaques qui filent à toute allure pendant un Rallye. Moins de six secondes plus tard, le plaisir est terminé. Il faut attendre encore.
Quand on est dans un Hot Rod, on comprend les risques qu’on prend. Même quand on est éditeur comme moi, plus on a réalisé d’essais, moins on pense aux risques. J’en ai fait assez pour savoir à quel point ça peut tourner crétin avec des cons. J’ai vu comment les choses ont changé et à quel point le niveau de sécurité est toujours nul quelle que soit l’époque. Je me récapitule donc le positif en tête…
Non seulement ce Hot Rod est bien construit avec de nombreuses nouvelles pièces, mais il présente de superbes finitions en cuivre fabriquées à la main. À commencer par la calandre type 1930 entièrement personnalisée par le maître graveur Tay Herrera….Le moteur V8 est un Ford Flathead avec une admission Edelbrock, des carburateurs stromberg, et une transmission GM T5 (5 vitesses) avec embrayage hydraulique.
L’intérieur est entièrement en cuir avec des sièges Rumble rembourré en cuir. Les jantes à rayons sont des BS Wheelsmith 16×6 AV et 17×7 AR montés avec des pneus nervurés Firestone 500-16 AV et 820-17 AR. J’ai re-débuté l’essai avec les deux mains sur le volant après avoir engagé la première vitesse et relâché l’embrayage (le point de démarrage est un peu difficile à discerner) en écoutant le hurlement du V8 en accélération…
Le régime a atteint rapidement 2.000, 3.000, 4.000 tr/min développant 250cv en rupture en passant les autres rapports de vitesse et le propriétaire assis sur le siège passager, agrippant nerveusement son siège m’a demandé de ne pas en faire trop : “Nous venons de réviser le moteur et il n’y a pas de pièces de rechange”... Oui, il faut respecter l’âge de la voiture, alors j’ai passé les rapports suivants en douceur avant de freiner à la fin de la prairie…
J’ai mis le Hot Rod en toupie… 1, 2, 3, 4 toupies à 180 degrés. Un rétrogradage rapide et un coup d’accélérateur au plancher, et il y avait suffisamment de puissance pour repartir dans l’autre sens, l’arrière rebondissant doucement, puis le plaisir a recommencé : accélérer, écouter le bruit engendré, changer de vitesse et me laisser griser par une autre toupie en presque fin de prairie. Encore et encore et encore.
Pas de quoi révolutionner le monde des voitures de sport et même des Hot Rod’s avec cet engin assez primitif et grégaire (du latin gregarius, qui signifie “troupeau”) qui n’a jamais été conçu comme autre chose qu’une expérimentation visionnaire d’un passé inexistant qui cherche à repousser d’impossibles limites, mais qui ronronne si merveilleusement, si fort et si clair que s’en est tout bonheur… 81.900 $ tout de même…